Les
Trois Mauvais Compagnons
Pour trouver un sens
profond au mythe des trois mauvais compagnons, il me semble
indispensable de
remonter aux sources.
On ne peut espérer
comprendre la signification symbolique des trois mauvais compagnons que
si l’on
a compris les raisons et motifs de l’assassinat
d’Hiram.
Dans le mythe
fondateur du Grade de Maître, Hiram est assassiné
par trois mauvais compagnons.
Qui était Hiram ?
Qui étaient les
trois mauvais compagnons ?
Hiram était
l’architecte, pas seulement le concepteur de
l’ouvrage, mais aussi le chef des
travaux.
C’est lui qui
présidait à la rémunération
des employés.
Le mythe laisse
aussi entendre que c’était un homme pourvu de
toutes les qualités,
connaissance, sagesse, etc.
Quant aux mauvais
compagnons, on ne connaît pas grand-chose d’eux.
On sait néanmoins
qu’ils étaient des compagnons, pas des apprentis
ni des profanes.
C’était des
hommes
dont une haute compétence de constructeur avait
déjà été reconnue. Ce
n’était
pas n’importe qui.
On sait aussi qu’ils
étaient trois et qu’ils ont pris part à
l’assassinat, chacun avec un outil
particulier:
le premier avec un
fil a plomb, symbole de la verticale,
le deuxième avec un niveau, symbole du contrôle
éclairé (des CC),
le troisième avec un maillet, symbole de la volonté
(et
autorité fraternelle du
VM).
On ne peut
comprendre le mythe de l’assassinat d’Hiram, sans
se demander ce que peut
symboliser Hiram et les trois mauvais compagnons.
Le récipiendaire
peut en rester à la troisième personne du
singulier (il) : chacun des acteurs
est une personne qui lui est étrangère et il se
contente de réfléchir sur un
récit, certes plausible, mais qui ne le concerne pas
directement.
Bien entendu, cette
réflexion ne mène pas loin.
La réflexion devient
plus intéressante si le récipiendaire passe aux
deux premières personnes du
singulier (tu et je), en s’identifiant symboliquement
à l’un des acteurs (Hiram
ou l’un des mauvais compagnons) et en analysant ses relations
avec les autres
acteurs.
Encore plus
intéressant : il peut identifier chacun des acteurs
à une partie de lui-même :
sa personnalité, ses pulsions profondes.
Aussi intéressant,
en particulier dans les réflexions sociologiques et
politiques, il peut
identifier chacun (ou seulement certains) des acteurs à un
groupe humain (loge,
certes, mais aussi famille, entreprise, état ou autre
collectivité
territoriale, n’importe quel groupe humain).
Ainsi, si l’on ne se
contente pas de considérer les acteurs comme des personnes
physiques mais aussi
des infra-personnes (c’est-à-dire des pulsions
psychologiques) ou des
supra-personnes (c’est-à-dire des aspirations
sociologiques), les assassins
d’Hiram ne sont plus seulement des malfaiteurs, mais aussi
des « maléfices »,
psychologiques ou
sociologiques.
De ce point de vue
« venger Hiram » n’est
plus vraiment tuer une personne physique mais
surtout éliminer une ou plusieurs causes de malheur de
l’Humanité.
À l’appui de
cette
interprétation, on peut aussi remarquer que les mythes
rappellent les outils
dont se sont servis les agresseurs d’Hiram: le fil a plomb,
le niveau et le
maillet.
Frapper
quelqu’un a l’aide d’un outil,
révèle le double aspect de nos
symboles : chaque instrument de travail
peut conduire a la perdition, tout dépend de notre
intention.
C’est
comparable a l’épée a double
tranchant du Vénérable : destructive et
créative à la fois.
Or une
interprétation symbolique courante de l’agression
consiste à dire que les trois
mauvais compagnons ont agi en « abusant »
de leurs outils :
- Du fil a plomb,
symbole de la rectitude, par dogmatisme qui paralyse.
- Du niveau, symbole
de l’égalité, par intolérance
qui étourdit.
- Du maillet, symbole
de la volonté, de l’autorité, par ambition
qui tue.
et que les causes du
dogmatisme, de l’intolérance et de
l’ambition sont respectivement l’ignorance,
la faiblesse et l’orgueil.
Nous les désignerons
symboliquement comme étant l'Ignorance,
le Fanatisme et l'Ambition.
L'ignorance : Ce défaut général
de connaissance, ce manque
de savoirs est redoutable quand l'Homme s'abandonne à elle.
Le second
surveillant a été choisi pour
incarner l’ignorance,
Les
mal initiés méconnaissent la valeur de
la quête personnelle et l’expérience
commune en loge, ils vivent dans un demi
conscient.
