Obédience : NC | Site : http://www.avs-philo-ethno.org | 03/2006 |
La
Symbolique du Feu
La réflexion sur le symbolisme du feu a été décisive pour les travaux de la poétique, de la symbologie et même de l'épistémologie contemporaine. Par son ouvrage, paru juste avant la guerre, La Psychanalyse du feu (1938), Gaston Bachelard esquissait pour la première fois une étude « refusant le plan historique » et se référant aux structures permanentes de la rêverie du feu. Dénonçant les valorisations scientifiques du feu, il faisait d'une pierre deux coups : d'une part il ruinait toute théorie pseudo scientifique des « quatre éléments », (alchimiques), d'autre part il montrait que, derrière un élément en apparence homogène à la conceptualisation et même à la sensation, le feu, se cachaient des intentions structurales divergentes. Faisant effort
pour séparer le « concept scientifique »
des
« arrière
images »
de la subjectivité, la psychanalyse objective
- c'est-à-dire celle qui purifie l'objet de son
terroir psychanalytique
- a tôt fait de dénoncer la
mensongère unité de
l'élémentarisme du feu. Aux intentions
purement naturelles qui déjà
viennent grever les trois autres éléments de la
théorie classique, l'eau, la
terre, l'air, de polarisations, symboliques divergentes, s'ajoute, en
ce qui
concerne le feu, une intention technologique majeure. C'est
à juste titre que
la « découverte »
de ce
dernier passe légendairement pour être l'invention
primordiale. Aussi, tandis
que les symboles des trois autres éléments
étaient plutôt du ressort du
psychologue, voire du psychanalyste travaillant à
l'écart des implications
sociales et culturelles, la symbolique du feu intéresse surtout
l'anthropologie sociale et
culturelle. Pour en
témoigné la lignée continue des
ouvrages
consacrés par les anthropologues à ce
thème, depuis le livre classique de
J. G. Frazer, Mythes sur l'origine du feu (Myths of the Origin
of Fire,
1930), jusqu'à la série des Mythologiques de
Claude Lévi-Strauss (Le Cru et le
Cuit, 1964 ; Du miel aux cendres, 1966), en passant par
Forgerons et
alchimistes (1956) de Mircea Eliade. Plus que celui de
tout autre élément, le
symbolisme du feu est « symbolisme pluriel ».
Il ne
cadre pratiquement jamais avec la définition simpliste qu'en
donne la théorie
des éléments. Ses symboles ne sont nullement la
résultante de la combinaison du « chaud »
et du « sec ».
C'est
au contraire à un essaim d'images des plus concrets qu'il
renvoie :
flamme, braise, étincelle, foudre, éclair,
incendie, foyer, etc. Mais,
également, le symbolisme du feu est
esquissé par toute la série des qualificatifs,
mal reliés entre eux, que met
bien en évidence l'alchimie (cf. dom A. J. Pernety,
Dictionnaire mytho
hermétique, 1758) : lumineux, doux, chaud, ardent,
digérant, sec, brûlant,
et même humide. Si l'on examine ensuite les
compléments indirects du feu, on
retrouve la même pluralité diversifiant :
forge, cuisine, incinération,
coction, fusion, crémation, briquets à piston,
à friction, à percussion, etc.
C'est l'alchimiste, le « philosophe par le feu »,
qui
tentera de coordonner opératoirement - et non selon
une logique des
éléments - tous ces accents symboliques
disparates. Toutefois,
puisqu'il faut bien donner ici une
classification des symboles du feu, il semble que l'on peut distinguer
deux
axes principaux qui orientent le champ du symbolisme
pyrologique : l'axe
des symboles calorifiques et celui des symboles
fulgurants.
