Obédience : NC | Loge : NC | 09/2007 |
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Nouvelle approche Historique et Symbolique du Mot de Maître «Mohabon» et «Macbenac» sont les deux principales variantes actuelles du mot sacré de Maître. De très nombreuses tentatives d’interprétation de ces mots ont donné naissance à une abondante littérature, plus ou moins probante. Avant de tenter une approche symbolique, il est important de préciser le cadre historique de ces variantes. Les principales occurrences maçonniques où apparaît un mot de Maître sont les suivantes, par ordre chronologique :
Historiquement (GUÉRILLOT 1995, p. 119-120) on constate un système trigradal dès 1700, parallèlement à un système digradal qui sera celui adopté par les «Moderns» à la constitution de la première Grande Loge en 1717 ; Ces derniers commencèrent à pratiquer un système Apprenti-Compagnon-Maître aux alentours de 1725, officialisé en 1731. L’orientation trop déiste de cette première Grande Loge, autant que l’inversion des mots d’Apprenti et Compagnon et autres modifications décidées par les «Moderns», probablement à la suite des divulgations de Pritchard, poussa de nombreuses loges à se retirer de l’Obédience récemment créée puis à rejoindre progressivement à partir de 1751 (Ibid, p. 48-49) la nouvelle Obédience des «Antients» créée par des Francs-Maçons d’origine irlandaise. La conséquence de ce schéma historique est l’existence de trois familles de mots de maître : 1 la famille du prototype «Mahabyn» avec ses dérivés (Matchpin, Maughbin, Magboe), témoin de l’antique système trigradal 3 la famille du prototype «Mahhabone» et ses dérivés (Moabon, Mahaboneh, Mohabon), à partir de la création de la Grande Loge des «Antients». On a souvent voulu voir, dans ces trois familles, des déformations d’un même mot (SAINT-GALL 2001, p. 75). C’est une possibilité, mais ce n’est pas la seule, comme d’autres l’ont déjà évoqué (ECHED 1998, p. 58 ; GUÉRILLOT 1995, p. 120). Il a été aussi beaucoup écrit sur la signification possible de ces mots. Il semble pourtant possible de faire une analyse sémantique détaillée pour chacune de ces trois familles. 1) La famille «Machbenah» On a vu que ce mot apparaît pour la première fois en 1730 dans la divulgation de Pritchard. Cette dernière est reconnue par les historiens de la Franc-Maçonnerie comme une publication de référence, dont le «retentissement a été énorme, à la mesure de l’exactitude de ses révélations» (GUÉRILLOT 1995, p. 35). Si exactitude il y a, pourquoi ne concernerait-elle pas aussi le mot de Maître ? Or, contrairement à ce que beaucoup ont écrit et répété, à part quelques uns (ECHED 1998, p. 58) il existe réellement une occurrence biblique correspondante : makbenä
ou
makbenâ הנבכמ - ou אנבכמ Makhbena(h). 1 Chron., 2:49. N°Strong =
04343
Ce mot est transcrit de manière parfaitement identique, «Machbenah», dans la divulgation de Pritchard et dans le texte de la Bible de Genève (édition anglaise de 1560, longtemps préférée à la King James de 1611, qui donne d’ailleurs exactement la même transcription, toutes deux éditions dont les nombreuses réimpressions ont été largement en usage dans la première moitié du XVIIIe siècle). Ce ne peut pas être une coïncidence : Verset
de la Bible de
Genève (1560). 1 Chron.
