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L’éthique maçonnique.
Le Franc-Maçon entre le doute et la certitude

Ce titre et ce sous-titre résument parfaitement le chemin initiatique d’un Franc-Maçon. Ce chemin commence dans le doute, puis se transforme pas à pas en certitudes, qui à leur tour deviennent de l’éthique.

Commençons par le doute.

Quand un profane frappe à la porte d u Temple, cela se passe parfois et peut-être plus souvent qu’on ne le pense, comme ceci.

Avant de poser sa candidature à l’initiation, le profane veut en savoir un peu plus sur la Franc-Maçonnerie. Il commence par lire quelques livres et ensuite essaie d’avoir quelques conversations avec un Franc-Maçon, qui fini souvent par devenir son parrain. La première idée qu’il se fait de la Franc-Maçonnerie est franchement optimiste, car il est persuadé d’avoir à faire avec des personnes irréprochables formant un groupe dans lequel certains problèmes que nous rencontrons régulièrement dans le monde profane, n’existent pas.

Après son initiation, il ne met pas longtemps avant de découvrir qu’en Franc-Maçonnerie tout n’est pas irréprochable et parfait. Les Francs-Maçons sont et restent des êtres humains avec leurs défauts et leurs qualités.

Il est incontestable que le Franc-Maçon aussi peut connaître le doute. Il est certain qu’en Franc-Maçonnerie il y a beaucoup de moments de bonheur, de grandes joies, mais il y a aussi, qu’on le veuille ou non, des moments de déception. Alors, le doute s’installe.

Ai-je fait le bon choix ?

Le doute vu sous cet angle nous ramène immédiatement et tout d’abord vers le « connais-toi toi-même » de Socrate. Il pousse à méditer, à faire une introspection pour tenter d’accéder à une parcelle de vérité après avoir connu des tiraillements internes et des déceptions.  La première chose à faire pour surmonter une déception qui engendre le doute, c’est de l’analyser et de chercher les moyens qui permettront de la surmonter. Il suffit souvent d’aller à la recherche des « bons » Maçons : ceux qui cherchent, ceux qui veulent rencontrer les Frères et les Sœurs pour partager la fraternité dans leur différence, ceux qui savent qu’ils sont devenus question pour eux-mêmes. Ils savent qu’ils chercheront sans cesse, jusqu’à la fin. Ils savent que leur seul juge est la voix de leur conscience.

Ai-je fait le bon choix ?

Si nous nous posons cette question, nous devons continuer notre recherche de la vérité. Nous devons continuer à nous efforcer de trouver des réponses à nos questions, à nos problèmes, à nos incertitudes, à nos doutes. Cela ne peut se faire qu’en parlant et en écoutant les autres. Cela ne peut se faire qu’en admettant que personne n’a « la » vérité et que tout le monde a « sa » vérité. Cela ne peut se faire qu’en admettant que tout le monde peut se tromper.

La solution de notre mieux-être se trouve aussi dans la compréhension des rituels, répétés sans cesse au cours de nos tenues ordinaires et de passage de grade. Le fait de revivre ces cérémonies avec plus d’attention, d’en discuter avec des frères plus avertis pour mieux comprendre les messages maçonniques inclus dans ces textes, aide indiscutablement dans la recherche de sa propre vérité.

L’initiation au premier grade est bouleversante, mais elle dégage immédiatement le sentiment que la Franc-Maçonnerie est à la recherche de la perfection. Nous sentons sans très bien comprendre pourquoi, que le doute qui nous envahie, est indéfinissable à ce moment. Nous nous sentons mal dans notre peau.

C’est plus tard que nous comprenons que c’était parce que nous étions passifs vis-à-vis de notre doute. Nous subissions les épreuves de l’initiation. Par la suite, petit à petit, nous avons moins ressenti le doute dont il vient d’être question, car les FF( et les SS( nous ont donné les moyens de croire en l’ordre maçonnique, un de ces moyens étant le TRAVAIL.

C’est plus tard que les phrases suivantes de notre rituel d’initiation au premier grade ont pris tout leur sens :

Désormais, vos efforts doivent se joindre aux nôtres pour accomplir l’œuvre de vérité, de justice, de bonté et de solidarité universelle qui est l’idéal de la Maçonnerie tout entière.

Dorénavant tous les Francs-Maçons vous reconnaîtront comme F( (ou S() constituant un des maillons de leur Chaîne d’Union Universelle. Quant à votre devoir, il est à la fois simple et complexe, clair et exigeant : TRAVAILLER.

Travailler d’abord sur vous-même en vous inspirant du système symbolique de la Maçonnerie. Ensuite, devenir apte à collaborer utilement au Grand Œuvre de l’Ordre Maçonnique.

