Obédience : NC | Loge : NC | 16/02/2007 |
Mais où sont
passés les mauvais compagnons
Alliant le geste fameux du Lieutenant COLOMBO, à la réplique tout aussi célèbre du Commissaire BOUREL, je me surpris à prononcer un sonore « mais Bon Dieu, mais c'est bien sûr !! » en étudiant le sujet de la planche que j'avais choisie. Aussitôt un brin d'amertume m'envahit devant ce manque si flagrant de perspicacité : j'avais la solution sous les yeux ; les ouvrages que j'avais consultés parlaient régulièrement du « mythe d'HIRAM ». Pour reprendre la définition du mythe donnée par René ALLEAU dans son livre « La science des symboles », il recouvre deux sens principaux opposés : celui de la fiction, et celui du modèle exemplaire. Gaston BACHELARD, disait du mythe que c'est « une ligne de vie, une figure d'avenir, plutôt qu'une fable fossile et que l'on retrouve dans l'étude des mythes le dynamisme toujours agissant des symboles, la force évolutive sans cesse active du psychisme humain » Mais le mythe ne va pas échapper à l'instabilité humaine, et va dès lors se dénaturer et se transformer en légende. Dans la « Légende d'Hiram » il n'est pas difficile de se rendre compte de cette dérive ; personne ne sait en effet comment s'est établi le lien entre le mythe du héros, qui meurt et ressuscite et les quelques phrases de la Bible, relatant très brièvement la vie d'Hiram de Tyr, l'artisan de génie, fils d'une veuve de la tribu de Nephtali. Le degré de Maitre est un degré tardif, apparu vers 1725, dans la Franc- maçonnerie, puisqu'à l'origine seuls les degrés de l'Apprenti et du Compagnon constituaient le trajet initiatique du Maçon, opératif puis spéculatif. Ce troisième degré va prendre un aspect sacerdotal bien mis en évidence par D. BÉRESNIAK « la Franc-maçonnerie, société initiatique transmet les clefs de l'initiation artisanale, de l'initiation chevaleresque, et de l'initiation sacerdotale » Cette dernière étant la transmission du maitre au disciple, symboliquement associée à la mort du Maître. La légende d'HIRAM semble donc avoir été construite de toutes pièces pour créer cette initiation sacerdotale ; par contre nulle part il est fait mention de la façon dont est mort Hiram, et encore moins d'un assassinat par trois compagnons. La présence de ceux-ci dans le rituel appartient donc au mythe fondateur, celui- là même, qui a donné sa spécificité à notre rituel d'initiation au troisième degré dont l'intensité va culminer avec la mort d'Hiram. Les trois compagnons sont trois personnages symboles qui vont jouer un rôle important dans une sorte de psychodrame où apparaissent le thème de la mort et de la renaissance, celui de la désintégration et de la réintégration, du Mal et du Bien, et bien sûr de l'Amour fraternel capable de redonner la vie. En temps que compagnons, ces trois ouvriers avaient déjà mérité la confiance de leurs supérieurs et pouvaient prétendre à une meilleure qualification. Alors que la grandeur de l'oeuvre à laquelle ils avaient participé aurait du les mettre sur la voie du perfectionnement et anoblir leur &me, les voilà transformés en assassins pour une simple question d'ambition ; leur désir de progresser était légitime, mais soumis à leurs passions, ils comptaient extorquer par la violence le secret de la sagesse et de la connaissance qui ne s'acquiert que par le travail et la pratique de la vertu. Ces trois personnages symboles ont rompu avec les lois de l'ordre, ils ont pris le risque de précipiter la société des constructeurs dans le chaos ; ils se sont donc vus attribuer certains traits de caractères, montrant la faiblesse de l'âme humaine, et par la suite on en est venu à les considérer comme ennemi de notre esprit et surtout de l'Esprit maçonnique représenté par Hiram. Dans divers rituels on les nomma : ignorance, hypocrisie, ambition, fanatisme envie, orgueil ... Ces diverses interprétations sont destinées à montrer que ces néfastes entités peuvent contribuer à détruire tout lien social, toute solidarité entre les êtres. Par une connotation à visée morale, elles se sont vu attribuées le nom de vices, de passions immodérées, de péchés. Les ténèbres de notre subconscient sont riches en ces éléments, et malgré notre vigilance, le Mal essaye toujours de nous tirer vers le bas. La chambre de réflexion nous a incités à descendre dans notre Moi profond ; nous avons fini par comprendre l'injonction alchimique du mot VITRIOL. Elle nous montrait la voie qui conduit à l'enfer des Philosophes, qui n'est autre que notre monde intérieur, ce monde secret qui contient la cause inconscient de nos malheurs, de nos échecs. On ne saurait se prétendre Maitre si on n'a pas visité ses propres enfers et, bien sûr en être revenu ; alors peut être y trouverions nous ces « mauvais compagnons » qu'il tient à nous de démasquer au plus tôt pour leurs ôter tout pouvoir. Ces mauvais compagnons ont pu porter atteinte à l'esprit parce qu'ils n'avaient pas acquis une instruction suffisante quant à la valeur symbolique des outils nécessaires à l'oeuvre de construction. Ces outils ont été ainsi détournés de leur usage et sont devenu des armes. On peut symboliser le premier compagnon par l'Ignorance ; dans son voyage en ORIENT Gérard de Nerval le nomme Méthousael ; il attend le Maitre à la porte du Midi armé d'un lourd fil à plomb. Le coup porté initialement à la gorge, siège de la parole, est dévié sur l'épaule droite, celle qui commande l'action du bras, qui se trouve