Le
Maître est retrouvé et il reparaît aussi
radieux que jamais !
C’est, paradoxalement, alors qu’il vient
d’être assassiné que le FM fait en
général la connaissance
d’Hiram. Apprentis et Compagnons ignorent souvent
jusqu’au nom du Maître du chantier de la
construction du Temple de Salomon.
Rappelons les circonstances du drame. Alors qu’il inspecte le
chantier du Temple, Hiram est agressé par trois mauvais
compagnons. Ceux ci ont comploté de s’emparer par
l’intimidation du Mot des Maîtres qui
seul leur permettra d’entrer dans la Chambre du Milieu. Hiram
va alors recevoir une forme d’adoubement mortel:
frappé à l’épaule droite
à la porte du Midi, à
l’épaule gauche à la porte de
l’occident, c’est à la porte
d’Orient qu’il reçoit au front le coup
de maillet fatal. L’Architecte meurt sans avoir
violé le secret qui lui a été
confié. Hélas, avec Hiram disparaît le
Mot Secret des Maîtres. Hélas, ou heureusement ?
Comme l’a dit notre F\ D\ M\ lors d'une journée d’étude :
« que serait la FMsi le Maître
d’œuvre mourrait de vieillesse, dans son
lit, honoré par sa famille et entouré de ses
petits enfants ? » Toute la Tradition salomonienne
repose sur la recherche de la Parole Perdue qui découle du
meurtre d’Hiram, emportant dans la tombe le Mot Secret
qu’il était le seul à
connaître. Le devoir des maîtres
Maçons consiste dès lors à venger
symboliquement ce meurtre en recherchant ce qui a
été perdu. Hiram se trouve ainsi à
l’origine d’une légende
greffée sur un récit biblique qui constitue le
support de notre tradition initiatique.
La Bible nous présente deux Hiram. Le premier, Hiram, roi de
Tyr, est ami de Salomon et le fournira en bois de cyprès et
de cèdre pour la construction du Temple. Le second, celui
qui nous intéresse est Hiram Abi, « fils
d’une veuve de la tribu de Nephtali, dont le père
était Tyrien ». Le livre des
rois Chapitre 7 nous le présente « ouvrier
du bronze plein d’habileté, d’adresse et
de savoir pour exécuter tout travail du bronze. Il vint
auprès du roi Salomon et exécuta tous ses travaux
». Suit la liste des travaux qu’exécuta
Hiram pour la construction du temple.
Les chroniques, au chapitre 2 racontent la réponse du roi
Hiram de Tyr à la demande du roi Salomon: « Je
t’envoie dit-il, un homme habile à travailler
l’or et l’argent, l’airain et le fer, le
bois et la pierre, la pourpre rouge, la pourpre violette, le cramoisi,
le lin fin, à faire toute espèce de gravure, et
à élaborer tout plan qui lui sera
proposé de concert avec tes hommes habiles et les hommes
habiles du roi David, ton père ».
C’est de cet « habile artisan
» qu’Anderson va faire, dans ses constitutions,
vers1723, et d’une manière plus explicite dans
l’édition de 1732, le Maître architecte
détenteur du secret de la construction du temple de Salomon.
Voici Hiram Abi établi dans la légende,
même si, comme, dans la bible, le personnage
central reste Salomon, véritable Architecte du Temple.
Cependant pour faire passer l’épisode de la
légende au mythe, il faut qu’Hiram transcende son
état d’homme héroïque. Le
mythe se doit d’être exemplaire. Le
récit fondateur doit se situer dans un contexte
au-delà de l’homme. Hiram se voit donc
doté des vertus qui vont faire de lui un symbole :
domination de soi-même, maîtrise totale de la
science, volonté inflexible de respecter les valeurs
morales, de rester fidèle au devoir quoiqu’il en
coûte. Hiram incarne l’honneur poussé
jusqu’au sacrifice suprême, la plénitude
de l’être dans son excellence. De plus, Hiram est
seul détenteur du Mot Sacré, de la Parole
Sacrée, du verbe Créateur, du logos Johannique. En ce
sens il est porteur de la KETHER, fonction
sacerdotale. La recherche de la Parole Perdue nous renvoie alors
à la recherche du Nom que l’Eternel confia
à Moïse au mont Sinaï.
