GLDF | Loge : Stella Maris - Orient de Marseille | Date : NC |
La Table d'Emeraude La Table
d'Émeraude, en latin « Tabula
Smaragdina » constitue le plus court
résumé, sinon le plus clair, du Grand Oeuvre
alchimique. D'après la
légende, cet
abrégé de l'opus aurait été
gravé avec une pointe de diamant sur une lame
d'émeraude et découverte par les soldats
d'Alexandre le Grand à l'intérieur de la grande
pyramide de Giseh. Cette légende est avant tout un
témoignage de l'origine à la fois grecque et
égyptienne de l'hermétisme, et un hommage rendu
par l'esprit hellénique à la
vénérable ancienneté de la sagesse qui
avait fleuri dans les sanctuaires des bords du Nil. L'auteur de la
Table d'Émeraude reste un inconnu malgré les
supputations qui la font attribuer à un philosophe
néo‑pythagoricien du 1er
siècle de notre ère, Apollonius de Tyane dont
l'existence semble d'ailleurs avoir été plus
mythique qu'historique. Hermès Trismégite,
Hermès le « trois fois
grand » (telle est la signification de
Trismégiste) qui se désigne à la fin
du texte de la Table comme son auteur, est tantôt
considéré comme un sage égyptien, un
adepte de la Gnose qui aurait vécu peut-être au Ilème
siècle avant J.C., tantôt comme le dieu
lui‑même, qui apparaît dans le panthéon
égyptien comme le premier ministre de Thot ? dieu lunaire,
et qui sera assimilé par les Grecs, vers le IVe
siècle avant J.C., au Logos, c'est à dire au
Verbe. C'est ainsi que Platon l'évoque dans son dialogue
intitulé Cratyle ; Hermès est
également appelé psychopompe (ou guide des
âmes), il agit au niveau du ciel, de la terre et des enfers,
il est le maître des trois mondes, et voici
peut-être au travers de ces précisions
l'explication du qualitatif
« trismégiste ». La formule ainsi
complétée combat le thème de la
supériorité de l'Idée sur la
matière. L'homologie est complète entre le bas et
le haut, si bien que ces positions spatiales ne sauraient
désigner une hiérarchie de type moral ; ce qui
est « en haut » ne peut se
targuer d'aucune préséance sur ce qui est
« en bas ». Appliquée
à l'univers humain la phrase définit les
conditions d'une parfaite égalité en
même temps que celles d'une différenciation
nécessaire entre le haut et le bas des couches sociales. Ce
précepte hermétique n'est‑il pas celui qui
régit la démocratie exemplaire et cependant
ordonnée, hiérarchisée des Loges ? Ce
qui est dit du haut et du bas, du zénith et du nadir, peut
aisément être étendu au midi et au
septentrion, à l'orient et à l'occident. La vie
d'un Atelier est en effet fondée sur l'échange et
la circulation des rôles que, tour à tour, nous
sommes amenée à y jouer. C'est cette seule chose qui
est le centre de tout, le foyer par lequel transitent et
s'échangent les choses du haut et du bas. La pierre cubique
représente pour la Franc‑maçonnerie cette
unité qu'il poursuit, de même que la pierre
philosophale symbolise pour l'alchimiste le sens unitaire de sa propre
quête. Dans les deux cas la pierre apparaît comme
un lieu de concentration des énergies telluriques et des
énergies célestes, et le temple, qui est un
agrégat de pierres, reçoit de cet
échange et de cette circulation des influences d'en haut et
d'en bas, sa raison d'être physique et sa signification
métaphysique. Et comme toutes les choses sont et proviennent d'UN, par la médiation d'un, ainsi toutes les choses sont nées de cette chose unique par adaptation : L'accent est mis sur l'Unité fondamentale. Les physiciens actuels nous ont familiarisés avec un schéma d'organisation de l'univers qui ne contredit pas l'affirmation de la Table : à l'origine, avant que n'apparaissent les galaxies et les étoiles au sein des galaxies, avant que les atomes n'accomplissent leur différenciation par la fusion nucléaire au sein des étoiles, il y aurait eu de vastes nuages du gaz que nous appelons hydrogène, le plus léger de tous les éléments chimiques, dont le numéro atomique est égal à 1, puisqu'il est constitué seulement d'un proton et d'un électron. Pour l'astrophysicien moderne l'hydrogène est la matière première de l'univers, les autres corps ayant été obtenus par une densification progressive de celle-ci. Je ne m'aventurerai pas plus longuement dans ce genre d'hypothèses, à la considération desquelles il faudrait ajouter que la matière elle-même, fût elle gazeuse, n'est peut-être qu'un aspect de l'Energie première envisagée comme vibration périodique, c'est à dire comme une onde sonore ou visuelle, soit comme Verbe ou comme Lumière, selon les enseignements du prologue de St Jean. On aperçoit d'ailleurs que la physique n'est que le spectre visible ou audible des grandes questions métaphysiques qui motivent et appellent notre recherche. L'alchimiste, à l'opposé du chimiste, qui voudrait s'en tenir aux seules notions positives ou observables, l'alchimiste prend en compte le problème physique dans sa dimension métaphysique et