2:49
Un des sens donné
en anglais à ce nom propre est «bond» (=
lien et au sens figuré, engagement,
obligation) (GESENIUS 1857, p. 471).«Machbenah», cité dans les Chroniques, est en réalité le nom d’une ville de Judée (BROWN-DRIVERBRIGGS 1962, p. 460) fondée par Séva du clan de Caleb. La racine de ce mot est ןבכ dont le sens est douteux mais que l’on peut rapprocher de l’hébreu moderne ןבכ (kavan) «envelopper, étreindre» (A mettre en relation, peut-être, avec les cinq points parfaits exécutés au moment où le nouveau maître reçoit le mot ?). JASTROW (1903, p. 608-609) donne aussi à cette racine le sens de «to clasp, fasten» c’est-à-dire «étreindre, attacher». En faisant précéder cette racine du pronom המ, souvent réduit à sa première consonne (-מ) dans les mots composés (BROWN-DRIVER-BRIGGS 1962, p. 552) et pris dans son sens de pronom démonstratif (SANDER-TRENEL 1859, p. 340), on construit effectivement un mot dont le sens général est «ce qui enveloppe» d’où la notion de «lien». Or le texte de Pritchard dit justement : «And M.B. shall make you free» (M.B. étant explicité en marge en «Machbenah») Le sens de cette phrase peut s’éclairer quand on la rapproche du mot «lien» ou de son sens figuré «obligation» : ce qui peut nous rendre libre c’est l’acceptation d’un lien (sous-entendu avec Dieu) et/ou d’un engagement envers tous nos Frères. Mais est-ce bien le sens retenu par les «Moderns» lorsqu’ils choisirent «Machbenah» ? Dans son Thesaurus Linguae Hebraeae, GESENIUS donne aussi à «Machbenah» le sens «cloak» (= cape, manteau) ; on est proche du sens «ce qui enveloppe», mais on ne peut négliger cependant le sens dérivé de «cloak» (= cacher, en tant que mettre sous cape, mettre sous le manteau) ce qui pourrait être alors une allusion au vrai mot de Maître (הוהי), caché par le mot substitué. La divulgation de Pritchard donne cependant une explication au sens de «Machbenah» : «The builder is smitten», c’est-à dire «le constructeur est frappé». Elle ne correspond pas au sens réel du mot hébreu «Machbenah». Cette explication découlerait de la présence dans les tables de l’édition de 1580 de la bible de Genève de la note suivante : «Machbana, machbenah, pauvreté, l’assassinat du fils, pauvreté de compréhension ou l’assassinat du constructeur» (LEGOUAS 1999, p. 18) Mais cette note n’est en fait qu’une tentative de traducteur pour trouver un sens au mot biblique «Machbenah» à partir de racines hébraïques diverses : makkä הכמ «makkah» = coup bînä הניב «binah» = intelligence, compréhension. bonë הנב «boneh» = constructeur. makî יכמ «Makhi» = nom propre, parfois traduit par «mon pauvre». De plus cette note est absente de l’édition anglaise de 1560. L’édition française de 1669 indique uniquement «pauvreté de mon fils». Il semble donc douteux qu’une note apparemment controversée soit à l’origine d’un choix aussi important que celui du mot de Maître. Mais c’était peut-être une explication facile qu’avaient trouvé certains maçons, dont Pritchard, d’autant plus qu’elle concordait bien avec le rituel en faisant référence à un «constructeur». Quant aux déformations phonétiques au sein de la famille «Machbenah», elles sont faciles à concevoir : le «Hé» final non prononcé, car dans le mot hébreu, c’est une Mater lectionis qui sert uniquement de support à la voyelle «a» (on a vu que ce même mot hébreu peut d’ailleurs être écrit avec un «Aleph» final comme Mater lectionis), disparaît au profit d’un son «k» par contamination du même son présent à la fin de la première syllabe, d’autant plus facilement que le mot est prononcé en deux parties, corollaire de son abréviation en «M.B.» qui apparaît pour le première fois dans le même texte. Les transcriptions «k», «kh», «c», «ch» sont bien sûr le reflet d’habitudes différentes pour rendre un même son. On constate d’ailleurs parfois ces variations dans une même divulgation ; par exemple, l’édition de 1771 de « L’Ordre des Francs-Maçons trahi et le secret des Mopses révélé » cite cinq fois le mot de Maître, dont trois fois avec des orthographes différentes : Mac-benac (p. 108), Machenac (p. 117 ; probablement une faute de l’imprimeur qui a confondu deux plombs proches, le «h» italique et le «b» italique) et Makbenak (p. 137, 149 & 154). 2) La famille «Mahhabone» On a parfois voulu rapprocher ce mot de l’histoire biblique de Moab, et considérer «Moabon» (נבאומ) comme un diminutif du nom de ce personnage (VUILLAUME 1830, p. 56 & 64, GRASSE-TILLY 2004, p. 28, ECHED 1998, p. 61 et SAINT-GALL 2001, p. 82) : mô'av
באומ
Moab.
