GLISRU | Loge : Alexandrie - Orient de Paris | Date : NC |
Alexandrie
Au-delà,
le
projet de ce travail est de vous présenter ALEXANDRIE, cette
ville symbolique
d'une rencontre entre différentes traditions ( juive,
égyptienne, grecque,
romaine, perse, gnostique, pythagoricienne, chrétienne,
etc... ) qui, même si
elles ne se sont pas toujours côtoyées sans
heurts, les a faites se jauger, se
mêler et s'enrichir mutuellement, faisant de cette ville un
endroit
exceptionnel dans la vie des hommes de l'occident et du moyen orient,
comme
peu d'autres si ce n'est, plus tard, peut-être ?, Cordoue. Pour les
FF\
de notre Triangle, l'utilisation de ce nom symbolise surtout une
recherche
sans exclusive de la Tradition initiale à travers les
différents rameaux de
celle-ci. Voici donc ce
poème : " Quand
vers minuit, soudain, tu entendraspasser un cortège
invisibleavec de
merveilleuses musiques et des éclats de voix,ne te lamente
pas en vain sur ta
Fortune qui chancelle,sur tes oeuvres qui ont
échoué, sur les entreprises de ta
viequi, toutes, se sont avérées illusoires. En homme
prêt de
longue date, en homme de coeur,salue-la, cette Alexandrie qui s'éloigne. Surtout, ne te
leurre pas, ne dis pasque ce n'était qu'un rêve,
que ton oreille t'a
trompé,dédaigne ces futiles espoirs. En homme
prêt de
longue date, en homme de coeur,comme tu te dois de l'être,
toi qui méritas
pareille ville,approche toi d'un pas ferme de la fenêtreet
écoute avec
émotion, mais non pasavec les plaintes et les supplications
des lâches,comme
une ultime jouissance, la rumeur,les ravissants accords du mystique
cortègeet
salue-la, cette Alexandrie que tu perds ". Ce poème
a été
écrit pour illustrer la mort d'Antoine, en l'an 30 avant
notre ère, après qu'il ait perdu une bataille à Alexandrie. On situe
à peu
près à partir de cet
évènement la fin de la religion
égyptienne telle que nous
la connaissons, confirmant les paroles d'Hermès
Trismégiste, reprises dans un
de nos Rituels : " L'Égypte
est devenue veuve et d'hommes et de dieux ". Et ce que je
voudrais ce soir, c'est donc vous présenter mon ALEXANDRIE,
probablement d'une façon subjective et en tous cas pas exhaustive - mais y
a t'il jamais une
façon exhaustive de présenter les choses ? - avec
mon coeur, de la façon dont
je vois cette ville et avec la raison pour laquelle nous avons choisi
son nom
pour être celui de cet Atelier, ce nom lui-même
donné - en y ajoutant d'Égypte
- par notre Passé Grand Maître, Robert AMBELAIN,
à un Atelier qu'il avait
constitué, pendant l'Occupation, et qui était
lui-même constitué de FF.·. de
différents Rites. Ce n'est pas
mon habitude, mais je voudrais commencer cette planche par une longue
citation
tirée de l'éditorial d'une revue - Le MONDE
COPTE - consacrée, justement, à
ALEXANDRIE : " Perle de
la Méditerranée, Lumière du Monde
Antique, Porte de l'Afrique, Ville aimée des
Dieux, Trône Apostolique, les titres de gloire d'Alexandrie
défilent comme
litanie. Comment dire, en effet, par l'image, l'incommensurable
importance de
cette cité dans l'histoire de l'humanité ? Mais voici que
ce nom tout simple d'Alexandrie, lorsqu'on l'approche de trop
près, éclate
en mille facettes, comme une goutte d'eau à travers un
prisme : loin de nous
offrir une image unie, c'est donc par une multitude de petites touches
que la
réalité d'Alexandrie s'est progressivement
livrée à nous. Fruit
d'une
alliance sans confusion entre l'Égypte et la
Grèce, Alexandrie fut le centre
de la civilisation dite hellénistique, mais qu'il serait
plus juste d'appeler
" alexandrine : la médecine, les sciences, la philosophie s'y
épanouirent
de façon remarquable. Mais Alexandrie fut aussi la
cité du Christianisme des
origines, siège du Patriarcat apostolique d'Égypte,
fondé par St Marc, à l'aube de l'ère
chrétienne et son nom s'identifie
à l'Église Copte. Terre de martyrs
et de théologiens, mère aussi de ces martyrs
blancs - les moines - Alexandrie
et sa région furent et demeurent un haut lieu de
pèlerinage et de spiritualité. Alexandrie,
amante du beau, fut aussi une terre des arts : architecture, peinture,
mosaïque, dans ce domaine aussi son rayonnement fut grand. " A travers cette
