Obédience : NC | Revue : L’Initiation | Date : NC |
Les phénomènes paranormauxNous allons donc commencer par cette caractérisation simple et précise : les phénomènes paranormaux sont des faits qui se déroulent dans la sphère accessible à nos sens, qui peuvent donc faire l’objet d’enquêtes et de recherches objectives, mais qui, en même temps, se différencient d’emblée des événements de type courant. Comment donc ? En
se situant encore en dehors des normes admises pour leur permettre de
se trouver
classés et reconnus par l’actuel savoir
scientifique officiel. Voici,
pour mieux préciser, un exemple significatif : la
mémoire est une faculté
mentale désormais incorporée et depuis fort
longtemps au cursus des programmes
universitaires de psychologie, alors que la
télépathie (cette transmission
mentale à distance d’un
phénomène ou d’une information) se
trouve encore
cantonnée dans le domaine de la parapsychologie, c'est
à dire en un secteur non
reconnu par la science officielle. Il
est certes bel et bien vrai que les parapsychologues (ou les
métapsychistes, si
nous usons du premier vocable utilisé par Charles Richet et
les autres
pionniers du territoire) espèrent
l’avènement déjà
esquissé en divers pays
importants (songeons à la création croissante de
chaires de parapsychologie en
certains états mais non en France demeurée
malheureusement très en retard – on
le sait – par rapport aux universités
étasuniennes ou à celles de l’ex-Urss)
d’une époque où ce domaine particulier
des phénomènes paranormaux perdrait en
fait sa caractéristique propre, puisqu’il
s’agirait des faits devenus dès lors
positifs, à la manière de tous les autres. Je
parle des faits scientifiquement reconnus. Mais une telle
espérance se heurte
encore à bien des obstacles, c’est le moins
qu’on puisse dire ! Autre exemple
significatif : une forte majorité des actuels titulaires des
chaires
scientifiques de psychologie dans nos universités demeurent
totalement
incrédules vis-à-vis d’un fait
paranormal aussi simple que la télépathie. Il
s’imposerait de définir avant toute chose ce que
va être le domaine de cette
enquête très générale. Les
phénomènes
paranormaux Il
serait donc arbitraire (et quelle que soit l’ardeur des
rationalistes à le
faire) de caractériser un fait comme
réputé paranormal par sa nature qui serait
irrationnelle où même franchement absurde, donc
inexistante. L’idée même que
quelque chose d’absurde se produise ou devienne un jour
possible dans l’univers
accessible à notre perception sensible n’aurait
pourtant en fait aucun
sens. En
témoigneraient ces deux domaines particuliers
d’investigations pris volontiers
pour cibles par les négateurs qui se réclament du
rationalisme militant : celui
de la magie, où, n’importe quoi (y compris les
choses les plus incroyables)
pourrait être réalisé par celui ayant
acquis la compétence en ce domaine. La
magie traditionnelle se révélerait, elle,
singulièrement différente de cette
naïve conception populaire (celle où l’on
pourrait effectivement d’un coup de
baguette magique – imagine-t-on – changer
à volonté une citrouille en
carrosse). Le magicien vise l’obtention de
résultats précis et, aussi
extraordinaires et fantastiques que ceux-ci puissent sembler, en
s’appuyant
toujours, pour les réaliser, sur sa connaissance de lois
très précises auxquelles ils
obéissent. Il
existe, au surplus, une réduction à la dimension
psychologique qui permet
d’expliquer le mécanisme rendant possibles toutes
sortes d’actions magiques,
disons de grand style. C’est ainsi que les psychologues qui
se veulent strictement
objectifs rejoignent le point de vue exposé jadis par
Spencer Lewis. De quelle
manière ? En faisant fort judicieusement constater que ce
que l’on appelle la
magie noire (comprenant les sorts, les envoûtements, etc.) ne
se révèle
redoutable qu’à une condition
préliminaire toujours impérative. Laquelle ? Que
le sujet qui en sera victime y croie et sache qu’une action
magique a été
lancée contre lui par le mage ou sorcier. Sans
cela, toute
tentative de magie noire se montrera totalement inefficace, et cela
même
(précision complémentaire) dans le cas
où le sujet ignorerait que des attaques
de ce genre ont été bel et bien
lancées contre lui. Personnellement,
j’admettrais malgré tout (de tels exemples ne
courent certes par les rues de
nos villes) l’existence de certains cas troublants dans
lesquels, semble-t-il,
une attaque magique pourrait quand même agir si le sujet
n’en avait pas eu la
moindre conscience préalable. Je citerai un exemple vraiment
fort curieux qu’un
ami résidant en région parisienne et point du
tout porté à la superstition
m’avait relaté au tout début des
années 1980. Cet homme, directeur
d’école,
ayant acheté au marché aux puces un
très beau masque africain, avait eu
l’idée
de l’offrir à son fils aîné
alors âgé de dix-sept ans. Celui-ci avait
placé le
masque en place d’honneur dans sa chambre, sur le mur, face
à son lit. Je
précise bien, pour la suite de l’affaire, que
ledit masque n’avait absolument
rien d’effrayant ou d’horrible ; au contraire, il
était d’un aspect plutôt joli
et féminin. Ne pouvait donc se trouver incriminé
ce phénomène psychologique si
fréquent dans l’imagination enfantine (et qui peut
se constater
occasionnellement en persistance chez l’adulte) : le
mécanisme inexorable
d’imprégnation de la conscience, puis du
subconscient, par une imagerie
terrifiante vue un jour en bande dessinée, au
cinéma ou à la télévision. Revenons
à notre exemple. Le jeune homme se trouva tout
d’un coup
visité – et alors
qu’il ne prenait pas le moindre intérêt
aux
récits ou films d’épouvante –
par
d’horribles
cauchemars qui revenaient chaque nuit. Il se voyait dans une
inquiétante
atmosphère sombre et glauque, attaqué par des
nuées d’horribles petits êtres
hostiles qui le mordaient et le griffaient à merci. Le
malheureux hurlait, se
débattait sur son lit, son corps se couvrait d’une
abondante sueur froide.
