Obédience : NC Loge : NC 04/05/2015

 

La légende d’Hiram

Tout le symbolisme de l’élévation au grade de Maître gravite autour de la légende d’Hiram ou plus précisément de l’assassinat d’Hiram.

Cette légende ou mythe fut élaborée à partir d’une référence biblique. Le personnage principal de cette légende est Hiram Abi (ou Abiff), maître dans l’art de fondre le bronze (l’airain), fils d’une veuve de la tribu de Nephtali. Hiram était rempli de Sagesse, d’Intelligence et de Connaissance. Selon Claude Mouret, dans son étude étymologique sur Hiram son nom serait d’origine phénicienne et signifierait Frère élevé, Frère exalté.

Quelle en est l’origine ? Ses auteurs sont restés inconnus et elle apparaît au début du XVIIIème siècle dans un premier document intitulé « La Maçonnerie disséquée » de Samuel Prichard paru en 1730. « Les Constitutions d’Anderson » évoquent également le personnage d’Hiram vers 1738. Auparavant, le manuscrit « Graham » de 1723 témoigne déjà de l’existence d’une légende présentant plusieurs points communs avec le mythe d’Hiram.

La légende d’Hiram, que met en scène la Cérémonie du Troisième Degré Symbolique, est fondée sur un mythe traditionnel fondamental : celui de « mort-résurrection », de l’Eternel Retour. On le retrouve aussi dans des récits mythiques bien connus comme le « Phénix » et le « Mythe d’Isis et d’Osiris ».

Egalement, Christopher Knight et Robert Lomas dans « La Clé d’Hiram », font mention d’un conte égyptien intitulé « La querelle d’Apophis et de Séqénenrê Taâ, roi de Thèbes ». Le roi Apophis de la dynastie des Hyksos fit assassiner le roi de Thèbes pour lui ravir les secrets de résurrection détenus par les pharaons. La légende d’Hiram pourrait être une transposition de cette histoire venue d’Egypte antique.

Quelle est la trame de ce mythe ?

Hiram Abi, savant dans l’art de l’architecture et des métaux, fut envoyé au roi Salomon par Hiram 1er, roi de Tyr, pour diriger les travaux du Temple de Jérusalem. Hiram Abi divisa les ouvriers selon leurs fonctions en trois classes : Apprentis, Compagnons et Maîtres.

Cependant, trois mauvais compagnons, n’ayant pu obtenir la maîtrise et voyant approcher l’achèvement des travaux, formèrent le complot d’arracher les secrets du Maître. Ils assaillirent successivement Hiram, le blessèrent et le dernier d’entre eux le tua. Ils enterrèrent le cadavre et plantèrent un rameau d’acacia dans la terre fraîchement remuée. Les Maîtres partis à sa recherche découvrirent son cadavre grâce au rameau d’acacia.

Remarquons que ce symbolisme « mort-résurrection » nous ramène à notre propre Initiation lors du passage dans le Cabinet de réflexion par notre mort symbolique à la vie profane. Naturellement je ne peux que le mettre en parallèle avec la marche à reculons du Compagnon récipiendaire dans les ténèbres, entouré d’une atmosphère de deuil et de désolation lors du premier épisode de la Cérémonie d’élévation au Troisième Degré Symbolique.

Cette Rétrogradation nous fournit un temps de réflexion, de récapitulation du passé avec l’aide de la seule lumière présente à l’Occident : celle de l’Etoile Flamboyante bien que voilée au R\ E\ A\ A\. Elle nous permet de faire le point sur nous-même, un véritable examen de conscience. Qu’ais-je fait des enseignements du Second et du Premier Surveillant ? Les ais-je appliqués ? Ais-je dégrossi la pierre brute ? On prend alors conscience qu’un cycle de vie s’achève, je me prépare à quitter mon enveloppe corporelle pour libérer mes forces spirituelles dans la pérennité de l’Esprit. Cette marche à reculons n’est nullement un retour en arrière, elle nous permet d’avancer, pour comprendre ce que l’on a réalisé et percevoir ce qu’il reste à faire. Elle marque également la phase de transition entre deux plans : horizontal et vertical. Car mon chemin effectué jusqu’ici fut un parcours horizontal. Je me prépare alors à accéder au plan vertical de la connaissance métaphysique, c’est pourquoi il me faut mourir à ce monde, pour ressusciter à celui qu’il reste à explorer. En fait je n’y accéderai qu’après avoir été relevé du tombeau par les cinq points de la maîtrise. Une autre interprétation du symbole de la Rétrogradation nous est fournie par Oswald Wirth. En effet les trois premiers degrés retracent allégoriquement la course du Soleil, en l’occurrence le grade de Compagnon symbolise le Solstice d’été et l’astre solaire qui, parvenu au méridien, descend peu à peu vers la nuit de l’Occident, puis rétrograde souterrainement vers l’Orient.

