Platon
Il
n’est jamais trop tard pour découvrir Platon, ou
en
faire une lecture nouvelle. Après tout, lui et Aristote, son
disciple pendant
près de dix-sept ans, sont d’éminents
penseurs dont les théories respectives
sont à la base de la philosophie occidentale. Platon
n’a eu de cesse de
rechercher l’être véritable. Pour mener
à bien son entreprise il sépare la
réalité en deux mondes distincts: celui des sens,
celui des idées. Le premier
est lié à la matière, au corps, il est
périssable, transitoire. Le deuxième
concerne les idées, non pas fluctuantes selon nos caprices
mais immuables et
placées à une telle hauteur que l’homme
n’a pas trop de son existence pour en
connaître le domaine. Platon croit aux idées.
Toute
son œuvre en est le reflet. Il n’est aucun devoir
plus impératif que celui
d’aller à l’essentiel, à cet
effet la dialectique, ou l’art de causer au moyen
de questions et de réponses, constitue la meilleure des
voies. Quiconque
s’efforce de chercher la vérité
inlassablement finira par y accéder, seulement,
il importe de ne pas faire un dogme de celle-ci car elle pourrait alors
prendre
un visage terrestre et appartenir à la sphère
matérielle, sujette aux
changements. Platon adhère à la notion de
permanence. L’immuable est son
royaume, l’idéalisme sa raison de vivre. Ennemi de
l’injustice et du désordre,
Platon le sera également de la démocratie de son
temps, celle-là qui condamnera
à mort son maître Socrate: "Le plus sage, le plus
juste et le meilleur des
hommes." De par son exigence intellectuelle, sa vision constamment
axée
vers l’abstrait et l’invisible, Platon est en
porte-à-faux avec la Grèce que
l’on connaissait jusqu’alors, par ailleurs prodigue
en réalisations admirables.
Il est dommage que l’adjectif platonique, synonyme de
chasteté physique, soit
devenu plus familier que l’auteur du Banquet. Navrant aussi
est le fait que
l’on assimile parfois Platon à une sorte de
dictateur philosophique. La lecture
des articles qui lui sont consacrés ici permettront de
dissiper certains
malentendus. Sa manière non dénuée de
poésie et de touches d’humour témoigne
d’un esprit de souveraine liberté, il
prône avant tout la discussion ouverte et
ne serait-ce qu’à ce titre il a beaucoup
à dire à nos contemporains en
général
et à nous francs-maçons en particulier car
n’oublions pas sa passion pour la
géométrie. Ça ne relève pas
du hasard si le premier personnage auquel nous
consacrons un thème d’étude en ce
nouveau siècle est précisément celui
qui a
souligné: "Il faut en effet, chez l’homme, que
l’intelligence ait
lieu."
Jacques
Tornay |