Réflexions
sur Hiram
Petite réflexion
à propos de Hiram N0 1.
Hiram est-il toujours notre maître bien-aimé ?
Même si nous, maîtres, l'incarnons ? Je crois que
oui. Pour creuser cet apparent paradoxe, j'ai envie d'aborder le
mécanisme du bouc émissaire et
peut-être aussi la violence. Ces « langages »
se superposent. HIRAM = Bouc émissaire ? Ce travail est un
essai d'approfondissement du mythe d'Hiram. Car la transmission ne
passe par là, pour moi en tout cas.
Dans cette optique, je continue ma réflexion: pourquoi
tue-t-on notre Maître spirituel ? J'ai compris que mon fil
à plomb bute à un moment sur ce que j'ai
oublié en cours de route d'App\ et de Comp\, l'abandon des
métaux toujours a recommencer. Et je suis contente de
trouver le mythe de Hiram à disposition. Car lui aussi a
buté contre quelque chose. Il avait oublié la
présence de trois mauvais compagnons. La
compréhension de ce mythe m'aidera à mieux me
connaître. Il existe un mythe du meurtre du père.
Celle-ci s'inscrit dans une logique et dans une tradition : le fils
désire prendre la place du père, d'où
l'élimination de ce dernier, symboliquement, bien
sûr aujourd'hui. Mais, il fut un temps ou ceci
était réel et « normal ».
Tubalcaïn
était ce qu'on appelle aujourd'hui un homme primitif, c'est
à dire qu'il vivait dans le mythe. Nous, êtres un
peu plus civilisés, devons déjà faire
un drôle d'effort pour pouvoir nous identifier avec un roi
Salomon, par exemple. Le vieux père ou le vieux
maître devient le bouc émissaire. Salomon
était le vieux père du peuple hébreu.
Hiram était le vieux Maître de tous ceux qui se
cherchent. Quel est symboliquement leur vérité ?
En entendant le terme « bouc
émissaire », nous pensons
spontanément à l'animal qui, dans l'Ancien
Testament, emporte au désert le péché
des hommes afin que ceux-ci puissent se réconcilier avec
Dieu. L'Ancien Testament est donné en ma Loge comme Livre de
la Sainte Connaissance, comme exemple d'instruction. Je prends un
moment cette notion de bouc émissaire, comme animal
« innocent »,
pour essayer de comprendre le mythe du meurtre de notre
Maître Hiram, innocent lui aussi, bien que chargé
de toutes nos projections.
Pour aborder cette abstraction, je
fais un crochet chez Oedipe, dont je connais un peu mieux l'histoire.
Oedipe a été un bouc émissaire: je
relis le récit le concernant : à
Thèbes, une épidémie de peste fait des
ravages. Impuissants, les habitants cherchent un responsable. Dans le
malheur, ils se souviennent qu'Oedipe, leur roi, est un
étrange souverain. Il n'est pas un des leurs. C'est un
étranger qui, de plus, est infirme : il boite. Etant devenu
roi, il ne peut se défendre d'être un arriviste.
Persuadés de sa culpabilité, les habitants de
Thèbes l'aveuglent et le bannissent après l'avoir
condamné pour parricide, inceste et, bien sûr,
responsable de la peste. Par la suite, Oedipe trouve refuge
à la cour du roi de Chronos. Là, il apporte
bonheur et bien-être et l'on raconte qu'après sa
mort, les dieux le délivrent du tombeau et lui font partager
les joies de l'Olympe.
Un de mes petits-fils
répète toujours ce que je fais. Si je tire une
chaise vers moi, il tente de le ramener vers lui. Il m'imite. Je pense
qu'une partie de mon envie de posséder des choses vient
aussi par imitation. C'est une façon qui me permet
d'acquérir des connaissances. Mais ce comportement comporte
un inconvénient. Ce n'est pas ainsi que j'avancerai dans la
connaissance de moi-même. En voulant chercher à
obtenir ce que possède mon voisin, même
écrivain d'un bout du Livre de la Sainte Connaissance, je
reste sur place. Et cela engendre aussi une éventuelle
concurrence et une éventuelle rivalité. Les
frères et sœurs sont souvent en but avec ce genre
de sentiments, même s'ils ont le cœur bon. Il
s'agit donc de quelque chose de plus profond. Je reprends mon fil
à plomb. Me voilà tout près des trois
mauvais Compagnons avec ces sentiments de rivalité et de
concurrence. Cette situation risque de culminer dans une crise. Car
à force de côtoyer un sentiment de
rivalité, tout en restant poliment fraternel, et une fois
que j'aurais obtenu suffisamment de connaissance par moi-même
ou par l'exemple des autres, le désir que j'en avais devient
vide, mais les sentiments éprouvés seront
toujours là. L'idée d'un éventuel
affrontement reste, puisque je ne l'ai pas mis à plat. Je
deviens alors comme un Don Quichotte, je me bats contre chacun ; ma
violence est à son comble. Et, la
cérémonie d'élévation au
3ème grade peut commencer...
