Sciences
et voies de la Tradition
Si oubliée
qu’elle soit lorsque nous travaillons à la gloire
du Grand
Architecte de l’Univers et que notre
« chaîne
d’union » spirituelle
nous rassemble en fervents apprentis de nos
« Respectables Loges »
respectives, cette question, que je viens
d’énoncer et qui constitue le titre
de la planche que j’ai l’honneur de
présenter devant vous ce soir, cette
question nous tourmente en secret.
Enfants et adolescents,
dotés d’une éducation religieuse ou
pas, à travers
notre formation par l’école, le lycée
ou l’université, nous avons pris
nécessairement un bain de
rationalisme, de ce rationalisme moderne
dont Descartes, Newton, Spinoza, Leibniz, furent les initiateurs, et
que le
« siècle des
Lumières » développa ensuite,
tandis qu’émergeait la
Franc-Maçonnerie spéculative dont nous sommes les
actuels continuateurs.
Peut-être les philosophes de ce temps, les Montesquieu ou les
Voltaire (pour
citer deux noms d’initiés de la
franc-maçonnerie des Lumières) avaient-il
compris que la complète émancipation de
l’esprit humain (à l’égard du
religieux) ne pouvait aller sans qu’on lui propose une religion
de transfert
sur le plan de l’humanité tout entière,
celle-ci devenant par elle-même et par
ses ouvriers symboliques - nous les
francs-maçons - son propre
chantier.
Lorsque nous avons frappé à la porte du Temple,
c’était, dans beaucoup de cas,
afin de ne pas périr – intellectuellement,
affectivement – de ce qu’un auteur
contemporain (Marcel Gauchet) a nommé
« le désenchantement du
monde », en décrivant notre condition
d’humains qui ne peuvent plus croire
à aucun mythe, mais ne sauraient probablement pas
s’en passer.
Retrouvant dans nos Ateliers une sorte
d’imprégnation mythique, dont notre
baptême initiatique par les quatre
éléments offre le premier contact, et le
plus saisissant, nous voici sommés
d’éclairer nos contradictions internes.
C’est sous l’empire de la Raison que nous devons
maîtriser nos passions
dévorantes, en dignes émules du
stoïcisme ancien, ou de l’épicurisme ataraxique,
délesté au préalable de sa mauvaise
réputation. Et néanmoins nous sommes
amenés
à laisser de côté, du moins quand nous
sommes portés par la magie de nos
tenues, une partie de ce qui donne à la raison son efficace,
je veux dire « l’esprit
critique », qui est le grand contempteur,
l’opposant de
toutes les croyances.
Notre bien aimée franc-maçonnerie a quelque chose
d’évangélique : il nous
faut y redevenir de « petits
enfants ». C’est parce que nous avons
« trois ans » que ce Royaume nous
est rouvert, que l’univers des
contes peut se redéployer, que le Mythe a repris pour nous
des couleurs. S’il
n’est pas question de s’en plaindre, puisque au
contraire de degré en degré le
mythe, en de changeants apprêts, soutient notre
quête, il nous faut pourtant
convenir qu’en pratiquant l’Art Royal nous en
arrivons, selon les individus et
les personnalités bien sûr, à nous
intéresser à d’étranges choses
(au
regard des profanes) : l’alchimie,
l’astrologie, la magie, le tarot, la
géomancie et autres techniques de divination, comme le
Yi-King, la numérologie,
la science des lettres, la Kabbale juive ou chrétienne, les
spéculations sur le
nombre d’or, la musique des sphères, la
théurgie, l’anthroposophie, la médecine
homéopathique, l’acupuncture chinoise, et que
sais-je encore !, ces
« disciplines » si diverses, mais
qui sont toutes considérées, à un
titre ou à un autre, comme irrationnelles, ont pu capter
tour à tour notre
attention, et même si elles ne l’ont pas retenue,
faute de temps,
d’aptitudes ou de goût pour les pratiquer, ont
certainement changé, peut-être à
notre insu, notre façon d’appréhender
le réel. Je ne voudrais pas engendrer
cependant par mon propos la moindre confusion : je ne suis pas
en train de
confondre ésotérisme et occultisme, mais je nous
situe à un carrefour où notre
pratique ésotérique nous rend capable de ne pas
rejeter d’emblée ces matières
à et ces manières de
réfléchir que nous aurions jugées
irrecevables du
temps où notre intelligence se maintenait dans le cadre
d’une pensée
étroitement rationaliste.
Je reviens donc à la question posée en titre de
ma planche : quel est le
statut de telles connaissances traditionnelles devant le tribunal de
notre
raison ?
Plus exactement, sommes-nous prêts à envisager,
à utiliser celles-ci comme des
sciences au sens moderne du mot ? Certes les auteurs qui en
ont écrit
n’hésitent pas à employer ce
terme : des expressions comme « sciences
traditionnelles », « sciences
sacrées », se rencontrent
fréquemment dans les nombreux ouvrages que publient des
collections
spécialisées où s’alimente
notre curiosité, parfois aussi notre dépit. Mais
dans ces cas l’appellation de
« science » recourt au sens
ancien de
la « sapience » encore
invoquée chez Rabelais, c’est-à-dire de
« sagesse », et cette acception,
reconnaissons le, ne s’accorde pas
vraiment avec l’évolution actuelle du mot.