Le
médecin de famille, appelé d’urgence,
prescrivit des tranquillisants qui
n’eurent aucun effet. Le jeune homme continuait de plus belle
à s’installer
dans un état devenu dès lors quasi permanent de
terreur panique 1.
Les parents allaient faire appel à un grand neuropsychiatre
de la capitale
quand, leur ayant rendu une visite imprévue, un vieil ami de
la famille auquel
on fit visiter
l’appartement remarqua le masque mis en place
d’honneur dans la chambre du
jeune homme. Ayant demandé si des
événements insolites
s’étaient produits, on
lui raconta ce qui arrivait au pauvre malheureux. Le
visiteur qui, point essentiel à noter, avait
résidé longtemps au cœur de
l’Afrique Noire, s’écria : «
Il faut vous débarrasser au plus vite de ce
masque ! » « – Pourquoi ? »
« – C’est exactement celui que, dans ma
lointaine
brousse, utilisait un sorcier particulièrement
redouté. Ses victimes tombaient
dans un état de terreur indicible croissante qui finissait
à les mener peu à
peu à la mort,
quand elles ne raccourcissaient pas ce processus par leur suicide.
» 1
Puisque
la veille se passait dans l’appréhension des
épouvantes qui reviendraient la
nuit suivante. Le
masque fut donc enlevé. Et, aussi brusquement
qu’ils étaient apparus, les
terrifiants cauchemars du jeune homme cessèrent. Un tel
exemple attesterait
donc l’effective réalité (mais bien
plus rare, Dieu merci, que dans la croyance
populaire) d’objets maléfiquement
chargés par un professionnel de la magie noire,
efficacité pouvant aller parfois
jusqu’à la mort. Je laisserai
à chacun
toute liberté de se forger son opinion personnelle
à ce sujet. Deuxième
secteur : celui, théologique, des miracles. Là
encore, n’importe quoi ne serait
jamais possible à essayer ! Mon père avait parmi
ses camarades de la guerre de
1914 un ami y ayant perdu l’un de ses membres
inférieurs et qui, en incrédule
total, affectionnait cette boutade : « Je
deviendrai croyant le jour où me
rendant à Lourdes pour un pèlerinage
j’en reviendrais avec ma jambe
manquante qui aurait miraculeusement repoussé. » La
réponse du théologien serait celle-ci : tout
miracle, aussi grand qu’il soit
jamais, ne pourrait se faire qu’en plein respect des lois
fondamentales de la
Nature instaurées dans le Plan divin. Si un
crustacé perd l’une de ses pattes,
elle repoussera d’une manière purement naturelle.
Mais il n’en est pas de même
si l’éventualité se
produit pour un mammifère, règne auquel se
rattache l’homme pour sa partie
animale. Même Dieu ne pourrait s’amuser
à interrompre tout d’un coup le jeu des
lois naturelles qui régissent ici-bas son plan. Quand donc
se produira un
miracle, celui-ci devra obligatoirement suivre les grandes lignes
directrices
du plan naturel mis en cause pour son apparition. Et cela vaudrait
même pour
les miracles majeurs. Je pense évidemment ici à
la résurrection effectuée par
Jésus de Lazare, lequel non seulement était
déjà mort, mais dont nous est-il
dit qu’il sentait déjà. Il y a quand
même ceci capital en fait : même
totalement réduit à l’état
de cadavre, le corps de Lazare était
un ensemble encore intact. Mais imaginons que Lazare étant
décédé depuis bien
plus longtemps ses restes fussent réduits à
l’état du seul squelette. Même
Jésus en personne n’aurait alors pu faire que les
ossements se recouvrissent
tout d’un coup des organes et de leur chair, et que Lazare
ressuscitât alors.
Il y a bien la légende de saint Nicolas ressuscitant les
trois enfants tués,
dépecés et mis au saloir par le boucher. Mais ce
n’est, bien sûr, qu’une
pieuse légende populaire. Souvenez-vous,
dans un roman philosophique célèbre de jeunesse
intitulé La nausée, des
curieuses pages sur l’éventualité
d’une soudaine survenue en notre monde
d’événements tout à fait
absurdes, incompréhensibles et sans signification.