1. Le feu
réchauffant Le feu
calorifique est celui que l'alchimiste
assimile aux « bains » de
différents degrés (feu de cendre,
feu de sable, feu de fumier, feu de limaille, feu de Perse, feu
d'Égypte) ; il renvoie à deux grandes
polarisations symboliques : le
symbolisme érotique et le symbolisme filial. Éros et le
feu
Le symbolisme
érotique est donné par toutes les
images et métaphores qui font coïncider le feu et
l'acte sexuel, la passion
amoureuse ou simplement l'amour et l'affectivité. C'est la
signification la
plus vulgarisée, spécialement par l'iconographie
et la littérature de
l'Occident chrétien. Cependant, déjà
dans la tradition gréco-latine,
Éros-Cupidon, le dieu de l'Amour, est
représenté très souvent porteur d'une
torche en plus de son arc, ces deux instruments suggérant
tous deux la blessure
amoureuse. À ce symbolisme érotique
- dont les structures semblent obéir
au régime nocturne de l'image (cf. Gilbert Durand, Les
Structures
anthropologiques de l'imaginaire) - on peut
découvrir des motivations
psychophysiologiques, et surtout technologiques, étroitement
imbriquées. La motivation
psychophysiologique naît de la
variation concomitante entre l'augmentation thermique,
l'« échauffement »
du
corps et l'émotion amoureuse, puis l'acte sexuel qui, chez
les mammifères et
l'homme, s'accompagne d'un frottement rythmique (caresses,
coït, danses
nuptiales, etc.). Bachelard, qui
consacre les deux tiers de sa
Psychanalyse du feu à cette expérience
érotique de la « chaleur partagée »
- qu'il dénomme « complexe de Novalis »,
« synthèse de
l'impulsion
vers le feu provoquée par le frottement, le besoin d'une
chaleur partagée »
-, se
demande même si les briquets à friction (par
lesquels le feu est engendré par
frottement d'une lame de bois dur sur une planchette
rainurée de bois tendre,
les deux objets suggérant directement l'image du
coït) ne seraient pas nés de
la réflexion rêveuse sur le frottement
érotique. L'amour serait alors « la première
hypothèse
scientifique pour la production objective du feu ». En
témoigne
encore le très curieux Cours
d'électricité expérimentale,
publié en 1753, dans
lequel Charles Rabiqueau relie le « feu électrique »
et les
complaisants phénomènes
électrostatiques à l'image du couple. Par
là,
Bachelard, très proche des théories
d'Eugène Minkowski, place le sens figuré
à
égalité, sinon en priorité, avec le
sens propre, montrant combien les mots et
les productions humaines, même les plus objectives en
apparence, sont filtrées
et surdéterminées par la subjectivité
transcendantale de l'imagination de
l'espèce humaine. La motivation
technologique du briquet ne fait
donc que renforcer la première et tendre rêverie
des chaudes caresses. Comme
l'écrit Frazer, « l'idée que le feu
jaillit du corps d'une femme, et en
particulier de ses organes génitaux, trouve une explication
certaine dans
l'analogie que beaucoup de primitifs voient entre le fonctionnement du
foret-à-feu, d'une part, et les rapports des sexes de
l'autre ». Le
briquet
à friction, lointain ancêtre de nos allumettes
frottées sur le grattoir (le
parler populaire dit aussi bien d'une chienne amoureuse qu'elle est « en chaleur »
que
d'une fille trop excitante qu'elle est une « allumeuse »),
est, sinon
le procédé le plus primitif pour produire le feu,
du moins, selon A.
Leroi-Gourhan, le procédé du « plus primitif des peuples
vivants », les
Mélanésiens. Le briquet
rotatif procède d'un
perfectionnement du précédent par l'acquisition
du mouvement circulaire
continu. Ce primitif
ancêtre de nos briquets relie,
ainsi que E. L. Burnouf puis Frazer l'ont
montré, le symbolisme sexuel
du feu calorifique aux puissantes images technologiques de la croix
(svastika : l'étymologie de ce mot serait
liée à l'arâni, grand briquet
à rotation dont les deux éléments sont
placés l'un sur l'autre en forme de
croix) et de la roue. La production du feu par le briquet à
rotation du rituel
védique (arâni) revêt
la
signification d'une véritable hiérogamie
cosmogonique, telle que l'on pourra la
retrouver dans l'alchimie. Dans l'un et l'autre cas, le feu et ses
procédures
de production se trouvent au cœur d'un symbolisme de
l'accouplement générateur.
Ainsi, dans sa première acception calorifique, on voit que
le remplissement
culturel - ici technologique - vient encore renforcer
l'appartenance
structurale des images de la chaleur ignée à un
schème rythmique, voire
cyclique, que nous classions sous la rubrique « structures synthétiques »
de
l'imaginaire. Sous ce régime nocturne de l'image
où les schèmes de l'intimité
sont survalorisés, on glisse de la production du feu aux « produits »
calorifiques, c'est-à-dire de la sexualité
à la cuisine ou à l'obstétrique. Le feu et la table On n'insistera
pas sur la production culinaire
et la symbolique des « contenants-conte-nus »
qui y
est jointe. Frazer a bien souligné tout au cours de son
livre le caractère de
contenu (dans le ventre, les organes féminins, l'oiseau, le
bois, etc.) que
revêtait le feu. Le parler populaire dénomme
d'ailleurs les organes génitaux
féminins par des termes empruntés aux contenants
culinaires (pot, marmite,
panier, etc.). Par ailleurs, les Mythologiques de Claude
Lévi-Strauss
débouchent tout naturellement sur Les Manières de
table. Le symbolisme du
foyer s'entend aussi bien pour
l'intimité de la chambre nuptiale que pour la
féminité quasi constante de
l'âtre où chauffe la marmite. Le régime
nocturne de l'image du feu se referme
en quelque sorte sur les thèmes intimistes et les structures
mystiques de
l'imaginaire. Et, par une étrange métamorphose
qualitative et élémentaire,
comme si le symbole était absorbé et
remodelé par sa structure, le feu devient
eau : eau de vie, eau de feu.