Venons en à la certitude.

Comme je l’ai déjà dit, il est certain qu’en Franc-Maçonnerie il y a aussi beaucoup de moments de bonheur. C’est là que le doute se transforme en certitude. C’est là que nous nous rendons compte que la Franc-Maçonnerie vaut la peine d’être vécue. C’est là que nous disons : non, je ne me suis pas trompé, j’ai fait le bon choix.

Ces moments de bonheur sont multiples. Souvent cela arrive à l’initiation de profanes, quand deux personnes, qui pour des raisons professionnelles ou des disputes familiales ne se parlaient plus depuis des années, se retrouvent en Franc-Maçonnerie et se réconcilient. Il y a aussi les moments où la solidarité entre FF( et SS( jouent parfaitement pour aider des Maçons, qui sont temporairement en difficulté, que ce soit pour des raisons professionnelles, à cause de maladie ou pour d’autres raisons justifiées. Citons aussi l’organisation de conférences-débats, ouvertes aux profanes, qui se soldent par un franc succès. Ces conférences-débats ont principalement pour thème des problèmes de société ou d’éthique et parfois aussi des questions politiques (par exemple : la montée de l’extrême droite).

Nous pouvons dire aussi avec certitude, que les Loges ont souvent été les laboratoires du progrès social. Des théories forgées dans nos ateliers sont souvent utilisées par nos FF(ou SS(,qui jouent un rôle sur la scène politique, pour préparer des projets de loi, qui sont ou ne sont parfois pas adoptés ou qui subissent nombre d’adaptations. Mais peu importe, les sphères de réflexion et d’activité sont nombreux.

Comme autre certitude, parlons aussi des initiatives ou réalisations du passé imputables, en tout ou en partie, à des Francs-Maçons. Nous pouvons citer :

Pour la Belgique :

- la lutte pour l’enseignement primaire obligatoire et gratuit ;
- la création, en 1834, de l’Université Libre de Belgique ;
- la lutte pour l’émancipation de la femme ;
- la mise sur pied des Centres de Planning Familial ;
- la lutte pour la dépénalisation de l’avortement.

Pour la France :

- la séparation de l’Eglise et de l’Etat ;
- l’école laïque ;
- la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

Pour l’Amérique du Nord :

Des Francs-Maçons ont été les acteurs principaux de l’indépendance américaine : Marie-Joseph de la Fayette, Benjamin Franklin et George Washington.

Pour l’Amérique Latine :

- pour l’Argentine : Don José de San Martin (initié en Espagne).
- pour le Brésil : Eusebio de Queiroz, qui est à l’origine de l’abolition de l’esclavage.
- pour le Chili : Bernardo O’Higgins.
- pour la Colombie : Simon Bolivar.
- pour le Mexique : Don Benito Juarez.

Autre certitude, comme le dit le 2ème Surv(à la fin de chaque tenue :

Les êtres passent et disparaissent, la Vérité demeure et la Franc-Maçonnerie traverse les temps et les générations.

En effet, il faut reconnaître que l’histoire de la Franc-Maçonnerie montre que cette institution a traversé les siècles sans perdre son caractère initiatique et fraternel. La pratique maçonnique mène incontestablement vers la pratique de l’humanisme et de l’altruisme. Au sein de nos sociétés où règne souvent le repli sur soi et qui sont à la recherche d’une éthique nouvelle, la Franc-Maçonnerie apparaît comme un sérieux antidote à l’individualisme, au désespoir et à l’immobilisme.

Si nous continuons notre travail en suivant ces principes, nous pouvons être certains que la Franc-Maçonnerie continuera à traverser les temps et les générations.

La Franc-Maçonnerie ne nous a jamais déçus et ne nous décevra jamais. Il n’y a que des Francs-Maçons qui parfois nous déçoivent.

Et nous en arrivons à l’éthique.

C’est par la méditation, la discussion avec les autres, la réflexion que le doute se transforme lentement en certitude et que la certitude devient vérité, devient éthique. Comme Jacques Monod, je dirai donc que l’éthique, c’est la quête incessante de la vérité.

Le terme « éthique » est utilisé à tout bout de champ : il y a l’éthique professionnelle, l’éthique de l’environnement, l’éthique militaire, l’éthique de l’information, la bio-éthique, l’éthique sociale, l’éthique commerciale, l’éthique de l’économie, l’éthique maçonnique etc. Ce terme est sans cesse confondu avec ceux de loi, de règlement, de principe, d’interdit fixant des droits et des devoirs.