ainsi paralysé. L'ignorance paralyse le geste, mais paralyse également l'esprit, ce qui peut nous faire tomber dans la pensée irrationnelle et le fanatisme aveugle. Elle nous fait perdre de vue nos devoirs. Pourtant le fil à plomb signifie l'équilibre, il nous rappelle la rectitude qui réside en nous, la persévérance dans la ligne de conduite ; cet outil nous invite à la recherche en profondeur, mais aussi à trouver un équilibre, un aplomb. Le premier mauvais compagnon n'a pas cherché à comprendre le symbole des qualités qui s'expriment par le bon usage du fil à plomb. La violence exercée sur Hiram, s'est exprimé par un coup et non par la médiation que le langage aurait introduite dans la relation à l'autre. L'ignorant fait le mal, mais il ignore qu'il le fait à lui-même. Par contre être conscient que l'on ne sait rien ou peu de chose, c'est une première étape pour vaincre l'ignorance, c'est se mettre en état favorable d'acquérir la connaissance ; c'est le chemin que nous montre la Franc Maçonnerie en nous considérant comme d'eternels apprentis. Le second compagnon, Phanor dans le récit de Gérard de Nerval, symbolisé par l'Ambition détourne de son usage un outil utile à la construction : le niveau. Il attend le Maître à la porte de l'occident et porte le coup à sa nuque qui est dévié sur l'épaule gauche. L'ambition, dans son coté négatif peut être assimilée à l'orgueil, à l'arrogance ; faisant éclater les limites qui nous sont imposées par la société et la morale, cette orgueilleuse démesure concoure à détruire l'ordre établi. Là encore l'outil est détourné de son usage initial. Le niveau nous permet de trouver la mesure du quotidien, le juste milieu, de tendre à l'équité, à l'équilibre ; il invite à aplanir les obstacles que génère l'ego. L'avertissement nous a été donné dans la chambre de réflexion « Si tu tiens aux distinctions humaines, sors, on n'en connaît point ici ». Cependant l'Ambition n'a pas qu'une polarité négative. Elle peut nous aider à réaliser des projets utiles. Elle peut nous pousser à nous élever dans la connaissance, à développer nos talents. C'est un moteur pour l'action, et on sait également que rien de grand ne peut se faire sans l'Ambition. Le dernier des trois compagnons, Amrou dans le Voyage en Orient, peut être symbolisé par l'Enyie; il attend Hiram à la porte de l'Orient On peut considérer que c'est le pire des défauts de l'âme humaine, car il va détruire l'esprit de groupe. Qui va pousser CAIN à assassiner ABEL si ce n'est l'envie DESCARTES dans son ouvrage « Les passions de l'âme » la considère comme un vice prenant son origine dans une passion impérieuse et insatiable qui pousse les êtres à convoiter les avantages matériels ou spirituels que possèdent les autres. L'autre est rejeté car l'envie méjuge autrui, excluant tout esprit de tolérance. Léonard de Vinci nous a laissé une image de l'Envie, à califourchon sur le dos de la Mort. Le troisième compagnon pour obtenir les secrets de la maitrise, fait du Maillet l'outil de la force brutale, qui détruit tout ce qui s'oppose à elle. Le coup est porté au front pour détruire l'intelligence. Le Maillet symbole de la volonté spirituelle, outil du pouvoir sur la matière qui symbolise l'énergie, la constance dans le travail, devient dans la main du mauvais compagnon destructeur de celle- ci, abolissant toute transmission initiatique : La parole est perdue. Mais l'envie peut s'avérer positive ; elle porte en elle une insatisfaction qui peut l'orienter vers le bien. On peut avoir envie de s'améliorer, de se libérer de la force obscurede nos désirs. La description des personnages symboles que sont les trois mauvais compagnons nous a fait découvrir 3 défauts de la psyché humaine, il y en avait bien sûr d'autres, qui par la magie du symbole peuvent acquérir une polarité positive ; il en est de même pour les outils. Chacun des personnages est l'expression de la dualité et a, en lui, une part de vice et de vertu, plus ou moins bien distribuée. Mais la légende d'Hiram n'a pas qu'un aspect de morale binaire ; sur le plan symbolique, c'est le combat qui est en chacun de nous. Nous sommes tous Hiram et les mauvais compagnons sont également en nous ; nous possédons les propres germes de notre destruction, et nous pouvons être notre propre assassin. Comme le dit D.BERESNIAK « le voyage initiatique est aussi un combat avec soi » ) Symboliquement nous ne sortons victorieux de ce combat qu'après être mort à notre chair (le premier coup porté à Hiram) à nos sentiments (coup porté à gauche) et à nos idées (coup porté au front). C'est la signification du meurtre rituel accompli lors de notre élévation à la maitrise où les deux surveillants et le vénérable maitre sont les mauvais compagnons qui en donnant ces trois morts vont nous permettre d'atteindre la maitrise au moment de la résurrection. Là réside la nécessité des mauvais compagnons ; leur message c'est la revendication de l'imperfection que nous ne pouvons combattre si nous l'ignorons. Alors où sont passés les mauvais compagnons. DESCARTES dans une approche symbolique des passions humaines l'avait découvert bien avant nous Et maintenant que nous les connaissons, nous avons beaucoup moins de sujets à les craindre, nous voyons qu'elles sont toutes bonnes de leur nature et que nous n'avons rien à éviter que leurs mauvais usages ou leurs excès » J'ai dit Très Vénérable Maître M\ D\ |
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