Cela se trouvait concrétisé par trois exemples
impressionnants qu’imaginait
l’auteur dont le premier était (si je me souviens
bien)une
mystérieuse averse imprévue sur notre
planète de morceaux de viande tous
sanglants venus d’une origine lointaine et inconnue. En
ce qui concerne le fantastique, ce concept ne serait pas du tout
lié – bien au
contraire – à la notion de paranormal. Ces faits
paranormaux ne seraient pas du
tout distincts aux yeux des parapsychologues par rapport à
la masse des autres
phénomènes naturels qui n’ont par
eux-mêmes rien d’extraordinaire. Les
notes d’extraordinaire, de fantastique,
d’étrange, d’insolite,
répondent –
c’est évident – à un
caractère tout à fait subjectif correspondant
à la
coloration qu’un fait présenterait aux yeux
d’un observateur. Prenez la foudre
en boule qui peut s’accompagner de tout un faisceau de faits
bien déroutants
(par exemple, elle pénétrera dans une
pièce par la fenêtre, en fera le tour,
avec paralysie temporaire de toutes les personnes
rassemblées autour d’une
table, puis ressortira finalement comme si de rien
n’était). Pourtant, cette
foudre en boule est un phénomène parfaitement
naturel, bien connu des savants ;
il n’a rien d’inexplicable. Pour
faire mieux saisir, en ce qui concerne quelque chose de terrifiant, la
notion
du fantastique (concept spécial en
vérité), l’écrivain anglais
Dennis Wheatley
usait d’une image frappante. Imaginons que je travaille tard
le soir à mon
bureau, seul dans la pièce. Un bruit inattendu me fait me
retourner vers la
fenêtre ouverte et j’y vois un homme, son couteau
à la main, qui s’apprête à
pénétrer dans la pièce. J’ai
peur, mais ma crainte est bien explicable. Supposons
maintenant qu’entendant le bruit, je me retourne et que
j’aperçoive s’apprêtant
à pénétrer par ma fenêtre
une main coupée qui tient le couteau. J’aurais
peur
mais avec une nuance en plus : la nature en apparence totalement
inexplicable
de la menace terrible qui va fondre sur moi. Je
disais en début d’article qu’un
phénomène comme la mémoire se trouve
et depuis
fort longtemps incorporé au domaine des faits
n’ayant plus rien de mystérieux.
Mais il existe aussi des phénomènes dont
l’aura est demeurée ambivalente, en
quelque sorte. Cas
significatif pour le rêve. D’une part, celui-ci est
certes devenu pour les
psychologues scientifiques l’objet – comme les
autres – de travaux
expérimentaux positifs qu’on mettra, par exemple,
en rapport avec un rythme
précis des ondes cérébrales. Mais ce
domaine des rêves conserve aussi – c’est
indéniable – une seconde face paranormale
qu’ignorent évidemment les
chercheurs qui se veulent positifs mais qui n’en continue pas
moins
d’intriguer, de nous fasciner, voire de susciter encore des
volumes marginaux
entiers. Il y a, cas significatif, tout le domaine des rêves
prémonitoires. Y
aurait-il effectivement des cas dans lesquels un
événement serait ainsi vu en
rêve avant de se trouver réalisé sur le
plan matériel ? Il en existe
d’innombrables exemples, célèbres ou
anonymes. Dans la majorité des cas, il
s’agira, dans lesdits rêves
prémonitoires, de la scène telle
qu’elle sera vécue
par la suite dans la réalité vivante du sujet. Il
pourra certes s’y mêler – on
retrouve là des caractéristiques si volontiers
propres au domaine onirique – un
élément de symbolisation. Je pense au cas de
cette dame ayant rêvé qu’elle
échappait de justesse à la mort parce
qu’elle avait eu en rêve un soudain
mouvement instinctif
de recul à la vue du liftier de l’ascenseur,
lequel allait s’effondrer dans sa
cage, n’y laissant aucun survivant. C’est
effectivement ce qui se produisit
ensuite dans la réalité : la personne faisant ses
courses dans un grand magasin
allait redescendre par un ascenseur lorsqu’elle eut un
brusque mouvement de
recul en reconnaissant le visage précis du liftier
vu dans
son rêve. Cela lui sauva la vie car, en effet, cet ascenseur
devait tomber dans
sa cage. Mais il y avait une différence digne de remarque
puisque évoquant tout
de suite le jeu d’un mécanisme onirique
inconscient de symbolisation : le
liftier du rêve de la dame était
habillé en croque-mort alors que celui de la
réalité portait l’uniforme classique
d’un préposé aux ascenseurs
d’un grand
magasin. Il y aura aussi des rêves prémonitoires
qui seront, eux, complètement
symboliques. Tel celui fait par Bismarck juste avant la bataille de
Sadowa,
laquelle se révélera fulgurante pour la Prusse,
mais sans que cette issue eût
semblé aller de soi aux experts militaires,
l’armée autrichienne n’étant
ni un
corps d’opérette, ni formée de troupes
mal équipées. Le futur chancelier
y avait acquis, dans ce rêve, la certitude de la victoire.
Bismarck avait rêvé
que, monté sur un cheval au galop, il tirait
orgueilleusement l’épée hors de
son fourreau pour la brandir triomphalement. Précisons que
le grand homme
d’état prussien ne se trouvait nullement dans
l’armée au moment où il faisait
ce rêve. Évidemment, un psychanalyste freudien lui
donnerait une toute autre
signification et retrouverait dans
l’épée brandie, une symbolisation
masculine
classique du phallus en érection. Un
point serait maintenant à souligner au sujet des
rêves prémonitoires. Ils
peuvent certes, nous l’avons vu, concerner un
événement très important,
capital, que ce soit pour l’existence du sujet (cas le plus
fréquent) ou pour
toute une série d’autres personnes. Il y a
même parmi les cas extrêmes celui
vécu par un Anglais, John W. Dunne (auteur du livre Le temps
et le rêve, le seul
de ses ouvrages traduits en français aux Éditions
du Seuil). Il fut visité une
nuit par un rêve fort impressionnant et
mouvementé, très détaillé,
qui lui
montra en anticipation les péripéties du terrible
naufrage (en 1912) du
Titanic. Non seulement Dunne n’aura aucune occasion de
prendre ledit navire (se
fût-il souvenu à temps de son rêve au
moment d’embarquer ?) mais ce ne sera le
cas pour aucun de ses proches et de ses amis. Il avait donc
bénéficié – on
l’aura remarqué – d’une grande
voyance onirique à valeur collective. Mais
il arrivera aussi et d’une manière très
fréquente, on pourrait même dire
banale, que le rêve prémonitoire concerne un fait
tout à fait secondaire, voire
insignifiant, sans la moindre incidence réelle sur nos
existences. Chacun
d’entre nous aura pu facilement s’en apercevoir et,
tout spécialement, ceux qui
s’entraînent à l’analyse
régulière de leurs rêves.