Il nous faut donc retourner à la source de toute éthique dans la pensée humaine ; la philosophie.

L’éthique implique une réflexion critique sue les comportements. L’éthique est la partie de la philosophie qui étudie les fondements de la morale.

En pratique, la morale ou les morales concernent des valeurs, des principes, des règles, des normes régissant nos comportements.

L’éthique appliquée est ce qu’il convient de faire pour tendre vers le bien dans un champ d’application particulier. Il s’agit d’une démarche individuelle ou de groupe tenant compte et influencée par notre culture, notre religion, les obligations légales, les pratiques sociales de notre communauté et les pratiques institutionnelles, nos règles déontologiques.

Citons « Ethique et valeurs » de Suzanne RAMEIX : l’éthique n’est ni une science, ni une technique, ni un système de règles institutionnelles comme le droit ou la déontologie. Pourtant elle est bien l’objet d’un travail rationnel sur les valeurs. (Fin de citation.

Partons rapidement à la recherche de quelques-unes de nos valeurs de notre horizon normatif commun dans notre civilisation.

Citons pour cela quelques extraits de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, adoptée par l’assemblée générale des Nations Unies le 10 décembre 1948 :

« Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits, sans distinction aucune notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique, etc. Tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne. Nul ne sera soumis à la torture ni à des peines ou traitements cruels inhumains ou dégradants. Chacun à la droit à la reconnaissance  en tout lieu de sa personnalité juridique. Nul ne sera l’objet d’immixtions arbitraires dans sa vie privée, sa famille, son domicile ni d’atteinte à son honneur et à sa réputation. Toute personne à droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion. »

Aborder l’éthique, aborder les fondements de la morale :

C’est interroger nos connaissances des choses et des hommes en utilisant nos facultés de jugement et de discernement, faire la différence entre ce qui est juste et ce qui ne l’est pas, entre ce qui est bien et ce qui est mal.
C’est entrer dans le monde de l’action et s’interroger sur ce que nous pouvons faire ou ne pas faire.
C’est entrer dans un espace intérieur, dans notre propre exigence de vérité qui nous fait tâtonner, chercher à comparer et à comprendre.
L’éthique est donc à la croisée de trois domaines :
Notre besoin de comprendre une situation ;
Notre pouvoir d’agir sur cette situation ;
Et notre propre exigence de vérité.

La dimension éthique ou morale est une des spécificités de l’espèce humaine. Les religions ainsi que les philosophies ne s’y sont pas trompées. Etrangement le mot ”éthique” est aujourd’hui accepté dans le discours, alors que le terme ”moral” est souvent rejeté au nom d’une connotation vaguement religieuse ou bien pensante. Ce sont pourtant deux termes qui étymologiquement sont dérivés de la même idée.

"Ethique" vient du grec "ethos" et "morale" vient du latin "mores" qui tous deux signifient ce qui a rapport aux mœurs, aux comportements humains, à la façon de vivre.

Cela ne nous explique pas la différence entre morale et éthique. Quelle est cette différence ?

La morale se fonde sur la notion de bien et de mal ”en soi”, c’est à dire : est bien ce qui a été reconnu comme étant bien par la collectivité.
L’éthique se rapporte d’avantage à ce qui peut être bon ou mauvais ”pour soi”. Ici la priorité est donné à ce que la personne considère comme étant bon ou mauvais pour elle même.

La morale nous aide à répondre à la question ”que dois-je faire”.
L’éthique cherche la réponse à ”comment dois-je vivre”.

La morale tend à promouvoir la vertu.  L’éthique tend à favoriser le bonheur. La morale tient pour idéal le bien-être.
L’éthique tient pour but ultime la sagesse.

Pour en finir, je dirai ceci :

L’éthique est universelle. Elle s’énonce donc au singulier. Elle a une visée réflexive et propose un comportement personnel selon la conscience de chacun. L’éthique est cohérente. Elle prend en compte des éléments apparemment sans lien, des paradoxes, pour une cohérence plus élevée que celle envisagée à première vue, par exemple : souhaiter la mort de quelqu’un qu’on aime parce qu’il souffre atrocement. L’éthique réhabilite les fonctions cordiales et symboliques entre les personnes.

Et que dire de l’éthique maçonnique ? Sommes-nous concernés ?

Dessinons un triangle avec la base vers le haut et la pointe vers le bas.  En haut, à gauche, nous inscrivons ”JE” et à droite, nous inscrivons ”TU”. En dessous de la pointe en bas, nous inscrivons ”IL”.