Je reviens vers mon frère Oedipe. Je lis quelque chose
derrière le mot de peste dans ce mythe. Plus qu'une simple
maladie, cela pourrait être le symbole d'une
société en décomposition. Oedipe,
antagoniste, est présenté comme responsable de la
crise. Il devient la victime sacrificielle. Dans le mythe, c'est
Oedipe, aveuglé et banni. Ce sacrifice permet le retour,
dans d'un nouveau temps, à une société
plus différenciée, sans crise. On
élabore alors la sacralisation de la victime. Cela permet
probablement de ne pas se sentir coupable ou responsable de sa
condamnation. On fait un « mémento ».
Sacralisation aussi de notre Maître Hiram, car en lui sont
réunis les causes de la mort et de la vie et donc aussi de
la crise et de la réconciliation, de la guerre et de la
paix, du malheur et de son dépassement.
C'est la naissance des religions et du sacré.
Après le bannissement d'Oedipe, la peste quitte
Thèbes. Le sacrifice ramène l'ordre. Oedipe est
aussi bien celui qui provoque la crise que celui qui ramène
l'ordre. Egalement source de malheur et de
bénédiction, le bouc émissaire est
à la fois craint et vénéré.
Oedipe est accueilli parmi les dieux. Et nous, nous sommes porteurs,
une fois élevés à ce grade sublime, de
cet esprit. Nous devons dorénavant éviter les
gestes qui ont - ou semblent avoir - provoqué la crise. Une
Loge ne peut pas se permettre d'avoir constamment des mauvais
compagnons en son sein. Mais il y en a toujours. Il y a et il y aura
toujours des jeunes et des vieux « loups ».
LA VICTIME
Il faut, bien sûr, s'adresser aux victimes.
L'écrivain Girard relève que les
« victimes »
portent toutes des signes particulières. Une
victime potentielle est étrangère, d'une ethnie
ou d'une race différente, ou elle n'a pas la même
religion. J'ajoute : pas le même grade... Elle porte des
anomalies physiques : elle est aveugle, paralysée, sourde,
muette, boiteuse ou bossue. Les anomalies peuvent également
être sociales : la victime est alors extrêmement
riche ou pauvre, belle ou laide, elle remporte de nombreux
succès ou échoue à tout. Ainsi, la
victime de la persécution est-elle à la fois
trait d'union et ligne de démarcation. C'est sur la base de
ces signes - qui soulignent une séparation, pas une
différence qu’elle est
persécutée. Une de ces signes peut suffire, mais
souvent la victime en porte plusieurs. Oedipe est à la fois
étranger et boiteux. De plus, il a trop de succès
: Un étranger devenu roi est nécessairement
arriviste.
Les persécutions que nous rapportent les mythes
obéissent également à un certain
nombre de stéréotypes. Premièrement,
une persécution est en relation avec une crise qui suit le
schéma introduit plus haut. Deuxièmement, il
existe une unanimité des persécutions qui
remplace toute autre forme de procès. Un comportement
collectif positif s'oppose à un comportement individuel
négatif. Troisièmement, l'accusation mythologique
porte sur des crimes bien précis : avoir le mauvais
œil, empoissonner les puits, assassiner des enfants,
s'adonner au cannibalisme, à la bestialité, comme
des délits sexuels et en particulier l'inceste,
être parricide ou régicide, attenter à
la religion. C'est le cas pour Oedipe, qui est accusé
d'inceste et de parricide. Toutes ces accusations ont un point commun :
les faits reprochés mettent directement en danger la
société, son ordre, sa culture, sa
hiérarchie, en un mot son identité. La victime
est innocente, mais nécessaire. Il ne faut pas oublier que
se sont toujours les persécuteurs qui écrivent le
mythe - c'est donc le point de vue du bourreau. Ils affirment
forcément que la victime est coupable et que le sacrifice
est juste.