Ensuite le récipiendaire, après avoir été soupçonné d’être un mauvais Compagnon, puis disculpé au vu de ses mains et de son tablier immaculés, est invité à enjamber le cadavre du Maître Hiram. Il l’exécute en faisant ses pas en demi cercle et en traçant un volume. Il renaît sous les symboles du compas, du cercle et du volume. C’est en enjambant le corps que l’esprit d’Hiram monte en nous, nous devenons durant un laps de temps très court, Hiram, celui qui, prêt à quitter son chantier, va se faire assassiner.

Penchons nous maintenant sur le choix des outils du meurtre, très variables selon les rituels, en ce qui concerne les deux premiers.

A la porte d’Orient attend le premier Compagnon armé d’une Règle. La règle symbolise la constance, la persévérance dans la ligne de conduite. Elle est, par définition, l’obéissance librement consentie. C’est précisément cette ligne de conduite que les mauvais Compagnons ont décidé d’enfreindre. On peut considérer que c’est l’ignorance qui porte le premier coup au Maître à l’épaule droite qui symbolise la puissance d’Hiram, sa compétence, son adresse.

A la porte du Midi est posté le deuxième Compagnon qui lui donne un coup de Levier sur la nuque, siège de la conscience spirituelle. Le levier sert à maîtriser la force en mouvement, à la décupler à l’aide d’un point d’appui. Le Maître a été frappé par l’orgueil, impulsion non contrôlée d’une force aveugle, déchainée.

Enfin, à l’Occident le troisième Compagnon porte le coup fatal par un coup de Maillet sur le front du Maître, siège de l’intellect, de l’œil de la Connaissance. Le Maillet correspond au pouvoir et à la volonté spirituelle. Le Maillet, détourné de son utilisation première devient force d’oppression et de tyrannie, voire de fanatisme. Selon le « Dictionnaire des symboles maçonniques » de Jean Ferré, le Maillet est l’outil de Tubalcaïn, générateur à la fois de vie et de mort. Il est ce qui fabrique et détruit, comme la foudre engendre le feu de la vie mais peut aussi anéantir celui qu’elle frappe. Ces trois mauvais Compagnons figurent donc entre autres, l’Ignorance, l’Orgueil, le Fanatisme, l’Ambition à quoi s’opposent les qualités ou vertus antithétiques d’Hiram : la Connaissance, l’Humilité, la Tolérance, le Détachement.

En réalité, comme le précise Jules Boucher les trois mauvais Compagnons affranchissent Hiram des plans matériel et psychique pour le faire accéder à la maîtrise spirituelle totale. Ces Compagnons avaient des noms, recensés également par Boucher, qui seraient une déformation du mot Giblim (tailleur de pierre) tels que : Jubelas, Jubelos, Jubelum ou Giblon, Giblas, Giblos.

Au tout début de mon exposé, je mentionne qu’Hiram « était rempli de Sagesse, d’Intelligence et de Connaissance » selon la Bible. On peut trouver une analogie entre ces trois vertus d’Hiram avec les trois vertus représentées par les trois piliers de la loge Sagesse, Force et Beauté. En effet, la Force n’est-elle pas celle de l’Intelligence ? Quant à la Beauté, n’est-elle pas celle définie par Platon : celle des nombres et de la géométrie que l’on découvre à l’aide de l’équerre et du compas ; et donc celle de la Connaissance ?

Les trois officiers qui sont liés à ces trois piliers et identifiés aux trois vertus jouent le rôle des trois mauvais compagnons, les antithèses de ces vertus. Ils ont donc pris la place des trois piliers. En effet, au R\ E\ A\ A\, ces trois piliers ont disparu remplacés par un cercueil.