citation vous comprendrez combien est difficile, ce soir, ma
tâche - moi qui ne
suis absolument pas un historien ni un égyptologue amateur
-, et que, à mon
avis, à l'image de cette Ville qui fut un
mélange réussi de cultures, de
peuples et de croyances, il nous faudra longuement mêler nos
travaux sur cette
Cité et sur nos propres chemins spirituels pour commencer
à dégager l'esprit
d'Alexandrie, celui de la Cité comme celui de notre Loge. Alors,
évoquons
d'abord son histoire, et la aussi je suis obligé de me
reporter à ce qui a été
écrit : On l'a vu plus
haut, Alexandrie, à l'origine s'appelait
RAKOTÉ, et était une petite bourgade
égyptienne. Les relations
entre ce qui deviendra la Grèce - ou plutôt les
îles grecques - et l'Égypte
sont très anciennes, et des documents attestent qu'elles
furent formalisées
dès l'Ancien Empire, c'est à dire à
- 2300 avant notre ère. Elles connurent
un nouvel essor avec ce que nous appelons le Nouvel Empire - 16
siècles avant
notre ère - où le Roi Ahmosis, fondateur de la
XVIII ème dynastie, le vainqueur
des Hyksos et le créateur d'un Empire unifié s'étendant depuis la 2ème
cataracte jusqu'à la Palestine, conclut des accords avec
ces mêmes Îles. La mère
du
Pharaon Ahmosis, la Reine Ahotep, fut du reste appelée la "
Dame de Crète
". N'oublions pas,
à ce sujet, qu'à cette époque, ces
îles étaient occupées par les
Mycéniens, et
ce ne sera qu'après la conquête de la
péninsule par des peuples indo-européens
que, longtemps après, vers 800 avant notre ère,
apparaîtra ce que nous appelons
la Grèce. Ces relations
connurent, toutefois, des moments difficiles avec des tentatives d'invasion,
notamment par des peuples des îles du sud, les Philistins et
les Shardanes. Certaines furent
repoussées, d'autres furent l'occasion de
métissage avec les peuples
autochtones. Au XII ème siècle avant notre
ère, ces mêmes envahisseurs des îles
du sud s'engagèrent dans les terres et se
mêlèrent aux Hébreux, dans le pays
de Canaan, qu'ils venaient justement d'atteindre. Égyptiens,
Hébreux, et peuples d'où allait
émerger les Grecs, le mélange était
déjà fait
! A partir du VII
ème siècle avant notre ère, les
Pharaons prirent l'habitude de recruter des
mercenaires grecs pour leurs armées, et ceux-ci
participèrent de façon souvent
décisives aux nombreuses guerres contre les Assyriens, les
Babyloniens et, bien
sûr, les Perses. Le Pharaon
Psammétique 1er, de la XXVI ème dynastie, leur
octroya même une ville, dans le
delta du Nil, ville appelée à l'époque Naucratis ( aujourd'hui Kom-Djoef ). Il est à
noter
que ces mercenaires grecs refusèrent de servir les Rois
perses quand ceux-ci,
ayant conquis l'Égypte, en devinrent les maîtres,
après la XXX ème dynastie. C'est bien
évidemment Alexandre le Macédonien qui
libéra l'Égypte de son occupant perse,
après la bataille d'Issos, en - 332. Il y fut accueilli
très naturellement en
ami et se fit couronner sans problème Pharaon, fils d'Amon,
reconnu par les
Prêtres de Memphis comme : " Roi Épervier Prince
de la Victoire, Bien Aimé
d'Amon, Élu du Roi Soleil ". Alexandre
écrivit alors une lettre restée
célèbre à sa mère, la reine
Olympias : " Après
être demeuré quelques jours à Memphis,
je me dirigeai en naviguant sur le Nil
vers le port de Canope. Là se trouve une île
désignée sous le nom de Pharos,
bien située pour y établir une forteresse. Je
décidai donc d'y bâtir une ville
et de l'entourer de remparts. A l'architecte Dinocrate, que j'ai
fait venir
d'Ephèse, où il élevait un Temple
à Diane, j'ai donné la consigne de
construire une tour très haute, au sommet de laquelle les
veilleurs
entretiendront en permanence un feu très brillant pour
servir de signal aux
navigateurs croisant dans les parages. Cette ville,
édifiée en l'honneur de
ton fils, portera le nom d'Alexandrie ". Une
légende
rapportée par Plutarque affirme qu'Alexandre aurait choisi
ce site paradoxal
du seul point de vue géographique car dépourvu de
baies et de criques pour en
faire un port, avec des sables mouvants, après un songe dans
lequel Homère lui
serait apparu et l'aurait alors guidé vers l'île
de Pharos. Et les conseils
ont été judicieux puisque cette ville est devenue
la capitale de l'Égypte -