En effet les protocoles scientifiques modernes n’ont rien
à voir avec, par
exemple, l’étroite personnalisation du labeur
alchimique qui devenait
d’ailleurs, chez ses adeptes, l’œuvre de
toute une vie. Dans un tel domaine,
l’expérimentateur ne peut être
changé sans que le travail ne doive être
recommencé à zéro, car
l’approche du savoir y est corrélative
d’une véritable
transformation qualitative de l’apprenant
lui-même. Tandis que la
science contemporaine, dans sa démarche expérimentale,
exclut l'homme
singulier du champ des expériences pour le
réduire à un statut d'observateur
uniquement capable d'objectiver ce qu’il observe, dans le
respect de procédures
indéfiniment et universellement reproductibles,
l’homme du savoir ancien qui en
|
globe dans ses questions
à la fois le
« comment » et le
« pourquoi » des
choses, qui
s’interroge donc aussi sur leur finalité, sur leur
sens, venant à
parler de l'expérience qu’il effectue, raconte ce
qu’il est, ou plutôt
ce qu’il devient en son être propre, tout autant
que ce qu’il fait. Il
situe son action en lui-même : son travail porte sur
un objet mais
l’implique comme
« sujet ». Son engagement
personnel se traduit par
une sorte de poétique, de
création subjective originale, qui fait que,
par exemple, aucun traité d’alchimie
n’est semblable à un autre, chacun offrant
l’approche d’un texte obscur et magnifique,
inédit et mystérieux. Cette
démarche est expérientielle
( comme nous disons
« existentielle ») et non pas
expérimentale. Insistons sur cet
exemple : la méthode d’un chimiste se
doit d’être expérimentale, la voie
de l’alchimiste est poétiquement, et
initiatiquement expérientielle, comme la
nôtre dans la construction du
« temple » intérieur.
Pascal, dans une page célèbre de sa Préface
au Traité du Vide, qui
date de 1651, définit ce que sera la science
moderne : quand des sujets,
dit-il, « tombent sous le sens ou sous le
raisonnement, l'autorité y est
inutile; la raison seule a lieu d'en connaître.[…]
C'est ainsi que la
géométrie, l'arithmétique, la musique,
la physique, la médecine,
l'architecture, et toutes les sciences qui sont
soumises à
l'expérience et au raisonnement, doivent être
augmentées pour devenir
parfaites. Les anciens les ont trouvées seulement
ébauchées par ceux qui les
ont précédés; et nous les laisserons
à ceux qui viendront après nous en un
état
plus accompli que nous ne les avons reçues. […]
Les secrets de la nature sont
cachés; quoiqu'elle agisse toujours, on ne
découvre pas toujours ses effets: le
temps les révèle d'âge en
âge, et quoique toujours égale en
elle-même, elle
n'est pas toujours également connue. […] Les
premières connaissances [que les
Anciens] nous ont données ont servi de degrés aux
nôtres, et dans ces avantages
nous leur sommes redevables de l'ascendant que nous avons sur eux;
parce que,
s'étant élevés jusqu'à un
certain degré où ils nous ont portés,
le moindre
effort nous fait monter plus haut, et avec moins de peine et moins de
gloire
nous nous trouvons au-dessus d'eux. C'est de là que nous
pouvons découvrir des
choses qu'il leur était impossible d'apercevoir. Notre vue a
plus d'étendue,
et, quoiqu'ils connussent aussi bien que nous tout ce qu'ils pouvaient
remarquer de la nature, ils n'en connaissaient pas tant
néanmoins, et nous
voyons plus qu'eux. »
Rien de plus éloigné de cette idée de
« progrès », qui
sous-tend la
révolte de Pascal contre
« l’autorité »
en matière scientifique, que
les « connaissances
traditionnelles » auxquelles nous nous
référons
dans nos Loges. C’est là, me semble-t-il un de nos
plus étonnants paradoxes. La
construction du Temple, ce chantier indéfini promis
à un perpétuel
inachèvement, a beau nous le faire regarder comme
« a work in
progress », selon la fameuse locution
anglaise, nous nous tournons
toujours résolument vers l’Origine afin de
préparer l’avenir, nous éclairons
l’horizon qui est devant nous avec les clartés que
nous apercevons derrière
nous. Nous qui nous voulons tellement hommes
« libres », (donc, en
quelque sorte, non assujettis à un strict
déterminisme), c’est pourtant à
l’écoute du passé, à
l’observation des conseils qui en émanent, que
nous
soumettons notre attention intellectuelle et spirituelle.
S’il est arrivé, ou
s’il advient (hypothèse projetée sur le
présent ou sur le futur) que des
Francs-Maçons fassent figure de
« révolutionnaires »,
ne
doutons pas que ce soit selon l’idée de retour,
à côté de celle
de renouvellement qu’implique
le terme (et la métaphysique de
« l’éternel
retour », qui est une hypothèse
hindouiste et bouddhique
avant son adoption par le sulfureux Nietzsche n’est en ce
sens guère éloignée
de notre conception effectivement paradoxale du
« progrès » ).