N°Strong = 04124 (Gen. 19:37, etc.,
181 occurrences)
Moab était le fils de l’inceste de la fille aînée de Loth avec son père. La signification de son nom est «Issu du père». On ne voit pas bien de rapport direct avec la franc-maçonnerie, à part la ressemblance phonétique. D’autres interprétations sont à considérer avec beaucoup plus d’attention : mä hab-bônë הנובה המ Mah haboneh, «Qui est l’Architecte ?» (GUÉRILLOT 1995, p. 65). ou bien «Quoi? C’est l’Architecte !» (GUÉRILLOT 1995, p. 70). mä hab-bonë הנבה המ Mah haboneh, «Qui est l’architecte ? (SAINT-GALL 2001, p. 75). mî hab-bônë הנובה המ Mi haboneh, «Qui est l’architecte ?» (ECHED 1998, p. 58 & 61) met hab-bônë הנובה המ Meth haboneh,«L’architecte est mort !»(ECHED 1998, p. 58 & 61). Quelles sont les sources communes de ces diverses interprétations ? Le mot «architecte» ou plutôt «constructeur», car la notion moderne d’architecte est absente du vocaLe Secret - Les Secretsbulaire hébreu biblique, apparaît dans le texte de la bible uniquement au pluriel : bonîm םינב Constructeurs (pluriel absolu). 2 Rois, 12:11, etc. (8 occurrences) On peut en déduire l’existence d’une forme au singulier, par comparaison aux textes talmudiques : En effet, le Talmud (Shabbath, 102b) nous éclaire sur une forme possible de ce mot au singulier ; il y est écrit avec l’article défini (-ה) (qui provoque le redoublement de la consonne «b») et sous une forme non défective (présence de la mater lectionis «Waw» pour exprimer le son «o» ce qui n’est pas le cas dans la Bible) Extrait
du Talmud, Shabbath 102b,
montrant
plusieurs fois la forme הנובה.
On a vu que «Mahhabone» apparaît pour la première fois dans la divulgation «Three Distinct Knocks» (notée dorénavant TDK) qui est au rituel des «Antients» ce que «Masonry Dissected» est au rituel des «Moderns», en raison de son exactitude. En partant de la même hypothèse que pour «Machbenah», c’est-à-dire que le mot de Maître des «Antients» est correctement transcrit, puisque le reste est réputé exact, on comprend mieux les diverses interprétations évoquées précédemment. Voici les hypothèses que l’on peut envisager a priori en voyant ces quatre lettres hébraïques : 1) Mot substitué, mais de même sens = un nom de Dieu ? 2) Mot en rapport avec la légende d’Hiram (ex : «Qui est l’architecte ?» etc.) ? 3) Mot sans aucun sens mais à valeur kabbalistique (équivalence numérique ou autre) ? 4) Initiales ? (car TDK donne un «Nun» non «final» et écrit de plus avec une voyelle hataf-qamats, ce qui est impossible sous une consonne finale) : HA... ה... ou plutôt ... ה la, le, les, l’ ou cela -ה ou אוהה BO... ב... ou plutôt ... ב constructeur ? נב ou נב NE... נ... ou plutôt ... נ verbe ??? En effet, dès le premier examen, on voit que les voyelles sont incompatibles avec la transcription «Mahhabone» indiquée à côté ; par contre, si on les décale d’un cran à droite, on retombe sur la bonne phonétique : Il est possible que les voyelles soient décalées accidentellement, suite à une erreur de l’imprimeur, dans la transcription de TDK. Mais on ne peut pas écarter un décalage intentionnel qui suggérait au lecteur, un peu curieux, que les consonnes ne sont pas à leur place ; d’autant plus que le «Nun» final n’est pas écrit correctement : נ au lieu de ן. Manquerait-il des lettres ? A ce stade de l’analyse, deux réponses sont possibles qui vont montrer que le mot de Maître des «Antients» est en fait un superbe rébus kabbalistique : A) La solution exotérique C’est la solution facile, celle qui cache la vraie solution, et qui a bien joué son rôle puisque c’est la seule qui a été plus ou moins bien perçue jusqu’ici. Elle est donnée par la transcription en caractères latins : «Mahhabone» Si on rajoute, aux quatre lettres hébraïques de base (nbhm), celles qui sont suggérées par la