C’est
ainsi que "muqos" et "logos" se rejoignent. Puisqu’il est
l’heure, que tous les participants ont
l’âge et que tout est conforme au rite, alors le
rituel peut avoir lieu.
Le Maître est bien mort. Il a été
assassiné, et lorsqu’il est retrouvé,
c’est dans un état de décomposition tel
que quelqu’un s’écriera : « la
chair quitte les os ». Cette mort est
nécessaire pour que la tradition/transmission prenne son
sens. Osiris doit être tué par son
frère. Œdipe doit tuer Laïos. Et
Jésus doit être crucifié. Cette mort
est un sacrifice voulu. Le sacrifice du pélican
qui donne à ses enfants la chair de ses entrailles pour
assurer leur survie. Le sacrifice du bouc émissaire ou le
sacrifice du taureau dans le culte de Mithra. Comme dans chaque
initiation la mort porte en elle les caractères de
l’universel et du sacré. La mort du
Maître est seule créatrice de la naissance de
l’initié.
Hiram n’est pas un Dieu, et la Franc-maçonnerie
n’est pas une religion. Cependant Hiram est plus
qu’un homme ordinaire: il possède un
caractère d’immoralité car il
renaît dans chaque nouveau Maître. Car
c’est maintenant au postulant de jouer le rôle
d’Hiram. Ce faisant, il est à la fois
initié et initiant, exalté et exaltant.
Lorsqu’il est relevé par les cinq points parfaits
de la maîtrise, il entend : « le
Maître est retrouvé et il reparaît aussi
radieux que jamais ! » Le Maître
n’est pas ressuscité. Le Maître est bien
mort mais s’est incarné dans
l’initié.
En mourant avec le Maître, le postulant est mort à
une existence vulgaire et misérable. Il reparaît
purifié des passions grossières des mauvais
compagnons : l’ignorance, le fanatisme et
l’ambition déréglée.
Transfiguré par la lumière de
l’initiation il ne redoute plus la mort, il a acquis la
liberté intégrale.
Comme Maître Hiram et comme son Maître Salomon, le
nouveau Maître a un devoir sacré. Celui
d’illuminer de son savoir, de sa sagesse, de sa
tolérance. Car cette lumière dont le
Maître est porteur ne rayonne pas pour le Maître
lui-même. Elle a été placée
dans son cœur afin qu'elle rayonne pour les autres hommes.
C'est cette transmission, ce don, qui donnera du sens à la
vie du Maître Maçon. On prête
à Jésus cette parole : « Si
une lumière existe au cœur d'un être
lumineux, alors elle illumine l'univers entier. Mais si elle n'illumine
point, elle n'est qu'une ténèbres ».
Si les Maîtres Maçons ne sont pas radieux,
s’ils ne font pas rayonner cette Lumière, alors
elle ne sera que ténèbres, alors, tout ce chemin
qu’ils ont parcouru ne servira de rien.
Ainsi, au fil des initiations successives, Hiram se
régénère et revit. La puissance
émotionnelle de la cérémonie au cours
de laquelle l’impétrant vit ce drame
sacré, et l’élévation
spirituelle venant de la renaissance du Maître en chacun, ont
façonné au fil des
générations l’archétype du
Maître Maçon, base de la tradition salomonienne.
Nous pouvons être émerveillés par le
génie de nos prédécesseurs qui ont su
créer ce mythe, I’adapter aux traditions
ésotériques venues enrichir celle des
bâtisseurs et nous offrir ainsi la possibilité de
bâtir ce temple qui donne sens à notre vie. Il
nous appartient de pérenniser cet héritage.
Pourtant, semble-t-il, la légende est incomplète
: Qui terminera le temple ? La parole perdue sera-t-elle
retrouvée ? Les assassins d’Hiram
seront-ils retrouvés et le Maître
vengé ? Comme l’eût dit notre FRudyard
Kipling : « ceci est une autre histoire ».
A\ S\ G\ L\ D\ F\
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