Ainsi, la sagesse à laquelle prétend
accéder l’alchimiste est-elle toujours
très antique, tout comme certains d’entre nous
font remonter la
Franc-Maçonnerie, sinon tout à fait
jusqu’à Adam et Eve, du moins
jusqu’à ce
premier « architecte naval » que
fut Noé construisant l’Arche. Aussi
des rites noachites ont-ils
été pratiqués dans notre Ordre.
Il semble que le « grand arcane »
ou le grand secret que nous
poursuivons, bien que ce soit avec l’outillage conceptuel de
nos mots substitués,
comporte trois voies essentielles de recherche,
complémentaires d’ailleurs,
puisque aucune des trois ne peut se priver des ressources ou des
procédés des
deux autres. Ces trois voies sont l’Alchimie,
l’Astrologie et la Magie. Deux
autres « matières »
constituent leurs adjuvants : l’une est le
Symbolisme, dont nous apprenons, en loge d’apprentis, les
rudiments (le
symbolisme est indispensable à la compréhension
de l’astrologie), l’autre est
la Mythologie sur laquelle s’appuient maints rites magiques
(qui présupposent
un appel aux puissances spirituelles résidant dans les
êtres inférieurs, voire
dans les choses, dormantes mais point du tout inanimés
(on se
souvient de l’exclamation du poète :
« Objets inanimés, avez-vous
donc une âme ? »). Si
l’on me presse de dire où je situerais la
Kabbale, j’en ferais un des outils majeurs du
symbolisme : ses
enseignements sont d’ailleurs à peine
dissimulés dans nos Loges.
Pour deux d’entre ces voies auxquelles je me suis
intéressé, l’Alchimie et
l’Astrologie, je puis dire qu’elles reposent sur un
vrai corpus organisé de
connaissances, même si leurs dérives
éventuelles les font regarder aussi comme
des pratiques de superstition.
Je prendrai d’abord l’exemple de
l’astrologie, puisque celle-ci conditionne
l’approche de l’alchimie.
Doit-on rappeler que, de tout temps, l’homme a
été attiré par la voûte
céleste
et que l’observation des astres lui a d’abord servi
à évaluer le temps ?
L’alternance des jours et des nuits, les changements dans les
phases de la Lune
et la position des planètes, ces astres errants selon
l’étymologie du
mot, retinrent son attention. Les Chaldéens, du haut de
leurs ziggurats
babyloniens, effectuèrent les premiers relevés
précis de la position des
luminaires mobiles par rapport aux constellations immuables :
celles-ci
sont si lointaines que leurs dispositions les unes par rapport aux
autres ne
varient pas. Lorsque le temps fut venu, par exemple dans la
Grèce classique, de
croire que la sphère terrestre était
emboîtée dans les diverses sphères
cristallines auxquelles paraissaient accrochés les objets du
ciel, les
constellations constituaient ce qu’un Aristote ou plus tard
un Ptolémée
appelèrent la sphère des
étoiles fixes. Les anciens observateurs du
ciel nocturne attribuèrent aux étoiles les noms
de leurs divinités. On peut
sans doute imaginer qu’ils créditèrent
ces astres divinisés d’une influence
surnaturelle sur leur propre existence: c’est de
là que naquit probablement
l’astrologie, à laquelle l’astronomie
proprement dite doit beaucoup, tant il
importait, pour les faiseurs d’horoscopes, de savoir
où se trouvaient, avec
exactitude, les bonnes ou les mauvaises
étoiles de la
destinée. De fait, jusqu’au
XVIIe siècle, tous les grands astronomes
furent aussi des astrologues ; ainsi Johannes
Kepler, pour ne citer
que cet illustre exemple.
Les données astronomiques nécessaires sont plus
ou moins nombreuses selon la
pratique astrologique concernée. L'astrologie de la presse
quotidienne, qui se
plait à décrire le sort des natifs de tel ou tel
signe zodiacal, n’exprime que
de très vagues généralités
à propos de millions d’individus,
puisqu’elle ne
s’intéresse qu’à la position
du soleil dans les signes du zodiaque. Mais dès
qu’il s’agit de
« monter » un thème
personnalisé, ou,
corrélativement, sa
« progression » annuelle, en
comparant le ciel
d’origine du natif avec les données d’un
jour anniversaire de sa naissance,
l’astrologue doit se livrer à de savants et
minutieux calculs au bout desquels
le thème de la personne apparaît comme strictement
individuel et singulier,
c’est-à-dire valable uniquement pour elle. Sauf
dans le cas assez exceptionnel
de ce que l’on appelle des « jumeaux
astraux » : quand deux
personnes sont nées au même endroit et au
même moment. Telle anecdote fameuse
nous apprend que le jumeau astral d’un prince
d’Angleterre a hérité de
l’affaire familiale la même semaine (l’un
montant sur le trône, l’autre
reprenant le commerce de son père
décédé), s’est
marié le même jour que lui, a
eu le même nombre d’enfants, est mort le
même jour à quelques minutes
d’intervalle…
On peut considérer le « ciel de
naissance » comme une sorte de
formule chimique où les planètes et les autres
facteurs représentent les
éléments simples et fondamentaux qui, dans leurs
combinaisons variées,
constituent le sujet et la matière d’une
« chimie » de la
personnalité .