transcription, on aboutit à la forme : a - «Mah» (המ) qui est un pronom interrogatif pouvant se traduire par «que», «quoi» et éventuellement (mais c’est un sens approximatif) «pourquoi». Ce pronom qualifie toujours une chose et jamais une personne (on ne peut donc absolument pas le traduire par «qui»), sauf pour demander «ce» qu’elle est (JOÜON 1965, p. 446) comme dans : b - «Ha» (-ה) qui est soit l’article défini «le, la, les», parfois à vocation démonstrative (ce, cette, ces), soit un adverbe interrogatif qui introduit le questionnement. Le choix entre ces trois hypothèses est délicat ; tout au plus l’absence de redoublement du «b» dans la transcription en lettres latines (redoublement qui est toujours la règle après l’article défini) orienterait vers le choix d’une construction interrogative double de la forme [....]-מה ה c - «Bone» (הנוב ou הנב) dont on a vu le sens précédemment, «constructeur». C’est bien la forme défective, sans la mater lectionis «Waw», support de la voyelle «o», qui est écrite dans TDK. Les traductions possibles sont donc «Qu’est-ce que le constructeur ?», «Qu’est-ce que ce constructeur ?» ou, plus probablement, «Qu’est-ce ? Est-ce un constructeur ?» La forme hébraïque écrite dans TDK n’est en fait qu’une écriture dite «défective», c’est-à-dire sans aucune des matres lectionis, supports de voyelles ; elle est donc parfaitement lisible par un hébraïsant et la transcription en lettres latines est tout à fait correcte : ה pour ה ha ב pour וב bo נ pour הנ ne(h) De plus les règles de prononciation des voyelles en hébreu donnent immédiatement la raison de la prononciation «Mohabon» à la place de «Mahabon». En effet, lorsque le pronom interrogatif «Mah» est séparé, il forme un mot indépendant composé d’une syllabe dite «fermée» (consonne+voyelle+consonne) et portant obligatoirement un accent tonique. La voyelle ( ) est alors un «qamats gadol» se prononçant comme un «a» long. La formation du mot composé «mahhabone» transforme le pronom interrogatif séparé «Mah» en pronom interrogatif préfixé qui perd ainsi son accent tonique, reporté sur la fin du mot ; la syllabe fermée devient atone et la voyelle ( ) devient alors un «qamats hatuf» se prononçant comme un «o» court. Notre forme moderne «Mohabon», à part la chute de la voyelle finale, n’est donc pas aussi fautive qu’on le pense souvent, à condition de prononcer toutes les consonnes, sans rendre la diphtongue «on». B) La solution ésotérique A lire la solution exotérique, on reste sur sa faim ; le mot sacré de Maître est censé être un mot «substitué» rappelant l’ancien mot de Maître celui que l’on retrouve plus tard, c’est-à-dire le Tétragramme, l’ineffable nom divin, הוהי Les rituels franc-maçons nous ont habitué à une symbolique beaucoup plus riche. Où est-elle ici ? Une première piste est la forme «défective» utilisée par TDK. Elle est composée de quatre lettres, ce qui nous fait immanquablement penser à quatre autres lettres, celles du Tétragramme. Mais, à part le chiffre quatre, n’y aurait-il pas une autre relation ? - Lecture de premier niveau : Tout d’abord un rappel de guématrie (OUAKNIN 2004, p. 337-353) appliquée au nom divin הוהי : La guématrie simple attribue une valeur numérique à chacune des vingt-deux lettres hébraïques, ce qui donne : הוהי
donne 10+5+6+5 soit un total de 26
La petite guématrie fait de même mais ne tient compte que du niveau des unités (10 et 100, deviennent 1, comme 20 et 200 deviennent 2, etc.) יהוהי
donne 1+5+6+5 soit un total de 17
En appliquant cette technique au mot de Maître reconstitué précédemment, on obtient : הובה המ dont
la valeur numérique = (5
+ 40) + (5 +
50 + 2 + 5) = 45 + 62 = 107
Or en guématrie,
107 est un équivalent de 17 (par suppression du
zéro)De plus, si l’on fait la différence entre la valeur du premier mot (המ) et celle du deuxième (הובה), on obtient : 45