LE SACRIFICE RETABLIT LA PAIX
En analysant les mythes, on s'aperçoit qu'ils
témoignent d'événements fondateurs de
sociétés et de cultures. Il est
légitime de nous demander si nous nous trouvons devant une
fatalité. Existe-t-il une société qui
n'est pas fondée sur un tel processus ? Oui. René
Girard montre que les Ecritures saintes du
judéo-christianisme proposent dans ce contexte une
véritable révolution.
Contrairement au mythe, la Bible
affirme de page en page l'innocence de la victime. Si les
récits sont très proches des mythes (ce sont
probablement des mythes remaniés par les
rédacteurs juifs), rien cependant n'y est caché ;
La victime est innocente, la persécution
dénoncée, la fausse accusation
démontée, la culpabilité du
persécuteur reconnu. Le récit de Caïn et
Abel rapporte bien le meurtre fondateur. L'interdit du meurtre y est
exprimé. Mais contrairement aux mythes, Abel est reconnu
innocent. Mieux encore, le récit montre que la
société de Caïn, fondée sur
le meurtre, doit retourner à la violence. Il conduit
directement au récit du déluge. Le serviteur de
Yahvé, dans les quatre chants du livre d'Isaïe,
porte tous les signes du bouc émissaire. Là,
aussi, son innocence est pourtant clairement proclamée. Un
vers affirme même que le châtiment de Dieu, qui
semble l'atteindre, n'en est qu'une apparence.
DEVOILER LE MYTHE
Mais la révolution biblique n'atteint son
achèvement que dans la passion de Jésus. On y
trouve tous les éléments du mythe.
Jésus est arrêté en cachette, l'issue
de son procès est décidée d'avance et
on interprète sa réponse sur sa condition de fils
de Dieu comme un aveu du crime de blasphème dont il est
accusé. La condamnation est unanime. Juifs et Romains,
prêtres et scribes, pharisiens, ainsi que la foule, se
liguent contre Jésus. Même ses disciples
l'abandonnent.
Finalement, on sacrifie
Jésus par une exécution déshonorante.
Une étude plus approfondie nous montre cependant que la
crucifixion est la réponse de la violence au
dévoilement du mécanisme du bouc
émissaire. Il s'agit de réduire au silence une
voix qui révèle et détruit les
fondements même d'une société ! Ainsi
la sacralisation ne fonctionne-t-elle pas. La mort de Jésus
en soi n'apporte pas un salut et sa résurrection n'est pas
la suite logique de la mise à mort. Elle est, au contraire,
l'expression de l'agir souverain de Dieu. Dans la Bible, le
mécanisme du bouc émissaire est
dévoilé alors que le mythe le camoufle. Si
l'interprétation du mythe doit être laborieusement
démontrée, celle de l'évangile se
trouve dans sa lecture même, le bouc émissaire
étant le thème explicite. Dans le mythe, le bouc
émissaire est nommé victime
réconciliatrice, dans le nouveau testament agneau de Dieu.
Là, le texte affirme la culpabilité de la
victime, ici son innocence. Là, les
stéréotypes de la persécution sont
cachés, ici ils sont dévoilés. Il en
résulte une compréhension d'un Dieu propre au
nouveau testament : la violence y est
désacralisée. C'est une menace pour les Juifs qui
y perdent leur pouvoir, leurs institutions et leur image personnelle de
Dieu.
RENONCER A LA VIOLENCE
La conséquence remarquable est que, depuis ces
événements, le mécanisme de bouc
émissaire n'agit plus toujours. Nos persécutions
d'aujourd'hui se déroulent dans la mauvaise conscience,
échouent, ou sont vouées à
l'échec, et sont, tôt ou tard, fermement
condamnés. Mais renoncer à exprimer sa violence
individuelle ne suffit pas. Seul une renonciation absolue à
la violence comme réponse de mimétisme
d'appropriation peut nous libérer de la spirale de la
violence. Des textes comme le sermon sur la montagne et son
enseignement de l'amour pour l'ennemi sont peut-être des
indicateurs pour suivre cette voie. Je n'en sais rien. Qu'en
pensez-vous ? J'ai dit, un Maître de la Loge.
Réflexion Hiram 2
L'élévation au 3ème grade date
d'environ 1725. Ce, uniquement pour des
vénérables maîtres, semble-t-il. Nous
ne savons pas si le mythe d'Hiram est employé avant cette
date. Le premier document écrit date de 1725. Cela dit, il
va de soi que le phénomène initiatique a eu lieu
depuis le début de l'Homme pensant, d'abord de
manière fruste, puis de manière de plus en plus
élaboré, dans le souci de mettre à
contribution le cerveau et les sens du candidat. Autrement dit : La
raison et la capacité de lumière. Elles furent
d'ailleurs toujours différentes pour des hommes et pour des
femmes, le Droit Humain ayant en premier changé cette
habitude à ma connaissance. L'homme et la femme avaient des
rôles très différents dans la vie,
d'où une initiation spécifique.