Les mouvements observables dans le ciel ne peuvent être
calculés et déterminés
dans l'espace et dans le temps que lorsque les positions variables des
corps
célestes sont mesurées soit à partir
de l'horizon et de la période journalière,
soit d'après les positions équinoxiales du soleil
à l'intérieur du cycle
annuel, soit par les valeurs relatives des périodes
planétaires. Ces trois
cadres de référence principaux sont connus en
astrologie comme le cercle des
douze Maisons (par lequel le natif présente des
différences avec ses congénères
dans une rotation diurne de son horizon), le cercle des signes du
Zodiaque (au
nombre de douze également), et le schéma global
du système solaire (d'où dérive
la signification attribuée à chaque
planète). Chacun de ces trois cadres de
référence possède un
caractère et une signification parfaitement
déterminées,
et leurs combinaisons constituent donc le thème astral,
l'outil essentiel
utilisé en astrologie.
On peut croire ou ne pas croire
à celle-ci ; elle n’en
est pas moins fondée sur la position des étoiles
et des planètes que la science
astronomique a su prévoir. L’astrologie comporte
un code complexe de
significations symboliques, qu'il faut admettre sans pouvoir les
comprendre,
avec la foi du charbonnier, ou bien les rejeter avec une foi toute
contraire.
Le débat entre croyant et non‑croyant ne peut absolument pas
s'établir ici au
niveau de la théorie qui, dans l'état actuel des
connaissances, ne peut pas
faire l'objet d'une discussion réelle. Ceci étant
dit, quand un homme du Moyen
Age laissait tomber un caillou, il pouvait constater, par
l'expérience, que ce
caillou allait toujours vers le sol. Il ignorait totalement la
théorie de la
gravitation, mais il en connaissait bien cet effet particulier qu'il
pouvait
même mesurer et prédire (et Newton
lui‑même restait au niveau de
l'expérimentation sans bien connaître les causes,
sans invoquer, par exemple,
la théorie des ondes gravitationnelles d’ailleurs
encore mal connue de nos
jours).
Toute la discussion actuelle de la connaissance
astrologique passe par
cette analogie. L'astrologue considère qu'il
connaît les conséquences pratiques
de « quelque chose », dont il ne
s’explique cependant pas la cause, laquelle
reste, jusqu’à la découverte
d’une théorie scientifique
adéquate, du domaine
de la métaphysique.
Et nous dans tout cela, à quoi pouvons-nous souscrire ou
adhérer ? Comment
concilier rationnellement les aspects qualitatifs
de l’astrologie et
ceux quantitatifs de
l’astronomie ? Peut-être, sans
être crédule,
en songeant que la Franc-Maçonnerie nous a
invités, dès le jour de notre
naissance initiatique, à nous considérer comme un
« microcosme » en
relation avec le grand Tout qu’est le macrocosme.
C’est pour en recevoir les
influx symboliques que nous travaillons « sous la
voûte étoilée ».
« Connais-toi toi-même, et tu
connaîtras l’univers et les
dieux »,
prévient aussi un adage qui nous est familier.
Même si les dieux ne sont plus (
le Grand Pan étant réputé disparu
longtemps), même si « Dieu est
mort » selon le bulletin nécrologique
publié par Nietzsche, nous sommes
invités à chercher sans répit, comme
sans succès durable, la « parole
perdue » et les plans du Grand Architecte. Notre
philosophie n’est donc
pas étrangère à l’univers
analogique dans lequel se meut l’astrologue. En tout
état de cause, il s’agit toujours, bien
évidemment, d’éviter de sombrer dans un
dogmatisme ridicule. Mais si les astres « inclinent
sans nécessité »
comme le prétendit le fameux Ptolémée,
voilà sauvée, grâce à ce principe
d’indétermination, comme on a dit au
sujet des particules élémentaires
étudiées par Heisenberg, voilà
sauvée ou au moins encouragée
la
liberté que nous voulons opposer à tous les
déterminismes comme à toutes les
tyrannies.
J’examinerai plus brièvement les
« problèmes » que nous
pose l’alchimie,
parce qu’elle nous est à la fois plus
familière (sur le plan des symboles) et
plus mystérieuse encore que l’astrologie. On a pu
dire d’elle qu’elle est une physique
couronnée par une métaphysique
. Mais aussi bien peut-on considérer
que la physique,
c’est-à-dire la théorie de la nature
sur les données
de laquelle l’alchimiste travaille – et ce faisant
cet opératif découvre maints
corps et maintes recettes qui relèvent proprement de la chimie
-,
cette physique pourrait être déduite de la
métaphysique qui sans doute la
prolonge dans le sens ascendant et au contraire l’engendre
dans le sens
descendant. Tout comme de l’esprit émane la
matière selon une vision
spiritualiste de l’univers que j’entreprends de
résumer maintenant, en termes
tout à fait péremptoires, comme je les ai
moi-même entendus. Je vais donc jouer
pendant quelques instants au
« gourou ».