L’un des arguments favoris
les plus volontiers employés par les négateurs
obstinés de la réalité de tout
phénomène déviant par rapport aux
normes scientifiques admises, c’est de nous
dire qu’il s’agit là de simples
coïncidences dont le mécanisme ne
dépasserait
donc pas le jeu automatique et sans signification du hasard. Mais...
n’y aurait-il pas justement des hasards (entre guillemets)
significatifs et qui
n’en seraient pas en fait ? Parler ainsi semble revenir
à manier le paradoxe et
cela nous amène pourtant tout droit à
l’une des théories les plus fascinantes
et les plus controversées de Carl-Gustav Jung : celle de la
synchronicité. Essayons
de l’énoncer de la manière la plus
simple et claire qui soit possible. Un
phénomène de synchronicité se produira
lorsque deux séries
d’événements, sans
aucun lien logique ou concevable entre elles deux, se trouveront se
mêler,
coexister tout d’un coup d’une manière
inexplicable. Cela pourra concerner un
fait d’importance majeure. Prenons exprès
l’un des plus controversés qui soit.
Vous avez tous entendu raconter la curieuse histoire du tableau dont la
chute
aura coïncidée avec la mort subite de la personne
qui y était représentée. Les
sceptiques auront certes beau jeu de nous dire que les tableaux tombent
sans
cesse d’une manière toute accidentelle et sans
qu’aucun dommage à distance en
résulte pour quiconque ! Pourtant, dans
le phénomène en question, il y a, outre le fait
que le tableau fut justement un
portrait de la personne qui meurt, celui que le
décès se produisit au moment
même où le tableau se détachait du mur ! Mais
à propos des hasards (toujours entre guillemets)
significatifs, on pourrait
aborder tout le domaine – et Dieu sait s’il est
copieux et varié – des
innombrables superstitions populaires. Seraient-elles toutes pures et
simples
illusions sans aucune base cohérente ? Je pense que les cas
où lesdites
superstitions sembleraient se vérifier envers et contre tout
trouveraient leur
explication dans le cadre, justement, de la théorie
jungienne du « hasard
objectif ». Je ne vais pas résister à
la tentation de vous relater un exemple
personnel assez amusant. Au
début des années 1980 (alors que je
résidais encore dans la région parisienne),
j’avais l’habitude, en descendant à
l’arrêt d’autobus pour me rendre dans le
bureau de Poste où je détenais une
boîte postale, de regarder en cours de route
les fenêtres d’une petite bâtisse depuis
longtemps abandonnée et sans soin à
laquelle j’avais donné l’amusant surnom
du « château des pigeons ». Pourquoi ?
Parce qu’une colonie de ces charmants volatiles avait investi
les lieux et s’y
étaient multipliés. Où se situait donc
ma petite superstition personnelle ? Si
les fenêtres délabrées de la maison
abandonnée abritaient leur lot habituel de
pigeons et surtout si l’un d’eux me regardait en
battant des ailes et en
tournant sur lui-même, je trouverais dans la boîte
postale des lettres
agréables, porteuses de bonnes nouvelles, et
c’était le cas ! Si, au contraire,
aucun volatile ne se manifestait, si la bâtisse demeurait
sans vie, je devais
m’attendre soit à n’avoir aucun
courrier, soit (pire) à apprendre quelque
déplaisante nouvelle, et, là encore, cela
marchait ! Vous
penserez ce que vous voudrez de cet amusant épisode. Pour ma
part, cela me
conduit à me demander si les Romains étaient
vraiment, après tout, aussi idiots
d’ajouter foi pour mode de divination à
l’observation attentive du vol et du
comportement des oiseaux. Et
nous serions ainsi amenés à nous poser le
problème des supports concrets
utilisés – naguère comme
aujourd’hui – pour susciter la voyance. Ces
supports
pourront fort bien être, non seulement des animaux, mais
aussi toute la gamme
des phénomènes naturels. Songeons (exemples bien
significatifs) à l’observation
du jeu fantasmagorique des nuages dans le ciel ou, encore,
à celui d’un feu de bois ou de la flamme dansante
d’une bougie. Revenons
à la notion jungienne de hasard objectif qui ne
constituerait donc plus du tout
un véritable « hasard », au sens
familier de ce dernier terme. En poussant les
choses à l’extrême (et cela
n’aurait rien d’absurde pour la pensée
traditionnelle), ne pourrait-on pas dire, tout au contraire, que le
hasard
n’existe pas... Voici
l’un des exemples les plus extraordinaires –
historique celui-là – que l’on
pourrait mettre au nombre des fantastiques «
coïncidences » qui se produisent
parfois. Lorsqu’au tout début du XVIIe
siècle,
Michel Romanov – fondateur de la dynastie de ce nom
– monta sur le trône des
tsars, il résidait au monastère Ipatiev. Or,
où aura donc lieu la sanglante
exécution du dernier des Romanov régnants,
Nicolas II, avec toute sa proche
famille, en 1918 ? Dans
la maison à destination spéciale à
Ekaterinenbourg (en Sibérie occidentale). Or,
qu’était-elle ? La demeure confisquée
par les bolcheviks d’un riche marchand...