La
plupart des gens croient que la vie
matérielle et l’existence psychique constituent leur seule
réalité, la force, l’intelligence et la
science ne
suffisent pas pour renaître.
L’ignorance
frappe aussi notre propre
milieu.
En
l’occurrence, tous ceux qui chipotent
aux rituels sans avoir fait une sérieuse étude
préalable.
Ils
remplacent des choses essentielles par
des phrases creuses.
Le
Fanatisme :
que représente le second mauvais compagnon
ne peut apporter que douleurs et peines dans la vie de celui qui est
sous son
emprise car aveuglé par une passion qui le pousse
à des excès, il sera sourd à
tout appel de la raison.
Le premier
surveillant a été choisi pour
incarner le fanatisme,
Le
fanatisme (ou le mensonge) dogmatique
entrave la réalisation initiatique.
Les
maçons fanatiques se croient
infaillibles.
Ils
veillent sur la
« régularité »
et sur la juste exégèse du haut de leurs propres
étroitesses d’esprit.
Ils
veulent forcer une interprétation
particulière des symboles.
Il nous
faut, nous Francs Maçons convaincus, personnellement ou
collectivement avoir le
courage de dire haut et fort que le mensonge triomphant qui passe,
qu'il soit
idéologique, politique, religieux ou économique
doit être combattu chaque
jours de notre vie…
Dire non
aux responsables politico religieux quels qu'ils soient et quelle que
soit leur
obédience, qui voudraient amalgamer les lois de leurs dieux
et les droits de
leurs états et asservir ainsi un peu plus leurs concitoyens
grâce à des diktats
archaïques où la liberté d'expression ne
serait plus qu'une facilité accordée
ou refusée en fonction des circonstances.
Dire non
à des prises de position pseudo scientifique qui utilisent
la crédulité des
hommes et des femmes pour leur faire prendre des vessies pour des
lanternes et
bourrer le crâne des enfants de notions fausses et contraires
à l'avancée des
sciences
Dire non
à ceux, qui, refusant de voir la
réalité du terrain particulièrement
dans les
pays les plus défavorisés, se
réfèrent à des dogmes criminels pour
exprimer et
imposer leur conception de la naissance, de la vie et de la mort.
Dire non
enfin à ces irresponsables affairistes confondant science
économique et
financière avec casino et jeux vidéo virtuels, en
utilisant l'épargne d'une vie
de travail de leurs clients pour se tricoter eux-mêmes des
parachutes dorés.
Dire non
aujourd'hui, c'est quelque part s'exprimer en Franc Maçon,
refuser le confort
douillet des dogmes et des certitudes philosophiques, politiques ou
sociologiques.
L’Ambition : que représente le troisième
mauvais
compagnon sous son aspect le plus négatif et le plus
borné, le plus dangereux
aussi lorsqu'il prend des formes les plus
élaborées et les plus insidieuses.
Le Vénérable
Maître incarne l’ambition
Une de ces formes
virales bien que parfaitement ridicule et
révélatrice du manque de maturité et
de réalisation de soi-même, se
rencontre assez couramment en Franc-Maçonnerie et se nomme
la CORDONITE.
On
n’ambitionne une fonction en loge que
lorsqu’on y est apte
Les
ambitieux essayent d’utiliser la FM
pour leur carrière profane où cherchent dans
l’organisation maçonnique une
compensation pour le ratage de celle-ci.
Enfin, les
défauts symbolisés par les trois
compagnons coupables ont été
indispensables au drame d'Hiram, car sans eux, cette
dernière initiation, celle
qui doit permettre l'accès à un plan de
conscience supérieur, n'aurait pas eu
lieu et se rappelant que les puissances impures sont donc utiles
à ce travail
d'alchimie spirituelle.
Ces trois attitudes
humaines que dans nos Loges nous cherchons à dominer, ont
été et seront
toujours nécessaires à l'Homme pour qu'il puisse
apprendre à travers elles, à
vaincre sa propre nature et avancer sur le chemin des
mystères et la
perfection.
Les trois
« défauts »,
d’un point de vue
moral, sont à considérer comme un petit
échantillon de l’arsenal
incommensurable des vices humains.
Chaque
être humain emporte ses défauts comme son
ombre.
Ils lui sont tout
aussi indispensables.
Ghandi jugeait les
conflits sur leurs mérites constructifs.
Les conflits peuvent
nous rendre conscients des besoins et des aspirations de la
communauté.
Notre civilisation
dépend de son aptitude à circonscrire les forces
destructrices, mais surtout de
sa capacité a les transformer en forces constructives.
De plus il faut
savoir qu’une part de vérité se trouve
toujours chez l’adversaire.