L’ensemble de la création, disent les alchimistes
en
particulier ( et beaucoup
d’ésotéristes en
général) est la
résultante d’une énergie subtile qui
semble
émaner du
« néant », un terme
ambigu auquel on doit préférer celui de
« non manifesté ».
L’énergie
est dans l’univers : elle est
manifestée ; l’énergie
n’est pas dans
l’univers : elle est dans le
non manifesté, mais elle EST. Cette énergie peut
être appréhendée comme
l’essence de l’Un, de l’Etre absolu.
Une image de l'Inde traduirait cette idée : Brahma
expire, le monde se
manifeste, l'énergie apparaît. Brahma inspire, le
monde disparaît peu à peu,
l'énergie retourne au non manifesté. Cette
gigantesque respiration, d'une
durée d'environ 12 milliards d'années,
prétendent certains, est le gigantesque
cycle fondamental de l'univers. C'est le rythme de la machine‑univers
dans son
travail de formation des "Dieux". Ce cycle conduit peu à peu
le germe
de l’Etre, le Zéro du départ,
à l’ Infini du retour.
Il est difficile de donner une image de cette Energie
Première, tout au plus
pourrait‑on dire qu'il s'agit d'une pression d'être.
Dès qu'elle est émanée,
elle va tout d'abord subir une préparation densification, ou
préparation coagulation
selon le langage alchimique. C'est‑à‑dire que sa nature
s'éloigne du
"presque néant" de son origine. Cette densification de
l'énergie
n'est pas continue, elle se fait par paliers.
Il y a 10 paliers correspondant à 10 densités
différentes, la plus dense, la 10e,
étant celle de la matière de notre monde. Ces 10
paliers, vous l’avez compris,
si vous êtes un peu avancés sur le chemin,
correspondent aux 10 séphirots qui
sont les « nombres » de la
Kabbale.
Seuls les trois premiers
paliers sont concernés par la phase de la
préparation‑densification.
Dans l’arbre séphirotique des kabbalistes, le 2e
palier porte le nom
Hochmah, qui signifie la
« Sagesse ». Au cours de cette
descente en
trois premiers paliers, l'énergie se "prépare"
mais ne se réalise pas
encore. Elle prépare la dualité et la forme qui
se manifesteront à partir du
4ème palier. Dans la descente du palier 3 au palier 4, la
Materia Prima fait
son apparition. Elle est l’équivalent du Chaos
biblique. L’Alchimiste, conduit
par le souci du Grand Œuvre, se met d’abord en
quête de la « materia
prima », dans quelque grotte obscure, à
l’intérieur de la terre, et s’arrange
de cette manière pour susciter en lui,
émotionnellement, une sorte de
régression vers le Chaos primitif.
Au palier 4, la « materia prima »
se divise ; la dualité
potentielle de l'énergie se réalise par la
différenciation de l’énergie en deux
parties : l’une active, l'autre passive. Ces deux
parties étant
équivalentes forment ainsi la première
symétrie de l’univers. Le fait
remarquable est que les énergies résultant de
cette division, seront plus
denses, moins subtiles que l'Energie Première. Sur chacune
des énergies
résultant de cette division va se
répéter cette différenciation et
ainsi, peu
à peu, l'énergie subtile va acquérir
la densité grossière de la matière de
notre monde. Mais il faut savoir que dans toutes les choses de notre
monde
(situé au palier 10, le Royaume ou Malkuth selon les
kabbalistes), les 10
niveaux de densité sont présents, le 10e visible,
les 9 autres étant du domaine
de l'invisible. Entre parenthèses, les opérations
de la magie consisteront
souvent dans la matérialisation visuelle,
c’est-à-dire dans les apparitions,
spectrales, hallucinatoires, parfois délirantes, des niveaux
devenus invisibles
de l’énergie.
En même temps que la première
différenciation est donc apparue la dualité, que
nous représentons horizontalement sur le plan du
pavé mosaïque et verticalement
par les colonnes B et J, que je propose de regarder, du point de vue
alchimique, comme des colonnes de distillation au travers desquelles
nous
ferions circuler nos propres énergies, dans la mesure
où nous pratiquons
souvent, et sans nous en douter, tel M. Jourdain faisant de la prose,
une sorte
d’ « alchimie
spirituelle ». Ajoutons que la dualité a
permis la
différenciation sexuelle et que le passage d’une
colonne à l’autre comporte les
connotations de passivité et d’activité
par lesquelles se distinguent
traditionnellement les deux sexes.
L’espace-temps, création de
l’Eternité, mais non identifiable à
celle-ci, est
lui aussi corrélatif de la première
opération de dualité. Les
« jours » de la
création biblique, ce qui suppose aussi les nuits
sans clarté qui les distinguent, peuvent alors commencer.
La dualité donne à l’énergie
un double attribut : l'énergie active va
constituer les éléments de la vie,
l'énergie passive les éléments de la
matière. L’énergie de la vie a pour nom
le « Nitre », et
l’énergie de
la matière le « Sel »
. Ensuite cette première énergie de la vie va
elle-même se diviser pour donner les deux premiers
éléments : le Feu à et
l'Air, et la première énergie de la
matière va se diviser pour donner les deux
autres éléments : l'Eau et la Terre.