du nom d’Ipatiev. La convergence étonnamment
précise du même nom ne nous
poserait-il pas un ou des problèmes irritants ? Revenons
plus directement à ce qu’on nomme les
phénomènes paranormaux et qui constituent
le domaine précis des recherches actuelles de la
parapsychologie, celle-ci
étant entendue dans son acception la plus positive. Quel
domaine couvrirait – ou devrait couvrir – cet
éventail de recherches ? Des
faits qui se déroulent en ce monde-ci –
même si la source de certains d’entre
eux pourrait se situer ailleurs qu’en notre plan des
apparences sensibles –
pourront donc y faire l’objet de travaux qui
obéissent aux impératifs d’une
recherche expérimentale positive et qui, s’ils se
situent encore quelque peu
dans ce qu’on appelle les « marges » ou
« frontières » de la science, devraient
tôt ou tard s’intégrer dans
l’édifice officiel (universitaire en
l’occurrence)
du savoir. À ce stade, ce qu’on nomme
aujourd’hui parapsychologie (ou
métapsychique si nous restons fidèles
à l’ancien vocable) deviendrait, en
somme, une branche spéciale de la psychologie, et pas plus
« fantastique » dans
son territoire que ne le sont les autres branches (certes
officiellement
codifiées) de cette partie de l’édifice
des sciences humaines. Si
notre manière de voir les choses considère
volontiers encore les médiums et
autres « cas » remarquables comme des individus
exceptionnellement privilégiés,
le parapsychologue serait plutôt, quant à lui,
d’un tout autre avis. Selon
lui, chacun d’entre nous posséderait en
soi-même et à titre de faculté toute
naturelle ce qu’on appelle des pouvoirs psy,
c'est-à-dire la possibilité de
produire ces fameux phénomènes
réputés paranormaux. Personnellement,
je pense qu’il en est de même pour les autres
facultés mentales. Celles-ci
existent certes chez tous les membres de notre espèce, mais
avec une gamme
ascendante dans leur développement et tous les
degrés de celui-ci pourront se
rencontrer depuis l’absence innée presque totale
de certaines d’entre elles (en
allant, en ordre croissant, de l’idiotie à la
débilité mentale) jusqu’à
l’extrême, c'est-à-dire vers les sujets
chez lesquels une ou plusieurs facultés
mentales atteindraient un niveau pouvant aboutir au génie.
Il pourra d’ailleurs
se produire un fort déconcertant décalage : on
cite ainsi des calculateurs
prodiges capables d’exploits arithmétiques dignes
d’un ordinateur (par exemple,
donner instantanément la racine cubique de
n’importe quel nombre) mais dont
l’intelligence générale,
demeurée tout à fait moyenne, ne leur permet pas
(sauf, évidemment pour gagner leur vie au music-hall)
d’utiliser valablement
leur don comme ingénieurs entre autres, ni même de
comprendre exactement ce
dont il s’agit. Cela
me fait penser ceci qui m’a été
rapporté. Vous connaissez tous sans doute ce
gadget « cérébral » qui
connut une telle vogue, il y a quelques années : le
cube de Rubik, ainsi nommé d’après le
mathématicien hongrois qui l’avait
inventé. Pour parvenir à trouver la combinaison
infaillible permettant d’avoir
de la même couleur tous les cubes sur chacune des faces, il
faut savoir
mettre en jeu sa faculté de mathématique
d’abstraction en se trouvant obligé
d’essayer successivement une série de
combinaisons. Or, il arrive effectivement
qu’un jeune enfant, pas précisément
doué pour le calcul, y parvienne d’un seul
coup intuitivement. Mais, si on lui demande : «
comment as-tu fait ? »,
ce gosse sera bien incapable de le dire. Il l’aura fait
machinalement sans
réfléchir. Il
est vrai que, dit-on, l’homme n’utilise
d’une manière effective qu’une
très
faible partie de l’immense potentiel
cérébral qui est en lui. Serions-nous
tous, en théorie tout au moins, des génies
paranormaux en puissance ?... En
ce qui concerne les dons de voyance, exemple significatif, on pourrait
faire un
parallèle avec les capacités d’un sujet
dans le domaine des arts (musique,
peinture, etc.). Si, estimerait-on avec justesse, ces dons existent
sans doute
à l’état d’ébauche
chez chacun de nous, ce n’est que chez une bien faible
minorité qu’ils pourront
s’épanouir et auront l’occasion de le
faire. Prenons
le cas de la peinture. Trois degrés en fait seraient
à distinguer parmi les
sujets. Le degré élémentaire,
théoriquement accessible à tous grâce
à un enseignement
suivi avec persévérance. À un
deuxième degré, on trouverait les sujets
déjà
doués et donc capables de suivre l’enseignement
dispensé dans les écoles des
Beaux-Arts. Mais, pour devenir un peintre dont
l’œuvre passera à la
postérité,
il faut atteindre le troisième degré, celui du
génie. Et n’est pas un génie
pictural qui veut ! Nous
rejoindrions les perspectives de la métapsychique en posant
en parenthèse le
problème si fascinant des oeuvres d’art
médiumniques. Il arrive (l’un des cas
les plus célèbres étant celui du
mineur Augustin Lesage) qu’un sujet,
totalement inculte et inhabile en matière artistique,
reçoive tout d’un coup le
don médiumnique de réaliser en transe des oeuvres
d’art qui pourront être (très
souvent même) d’une complexité
extrême et dont la réalisation leur aurait
été
complètement impossible à
l’état de veille. J’avais
ainsi fort bien connu, dans les années 1960, un ami parisien
architecte de
profession, Pierre-Marie Lucas, qui, usant d’un
procédé inusité (faire courir
sur le papier d’une manière automatique une lame
de rasoir en laissant
librement bouger la main sans jamais regarder ce qui était
exécuté) obtenait
des oeuvres splendides, complexes, avec entrecroisements de courbes
y dessinant
des personnages symboliques. Lesdites oeuvres
exécutées en un temps très bref,
l’artiste eut été incapable de les
reproduire à l’état de veille. Elles
étaient d’une facture totalement
différente des habituels tracés
géométriques
propres au métier d’architecte. À
un niveau certes inférieur aux oeuvres
médiumniques que je viens d’envisager,
il existe le fait bien connu que de réelles
possibilités artistiques peuvent
surgir chez des sujets n’ayant reçu aucune
formation spécialisée. Il y a le cas
d’un ami d’André Breton, Yves Tanguy,
devenu soudain peintre habile et
minutieux alors qu’il n’avait jamais peint
auparavant. Dans
le domaine de la musique, il existe – le cas est
même relativement fréquent –
des personnes capables de jouer d’instinct avec aisance (non
certes comme des
virtuoses mais d’une manière quand même
fort agréable) d’un instrument de
musique. Par exemple (qu’on me pardonne
d’évoquer un cas personnel), mon amie
Marie-Rose était capable – mais, condition
impérative, seulement
s’il s’agissait d’un air ancien ou
moderne bien connu et que tout le monde peut
fredonner – de jouer tout de suite et sans
difficulté le morceau sur un piano.
