Obédience : NC | Loge : NC | Date : NC |
La montagne et la
caverne
Dominant le monde des hommes, la montagne se trouve à la limite du ciel et de la terre, elle exprime la rencontre du temporel et du spirituel. Son caractère massif incarne la pérennité et l’éternité. Elle symbolise, pour tous les peuples, la proximité des dieux. La montagne se révèle aussi comme le lieu de la découverte de la présence divine : l’Olympe en Grèce, le Fuji-Yama au Japon, le Sinaï. Le symbolisme de la montagne exprime différentes réalités de l'imaginaire religieux. La montagne sacrée, véritable sommet du monde, constitue le point de contact entre la divinité qui descend de son séjour élevé et l'homme qui monte à sa rencontre. Sur le Sinaï, Dieu conclut une Alliance avec Moïse et le peuple élu. Les montagnes mythiques, sans existence géographique, sont généralement considérées comme le centre du monde, l’axe cosmique autour duquel tourne le ciel. Le mont Méru des hindous se dresse au milieu du monde. Au-dessus de lui, l’étoile polaire (autour de laquelle tournent les autres étoiles) jette ses feux. Au-dessous de lui se trouvent les enfers, et autour de lui se trouve le monde visible. Le symbolisme de la montagne mythique est si fort que dans certaines régions de plaines on a élevé de véritables montagnes artificielles (ziggourats, stupas, pyramides,...). Le symbole de la pyramide est exactement équivalent à celui de la montagne : symbole de la verticalité, de la communication axiale, de la relation terre-ciel. Avant de devenir des tombeaux, destinés à ensevelir les dépouilles royales, dont l’âme libérée allait rejoindre les dieux, les pyramides égyptiennes furent probablement des lieux de rituels où le Pharaon était initié aux Mystères. L'initiation consistait en une mort symbolique et en une re-naissance dans un degré spirituel plus élevé; elle se déroulait dans les chambres aménagées au sein de la construction. Le glissement du tombeau symbolique vers le tombeau proprement physique a dû correspondre à une dégénérescence de l'art initiatique. L'existence de ces chambres signifiait que la pyramide pouvait être gravie non seulement selon les degrés extérieurs, mais également depuis la chambre intérieure. Symbole de la caverne ou du monde cosmique, où séjourne tout individu, la chambre servait de creuset au voyage spirituel de l'initié, en vue d'atteindre le sommet, où l'être communique avec l'Esprit divin. Dans ce cas, l'ascension ne s'effectuait plus le long de la pente extérieure, mais selon l'axe vertical reliant l'être au point culminant de l'édifice. Cette voie directe donnait accès à ce que les Anciens appelaient les “Grands Mystères” ou à la re-naissance de l'être humain en tant qu'Être spirituel. La pyramide est un symbole du développement spirituel de l'être humain. Les différents degrés de la pyramide symbolisent les divers niveaux de spiritualité à atteindre. Partant le plus souvent d'une base quadrangulaire symbolisant le monde terrestre, les arêtes et les faces de la pyramide convergent vers un point unique, le sommet. Ce point symbolise le Principe ou l'Unité primordiale, d'où rayonne la manifestation du monde qui nous entoure. Renaître au Principe dont nous sommes tous issus constitue le sens véritable de cette ascension. L'individu passera de son état humain ou sensible à un état supra-sensible, du monde visible au Principe non visible, du monde terrestre au monde céleste, de la vision éparpillée à la vision unitaire. C’est le sens profond révélé par la pyramide. René Guénon nous enseigne que la pyramide et la caverne cosmique sont susceptibles d'être symbolisées par deux triangles inversés, le premier contenant le second. La pyramide (ou la montagne) représentée par le triangle pointant vers le haut évoque le monde supra-cosmique et son Principe, figuré par le sommet. La caverne cosmique est assimilée au triangle pointant vers le bas, et symbolise la manifestation du Principe terrestre ici-bas. Selon les religions traditionnelles, la montagne intérieure, comme la montagne physique, est une invitation à s’élever au-dessus du monde d’en bas. Le pèlerin, au terme de l’ascension de sa montagne, découvre la lumière éblouissante de la révélation divine. Il est enfin arrivé au bout de son chemin. Le symbolisme de la montagne, selon moi, est tout autre. J’imagine des hommes de bonne volonté, qui, partant de lieux opposés, et empruntant des voies différentes, progressent lentement vers le même sommet. Chacun choisit son itinéraire, chacun dispose de ses propres capacités, chacun a sa conception de la manière de gravir les flancs de la montagne. Malgré leurs différences, ils sont animés du même désir de s’élever. Ils se rejoindront, tôt ou tard, pour s’apercevoir qu’ils sont encore loin du sommet. Ils découvriront qu’ils ne sont parvenus qu’à une étape de leur évolution, que la vérité n’est pas au bout du chemin, mais qu’elle est le chemin, et que chaque pas vers le sommet est une révélation, une bribe de la vérité. Nous nous rapprochons de ce but ultime, mais nous ne l’atteindrons