Dieu, le Roi et l'Architecte
Introduction
« La F\M\ a pour principe la
tolérance mutuelle, le respect des autres et de
soi-même, la liberté absolue de conscience.
Considérant les conceptions métaphysiques comme
étant du domaine exclusif de
l’appréciation individuelle de ses membres, elle
se refuse à toute affirmation dogmatique ».
Il est parfois difficile de séparer des concepts.
L’expression même de « conceptions
métaphysiques » serait-elle
une expression « tiroir »
dans laquelle chacun rangerait ses idées à
l’abri du regard des autres, de peur de déclencher
en l’ouvrant, tel la boite de PANDORE des débats
nuisibles à la sérénité de
nos travaux ?
Le sujet que j’ai choisi pour cette planche, la construction
du Temple du roi SALOMON est un passage de l’histoire capital
pour nous F\ M\. Nous y puisons l’essence même du
grade de maître ; la légende de maître
HIRAM, la construction de notre temple intérieur, bien
sûr, mais nombre d’autres symboles qui guident les
pas du maître maçon quand il arpente le chantier
afin de coordonner les efforts des apprentis et des compagnons. Mais ce
temple à des dimensions tant physiques que philosophiques.
Il est un point de l’espace et du temps où se
joignent et fusionnent le réel, le religieux et le spirituel.
Ma planche s’articulera donc autour de ces trois axes afin
d’esquisser ce que pourrait être la vie
intérieure d’un F\M\.
Le
réel : Rappels historiques
Les premières références à
un peuple « hébreux »
apparaissent aux environs des années 1300 avant notre
ère. À cette époque, de nombreux
peuples sont en guerre afin d’étendre leur pouvoir
sur l’orient.
En
Égypte, c’est le règne de
Ramsès II qui durera 66 ans. Pharaon de la XIXème
dynastie, il est fils de Séti Ier qui est en paix avec ses
voisins depuis le deuxième pacte égypto-hittite
signé lors de sa victoire à Kadesh sur le roi
Muwatalli. Cette paix ne durera pas longtemps, et après de
vains efforts, Ramsès II devra signer un
troisième traité de paix qui sera garanti par son
union avec une princesse hittite. Les pyramides de khéops,
kéfren et mikérynos ont
déjà 1400 ans. Les temples
d’Abou-Simbel, Karnak et Luxor ancrent la puissance de la
civilisation égyptienne dans le culte du dieu soleil ;
Râ.
En Europe, on
se met à enterrer les morts importants dans des tumulus et
l’on ne connaît pas l’usage du fer. Ainsi
donc, ce peuple « hébreux »,
soumis à Ramsés II, va décider de
quitter l’Égypte sous la conduite d’un
homme appelé Moïse vers 1250 avant notre
ère. Leur voyage va durer quelques 20 années
avant qu’ils ne passent le fleuve Jourdain.
S’ensuivent
des années de guerre d’une
férocité rare durant lesquelles les
« hébreux »
vont soumettre et bien souvent annihiler tous les peuples de la
palestine. De –1190 à –1120 se place la
période des juges. Il n’y à pas de rois
pour ce peuple, pas d’administration non plus ; la justice
est rendue par des hommes sages ou prétendus tels. Les lois
ne sont pas écrites et les jurisprudences nombreuses
entraînent des inégalités parfois
flagrantes suivant le juge et les affaires jugées.
En
–1000 commence le règne du roi DAVID qui prendra
la ville de Jérusalem et en fera, après
hébron, la capitale de son pays. Ce sont les
véritables débuts du royaume
d’Israël. David est le père du roi
SALOMON qui lui succédera 40 ans plus tard en
–960. SALOMON fait construire un temple sur le Mont MORIAH et
structure le royaume. A la fin du règne de Salomon, de
graves dissensions entraînent la partition du royaume
d’Israël qui verra sa fin en –721.
224 ans plus
tard, NABUCHODONOSOR II prend Jérusalem et
déporte la population à BABYLONE. En
–587, dix en plus tard, il doit reprendre la ville et,
à nouveau, en déporte la population.
Le temple du
roi SALOMON est détruit.
Religion
: étude des textes sacrés
LES ACTEURS :
DIEU.
YHVH. Quatre lettres. Aucune voyelle. Le nom de Dieu est
imprononçable car sacré. Il sera toutefois
appelé Yahvé par convention. Le Dieu
d’Israël des premiers livres de la bible est
à l’image des peuples de cette époque.
Il s’agit d’un dieu guerrier qui fait une alliance
avec un peuple particulier afin d’être
adoré. L’alliance entre Dieu et Israël
est simple ; Les fils d’Israël devront
l’honorer, lui seul, suivant des rites très
précis et exécuter sans faille ses commandements
et ordonnances. En contrepartie, le peuple se verra guidé
vers une terre « où coulent le
lait et le miel » qui lui appartiendra
à jamais. Cette terre promise n’étant
pas déserte, Yahvé assurera la victoire militaire
sur tous les peuples ennemis rencontrés. Il fera
croître et prospérer son peuple au milieu des
autres nations.