Elle n’avait pas reçu la moindre formation
musicale, elle ne pouvait ni
déchiffrer une partition ni même
reconnaître une note au milieu d’autres.
Néanmoins,
l’exécution de l’air était
impeccable. Pour
en revenir au domaine de l’art médiumnique, je me
souviens d’avoir assisté à
Paris, au début des années 1960, à un
fort insolite récital de piano donné par
un médium musical féminin britannique : Rosemary
Brown. Celleci était
convaincue de longue date d’être en communication
médiumnique régulière avec
une série de grands compositeurs classiques du
siècle dernier. Et, «
possédée »
tour à tour par l’esprit de chacun
d’entre eux, elle exécutait alors, sous la
«
dictée » des pièces musicales dont le
style, il faut l’avouer, était tout à
fait conforme à celui desdits compositeurs. Revenons
aux phénomènes paranormaux, tels du moins que
voudrait l’envisager un
parapsychologue qui se veut d’inspiration strictement
scientifique. Ces
phénomènes psy (pour user du terme dominant
depuis si longtemps déjà) se
répartiraient alors en deux grandes catégories. La
première engloberait tout le dossier des faits paranormaux
dont les
manifestations se trouvent être purement mentales. Le type en
est évidemment la
télépathie, cette transmission directe
d’une image entre deux consciences
généralement faite par une personne
déterminée autrement dit le sujet qui
envoie à une autre personne le message d’une
manière volontaire ou involontaire. Mais
il pourra s’agir de toute une scène ou
d’un paysage tout entier ou encore d’une
idée. Le
dossier – bien fourni – des cas
spontanés de télépathie englobent tout
d’abord
(et c’est bien compréhensible en raison de la
charge émotive mise alors en cause)
les exemples si nombreux et fort impressionnants liés
à un événement tragique
vécu par la personne qui lance l’appel comme par
celle qui le reçoit. Il y a le
cas significatif du sujet qui reçoit tout d’un
coup un message télépathique
(que, sur le moment, il ne reconnaîtra pas pour tel)
d’une personne chère à
l’instant même où celle-ci meurt, le
plus souvent d’une manière brusque et
dramatique. Par exemple, un père aura au cours
d’un conflit la soudaine vision
de son fils en uniforme, pour s’apercevoir
après coup
que le moment auquel il avait eu cette image inattendue de
l’être cher
correspondait exactement à l’instant
précis, à la minute près semble-t-il,
où
le jeune homme s’écroulait frappé
à mort par une balle ennemie. Mais
la télépathie (c’est ce qui
l’aura fait ranger par les parapsychologues parmi
les phénomènes très
fréquents et donc d’une nature favorisant
l’approche
scientifique) pourra fort bien se rapprocher des rêves
prémonitoires qui
peuvent concerner des personnes sans aucun lien affectif ou
même totalement
indifférentes l’une envers l’autre.
C’est pourquoi, partant à juste titre de
l’observation des nombreux phénomènes
de télépathie, les parapsychologues
scientifiques, qu’ils soient étasuniens,
britanniques, russes ou d’autres
nations, avaient pensé, depuis longtemps
déjà, à pouvoir reproduire
à volonté
ce phénomène dans leurs laboratoires. Ils
battaient ainsi en brèche l’objection
la plus triomphaliste sans doute des adversaires de la parapsychologie
: celle
de cultiver une discipline dans laquelle contrairement au
critère essentiel
exigé par une expérimentation de type vraiment
scientifique, les phénomènes
réputés paranormaux sont impossibles à
répéter à volonté in vitro.