religieuse : « En ce temps là la science et la foi se saluaient, égaux convives au banquet du Savoir ». Prenant conscience de l'unité du cosmos, de l'identité substantielle du micro et du macrocosme, l'alchimiste sait qu'il appartient à une fraternité universelle de la vie et il sait que les règnes réputés sinon inertes du moins inanimés, par exemple les minéraux et les métaux, sont eux aussi des manifestations de la vie dans sa globalité : c'est pourquoi d'ailleurs, fort de cette certitude, l'alchimiste n'hésite pas à projeter des images anthropomorphiques sur les mélanges qui s'opèrent dans son athanor. De même le Franc‑Maçon est, au moins à l'égard de tous les êtres pensants de la planète un universaliste : il présuppose l'existence d'une "chaîne d'union humaine" dont les maillons extrêmes touchent les autres espèces vivantes, car la chaîne du Vivant régie par l'Amour ou l'Eros universel prolonge et double en quelque sorte la chaîne de l'humanité. Le Soleil en est le
père, et la Lune la mère. Le vent l'a
porté dans son ventre. La terre est sa nourrice et son
réceptacle. Le Père de tout, le
Thélème du monde universel est ici. Le
« thélème »
c'est l'anima mundi, ou mieux le « spiritus
mundi », « l'esprit du
monde » le principe de tout ce qui vit, c'est
à dire de tout ce qui est puisque, nous venons de le voir,
tout ce qui est participe de quelque façon à la
positivité de la vie. (Et ainsi la mort n'aurait pas
d'existence substantielle, la mort n'étant que la
disparition d'une apparence en vue de la constitution d'une autre
apparence). A l'inverse de ce qu'on
connaît par l'initiation (les épreuves de la
terre, de l'air, de l'eau et du feu) l'esprit du monde parcourt les
éléments selon une gamme descendante et
à son dernier stade trouve son incarnation. Pour les
maçons, la démarche est très
normalement ascendante : nous venons des formes obscures de la
manifestation et de la chair pour nous élever vers
l'apparition lumineuse de l'esprit du monde, vers cette gloire du Grand
Architecte de l'Univers dont l'aurore est symbolisée par le
premier enlèvement du bandeau sur nos yeux. On peut encore remarquer que
la quaternité élémentaire,
équivalent à la structure carrée d'un
mandala comme nous l'avions déjà
observé à propos de la première
phrase, a pour résultante un cinquième
élément (qu'on appelle parfois la quintessence),
lequel cinquième élément
opère un retour à l'unité ‑ qui est le
Père de tout. Sa force ou puissance reste
entière, si elle est convertie en terre. Entendons
peut-être qu'elle doit se soumettre à un devoir
d'incarnation, sous peine de demeurer virtuelle et sans efficace. De
même sommes‑nous invités à nous tourner
vers la matérialité du monde profane pour faire
rayonner nos principes dans la "terre', qui en a le plus besoin. Fixer le volatil,
volatiliser le fixe disent encore d'autres textes alchimiques. Il
s'agit de tirer toute chose de son contraire, de découvrir
le feu dans la terre, la lumière de l'obscurité,
d'aboutir en somme à une spiritualisation de plus en plus
grande de la matière. Telle est aussi la méthode
maçonnique qui rend capable de percevoir et d'exprimer la
conjoncture ou la complémentarité des
opposés, qui rend de cette façon apte
à comprendre et à surmonter les oppositions
binaires : et l'eau n'éteint pas le feu, pas plus que le feu
ne fait disparaître cette dernière. Nous
conservons ensemble l'eau et le feu et nous profitons de la dynamique
de leurs tendances opposées. Il monte de la terre et
descend du ciel, et reçoit la force des choses
supérieures et des choses inférieures. Ainsi l'esprit du monde ne
néglige aucun apport. Toute la force du
thélème est une sorte
d'égrégor des forces contraires et unies. De
même la force d'une loge provient de la diversité
de ses composantes humaines, dont les unes sont plus "manuelles" et les
autres plus « intellectuelles »
(mettons des guillemets à ces deux qualificatifs, car il
existe un aspect pratique de l'intellectualité comme il y a,
d'évidence, une intelligence des mains). Des tendances
caractérielles différentes qui, ailleurs, dans le
monde profane, entreraient en conflit sont, au sein de la Loge,
harmonisées en vue du profit supérieur
à la fois des individus et de leur assemblée
égrégorique. Ce miracle ontologique,
cette coïncidence parfaite de la vie et de l'être
c'est ce qu'Hermès Trismégiste nomme
« I'Oeuvre solaire complet », qui
vainc toute chose subtile et
pénètre toute chose solide. C'est
alors que l'Esprit est devenu Matière et la
Matière est devenue Esprit. L'esprit et la
matière cessent d'être antinomiques, deviennent
homogènes l'un à l'autre. Nous reconnaissons bien
là la cible idéale qu'en Fils de la
Lumière nous visons quoique les buts réellement
atteints soient en bas assez souvent moins glorieux que ce qu'ils
doivent être en haut. A\ U\ |
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