Comme le dit Bachelard, le « complexe de Novalis »
laisse
alors place au « complexe
d'Hoffmann », celui de l'eau qui flambe, du
punch cher à l'auteur des Contes :
« Quand la flamme a couru sur l'alcool,
quand le feu a apporté son témoignage et son
signe, quand l'eau de feu
primitive s'est clairement enrichie de flammes qui brillent et qui
brûlent, on
la boit. Seule de toutes les
matières du monde, l'eau de vie est aussi près
de la
matière du feu. » On pourrait ajouter
qu'elle est
déjà née du feu, du feu quasi
alchimique qui couve sous l'alambic. Par une autre
sorte de production, le
symbolisme du feu calorifique peut se maintenir dans les structures
synthétiques : le feu sexualisé
entraîne, en effet, les symboles de la
fécondité, et plus particulièrement le
symbolisme filial. Tout logiquement, le
thème du contenu igné glisse vers la
thématique du fils, du
« fruit »
du ventre de la mère. Le feu est fils, il est produit
naturel ou industriel, il
produit à son tour, homéopathiquement, naissance,
renaissance ou régénération. Là
encore, on retrouve d'abord des motivations
technologiques et mécaniques qui imprègnent ce
symbole et le dérivent vers son
acception filiale. Engendré par la croix-roue de
l'arâni, le feu devient le
prototype symbolique de tout produit technologiquement fourni par un
couplage,
un tournoiement, un frottement : moulin, baratte, pressoir.
Jung remarque
que la racine math ou manth est celle que l'on relève
à la fois dans le mot
sanscrit qui signifie baratte (manthasa) et dans le nom de Pramatha, le
Prométhée hindou, le héros qui apporta
le feu civilisateur sur la terre. Il en
résulte une confusion entre le feu et les produits de la
baratte, du moulin, du
pressoir. Et
spécialement ce qui sert à son tour à
alimenter le feu : l'huile essentielle. Chez les Latins,
Vesta, la déesse
du feu, du foyer (focus) est également protectrice du moulin
à huile
(pistrinum) [cf. G. Dumézil,
Tarpeïa]. De même, le lutin
prométhéen
des L'Ela, Nékili, apporte aux hommes la recette pour
extraire l'huile de la
plante karité (cf. F. J. Nicolas,
Mythes et êtres mythiques des
L'Ela de la Haute-Volta). L'autel védique du feu est
flanqué de l'indispensable
pressoir à Soma, et Agni, le dieu du feu, signifie l'oint,
tout comme le Fils
par excellence de la tradition chrétienne (khristos, de
khrio, j'oins,
j'enduis, je frotte). À
cette occasion, il faut signaler une « gullivérisation »
du
symbolisme du feu, et plus spécialement du symbolisme
métallurgique, lorsque à
l'image du fils se substitue celle de l'enfant ou du petit en
général. Les
lutins, les kobolds, les gnomes, les poucets appartiennent à
ce genre de
« gullivérisation ».
Ainsi
encore, fadets, fadettes et farfadets sont des réductions
des génies du feu et
sont liés à l'étincelle, au feu
follet. Il y a là un infléchissement
supplémentaire de la symbolique du feu vers ses acceptions
mystiques. Dans
l'œuf philosophique de la manipulation alchimique, le symbole
du fils se
conjugue d'ailleurs - sous l'aspect de l'homunculus - avec
le symbole du poucet. Dans de nombreuses légendes relatives
à l'origine du feu
(cf. Frazer, op. cit.), ce dernier est contenu dans le corps,
ou même dans
la queue, d'un petit animal : pic, rouge-gorge, corbeau,
chien, lapin,
castor, etc., ou encore dans une modeste plante tel le fenouil sauvage
dans
lequel Prométhée cacha le feu volé.
À moins que Prométhée
lui-même ne fût tout
simplement un aigle, comme le suggérait Salomon Reinach.
