Obédience : NC | Loge : Stella Albanens | 2012 |
L’initiation maçonnique de l'Utopie à la Cohérence Cette confrontation me tarabuste depuis quelques temps, je cherche des réponses à ce double problème, en effet suis je en capacité de bien gérer l'Utopie Maçonnique ; et dans le même temps être individuellement impliqué dans l'amélioration morale et matérielle de la société de façon concrète et cohérente ? L'utopie est la construction imaginaire et rigoureuse d'un monde qui aux yeux de celui qui l'entrevoit constitue un idéal absolu, en fait un projet irréalisable sorti tout droit d'une imagination fertile... La puissance du rêve utopiste a porte avec force des courants très divers, et notamment notre ordre. L'Utopiste incompris s'est vu régulièrement affublé du nom de « doux rêveur » et parfois il se retire dans sa coquille honteuse d'avoir véhicule des chimères. Dans la « République » Platon à imaginer un monde meilleur, les chrétiens eux l'espèrent au Paradis. C'est au XVIème siècle, que Thomas More à inventé le mot Utopie, en baptisant de ce nom l'île nouvelle abritant ce gouvernement idéal...en fait l'origine grecque du mot signifie « sans lieu » ou aussi « lieu inexistant »... Dans son ouvrage Thomas More, les Utopiens sont dépeints comme des hommes avec les défauts et les qualités de leur finitude, c'est une Utopie raisonnable, une fiction réaliste, qui prend sa source sur la conviction profonde de la perfectibilité humaine. Nous arrivons donc à l'Utopie Maçonnique, nous ne sommes pas concernés par le projet irréalisable, mais nous savons tous que nous ne pourrons pas non plus parvenir à la construction d'une société constituant un idéal absolu, c'est donc entre l'Utopie et la Cohérence que nous devons voyager. Notre objectif du moins celui de l'initiation semble consister à élargir le domaine du possible et d'abord l'explorer en silence durant notre apprentissage, a bien prendre nos distances par rapport au présent, a le relativiser et à imaginer ce qui pourrait être ; nous taire, écouter ; ensuite viendra le moment ou l'on pourra critiquer intelligemment l'ordre existant de manière a réformer lorsque c'est nécessaire. Il faut alors faire une relative abstraction des réalités du moment qui peuvent paraître insurmontables. Toute Utopie est issue d'une synthèse de rationnel et d'onirique. Il n'est pas utile que l'Utopie aboutisse complètement pour provoquer des effets car toute Utopie assez forte possède la puissance d'irradier la réalité. Si Utopie et cohérence voir réalisme s'excluent mutuellement il n'y a pourtant d'utopie efficace que réaliste et de cohérence raisonnable qu'utopique. Bien plus que toutes les autres utopies, l'utopie maçonnique par le biais du symbolisme, porte en elle même une grande part d'impossible et une part très difficilement appréciable au départ de possible. La limite entre Utopie et cohérence peut être déplacée par la seule volonté des initiés que nous sommes devenus grâce aux rituels et aux symboles nous prenons conscience avec notre travail assidu nous pourrons affronter et éroder, tenues après tenues ; degrés après degrés la part perçue comme impossible... On peut distinguer deux formes assez courantes d'utopie ; une que l'on appellera la « bonne » c'est celle qui veut construire une société avec plus de fraternité de liberté d'égalité, qui fait que les membres de cette société accèdent plus aisément au bonheur...un peu notre conception de la société idéale. La mauvaise Utopie, terreau des sectes et gourous de toutes sortes, prévoit l'élimination radicale et définitive des conflits, et de la douleur, elle entrevoit une réalisation parfaite, on sait tous que celle la est irréalisable car elle veut changer des choses sur lesquelles l'être humain n'a pas de prise directe, elle ne mérite pas notre attention. Un Utopiste, en différence avec un idéologue qui lui légitime le pouvoir établi, suggère et entrevoit d’autres formes d'autorité, d'autres modes de fonctionnement et bien sur d'autre monde possible. Dans son Utopie contrôlée la Franc Maçonnerie se ménage des trouées de lumière dans le confinement des préjugés humains en prenant garde de ne pas sombrer dans une sorte de terrorisme de l'altérité qui nous mènerait à croire que le possible prime toujours le réel...que le cohérent est d'évidence une valeur en soi sur laquelle les contraintes du présent n'ont pas de prise. En revanche la pensée maçonnique ne nous condamne pas une triste attente de ce qui ne viendra pas. Par notre rituel nous sommes au cœur du présent au cœur de la vie ; l'utopie générée par nos travaux n'est pas à réaliser mais au contraire ; avec la cohérence de nos réflexions et de nos actes les éléments même de toute notre réalisation. En conséquence l'œuvre à accomplir est immense et le chantier colossal, et le travail qui nous attend l'est encore d'avantage… C'est donc légitimement que je pose la question qui s'insinue régulièrement dans nos échanges. Cette question qui reste tapie au tréfonds de notre conscience et de nos esprits de Francs-Maçons ; avons nous le désir, les moyens, la volonté, le courage de mener a bien cette tâche ? Sommes nous figés par ce règne de l'Urgence de la non communication dans la gangue d'un monde profondément matérialiste et individualiste ; dont nous serions les premières victimes inconscientes ? Un monde où tout s'accélère où toute réflexion devient obsolète, et condamnée irrémédiablement aux oubliettes de notre cheminement maçonnique ? Avons nous assez d'idéal maçonnique en nous pour générer cette capacité de révolte pouvant nous conduire a la perception