Il nous serait sans doute profitable de méditer sur
l’ordre de ces éléments par
rapport à nos propres épreuves initiatiques
vécues dans l’ordre Terre-Air-Eau
et Feu.
Précisons néanmoins tout de suite que les
éléments Feu et Air, Eau et Terre,
qui sont des énergies, n'ont rien à voir avec les
corps portant ces noms. Tout
au Plus, ces corps peuvent‑ils être les porteurs de ces
énergies. En fait, ces
4 éléments sont présents en toute
chose et chacun d’eux possède en
lui‑même les
10 niveaux énergétiques mentionnés
plus haut. De sorte que dans toute chose
faite de matière en notre monde, se trouvent 40 types
d'énergie, et c'est la
variation dans leurs rapports réciproques qui
détermine la nature de la matière
et son degré de vie et de conscience.
Ainsi dans le règne minéral, la
matière aura peu d'éléments Feu et Air
mais
davantage d'éléments Eau et surtout
d'éléments Terre ; dans le règne
végétal,
les plantes auront peu d'éléments Feu et Terre et
beaucoup d'éléments Eau et
Air ; dans le règne animal, il y aura beaucoup
d'élément Feu ‑ le maximum
chez l'homme ‑, l’élément Eau et
l'élément Air seront très
présents, mais il y
aura peu d'élément Terre.
Dans les trois règnes, le degré de vie et le
degré de conscience sont
différents en puissance. En effet, la vie animatrice est
régie par l'élément
Feu. La combinaison Feu-Air constitue l'âme des choses,
c'est‑à‑dire la vie
capable d'animer la matière, car le Feu, seul, ne peut pas
communiquer son
énergie à la matière. Le
règne animal étant celui qui a le plus de Feu est
donc
le plus "vivant" par opposition au règne minéral
qui, lui, a peu de
Feu et qui est donc le "moins vivant". La mort physique
"animale" est le retrait des éléments Feu et Air,
c’est-à-dire de
l'âme qui animait le corps.
Enfin, les énergies des éléments se
répartissent dans l'animation des règnes en
trois groupes‑ principes. Le Feu ne peut s’unir
directement aux éléments de la
matière Eau et Terre, c'est la raison pour laquelle la
présence de l'Air est
nécessaire dans l'âme. Les alchimistes
désignent le principe de l'âme
sous le nom de Soufre. (Triangulation de
l’âme : Feu/Soufre/Air)
Pour que les énergies de la vie puissent transmettre leurs
influences à la
matière, un second principe est nécessaire. Il
comprend l'Air de la vie et
l'Eau de la matière. Ce principe de jonction porte le nom d’Esprit
et
les alchimistes le désignent sous le nom de Mercure.
Dans la
mythologie, Mercure a pour fonction d’être le
messager des dieux. C'est lui qui
établit la liaison entre le monde spirituel et le monde
matériel. Le symbole du
caducée, les deux serpents entrecroisés,
représente les points où les énergies
vie et matière se rencontrent. (Triangulation de
l’esprit :
Air/Mercure/Eau).
Le troisième principe est le corps qui comprend les
éléments Eau et Terre, mais
la réception des influences de l'âme, transmises
par l'esprit, se fait par
l'élément Eau. Les alchimistes
désignent les principes Eau‑Terre sous le nom de Sel.
(Triangulation du
« corps » :
Eau/Sel/Terre).
Bien sûr, il en est de même dans l'homme
où ces principes sont au plus haut
niveau. A toutes fins utiles, précisons que les termes
Soufre, Mercure et Sel
n'ont rien à voir, non plus, avec les corps portant ces
noms, mais qui ont été
cependant placés à dessein dans le cabinet de
réflexion où nous avons été
laissés, seuls en face de nous-mêmes, lorsque nous
subissions l’épreuve de la
Terre.
L'homme tient donc son origine de l'Absolu (Séphire 1 : en
hébreu Kether ou
« la Couronne »,
c’est-à-dire au fond, toutes les
potentialités de
l’Esprit – avec un E majuscule), mais
« Adam » ou son
archétype ne
fut d'abord qu'un Zéro, un germe de vie qui a dû
descendre les degrés
séphirotiques, ou les niveaux de l’être,
jusqu'à son incarnation. Selon cette
vue spiritualiste, l'Être développe d'abord la
conscience, puis la Conscience
crée la Vie pour son besoin d'évolution, enfin la
Vie fabrique la matière comme
un champ de ses nécessaires expériences. La
densification progressive, en dix
paliers, de l'Énergie première
émanée ou manifestée à
partir du « Néant
illimité » (Ayn Soph) ‑ ou du
« non manifesté» qui est donc le potentiel
de l’être ‑ va finir par créer la
matière (qu'un regard profane tient pour
inanimée) et l'ensemble de ce qu'il est convenu d'appeler le
« Vivant ».
En réalité tout l'existant est vivant, et a
dû premièrement se densifier en
traversant les dix niveaux énergétiques de
l’être que j’ai
évoqués ci-dessus.
« Tout est vivant et rien ne
meurt » : c’est une phrase que
nous
faisons circuler dans la chaîne d’Union au cours de
nos propres rites funèbres.