Yahvé
accompagne Israël : il vit comme son peuple, sous une tente
certes sacrée, dans laquelle repose l’arche
d’alliance. C’est un Dieu nomade, guerrier,
d’une intransigeance absolue, qui
n’hésite pas à annihiler ceux qui lui
font défaut. Il n’est pas fait mention
d’un quelconque amour entre lui et son peuple.
SALOMON.
Salomon sera le troisième roi d’Israël
après Saül et David, son père, dont il
est le 14ème fils. Sa mère est BETHSABEE, une des
multiples concubines de DAVID. Il est né après la
prise de jérusalem alors devenue capitale du royaume.
Lors de son
accession au trône qu’il reçoit des
mains de son père toujours en vie, Israël
à conquis tous les territoires promis et vit en paix avec
ses voisins. Notamment un certain HIRAM de TYR
déjà allié de son père.
Dès le début de son règne, SALOMON
demande à Yahvé une qualité rare ; la
sagesse, afin de diriger son peuple équitablement. Elle lui
sera accordée et sa réputation traversera les
frontières.
HIRAM.
HIRAM est cité dans deux livres de la Bible ; le
« Premier livre des rois »
et les « chroniques ».
« Le roi Salomon avait fait venir de Tyr
un ouvrier du bronze, fils d’une veuve de la tribu de
Nephtali et d’un père Tyrien, HIRAM. Il
était plein de talent, d’intelligence et
d’habileté pour faire toute espèce
d’ouvrage en bronze. Il se rendit auprès du roi
SALOMON, dont il exécuta tous les travaux ».
Rois, 7, 13.
« Je t’envoie donc un homme
habile et entendu, Hyram-abi, fils d’une Danite et
d’un père Tyrien. Il sait travailler
l’or et l’argent, le bronze et le fer, la pierre et
le bois, la pourpre bleue et violette, le lin fin et le cramoisi ; il
sait faire toutes sortes de sculptures et élaborer tout plan
qu’on lui confie ». Chroniques,
2, 12.
HIRAM est donc un ouvrier hors pairs qui eut en charge la
réalisation de tout le mobilier du temple de
Jérusalem. Ses ouvrages les plus importants furent deux
colonnes en bronze appelées « JAKIN »
et « BOAZ »
ainsi qu’une « mer de
métal fondu », sorte de grande
vasque destinée aux ablutions des prêtres.
L’œuvre
; la construction du temple.
C’est dans l’esprit de DAVID que naquit
l’idée de construire un temple. En effet, le
peuple d’Israël se sédentarise et le roi
vit dans une maison de pierre alors que le Dieu qu’il
vénère vit encore sous la tente avec
l’arche d’alliance.
Durant son
règne, DAVID tracera les plans du temple et, avec
l’aide du roi HIRAM de TYR, accumulera les
matériaux nécessaires à sa
construction. Tant et si bien que SALOMON n’aura plus
qu’à réaliser le rêve de son
père.
Yahvé
dénie à DAVID l’honneur de lui
édifier un temple car c’est un guerrier ; des
mains qui ont versé le sang ne peuvent accomplir un tel
ouvrage.
Le temple est
destiné à recevoir l’arche
d’alliance, placée au Dhébir. Mais Dieu
ne pouvant en termes propres habiter un lieu particulier, vu
qu’il emplit l’univers dans son ensemble ; ce lieu
sera surtout un endroit sacré, lieu
privilégié de communication avec
l’éternel.
Religion
et spiritualité : la symbolique des textes sacrés
La construction du temple est la jonction de trois êtres
présentés au chapitre
précédent ; Dieu, le roi SALOMON et HIRAM.
Comment ne pas voir dans cette triade une symbolique pleine de sens ?
Dieu est le principe fondateur, créateur du ciel et de la
terre, sur lequel s’appuient les hommes. Dieu est la FORCE.
Le roi SALOMON s’appuie sur la force de Dieu pour assurer la
pérennité de son royaume. Il dirige celui-ci avec
équité. Le roi est la SAGESSE.
HIRAM, ouvrier des plus habiles, met ses talents au service de Dieu et
du Roi en créant des œuvres admirées de
tous. HIRAM est la beauté.
Dieu, le Roi, l’architecte ; trois points vers une
œuvre unique ; le Temple.
La Force, la Sagesse, la Beauté ; trois points vers une
œuvre unique ; l’Homme.
Je ne développerai pas plus ce chapitre ; il est le
troisième point de ma planche.
Le réel, le religieux, le symbolique ; trois chapitres pour
nous amener à la spiritualité.
Spiritualité
; définition et actualité
Donner une définition précise est hasardeux tant
cette notion peut-être intime et fonction de la culture et du
vécu de la personne considérée. Nous
pouvons constater une stagnation de la pratique religieuse en France ;
elle concerne 10% de la population. Pourtant, il semble que le besoin
de spiritualité aille grandissant, comme si les convictions
existentielles se démarquaient de
l’adhésion affirmée à une
religion « traditionnelle ».
Celles-ci restent des « réserves »
de symboles, de références, sur lesquelles les
individus se basent afin de bâtir et assouvir leurs propres
besoins de spiritualité.