Nous ne pouvons pas dire que
l'initiation telle que nous la pratiquons est meilleure qu'une autre,
il n'existe, amha, pas une façon « meilleure ».
Nous savons, par les historiens, que le temple de Salomon
était au centre d'intérêt en ce
début du 18ème siècle. On pourrait
presque parler de « mode ».
La seule chose connue aujourd'hui est que le mythe et
l'élévation au 3ème grade employant le
récit de ce mythe, était connu au
début de ce 18ème siècle.
Le point culminant de l'élévation est la
résurrection (littéralement), la renaissance de
l'esprit du maître Hiram dans un nouveau maître. Le
Rituel symbolise notre vie, en nous faisant prendre la place de Hiram,
finissant dans un anéantissement et couronné par
la résurrection de la mort par la force d'un esprit que nous
nommons esprit du maître Hiram. Pendant le début
du Rituel, le futur Maître est voilé, un petit
voile ici et un grand voile ailleurs. Ce voile peut symboliser que
notre propre vie nous semble sombre à nous-mêmes
à cause de la présence des (symboliquement) trois
mauvais Compagnons en nous. Nous apercevons seulement de temps en temps
un peu de lumière, si peu que le désir d'en
trouver plus devient de plus en plus fort, jusqu'à nous
motiver et nous donner la force nécessaire pour un
changement de vie. Nous avons le vague espoir et l'immense
espérance que le mot initiation recouvre un chemin plus
lumineux.
La Tradition maçonnique
nous propose, entre autres, cette élévation
à la Maîtrise. Un nouveau Maître
apprendra à se contenter de sa propre lumière et
à faire avec. Et à transmettre cette
sagesse-là. Pendant cette élévation le
Temple est noir, ce qui pourrait symboliser la mort. Le mort de
nous-mêmes, la mort à nous-mêmes. A un
moment donné, on sonne douze coups, il est minuit. Ces douze
coups sonnent lors de l'élévation à la
Maîtrise. Cela est peut-être intéressant
à relever. Minuit n'est pas seulement la fin de la
journée, mais annonce également le
début d'une nouvelle. Les voyages de l'initiation vont des
ténèbres à la lumière, les
voyages du Compagnon se déroulent en pleine
lumière, les voyages, « de
porte à porte » pour
ainsi dire, du futur Maître se font dans la
pénombre.
Le mythe d'Hiram semble donc assez
près d'un mythe d'inspiration solaire. Les mythes solaires
ont probablement été créés
dans la nuit des temps enfin d'expliquer à accepter les
phénomènes naturels que l'on connaît.
Les peuples primitifs avaient un avantage ; ils vivaient sans dogme
aucun et avaient donc la possibilité de vivre et revivre
symboliquement les phénomènes naturels qu'ils
vivaient et ne voulaient pas subir comme des petits enfants.
Avant que les Maîtres permettent de faire rentrer le
Compagnon qui rôde autour du Temple, ils se trouvent dans la
chambre du Milieu, afin de réfléchir sur la mort
et l'éternité. L'acacia, symbole de la
continuité de la vie à travers la mort apparente
se trouve devant eux. L'acacia ne semble pas atteint pas la mort,
à première vue et permet un début de
réflexion sur ce thème.
Réflexion a propos de Hiram (et accolites) – 3
Les trois Compagnons s'appellent : L'ignorance L'hypocrisie L'orgueil,
dans mon Ob\. A-t-on d'autres appellations ? Dans le Mémento
du M\ M\ (Fédération française
année 1979) il est dit : « Que
signifie donc l'histoire du Maît\ Hiram
? » Et la réponse est : « Je
pense que, dans le sens astronomique, elle est une figure de la marche
apparente annuelle du Soleil dans les signes inférieurs
pendant les trois mois suivant l'équinoxe d'automne - en
plus -. Ces trois mois représentent les meurtriers privant
le Maît\Hiram de sa lumière et de sa chaleur ; ils
sont la cause immédiate de la fin apparente du Soleil, avant
le Solstice d'Hiver ».
L'Acacia représente les énergies vitales que la
mort peut transformer mais non détruire. Dans le
même Mémento, on demande la signification de
signes, par exemple « Que signifie le
signe d'ordre et que signifie le signe d'horreur, que signifie la
marche des Maît \Qui as approfondi ces
signes ? »
D\ C\
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