Seul demeure le pilier Sagesse, car la Sagesse était la avant la création du monde. Son pilier est passé à l’Orient, coté Midi, prêt à faire renaître la lumière à l’aube d’un monde nouveau. Après avoir tué Hiram, les trois Compagnons enterrèrent le cadavre et plantèrent un rameau d’acacia dans la terre fraîchement remuée. C’est ce même acacia qui est placé près de la tête du Récipiendaire couché sur le sol lors de la Cérémonie du Troisième Degré Symbolique. Examinons plus en détail cette plante et son symbolisme :

Selon Fernand Chapuis : « Le mot acacia est dérivé de la racine grecque akantha (épine) qui aurait donné l’acacia et l’acanthe. L’acacia est une plante de la famille des légumineuses-mimosées. C’est un arbre ou arbuste à feuillage très léger et très élégant répandu dans les régions tropicales et dont les tiges et les rameaux sont souvent armés de fortes épines ou aiguillons. Les fleurs très petites, de couleur jaune, souvent très odorantes, sont groupées en épis ou capitules et lui donnent un caractère solaire ».

Son bois imputrescible est recherché pour la charpente ou l’ébénisterie. C’est cet aspect inaltérable du bois d’acacia qui caractérise la base de l’intégrité que je dois chercher à développer en moi-même. Selon Jean-Marie Ragon, « Les Egyptiens regardaient l’acacia comme un arbre sacré. Il était vénéré chez les anciens Arabes, particulièrement dans la tribu Ghalfon ».

Ils en avaient fait leur idole nommée « al-uzza ». De cette idole vient, sans doute, cette remarque de Prosper Guerrier de Dumast : « L’acacia qu’honoraient les jubéens, et dont les initiés portaient un rameau, se nommait chez ces peuples : Houzza ». Etrange correspondance avec notre acclamation écossaise !

Il est le symbole de renaissance et d’immortalité. « Il faut savoir mourir pour naître à l’immortalité » résumait Gérard de Nerval dans le « Voyage en Orient », évoquant le mythe d’Hiram. On y retrouve aussi la dualité fleurs et épines comme dans le symbolisme de la rose. Ces épines correspondent ainsi aux épreuves que j’aurais à traverser pour retrouver la Parole perdue.

N’est-il pas dit que : « la Connaissance repose à l'ombre de l'acacia ». Puisque que nous sommes allongés avec une branche d’acacia à notre tête, il s’agira de rechercher la Connaissance en nous même, thème de notre chemin initiatique mais à condition d’être capable de nous élever et d’entrer dans le monde de l’Esprit.

Que pouvons-nous retenir de cette légende d’Hiram ?

Tout d’abord Hiram est le symbole de l’homme de devoir, d’exemplarité, d’intégrité que la menace et la violence ne font dévier de la ligne du devoir. Cette légende nous rappelle aussi la lutte incessante du Bien contre le Mal, la nécessité de sacrifice pour assurer le règne du bien.

En tant que Maître, je dois devenir plus maître de moi-même, être l’homme du juste milieu, dans la vertu de l’exemple et des comportements.

Mais cette légende soulève aussi des interrogations :

Ces mauvais compagnons étaient-ils si mauvais que ça ? Ne pouvait-on pas leur accorder des circonstances atténuantes ? Quel était leur degré de responsabilité ? Hiram n’était-il pas indirectement responsable de sa fin tragique ?

En chacun de nous, certes sommeille Hiram, mais prenons garde les mauvais compagnons aussi ! Alors veillons à ce qu’ils ne prennent pas le dessus.

En guise de conclusion, je dirais qu’il me reste encore un long chemin initiatique à parcourir par un voyage d’intériorité, de connaissance de soi, d’amélioration individuelle à la recherche de la Vérité en m’inspirant de la phrase d’Hiram : « Travaille, persévère, et tu en seras récompensé ».

Permettez-moi de finir en citant Condorcet : « Les vrais amis de la vérité sont ceux qui la cherchent, non ceux qui se vantent de l’avoir trouvée ».

J’ai dit.

D\ B\


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