- 62 = 17, valeur en petite
guématrie de הוהי
Faire cette différence, c’est quantifier le chemin à parcourir pour aller du questionnement («mah») à la nature du constructeur («habone») ; la réponse est Dieu. Mieux encore, le deuxième mot vaut en petite guématrie : הובה =
5 + 2 + 5 + 5 = 17
Le constructeur» est donc Dieu. Et la somme des deux mots, qui fait 107 (= 17) en guématrie simple, vaut en petite guématrie : הובה המ = (5 + 5 + 2 + 5) + (5 + 4) = 17 + 9 = 26, valeur en guématrie simple de הוהי Ce premier niveau de lecture est donc parfaitement cohérent et renvoie dans tous ses aspects à la perception du divin. On peut compléter cette symbolique en rappelant que dix-sept est la lame du tarot symbolisant la mutation et la renaissance. C’est aussi le nombre de consonnes de l’alphabet grec, nombre jouant un rôle important dans la tradition pythagoricienne et par la suite chez les mystiques musulmans. D’autre part, en symbolique des nombres (CHEVALIER-GHEER. 1982, p. 360-361), 17 (9 + 8) est intimement lié à 72 (9 x 8) qui est la valeur en guématrie «riboua» de הוהי (guématrie dynamique cumulative, cf. OUAKNIN 2004, p. 341-342) :
On voit déjà apparaître la figure du triangle, qui va se développer dans le second niveau de lecture. - Lecture de second niveau : Il existe une autre forme de guématrie, très utilisée dans la kabbale pour la compréhension du nom divin (OUAKNIN 1991, p. 111-114) : C’est la guématrie simple déployée, qui écrit explicitement chaque lettre composant le mot avant de faire le calcul numérique ; ainsi, «Yod» qui s’écrit «Yod» + «Waw» + «Dalet» vaut dans ce cas 10 + 6 + 4 = 20 et non pas 10. Elle ouvre considérablement le champ des équivalences symboliques, dans la mesure ou chacune des lettres peut parfois s’écrire de plusieurs manières. Pour la lecture du nom divin la kabbale distingue alors trois écritures différentes pour le «Hé» et le «Waw» et une seule pour le «Yod» :
La kabbale, et en particulier l’école de Safed avec Rabbi Itshaq Louria et ses élèves, à partir de la fin du XVIe siècle, reconnaît ainsi officiellement quatre déploiements numériques du Tétragramme : a) le shem (= nom) «MAH» ( המ םש ), d’indice Aleph, tirant son nom du mot «Mah» qui est la manière d’écrire le nombre 45 en hébreu (Mèm = 40, Hé = 5) ; c’est aussi le pronom interrogatif «Quoi ?» : ה + ו + ה + י = אה + ואו + אה + רוי = 6 + 13 + 6 + 20 = 45. b) le shem «BEN» ( ןב םש ), d’indice Hé (ou «double»), tirant son nom du mot «Ben», qui est la manière d’écrire le nombre 52 en hébreu (Nun = 50, Bèt = 2) ; ce mot signifie aussi «Fils» : c) le shem «SAG» ( גס םש ), d’indice Yod pour le «Hé» et d’indice Aleph pour le «Waw», tirant son nom du mot «Sag» qui est la manière d’écrire le nombre 63 en hébreu (Samekh = 60, Guimel = 3) : d) le shem «AV» (בע םש ), d’indice Yod, tirant son nom du mot «Av» qui est la manière d’écrire le nombre 72 en hébreu (Ayin = 70, Bèt = 2) : Ces quatre déploiements numériques du tétragramme, 45, 52, 63 et 72 ont un rôle considérable dans la kabbale, en relation avec l’arbre séphirotique. On a déjà vu apparaître le nombre 72 à la fin du premier niveau de lecture. Les valeurs 45 et 52 vont nous donner la clef du deuxième niveau de lecture du mot de Maître : La transcription «défective» de TDK nous donne : נבהמ. Il faut d’abord se rappeler que, dès les premières mentions d’un mot de Maître (manuscrit Sloane 3329, daté d’environ 1700, question «Maha», réponse «Byn») le mot s’est prononcé en deux parties ce qui a conduit ensuite à l’utilisation des lettre M & B comme symbole de ce mot de Maître. On est donc invité à séparer ce mot en deux fragments, commençant respectivement par les lettres dont
les guématrie simples
respectives sont
(2 + 50) = 52 et (5 + 40) = 45.