jamais. En prenant conscience qu’il ne faut pas escalader la montagne pour s’emparer du ciel, mais pour faire descendre le ciel sur la terre, l’homme forgera enfin les outils de sa propre évolution. La représentation de la montagne comme unique lieu spirituel correspond à la période originelle et pure de l’humanité terrestre. Mais lorsque la Connaissance ne fut plus à la portée que des seuls initiés, la caverne devint un symbole spirituel et initiatique plus approprié et plus facile à appréhender. Les cavernes et les grottes étaient les lieux de culte des hommes préhistoriques. Le culte de Mithra était célébré dans des grottes. Mahomet a eu sa première révélation dans la grotte du mont Hirâ. Jésus est né dans une grotte, ainsi que Lao Tseu. La symbolique de la caverne est double : élévation de l'âme ou descente aux enfers. Elle représente à la fois la voûte du ciel et la porte du royaume des ténèbres et des esprits. Dans la caverne, le temps n'existe pas, il n'y a ni hier, ni demain car le jour et la nuit y sont semblables. Elle est le centre du Monde. Lorsque la stalactite rejoint la stalagmite, elle forme le Pilier du monde, qui relie le ciel et la terre. La caverne figure dans les mythes de renaissance et d'initiation de nombreux peuples. Elle est aussi considérée comme un gigantesque réceptacle d'énergie tellurique, et possède un pouvoir de maturation qui l'apparente à l'œuf. Certains rituels d'initiation font donc passer l'adepte par la mort symbolique dans une caverne, ou un tombeau, reproduction artificielle de la caverne, et c'est seulement après être «mort » que celui-ci peut renaître à un niveau supérieur. Le Cabinet de Réflexion est la forme moderne et adaptée à nos mœurs de l'antique caverne initiatique. Entrer dans une caverne c'est faire un retour à l'origine. La caverne est un lieu de passage de la terre vers le ciel. Le Christ est mort, a été inhumé dans un sépulcre creusé dans la roche, est descendu aux enfers, pour ressusciter enfin. Pour Platon, la caverne est un lieu d'ignorance, de souffrance et de punition. Dans une allégorie, Platon imagine des prisonniers enchaînés au fond d’une caverne. Ces prisonniers prennent pour le réel ce qui n’est que le reflet d’une image. Ils sont dans l’illusion totale. C’est pourquoi le monde visible est appelé " le monde des apparences ". Nous croyons connaître, dit Platon, le monde tel qu’il est vraiment, mais en fait, nous n’avons accès qu’à son apparence. Les habitants de la caverne, c’est nous, l’humanité. La caverne, chez Platon, signifie... notre monde, où la marche vers l'intelligence commence par la délivrance de ses liens, et l'ascension hors de la caverne. Un petit nombre y parvient parfois et ceux-ci commencent une ascension libératrice hors de cette caverne vers l'extérieur, vers le monde véritable. Platon pense à Socrate, que les habitants de la caverne (les sophistes) mirent à mort, parce qu'il dérangeait leurs représentations habituelles, en leur montrant le chemin d'une vraie vision intérieure. Platon veut démontrer que le contraste entre l'obscurité de la caverne et la lumière de l'extérieur est le même que celui qui existe entre le monde visible et le monde des idées. Après avoir quitté la caverne et contemplé le monde véritable, le philosophe pourra et devra revenir à l'intérieur pour instruire et éclairer les autres hommes. L'allégorie de la caverne est une métaphore du courage du philosophe, de la prise de conscience de sa responsabilité vis-à-vis des autres hommes, de son devoir de pédagogie. L’homme, nous dit Platon, qui se contente des apparences reste un esclave enchaîné à ses certitudes. La réalité intelligente appartient à celui qui prend le risque de la confrontation à l’autre, qui séjourne dans la Lumière, fut-elle éblouissante. Mais la contemplation béate et aveuglante du soleil est inutile si l'homme ne revient pas ensuite dans la Caverne pour répandre la Lumière à ceux qui sont perdus dans l'obscurité. La foi, l'illumination, est une responsabilité, un engagement, un combat ou alors n’a aucune raison d’être. La méthode maçonnique s’apparente, par certains points, à l’allégorie de la caverne. Le franc-maçon ne se contente pas de regarder les ombres que le monde profane projette sur les murs de sa caverne. Il ne reste pas reclus dans le temple, jaloux de son confort et de son savoir. Par des voyages incessants entre le temple et le monde profane, il apporte sa contribution à l’amélioration de l’Humanité. Visite l’intérieur de la terre, en rectifiant tu trouveras la pierre occulte La mort profane permet la «descente aux enfers» qui est un voyage souterrain auquel la caverne donne accès et qui, s'il est réussi, permettra d'accéder au sommet de la montagne. Ce sommet n’est atteint que par ceux qui ont visité le centre de la terre, et en sont sortis. Cette mort profane est une seconde naissance. On ne peut sortir de la caverne où nous sommes nés qu’en se corrigeant, en rectifiant sans cesse. Et enfin libérés, nous verrons la lumière. C\ R\ |
7124-2 | L'EDIFICE - contact@ledifice.net | \ |