Selon ce qu'en disent les ésotéristes, mais aussi
les physiciens actuels dans
un langage (quoique mathématisé) à
peine différent, il faudrait imaginer une
sorte de vibration primordiale, une onde devenant lumière,
et cette lumière enfin
matérialisée au terme des
étapes que le « Vent Cosmique » l'a
obligée à
parcourir : de façon analogue, « Au commencement
était le Verbe », proclame
l'Evangile de Saint Jean (ouvert sur notre autel des serments),
« et le Verbe
était Dieu ( ... ), de tout être il
était la vie, et la vie était la
lumière
des hommes. »
Le voyage Aller, cette descente d'Adam (et Eve) jusqu'en un corps
animé,
animal.... c'est ce que l'ésotériste nomme
l'«involution ». Les
nécessités de
celle‑ci ont construit des barrières qui, en chaque
être, séparent d'une
manière plus ou moins étanche les divers niveaux
de conscience allant du Moi
Supérieur (sphères séphirotiques 1
à 9) à la conscience physique de l'homme
terrestre. Toute initiation peut donc être entendue comme une
mise en route sur
le Sentier où, grâce au symbolisme, seul langage
capable de faire la liaison
entre le Conscient et l’Inconscient ‑ ou plutôt,
selon ce qui vient d'être dit,
entre « conscience physique » et
«surconscience spirituelle » ‑ l'adepte se
trouvera un jour en possession des « clés
» qui ouvriront les barrières entre
ses différents niveaux de conscience.
Si le voyage Aller de la Descente a été
appelé Involution, celui du Retour sera
donc normalement désigné comme une Evolution.
Involution et Évolution
concernent la Macrocosme et le Microcosme, c'est‑à‑dire le
Monde et l'Homme.
Entre ces deux phases, l'Homme, qui est le seul être parvenu
à la « conscience
de soi », connaît l'Initiation du Nadir qui est le
terme extrême de sa « chute
» dans la matière. L'Évolution va au
contraire consister en une
spiritualisation progressive d'un être qui est
passé par l'Initiation du Nadir,
dans «cette» vie ou une autre. A noter que pour une
« âme » qui n'a pas subi
totalement cette «noire» initiation du Nadir, de
l’absence totale de lumière,
le « bien » n'est pas de monter mais de continuer
sans entraves à descendre,
puisqu'une durable remontée est conditionnée par
ce « virage » du Nadir où
l'âme est d'ailleurs comme morte. Dans l'Homme
Évolutif l'initiation assure
donc un rétablissement du contact entre les divers plans de
conscience. Dans
I'œuvre au Noir, l'Alchimiste sait qu'il est passé
par l'initiation du Nadir et
qu'il a dissous la «terre noire » de sa conscience.
L'œuvre au Blanc qui
s'offre à son entreprise est alors la conquête de
son propre corps spirituel «
astral lunaire » (niveaux 9 à 7 en remontant vers
le 1). Le 3e Œuvre, Œuvre au
Rouge, correspondrait à la constitution d'un «
corps glorieux » dans l'astral
dit « solaire », avec le centrage sur la
séphira Tipheret qui signifie
splendeur, beauté et joie de la Résurrection.
C'est pourquoi Tipheret
se trouve au‑dessus du Voile de la Seconde Mort, que nous avons
déjà nommé : il
s'agit d'un risque de mort spirituelle et non plus physique, que
n'évite
d'ailleurs pas un ésotériste seulement capable de
travailler dans
l’«astral lunaire ».
J’arrête ici mon exposé qui a pu vous
paraître lassant. Je vous fais grâce des
opérations qui conduisent l’alchimiste vers
l’œuvre au Noir, au cours duquel
l’ouvrier
se mortifie autant que sa matière. Puis l’œuf
philosophique, c’est
ainsi que l’on désigne le produit
métallique dans son vaisseau fermé,
convenablement dissous et recomposé, acquiert le stade de la
blancheur, revêt
la tunique de Diane ; ensuite un long processus va mener
l’alchimiste des
espérances de l’œuvre au Blanc
à la jubilation de l’œuvre au Rouge,
lorsqu’est
enfin découverte la fameuse « pierre
philosophale ». N’insistons pas.
Il me suffit d’avoir essayé de prouver que
l’alchimiste obéit, tout comme
l’astrologue, à une logique dont seules les
prémisses font problème,
puisqu’elles sont, du moins actuellement,
indémontrables.
Ces connaissances sont-elles donc frappées
d’inanité ? On est fortement
tenté de le penser. Mais ne faut-il pas alors
considérer notre démarche
initiatique, si fortement (quoique discrètement)
imprégnée d’astrologie et
d’alchimie comme proprement infantile ?
Vous savez par avance, mes frères, que je vous
répondrai NON.
Et c’est un physicien connu et apprécié
du monde scientifique, Bernard
d’Espagnat, qui m’aidera à formuler
cette conclusion. Ce savant éminent dans le
domaine de la physique nucléaire et dans
l’étude des particules qui paraissent
être les constituants ultimes de la matière, juge
les philosophies historiques
et contemporaines à l’aune de ses propres
recherches sur la matière-énergie
constitutive de notre monde. Il me faut simplifier beaucoup pour
réduire un
livre très dense, qui a pour titre A la recherche
du Réel, en une
courte page.