On voit immédiatement que ces deux fragments sont identiques aux noms de deux des déploiements numériques du Tétragramme, le shem «BEN» (נב) de valeur 52, et le shem «MAH» (המ) de valeur 45. Notre mot de Maître est donc composé de deux équivalents numériques du Tétragramme ; mais l’écriture «défective» intentionnelle de TDK, de même que le «Nun» non final et le décalage des voyelles nous incitent à penser qu’il manque des lettres. Puisque le nom divin est censé être caché et substitué par le mot de Maître, ne serait-ce pas justement les lettres du Tétragramme (הוהי) qui manquent ? L’une d’entre-elles, le «Hé» (ה) est déjà présente ; le «Hé» symbolise le souffle divin, le questionnement ; elle appelle les trois autres (cf. «la règle des trois» ci-après) qui forment à elles seules le nom «Yeho», (והי) une abréviation extrêmement courante dans la littérature hébraïque pour signifier le Tétragramme. Cette approche du nom divin divisé en «Hé» (h) d’une part, et «Yod-Hé-Waw» (vhy) d’autre part, est aussi un des classiques de la Kabbale, détaillé dans le Tiqouné Zohar (OUAKNIN 1991, p. 121-125) : «La lettre Hé, c’est la présence (chékhina) en exil. Sa perfection et sa vie, c’est la rosée. C’est-à-dire les trois lettres yod-hé-vav. Le hé (quatrième lettre du nom), c’est la présence qui n’est pas comptée dans la rosée. Mais les lettres yod-hé-vav ont une valeur numérique de 39 et elles complètent la présence, de leur puisement de toutes les sources supérieures.» Ce texte se comprend mieux quand on sait que «Yod-Hé-Waw» déployé en «indice aleph» donne 39 qui est la valeur du mot «rosée» en hébreu ; c’est aussi celle du «nom en mouvement», le «kouzou» [guématrie par décalage d’une lettre dans l’alphabet : YHWH (הוהי) → KWZW (וזוכ)], ainsi que de «YHWH EHAD» (Dieu est un, 26 + 13 = 39). Ce texte du Tiqouné Zohar est fondamental car il introduit la notion de cassure, de la fracture en Dieu, qui est à la base de multiples rites de la pratique hébraïque. On va voir que notre mot substitué a certainement été influencée par cette approche : En effet en intercalant les trois lettres du Tétragramme abrégé dans les quatre lettres du mot de Maître on obtient : Mot de Maître (shem «MAH» + shem «BEN») נ ב ה מ Tétragramme abrégé (Yeho) ו ה י Mot recomposé ה נ ו ב ה י מ Ce mot «recomposé» à partir de l’union du Tétragramme et de deux de ses principaux équivalents numériques se lit très facilement en hébreu ; c’est une construction interrogative classique : mî
hab-bônë
הנוב
ימ
Qui est le Constructeur ?
Le rébus est ainsi construit qu’en apportant la réponse, «Dieu» ( הוהי ), on crée la question qui sollicite cette même réponse, par la fusion de la trinité divine ( les deux «shem» et le tétragramme abrégé) dans l’unité (la question-réponse). Ce type de procédé, où c’est la question qui donne la réponse, est extrêmement courant dans la kabbale : un des plus connus, est celui d’Exode 3:13 où Moïse demande son nom à Dieu en ces termes : םהלא
דמא
המ
ומש-המ
יל-ודמאו
Littéralement : «et dire eux à moi quel nom de lui ? Quoi dire à eux ?» Traduction : «et qu’ils me disent : quel est son nom ? que leur dirais-je ?» La réponse est dans la question, lettres finales des quatre mots centraux : הוהי De plus, la valeur en guématrie simple du mot «recomposé» abonde dans le même sens : הנוב ימ =
5
+ 50 + 6 + 2 + 5 + 10 + 40 = 118