La
spiritualité de la fin du 20ème siècle
pourrait être un espace philosophico-mystique, de plus en
plus axé sur l’individu lui-même plus
que sur le groupe. Elle se définirait donc mieux en termes
d’éthique et de morale prenant naissance et
aboutissant finalement à la construction d’une vie
intérieure.
La foi en
Dieu, l’appartenance à une religion sont en perte
de vitesse due en partie à un
phénomène de génération. La
relation à Dieu serait privilégiée par
les plus de 65 ans, alors que les moins de 50 ans ne se retrouvent plus
dans ce concept.
Mais
pouvons-nous dire que « Dieu est mort »
? Certainement pas ! Il ne faut pas amalgamer Dieu et religions et voir
dans le déclin de ces dernières une baisse
d’intérêt pour le divin. Bien au
contraire, le besoin de spiritualité et de religieux se
porte mieux que jamais, mais il est en pleine mutation, se dissolvant
dans l’esprit des temps modernes et présentant des
aspects aussi différents que nous sommes
nous-mêmes différents.
Cette spiritualité individuelle et composite est bien le
fruit de cette fin de 20ème siècle qui a vu la
destruction des repères de la société
d’avant-guerre. Les structures qui allaient de soient pour
nos grands-parents, ont toutes trouvé leurs limites ; Que
reste-t’il de la religion, de l’anti-religion, des
doctrines, des idées, des syndicats, du couple, de la
famille, de la politique, des valeurs etc. Plus rien n’est
sûr. Et pourtant, nous avons besoin de réponses
à nos questions, et c’est la vie
elle-même, au travers de ses drames qui oblige à
regarder en face et exige de nous une réponse claire !
POURQUOI ?
Alors, Dieu ne devient-il pas une alternative à
l’impuissance ? Un secours inépuisable,
supérieur à la science et à la
philosophie qui ne peuvent que nous renvoyer à notre
ignorance ? Mais alors il faut croire ! Vraiment croire, dur comme fer
! Mais la foi véritable, sincère et
entière est rarissime.
Une autre alternative consistera à nier en bloc la
spiritualité, la religion, la philosophie, en
espérant évacuer les questions existentielles
comme on tenterait de faire baisser la fièvre en cassant le
thermomètre. Malheur à celui qui s’est
voilé la face ; une bourrasque de la vie pourrait le mettre
en péril sans secours possible. Les sectes font leurs choux
gras de ces désespérés.
Nous, F\M\, sommes des individus au même titre que
n’importe quel être humain. Pourtant, nous sommes
différents par ce que nous vivons en loge. Ce
vécu nous apporterait-il un plus par rapport à
nos questions existentielles ?
La
Foi du franc-maçon
Existe-t’il une spiritualité maçonnique
? Peut-on parler de Foi maçonnique ? De part notre nature
propre, nous sommes attachés aux symboles. Certains sont
très anciens, parfois issus de la religion. Si notre
passé à des racines communes qu’il est
ridicule de vouloir cacher ou minimiser, nos institutions se sont
séparées. La F\ M\, contrairement à la
religion, conserve en elle l’essence du rituel ; Le rituel
qui grandit, qui délivre, qui émancipe, qui aide
à construire un homme plus éclairé et
plus aimant.
Les rituels
que nous pratiquons, quels qu’ils soient, semblent nous aider
à nous mettre en contact avec une partie
inexprimée de nous-mêmes, avec un sentiment noble
et élevé, un véritable lien qui nous
unirait aux autres hommes, comme à l’univers dans
son ensemble. Le rituel serait l’expression d’une
spiritualité laïque.
Nous sommes en loge à la recherche de la
vérité ; nous aspirons tous à la
sagesse. Mais quels sont les liens qui unissent la
spiritualité à la sagesse ? Je dirais que la
première naît de
l’expérience, à la jonction du
sentiment et du vécu, alors que la deuxième
naît d’un véritable travail de
l’intellect et ferait du sage une personnification de la
philosophie.
CONCLUSION
La vie intérieure de l’Homme, qu’il soit
maçon ou non, peut être d’une richesse
extrême ou n’être qu’un petit
jardin en friche. L’essentiel est qu’elle
l’aide à devenir meilleur, car
l’amélioration de chaque pierre
améliore la qualité de l’ouvrage. Les
concepts de déité, de spiritualité, de
symbolisme sont à la disposition de chacun
d’entre-nous ; nous sommes libres de les utiliser ou non,
mais notre devoir de tolérance nous impose de respecter les
choix de chacun.
Quel ouvrier serait celui qui méprise un outil dont il ne
connaît pas l’usage ?
Je terminerai sur l’importance de la
laïcité, idée souvent
malmenée et mal comprise. Elle est certainement une des
valeurs morales les plus hautes malgré son jeune
âge. Elle est la valeur ultime de la liberté, la
garantie que tous pourront vivre harmonieusement leur vie
intérieure en respectant celle des autres. Elle est en
elle-même une espérance, et peut-être
même LE concept spirituel du 3ème
millénaire.
G J
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