En bref, voici l’argument clé. Les recherches
expérimentales et les équations
de la physique quantique, indépassées
même aujourd’hui quand on
réfléchit à la
texture de l’univers, rendent probable, en dépit
d’Einstein qui avait des vues
opposées en ce domaine, la thèse dite de la
non-séparabilité des particules
élémentaires. Expliquons-nous : des
particules qui se sont connues dans le
passé se conduisent dans leur devenir comme de vrais jumeaux
qui éprouvent sans
avoir à se les communiquer les mêmes
émotions-idées-informations-événements
à
des milliers de kilomètres l’un de
l’autre. En l’occurrence, ces particules
infimes, que ne peuvent rendre manifestes que
des appareils compliqués
et coûteux manipulés par des scientifiques
d’un très haut niveau, ces
particules conserveraient l’information qui leur a
été commune une fois. Or ces
particules jumelles sont disséminées dans le
vaste univers, se sont éloignées
sans doute les unes des autres à des milliards
d’années lumière depuis que
l’actuelle « expiration de
Brahma », dont nous supposons qu’elle est
l’émanation d’un
« Big Bang », a
commencé. Ces particules bien sûr
nous composent aussi, comme l’ensemble des choses. Elles
pourraient se trouver
en relation avec l’ensemble de l’univers par la
rémanence ou le souvenir
infiniment lointain de leurs associations premières
(à supposer qu’elles aient
toutes été concentrées, avant
même de revêtir la moindre forme, et juste avant
le Big Bang, en un point de dimension nulle et de densité
infinie : on
n’est pas loin ici de l’Ayn-Soph des kabbalistes).
La loi de causalité, qui repose essentiellement sur le
postulat
que rien ne
peut aller plus vite que la lumière, ainsi que le
prétend
Einstein, et que nous
vivons dans un espace-temps relatif où les
données
physiques concrètes changent
selon la courbure que la lumière subit au gré de
la
densité des milieux
stellaires à travers lesquels elle se déplace,
cette loi
peut se trouver
subitement contredite – et des expériences le
montrent -
par des événements
singuliers au niveau de ces particules
élémentaires, tel
que l’électron. En
résumé, je pourrais dire : certains
électrons
que l’on fait passer dans
des systèmes de diffraction (que je
n’entreprendrai pas de
décrire) se
comportent comme si l’un
« savait » ce que
l’autre fait au même
instant, et ce comportement contrarie la théorie qui les
voudrait agissant
selon une symétrie inverse : l’un devrait
être
négatif quand l’autre est
positif ; il se trouve qu’en la circonstance ils
sont tous
deux positifs
ou tous deux négatifs. La physique classique –
aujourd’hui celle dérivée de la
mécanique quantique combinée,
d’ailleurs
difficilement, avec les lois
d’Einstein sur la relativité, est
dépassée
par ce type d’événements
qu’elle ne
parvient pas à prédire.
Elle ne peut que constater ce paradoxe :
des particules séparées se comportent comme si
elles restaient jointes et ne
formant qu’une. C’est pourquoi, selon Bernard
d’Espagnat, le physicien ne peut
pas dire qu’il travaille sur la réalité
ultime de l’univers, car il lui faut
accepter de voir battue en brèche la rationalité
de toutes les déductions ou
inductions causales antérieures.
La vulgarisation de la thèse de
non-séparabilité génère les
scénarios de
science-fiction les plus fous : possibilité de
voyager à des vitesses
supérieures à celle de la lumière,
« télétransport »,
existence de
« mondes parallèles »,
« Quatrième
dimension », épisodes
récurrents de X-Files.
Résistons à ces entraînements. Du coup
néanmoins, l’idée, fondatrice de
l’astrologie, que des planètes lointaines
puissent être déterminantes, par leurs influx, sur
le devenir d’un bébé qui
absorbe pour la première fois leur mélange en
poussant son premier cri, peut
n’être pas – ou
n’être plus – scientifiquement
déraisonnable. D’autre part si
nous songeons – comme tout dans notre ordre nous invite
à le penser – à un Etre
distinct de l’Univers créé, cet Etre
étant le Principe, que nous appelons ici
« le Grand Architecte de
l’Univers » et l’Univers
étant sa manifestation
progressivement densifiée selon les paliers
évoqués ci-dessus à propos de
l’alchimie, la thèse de la
non-séparabilité des particules
élémentaires permet
d’imaginer que nous sommes en résonance avec la
totalité du cosmos et que nous
détenons par les pouvoirs de l’esprit la
capacité de voyager dans les archives
de la nature, de vibrer aux différents niveaux de la
manifestation et de
découvrir à travers nous-mêmes,
fût-ce très partiellement, quelque chose des
plans du Grand Architecte.
Alchimie et astrologie, pour ne parler que ces deux formes de
recherches,
seraient alors comme les approches naïves d’une
quête entièrement justifiée. Et
du coup, comme nous venons de considérer
l’influence de ces connaissances
traditionnelles sur notre symbolisme, se trouve également
validée la voie
initiatique que nous avons choisie.
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