Les
rationalistes militants ne manquent pas aussi d’indiquer les
cas où des grands
médiums célèbres furent pris en
flagrant délit de fraude, faute de
pouvoir répéter à volonté
un phénomène. Une
seconde catégorie de phénomènes
paranormaux qui tombent dans le champ d’une
parapsychologie qui se veut scientifique consiste en ceux par lesquels
une
conscience se révélerait capable
d’influencer la matière. C’est ce
qu’on
désigne, dans le vocabulaire
spécialisé, par le terme de
psychokinésie (mot
forgé à partir du grec pour désigner
une action du psychisme au niveau d’un
déplacement matériel) ou d’effet PK. Il
est une légende qui court dans tous les grands casinos du
monde : celle du
joueur toujours ultra-chanceux faisant sauter à
volonté la banque et finissant
vite par se faire expulser et interdire, non parce qu’on
l’aura surpris à
tricher mais parce qu’on se sera aperçu que, en
fixant intensément son regard,
il pouvait faire dévier la bille de la roulette dans le sens
souhaité ou encore
forcer une machine à sous à donner le jackpot. Un
policier des jeux ne
manquerait pas de nous dire que nous avons là pure
légende populaire et que,
s’il en était ainsi, les casinos auraient
été tous ruinés depuis bien
longtemps. Au surplus, remarque qui nous viendrait tout de suite
à l’esprit,
pourquoi donc des célébrités
médiumniques de tout premier plan (comme Uri
Geller et d’autres) n’ont-elles pas
commencé par devenir multimillionnaires en
utilisant ce truc relativement simple par rapport à
l’art plus compliqué de
tordre des couverts à distance ? On
aurait tout naturellement tendance à être
d’un scepticisme total. J’ajouterai
néanmoins un petit et timide exemple, mais après
tout qui sait parfois ? Il y
eut à la Belle Époque, le cas assez curieux
d’un Italien, Bruno Kremmerz
(fondateur et grand maître d’une
mystérieuse société secrète
de magie érotique,
la Myriam) qui – bien que n’occupant aucun emploi,
ne touchant aucune pension
et ne se complaisant jamais à utiliser cette
méthode familière
aux «Maîtres » plus ou moins authentiques
qui consiste à pressurer
financièrement leurs disciples – vécut
toute la seconde partie de son existence
à se consacrer totalement à ses recherches
occultes sans aucun souci sur le
plan matériel. Comment donc ? Le premier jour de chaque
semaine, il allait
passer quelques heures au casino de Monte-Carlo où, jamais
d’une manière
spectaculaire mais toujours avec une régularité
immanquable, il gagnait non
certes une fortune mais quand même de quoi vivre sans
problèmes toute la
semaine. Il recommençait alors le lundi suivant et ainsi de
suite...
Évidemment, on pourrait se demander s’il mettait
vraiment en action un pouvoir
psychique paranormal ou bien s’il n’aurait pas
– autre hypothèse purement
positive, celle-là – trouvé la fameuse
martingale réellement efficace fondée
sur une maîtrise totale du calcul des probabilités
et qui permettrait donc
d’accumuler facilement les gains à la roulette.
Gains modestes, certes, mais
les petits ruisseaux font les grandes rivières. Pour
en revenir à la parapsychologie scientifique,
n’omettons pas de signaler que
certains chercheurs ont mis au point des recherches
expérimentales qui
viseraient à une éventuelle confirmation de
l’effet PK. Malgré la rigueur
expérimentale desdites recherches, je ne pense pas
qu’elle soit prête à nous
acheminer vers une éventuelle divulgation du secret
merveilleux qui permettrait
de faire si facilement fortune à la roulette. On
aura remarqué que le double éventail des
recherches expérimentales poursuivies
en deux directions par des parapsychologues qui se veulent avant tout
scientifiques (ils font même un usage très
rigoureux des méthodes statistiques)
se limitent à un faisceau bien
déterminé de phénomènes
à ceux qui, en somme,
seraient les plus à même de se trouver
relativement vite incorporés
au corpus des faits reconnus par la science officielle. On aura
remarqué aussi
que – précision importante – lesdits
phénomènes se limitent volontairement
à
notre monde matériel habituel (celui des apparences
sensibles) et uniquement
aux personnes encore vivantes (même si pour certains cas de
télépathie le
message se sera trouvé émis par l’agent
juste avant de basculer dans la mort). Il
existe pourtant tout un registre – fort copieux –
de phénomènes qui, malgré que
d’authentiques parapsychologues scientifiques s’y
soient attelés, se
situeraient pour bien longtemps encore et peut-être
même indéfiniment dans le
domaine des faits relégués dans ce
qu’on appelle les hasardeuses « bornes »
ou
« frontières » de la science.
À ce niveau, il serait difficile, voire totalement
impossible, de persuader les incrédules en chacun des divers
domaines abordés.
Il est bien évident, par exemple, que quelqu’un de
résolument incrédule en
matière de réincarnation (que ce soit pour des
raisons religieuses ou autres)
restera comme un roc sur ses positions, même si on lui met en
main le
volumineux recueil des travaux approfondis menés par le
parapsychologue Ian
Stevenson sur le problème des vies successives. De
même, des tonnes de
recherches et témoignages réunis sur la survie ne
convaincront jamais celui qui
est à l’avance persuadé qu’il
n’y a rien après la mort. De même
encore, la
masse la plus gigantesque des témoignages relatifs aux
régions surnaturelles
(Paradis, Purgatoire et Enfer) ainsi que
sur l’existence
d’entités non physiques (anges ou
démons, sans oublier dieux et déesses et les
esprits des quatre éléments)
n’ébranlerait jamais
l’incrédule. Il
serait pourtant erroné de croire que la seule accumulation
de faits soit à elle
seule nécessaire pour ébranler les
incrédulités en ce fascinant mais si
controversé domaine situé aux «
frontières » ou « marges » de
la science. On
peut aussi – c’est parfaitement faisable
– tenter d’émettre des
hypothèses en
raisonnant par analogie. Prenons ainsi la comparaison
traditionnellement faite
entre le sommeil et la mort. On
dit volontiers que la mort serait comparable à un long
sommeil, sans rêves.