Pour
édifier notre savoir, je renvoie au mythe de
Prométhée dérobant le feu divin
des forges d'Héphaïstos pour le mettre au service
des humains et ainsi faire
allusion à ce feu de la Connaissance qui brûle les
scories de l'ignorance et
qui exige à celui qui veut s'en servir, des purifications de
plus en plus
subtiles du mental et de l'esprit, car nul ne peut approcher le feu de
la
Connaissance s'il n'a pas dominé les défauts
symbolisés par les mauvais
compagnons.
Ce qui me fait dire, que si ces trois mauvais ouvriers ne sont, pour
beaucoup
de francs-maçons, que de simples personnages du drame
vécu par Hiram, ils
représentent en fait, les épreuves que le
Maçon doit affronter seul.
Pour les Francs-Maçons, la légende d'Hiram a une
double
signification.
Tout d'abord, Hiram est le symbole de l'homme de valeur qui,
malgré les tentations et les persécutions,
remporte la victoire sur ses
faiblesses et ses passions et se rapproche de la perfection humaine.
Les assassins d'Hiram sont les vices qui nous empêchent de
parvenir à cet état: envie, avarice,
vanité, vengeance,
ambition, intolérance.
Hiram est le symbole d'homme fidèle au devoir, du
Franc-Maçon qui préfère mourir
plutôt que de faillir à sa tâche.
Nul danger, nulle persécution, nulle vengeance ne
l'intimide.
Ses adversaires envieux pourront certes lui porter des coups
douloureux et lui faire beaucoup de tort dans l'opinion des hommes;
mais ils ne
pourront rien contre le bien dont le Franc-Maçon est le
défenseur généreux.
La vérité,
quels
que soient les barrières qu'on lui appose, finit toujours
par triompher; et
celui que l'on a cru abattre naît un jour à une
vie nouvelle et meilleure.
Que ce retour de la justice tarde à se produire, d'autres
hommes se lèveront et se feront les défenseurs du
droit écrasé et de l'idéal
méconnu; car la force de l'idée est
indestructible.
L'idée
est immortelle, sa vie se poursuit à travers
les générations humaines et les
siècles, alors même que les hommes qui l'ont
formulée pour la première fois, qui ont
lutté et sont morts pour elle, ont été
oubliés.
Personnellement,
car la société change, j’aurais
aimé rajouter a ce mythe un quatrième mauvais
compagnon représentant l’égoïsme.
Par
égoïsme, nous jetons nos pesticides
à
l’eau, nos fumées dans l’air, nous
possédons 2 ou 3 trois
voitures, nous vidons les mines, nous achetons nos fruits
et légumes au bout monde, nous voyageons en tous sens,
Par
égoïsme nous éclairons les nuits,
nous
arrosons les déserts, acidifions la pluie, nous fabriquons
même des baskets qui
clignotent quand on marche, etc, etc.
Par
égoïsme nous avons fait fondre la
banquise, couper les arbres, glisser des bestioles
génétiquement modifiées sous
la terre, déplacer le Gulf Stream, détruit un
tiers des espèces vivantes,
exploser l’atome, enfuit des déchets radioactifs
dans le sol, ni vu ni connu.
(Evidemment
c’était plus marrant de sauter dans un avion avec
des tennis lumineuses que de
biner des pommes de terre.)
Apres la
révolution néolithique et la
révolution industrielle, nous arrivons a la
troisième révolution et il y a du boulot.
Nettoyer
le ciel, laver l'eau, décrasser la terre, limiter l'usage de
sa voiture,
ramasser les ours blancs, éteindre en partant, fermer les
robinets, veiller à
la paix, contenir l'avidité, cultiver les fruits de
proximité et de saison,
relancer la marine à voile, replanter les forets, laisser le
charbon là où il
est, récupérer le crottin pour en faire du
compost,
S'efforcer,
réfléchir même.
Et, sans
vouloir offenser, avec un terme tombé en
désuétude, « être solidaire ».
Avec le
voisin, avec l'Europe, avec le monde dont une grande partie est sous
alimentée,
pendant que nous déversons le lait a
l’égout pour conserver nos quotas et
fabriquons du carburant avec des céréales.
A
condition que la paix soit là, à condition que
nous contenions le retour de la
barbarie, une autre des grandes spécialités de
l'homme, sa plus aboutie
peut-être.
A ce
prix, nous réussirons la troisième
révolution.
Enfin et
pour terminer, je soumets à votre méditation les
propos de notre très illustre
frère Alain Pozarnick, qui lors de
conférences a dit :
« Le
contraire de la mort ce n’est pas la vie mais la
naissance »
La
chanson d’Alain Souchon que j’ai choisie est :
« Et
si en plus y a personne », c’est sa seule
chanson engagée contre les
extrémismes de toutes sortes.
J’ai dit
Vénérable Maître
R\
D\ |