Quoi qu'il en soit,
toutes ces légendes « gullivérisent »
l'être ou l'objet qui porte le
feu et assimilent la puissance de ce dernier à la
toute-puissance de
l'infiniment petit. Viennent
surdéterminer cette inflexion
symbolique, où se conjuguent fils, production et
alimentation, des motivations
agricoles ou simplement végétales. La
signification érotique du feu conduit à
des acceptions xyliques, le feu étant techniquement
lié au bois d'allumage. La
pratique quasi universelle, dans les civilisations agraires, des
brûlis vient
encore accentuer le triple syndrome
bois-feu-fécondité. De nombreuses
peuplades, spécialement en
Afrique, ne connaissent comme engrais que la crémation
périodique. Vénus,
déesse de l'amour, mère de Cupidon,
épouse du dieu forgeron Vulcain, a un nom
qui renvoie soit à l'image du bois (uen en germain), soit
à celle du labourage
( germain veneti, goth uinga, irlandais uin ). En
résumé, dans cette symbolisation calorique,
fortement motivée par les rêveries technologiques,
le feu est symbole majeur de
l'acte d'amour comme de son « produit », ce
produit étant lui-même
surdéterminé en fils, emblème de la
fécondité, mais aussi en produit agricole
et alimentaire. Cette liaison laisse entrevoir un passage entre ce que
les
psychanalystes appellent le « buccal » et le
« génital », qui
ne
serait pas passible, comme pour ces derniers, d'une
mystérieuse maturation
ontogénétique, mais serait relié
à la phylogenèse technologique de
l'espèce
humaine. On voit sur ce point comment l'analyse structurale
à la fois
anthropologique et symptomatique permet d'aborder la symbolique du feu
de façon
beaucoup plus fine, plus motivante, donc plus explicite que le formel
élémentarisme pseudo-scientifique ou que le
schéma trop biologique de la
psychanalyse freudienne. 2. Le feu fulgurant Il en va de
même lorsque l'on parcourt l'autre
grand axe des images induites par le feu : celui du feu
fulgurant. Ce
dernier se situe dans un tout autre univers structural, celui des
structures
héroïques (ou schizomorphes), et est le symbole de
la purification, du changement
radical, du baptême. L'on passe facilement de l'une
à l'autre de ces deux
constellations divergentes, la calorifique et la fulgurante,
grâce au
symbolisme intermédiaire de la naissance. La naissance
à la lumière devient ici
la renaissance, le baptême par le feu. L'emblème
du Phénix assure cette
continuité entre la cendre chaude et féconde et
la flamme fulgurante et
ressuscitée. Le feu, non
seulement possède les qualités
tactiles et cœnesthésiques qui lui donnent son
accent symbolique thermique, mais
se rattache, par la sensibilité oculaire, au grand
archétype de la lumière.
Aussi constelle-t-il fréquemment avec l'accent de
masculinité que la lumière
apporte à tout ce qu'elle éclaire. Le feu se
sexualise en mâle ; c'est
ainsi qu'en Chine il est le support du principe yang, le principe
mâle, et que
la flamme est l'érection. La fulguration de la foudre
renforce encore ce
dernier caractère. Briquet semi naturel, la foudre est
technologiquement
remplacée soit par le briquet à piston de
l'Indonésie (où c'est une percussion
brutale qui produit l'échauffement d'un piston dans sa
chemise de bambou), soit
par les briquets à pierre, les « pierres
à feu »
que
l'on bat virilement avec un acier dur pour en faire jaillir
l'étincelle. Il
apparaît alors sous la modalité de
l'éclair, de la foudre, du coup de foudre,
de l'étincelle qui met le feu aux poudres, de la batterie. Tout un
symbolisme guerrier, héroïque, vient
relayer la virilité du feu. L'épée
flamboyante des anges justiciers, les
foudres de Jupiter ou l'emblème de la grenade flambante sur
les uniformes
militaires sont les produits des inductions pyrotechniques de la
rêverie du feu
fulgurant. Au silence du foyer se substituent les grondements du
tonnerre, ou
du canon, les crépitements et les ronflements de l'incendie,
de la forge, du
volcan. De nombreuses
sociétés, enfin, utilisent
l'incinération comme base du rituel funéraire.