puis ensuite au refus de l'inacceptable tout en générant l'Utopie, ces ingrédients constituent des moteurs indispensables au changement de la société... Avons nous autre chose à proposer que les discours officiels, les déballages de décors, les obséquiosités des uns et des autres, les ambitions personnelles, les cérémonies pompeuses, proposons comme l'on fait nos prédécesseurs les choses concrètes de notre objectif chargé d'utopie, qui nous est assigné par l'article un de notre constitution et dont nous devrions être en permanence imprégnés. Dans l'affirmative par quels cheminements concrets pouvons nous faire en sorte tous ensemble, que nos idées ne deviennent pas des poncifs dérisoires, terribles symboles de notre incapacité à changer le monde ? Voulons-nous occuper le trou du souffleur où être sur la scène ? Cela dit le souffleur est le gardien de la mémoire. Pour nous guider il y a le symbolisme, ciment qui nous lie, et nous différencie par l'initiation du monde profane. Prenons du sable du ciment de la pierre et de l'eau, si rien n'intervient ces quatre éléments resteraient dans l'état, mais si l'on fait intervenir la force, le travail, la cohérence et l'utopie cela peut devenir une cathédrale majestueuse ou tout autre lieu sacré, ou simplement une maison… Cela renvoie le symbolisme à la réalité mais l'utopie créatrice à long terme aura la première place dans notre univers dont on ne peut se contenter sachant qu'une majorité d'être humains ne satisfait pas ses besoins élémentaires... La pensée utopique est un élément essentiel à l'amélioration de la condition humaine, c'est pour cela que nous pouvons et que nous devons nous francs-maçons nous considérer et nous comporter comme des utopistes cohérents...aujourd’hui plus encore que hier... Les préoccupations journalières sans cesse liées a la survie nous font oublier que jadis les hommes pariaient sur l'avenir et ou ce seul mot évoquait un poème a lui seul. Même si seul dans notre coin, nous pouvons être en contact avec la planète entière cette idéologie du présent semble rendre obsolètes les leçons du passé, c'est sur ce terreau du désespoir que surgissent et se déploient des utopies de secours. La raison et la science, le progrès semblent avoir perdu leurs attraits traditionnels et suscitent souvent une véritable défiance, cette période que nous vivons peut être perçue comme celle de la liquidation des utopies. J'ai l'audace de croire que le découragement total sied mal aux hommes et surtout aux francs-maçons, en particulier. La fin des utopies ne signifie en rien la terminaison des visées utopistes et nous devons faire renaitre systématiquement l'espérance surtout là ou l'attend le moins... Si la capacité de révolte est sans cesse animée dans ce monde, écrasé par le rouleau compresseur des vanités, du vouloir toujours plus posséder, elle couve néanmoins comme un feu sous la cendre, dans le cœur des Francs-Maçons le désir d'utopie qui nous tenaille nous conduit à supporter avec difficulté que le reste du monde reste ce qu'il est et refuse de composer avec ses imperfections. Tant pis si l'histoire de l'homme est remplie de promesses non tenues, il vaut mieux tenter d'imaginer le futur que le subir passivement... Pour parler de la cohérence et du concret de l'œuvre maçonnique, je serais très simple sans grandes phrases d'auteur ; ni référence littéraire d'aucune sorte. Etre cohérent avec la voie initiatique que nous avons choisi un soir, et fort de ses enseignements et de ses outils et de son rituel, c'est de ne pas nous croire supérieur aux autres. Ne pas vivre en marge de la société se déconnecter d'elle mais bien au contraire, connaître ses problèmes, s'y pencher les étudier avec d'autres frères et même des profanes capables d'aider et de les résoudre. Cela commence par notre environnement familial ; nos conjoints, nos partenaires ; nos enfants notre milieu professionnel ; le quartier le pays, c'est vouloir et savoir assurer une présence discrète et pouvoir rayonner partout où cela est nécessaire. En s'efforçant de toujours mériter le qualificatif « libre et de bonnes mœurs » que nous confère l'initiation, c'est surtout ne pas se compromettre directement ou indirectement, pour une ascension sociale, pour quelques avantages, pour une carrière maçonnique ambitieuse, et cela au nom d'une fraternité mal comprise. C'est aussi et surtout par l'exemple, c'est savoir dire non a certains recrutements hasardeux, que l'on pourrait effectuer sous le prétexte récurent de la perfectibilité de l'être humain. Car nous oublions que la demande d'adhésion à notre ordre est une démarche volontaire et individuelle qui implique par la suite une responsabilité collective, je veux parler de celle de reconnaître comme tel le nouveau frère, non pas seulement en titre et du bout des lèvres mais avec sincérité et courage ; ainsi que détermination à l'aider effectivement à avancer en polissant sa pierre brute. Par cela il en va de la cohérence de notre démarche, de la survie de notre loge de l'Obédience et même de l'ordre. Pour ma part je conclurai ces quelques réflexions, sur l'avenir de la Franc-maçonnerie qui réside plus que jamais dans sa capacité à développer une pensée utopiste, bien encadrée par la cohérence de nos symboles, de nos rituels, et de pousser cette pensée de la porter jusqu'à l'extrême, jusqu'au bout du rêve, d'ouvrir de nouvelles portes pour percevoir enfin, avec délice et volupté, les parfums d'air frais d'un nouveau matin... Vénérable Maître et vous tous mes frères j'ai dit... T\ E\ |
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