7106-1-1                                                        JE                                 TU

 

                                                                              IL

JE : c’est moi et je suis dans ma propre espace de liberté.
TU : il  ne peut y avoir de liberté pour JE sans le TU. Je dois admettre que ma liberté s’arrête là où commence la liberté de l’autre.
IL : la confrontation de ces deux libertés ne peut être féconde et durable, que si un tiers scelle et légitime la reconnaissance de l’autre. Ce tiers fait référence aux idées, aux valeurs, à la spiritualité.
JE, c’est moi. TU, c’est le frère ou la sœur en face de moi. IL, c’est le vénérable maître, c’est l’engagement maçonnique.

Dans un rituel du Grand Orient de Luxembourg, écrit à l’occasion de l’Assemblée Générale du CLIPSAS qui a eu lieu à Luxembourg le 28 mai 1995, le Vénérable Maître demande au Frère Orateur :

”Frère Orateur, veuillez énoncer les sept piliers de la Sagesse, tels qu’ils furent énoncés le 4 mai 1986 au Palais de l’Europe à Strasbourg et qui constituent les fondements de l’éthique maçonnique libérale.”

Réponse du Frère Orateur :

”Les principes fondamentaux sont :
La tolérance.
Le respect des autres.
L’attachement à la liberté.
Le sens de la liberté.
Le désir du progrès humain.
La pratique de la fraternité.
Le principe démocratique.

Rappelons que le 4 mai 1986 au Palais de l’Europe à Strasbourg a eu lieu l’Assemblée Générale du CLIPSAS, célébrant son 25èmé anniversaire. En réponse aux exclusives de Londres dans ses landmarks, le CLIPSAS donnait ainsi les landmarks de la Maçonnerie libérale.

La liberté, nous venons d’en parler.
La tolérance n’est pas inconditionnelle. Qu’est-ce qui est tolérable pour moi ? Et pour les autres ?
C’est mon éthique qui va me proposer mon comportement après réflexion.
La fraternité entraîne automatiquement la complaisance. Par rapport à qui ? Par rapport à quoi ?
Encore une question d’éthique.

Voici deux citations.

La première est une phrase prononcer par un Frère lors d’une émission radiophonique sur France Culture ayant pour thème la définition d’une Loge. Ce Frère disait : « Une Loge est l’endroit où l’on se forge son éthique ».

La deuxième est de Mathieu RICARD : « Les fondements de l’éthique sont très simples. Il n’y a pas de bien et de mal en soi. Il n’y a de bien et de mal qu’en termes de bonheur et de souffrance à autrui et à soi même ».

Le Franc-Maçon doit rester cohérent avec lui-même. Il doit rechercher les bases naturelles de l’éthique, délivrée de toute considération métaphysique. Selon Jean-Pierre Changeux, « ce n’est somme toute, que réactualiser la démarche des Lumières ».

A la fin de notre rituel au 1er grade, le V\M\ dit ceci:

Mes SS\ et mes FF\, n’oublions pas que notre travail maçonnique ne s’achève pas au moment où se ferment nos tenues. Il se continue, se perfectionne, se développe dans la constante amitié de nos SS\ et nos FF\, ainsi que par notre exemple, notre action et notre enthousiasme dans le monde profane.

Il ne s’agit donc pas de gérer le quotidien. Gérer le quotidien, c’est le rôle des parties politiques.

Notre travail, c’est de réfléchir sur l’avenir et le développement de la société. C’est pour cette raison que les obédiences maçonniques ont consacré une grande partie de leur temps à la réflexion sur des projets de société tels que l’accouchement sans douleur, la contraception, le droit de cité de la sexualité, le droit à l’avortement, les dons d’organes et plus récemment le droit de mourir dignement à son heure. Il s’agit donc de conduire au mieux-être des hommes et pourquoi pas, au bonheur.

Les droits de l’homme et du citoyen ont été élaboré en Loge. Ils ont été rédigés dans le but de protéger l’homme contre les abus de pouvoir. Les philosophes du siècle des Lumières ont mûri lentement ces droits, faisant ainsi évoluer la société civile. De la même façon les Francs-Maçons, en demandant à leurs amis politiques de s’inspirer de leurs réflexions dans le monde profane, ont fait que l’éthique se substitue à la souveraineté de la Monarchie d’abord et à l’Eglise ensuite.

La Franc-Maçonnerie à travailler en sorte pour que le respect de la vie et des droits de l’homme apparaisse comme un grand moment de l’histoire universelle.

Une nation qui se détournerait de l’universel, renoncerait « à travailler à l’amélioration matérielle et morale, au perfectionnement intellectuel et social de l’humanité » comme cela est dit dans notre rituel.

Curitiba/2002 - Grand Orient de Luxembourg


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