Pour ma part, j’inverserais la proposition et je dirais que
l’état qui suit
immédiatement la mort (celui où
débouchent tous les désincarnés)
serait plutôt
comparable à un long sommeil incessamment peuplé
de rêves. Et des rêves à la
mesure du sujet qui vient de se désincarner. Autrement dit,
Albert Einstein et
un débile mental, un saint homme et un gangster, un
personnage vertueux et un
noceur invétéré ne feront pas du tout
en pénétrant outre-tombe les mêmes
rêves. En
ce qui concerne les expériences vécues
immédiatement après la mort, il y aurait
lieu d’étudier non seulement les
témoignages émanant (ou censés
émaner)
d’esprits désincarnés mais les
expériences relatées par certaines personnes
demeurées en état de mort réelle mais
temporaire avant d’être ramenées
à la vie
in extremis, à l’occasion, par exemple,
d’une intervention chirurgicale.
Il y a à ce sujet les recherches exemplaires du docteur
Moody et d’autres
chercheurs d’avant-garde. Je ne ferais (c’est
là un point de vue tout à fait
personnel) qu’une seule remarque à leur propos.
Laquelle ? Celle de ne nous
présenter uniquement que des cas superbes dans lesquels
l’au-delà semble si
beau avec même, penserait-on, le Christ se
dérangeant en personne, sous la
forme d’une Grande Lumière, pour accueillir tous
les mourants quels qu’ils
soient. Il
existe pourtant aussi d’autres témoignages (on en
parle évidemment moins) et,
précision importante, pas nécessairement
relatés par des forbans ou d’autres
gens n’ayant pas la conscience tranquille, qui font allusion
à la traversée
d’effrayantes régions infernales qui
correspondraient au bas-astral dans la
terminologie occultiste. Peut-être nous faudrait-il
méditer sur le grandiose
symbolisme de l’Échelle de Jacob, en ajoutant
qu’il faudrait sans doute la
prolonger vers le bas dans les profondeurs infernales 2? En
matière de phénomènes paranormaux, il
ne faudrait évidemment pas omettre les
innombrables faits de hantise qui sembleraient, suivant les cas, faire
entrer
en action des manifestations aux origines diverses, des
phénomènes naturels
inconnus ou mal connus (hypothèse à ne pas
négliger), l’intervention d’esprits
désincarnés (des hommes, mais aussi parfois des
animaux), les pouvoirs
médiumniques soudainement développés
chez un sujet (qui sera souvent un enfant
ou un adolescent habitant sur les lieux), l’action
d’entités sensorielles,
bienveillantes ou hostiles. Phénomène
bien intriguant aussi : ce que l’on appelle en langage
spirite les
matérialisations. On invoque à ce propos les cas
– fort étranges au demeurant –
des grands médiums capables de faire se
matérialiser quelque chose (des fleurs,
par exemple) qui ne se trouvait pas du tout auparavant dans la
pièce, et ce à
la stupeur bien compréhensible de l’assistance.
Mais de tels cas pourront sans
doute se produire d’une manière
spontanée et pas forcément toujours
d’une façon
si jolie et bienveillante. Il y a ces cas de hantise où des
pierres surgies de
nulle part se mettent à tomber à
l’intérieur d’une maison. Elles auront
tout de
même parfois la délicate attention –
tout aussi inexplicable
– de dévier leur trajectoire juste à
temps pour éviter de heurter les témoins.
En sens contraire, on devrait signaler les exemples de disparition
soudaine
d’un objet matériel. et également des secrets scientifiques d’extrême avant-garde. Ce personnage diabolique avait inventé un appareil lui permettant – arme imparable – de lancer à volonté sur ses adversaires une petite meute d’êtres aussi féroces mais encore plus redoutables que des fauves en chair et en os. 2
Rappelons
que, dans le domaine des initiations
traditionnelles, on retrouve toujours ce passage à
travers les ténèbres et leurs périls
avant de déboucher vers la Grande Lumière. De
quoi s’agissait-il ? De matérialiser tout
d’un coup les créatures horribles
arrachées aux terrifiants fantasmes oniriques d’un
sujet en proie à une fièvre
délirante pour les faire accéder de leur plan
à celui de nos apparences
sensibles. Car ces êtres cauchemardesques mais illusoires
correspondaient bel
et bien à quelque chose de tout à fait
réel : il s’agirait de larves (pour
user d’un
terme ancien classique) peuplant les régions les plus
inférieures du basastral.
Mais, à mon avis du moins, il existe le plus
étrange des phénomènes paranormaux
et qui constituerait encore un véritable sommet dans
l’étrange. Lequel
? Nous nous trouvons tous assujettis – dans
l’existence du moins – à
l’écoulement linéaire
irréversible du temps qui régit les apparences
sensibles,
qui va toujours du passé vers le futur. Mais est-ce
absolument toujours le cas
? N’y aurait-il pas des exemples – certes
invérifiables mais qui donnent tant à
rêver – d’êtres humains
capables non seulement de connaître le passé et
l’avenir (c’est le domaine de la voyance et des
prophéties) mais de franchir
tout d’un coup, d’une manière volontaire
ou involontaire, les bornes de notre
époque pour se trouver transposés vers le
passé ou vers le futur ? Mais
la Réalité ultime (celle qu’on
écrit avec un grand R) ne coïnciderait-elle pas
avec un Éternel Présent ?... Par
Serge Hutin |
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