André Piganiol a montré que,
dans les sociétés indo-européennes,
l'incinération est toujours accompagnée par
un culte solaire ou ouranien lié à la notion de
transcendance. Le feu de
Vulcain serait à Rome l'antithèse du Saturne
chthonien. Incinération et
sacrifices par crémation impliquent mort à la vie
ordinaire, impure, et
renaissance à la vie spirituelle. Chez les Indiens Matako,
le feu joue un rôle
analogue - séparateur et purificateur - au
couteau de circoncision
chez d'autres peuples. Encore dans cette série cathartique,
la spéculation des
anciens Grecs, puis celle des alchimistes attribue au feu le principe
de toute
volatilité, de toute raréfaction :
l'éther, matière même du feu (en
alchimie dénommé « feu de
lion ») ; chez les Modernes, comme le
note Littré, l'éther signifie l'air le plus
pur : le symbolisme du feu se
résorbe alors tout à fait en celui du volatil, de
l'élévation. On pourrait
également, en se plaçant sur le
plan des valeurs, distinguer un feu céleste et un feu
infernal, mais ces
acceptions sont flottantes, et ce domaine relève de
structures imaginaires
plutôt que de structures axiologiques : le feu « nocturne »
pourra
tour à tour être valorisé
négativement ou positivement, selon qu'il s'agit de
la cuisine des sorcières, des reflets sataniques du feu
« hoffmannien »
ou
bien des chaleurs rassurantes de l'intimité « novalisienne » ;
pareillement, le feu fulgurant peut être le comble
luciférien de la lucidité,
l'éclairement brutal de la foudre ou, au contraire, la lueur
rassurante de la
torche prométhéenne. Bien plus que les valeurs,
ce qui différencie les divers
symboles du feu, ce sont ces deux axes sémantiques
divergents qui conjuguent le
symbolisme du feu aux trois structures polaires de
l'imaginaire : feu
intime des rêveries mystiques, feu dramatique du rituel
agraire ou des
procédures alchimiques, feu purificateur associé
aux distillations baptismales
et au grand symbole de la lumière. Le feu, comme
l'eau et la terre, dément donc
par son symbolisme même une simpliste théorie des
images élémentaires. Ce qui
polarise et anime la symbolique du feu, ainsi que le pressentait
Bachelard,
c'est moins les substances objectives que ces importants dynamismes des
gestes
humains qui constituent les « métaphores
axiomatiques » de
l'imagination. On voit par là que les symboles
« ne doivent pas être jugés
au point de vue de la forme... mais de leur force »
(G. Bachelard, La
Terre et les rêveries du repos). C'est bien à une
substitution de la notion
psychologique de schème à celle, pseudo-physique,
d'objet élémentaire
qu'aboutit la critique bachelardienne de
l'élémentarisme objectif. Le feu est
l'emblème d'une fausse science, certes, mais aussi d'une
poétique véritable
tout aux ordres de la créativité imaginale de
l'homme. G. BACHELARD,
La Terre et les rêveries du
repos, Corti, Paris, 1948 ; La Psychanalyse du feu, Gallimard,
Paris,
1949 ; Fragments d'une poétique du feu, P.U.F.,
Paris, 1988 J. P. BAYARD,
Le Feu, Flammarion,
Paris, 1958, 2e éd. : La Symbolique du
feu, 1973 E. L. BURNOUF,
Le Vase sacré et ce
qu'il contient, dans l'Inde, la Perse, la Grèce et dans
l'Église chrétienne,
avec un appendice sur le Saint-Graal, Paris, 1896,
rééd. L'Arche, 1974 G. DUMÉZIL,
Tarpeïa. Essais de
philologie comparative indo-européenne, Gallimard, 1947 G. DURAND,
Les Structures anthropologiques
de l'imaginaire, Bordas, Paris, 1969, 10e éd. Dunod
1984 M. ELIADE,
Forgerons et alchimistes, Paris,
1956, rééd. Flammarion, 1977 J. G. FRAZER,
Mythes sur l'origine du
feu, trad. M. Brucker, Paris, 1931,
rééd. Payot, 1969, 1991 C. G. JUNG,
Métamorphoses et symboles
de la libido (Wandlungen und Symbole der Libido, 1931), trad.
L. de Vos,
Paris, s.d. A. LEROI-GOURHAN,
L'Homme et la matière,
Paris, 1943, rééd. Albin Michel, 1978 C. LÉVI-STRAUSS,
Le Cru et le Cuit, Plon,
Paris, 1964 ; Du miel aux cendres, Plon, 1966 E. MINKOWSKI,
Vers une cosmologie,
Aubier-Montaigne, Paris, 1936, rééd. 1967 F. J. NICOLAS,
Mythes et êtres
mythiques des L'Ela de la Haute-Volta, s.l., 1952 A. J. PERNETY,
Dictionnaire mytho
hermétique dans lequel on trouve les allégories
fabuleuses des poètes, les
métaphores, les énigmes et les termes barbares
des philosophes hermétiques
expliqués, Médicis, Paris, 1758 A. PIGANIOL,
Essai sur les origines de
Rome, Paris,
1917.
Dictionnaire LE
ROBERT |
7042-3 | L'EDIFICE - contact@ledifice.net | \ |