qui peut se réduire à 1, l’Unité Divine Le choix de deux des équivalents numériques du Tétragramme pour former le mot de Maître ne semble pas avoir été fait au hasard ; le shem «Mah» et le shem «Ben» sont les deux seuls noms qui on une signification autre que numérique : «Mah» = quoi ? et «Ben» = fils. Or, pour les chrétiens, le troisième terme «Yeho», abréviation du Tétragramme, représente Dieu le Père. On est ainsi en présence d’une trinité d’aspect chrétien, réunissant le «Père», le «Fils» et le «Quoi ?», assimilable à l’Esprit Saint ; C’est par le Saint-Esprit [= le questionnement] qu’un homme peut comprendre la parole de Dieu : la Bible (1 Corinthiens 2:9-14). Tous ces aspects du ternaire, cachés au sein même du mot sacré de Maître, éclairent aussi d’un nouveau jour la nécessité d’être trois pour prononcer le mot sacré, mention présente dès les plus anciennes divulgations, comme dans Mason’s Examination (1723) : «Si vous voulez devenir un bon Maître Maçon, observez bien la Règle des Trois». On comprend ainsi mieux pourquoi les «Antients» tenaient particulièrement à leur mot de Maître «Mahhabone» car le mot choisi par les «Moderns», «Machbenah» n’avait pas du tout la même puissance symbolique. 3) La famille «Mahabyn» Le prototype «mahabyn», connu depuis 1700, ne pose pas de problème particulier ; c’est à l’évidence une simple déformation phonétique de «mahabon», la voyelle «o» se retrouvant dans d’autres déclinaisons du prototype, comme «Magboe». La palme de la déformation semble être le «Marrow in this bone» du manuscrit Graham (1726) où l’on reconnaît la structure consonantique du mot de Maître, M-B-N, dans une très libre phonétisation anglaise, «Maha» se transformant en «Marrow» et «Bone» s’assimilant directement à son homonyme phonétique anglais (homophonie déjà relevée par Gilles Pasquier dans sa traduction française du manuscrit Graham). Ce «de la moelle dans cet os» a donné à son tour naissance à toute une litanie de dérivés en passant par le «Rotten to the bone» (pourri jusqu’à l’os) de TDK, jusqu’aux rétroversions hébraïques de Vuillaume et autres, sur la base de mots hébreux homophoniques comme : moha המ moelle La famille «Mahhabone», issue directement de la famille «Mahabyn» semble donc bien être la seule expression correcte du mot sacré de Maître, et notre variante moderne «Mohabon» est finalement très acceptable ; quant à la famille «Machnenah», elle ne serait qu’une réinterprétation, sur la base du squelette consonantique commun (M-B-N), sous l’influence de certaines note bibliques. Mais il semble vain d’espérer changer des habitudes pluricentenaires ! C\ M\ BIBLIOGRAPHIE BROWN-DRIVER-BRIGGS 1962 BROWN Francis, DRIVER S.R. & BRIGGS Charles A., A hebrew and english lexicon of the Old Testament, with an appendix containing the biblical aramaic, based on the lexicon of William Gesenius as translated by Edward Robinson, 5e éd., London, Oxford University Press, 1962. CHEVALIER-GHEER. 1995 CHEVALIER J. & GHEERBRANT A., Dictionnaire des symboles, Paris 1982, ECHED 1998 ECHED Sam, L’hébraïsme réel ou déformé dans le REAA. et les M.M., R.A. et R.A.M., par Sam Eched 33e, membre de la R.L. «La Fidélité» G.L.R.B, O. de Gand, Belgique. 3e édition, revue et augmentée, 1er juillet 1998. GESENIUS 1857 GESENIUS Heinrich Wilhelm Friedrich., Hebrew and Chaldee lexicon to GRASSE-TILLY 2004 GRASSE-TILLY Alexandre Auguste (Comte de), Thuileur Rite Ecossais GUÉRILLOT 1995 GUÉRILLOT Claude, La rose maçonnique, Paris, Trédaniel, 1995, T. 1. JASTROW 1903 JASTROW Marcus, A Dictionary of the Targumim, the Talmud Babli and JOÜON Paul 1965 JOÜON Paul, Grammaire de l’Hébreu biblique, Rome, Institut Biblique LEGOUAS 1999 LEGOUAS J.-Y., «De quelques termes employés dans la franc-maçonnerie OUAKNIN 2004 OUAKNIN Marc-Alain, Mystères de la kabbale, Paris, Assouline, 2004. OUAKNIN 1991 OUAKNIN Marc-Alain, Concerto pour quatre consonnes sans voyelles, SAINT-GALL 2001 SAINT-GALL Michel, Dictionnaire du Rite Ecossais Ancien et Accepté. SANDER-TRENEL 1859 SANDER Nathaniel Philippe & TRENEL Isaac Léon, Dictionnaire hébreu-français, réimpression de l’édition de 1859, Genève, Slatkine, 2000. VUILLAUME 1830 VUILLAUME Claude-André, Manuel maçonnique ou tuileur des divers rites de maçonnerie pratiqués en France, 2e éd., 1830, réimp. Paris, Ed. du Rocher, 2000. |
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