éclipsant Memphis, Thèbes et Tanis -
dès la fin du IV ème siècle avant
notre
ère et le resta jusqu'à la fin du VII
ème siècle de notre ère, soit pendant
environ 1000 ans, mille années de rayonnement culturel et
politique. Elle reste
aujourd'hui encore, d'un point de vue économique un port
très important de la
Méditerranée orientale, et dans l'Égypte moderne, son rayonnement culturel n'est pas éteint. Alexandre ne vit
jamais la ville terminée - il mourut d'une maladie subite
à l'âge de 33 ans (
tiens 33 ans !!! ) pendant une campagne militaire à Babylone
-, mais son corps
fut rapatrié à Alexandrie où l'historien Strabon dit avoir vu sa tombe. C'est encore un
mystère aujourd'hui puisque personne ne sait vraiment
où est la tombe de ce
conquérant. Le village de
RAKOTÉ était situé entre le lac
Mariout et le bord de mer, face à l'île de
Pharos. C'est là, en réalité, que fut
construite la ville, l'île étant
reliée
au continent par un barrage construit alors, qui porta le nom de
Heptastadion,
soit 7 stadions, soit encore environ 1300 m, ce qui était sa
longueur. La construction
de cette digue permit la création de 2 ports, de chaque
côté de celle-ci, celui
de l'ouest appelé Port d'Eunostos - le port des retours
heureux - et celui de
l'est, dit le Grand Port ou le Port Neuf, fermé aussi par
une digue construite
dans le prolongement de la presqu'île de Lochias, sur
laquelle était érigé le
Palais Royal. Les navires
trouvaient ainsi toujours un abri, dans l'un ou l 'autre de ces
ports, le
passage de l'un à l'autre pouvant se faire par 2 passages
dans la digue, sous
des pont-levis. Au sud, le lac
Mariout servait de port fluvial, et communiquait, soit avec le Nil,
soit avec
le Port occidental, par des canaux dont les ingénieurs
accompagnant Bonaparte
ont encore pu admirer les vestiges, ainsi que les aqueducs
approvisionnant la
ville en eau potable. La ville fut
bâtie sur un plan en damier, avec deux très larges
avenues d'environ 30 mètres
- un plèthre - et de quelques 7 kilomètres - 40
stades - de long, et d'autres
avenues parallèles, toutes coupées, à
angle droit, par des rues
perpendiculaires. Ce tracé, dit hippodamien, du nom du
célèbre Architecte
Hippodame de Milet - permettait une circulation des vents marins qui
assuraient
une fraîcheur constante. Diodore de
Sicile a noté qu'Alexandrie offre un climat
tempéré, source de santé. Ce même
Diodore,
comme Strabon, ont fait remarquer que la ville représente
une chlamyde - le
court manteau macédonien - déployée et
posée à plat. Un poète
latin,
Achille Tatius, a pu écrire, au 2ème
siècle de notre ère : " Après
une
navigation de trois jours, nous arrivâmes à
Alexandrie. Lorsque j'y entrai,
par la porte dite du Soleil, j'eus immédiatement devant moi
l'incomparable
beauté de la ville, et mes yeux furent remplis de plaisir.
Une rangée de
colonnes, rectiligne, s'étend des deux
côtés, de la porte du Soleil à celle de
la Lune...car ces deux divinités ont la garde de la ville ". Le Roi
Ptolémée
1er, respectant le voeu d'Alexandre, commença à
faire ériger la tour dans l'île Pharos, selon les plans de Sostrate de Cnide, et qui
allait sous le nom de
Phare devenir l'une des 7 merveilles du Monde. Elle fut construire en
pierres
calcaires et devait être, à l'époque,
la plus grande tour construite - environ
120 m - et les travaux furent terminés sous le
règne de Ptolémée II, et
même
encore après quelques retouches, sous
Ptolémée III, soit après environ 60
ans. Ce phare,
constitué d'une base carrée, d'une colonne
octogonale et d'un dernier étage
cylindrique, pourrait avoir servi de modèle pour les
minarets des mosquées. A noter que ce
nom de phare fut repris dans beaucoup de langues pour
désigner les lumières
guidant les navires. Il fut
détruit
au XIII ème siècle, après une
éruption volcanique. Une mission
internationale financée par l'UNESCO a entrepris des
recherches pour en
retrouver des morceaux, semble t'il avec succès. Ce fut
évidemment d'abord un grand port pour le commerce de l'époque et il est
difficile de citer tous les produits et tous les peuples qui y
abordèrent pour
participer à cet immense marché. Il est sûr
qu'aussi bien les Indiens que les Arabes, les Arméniens et les
Africains, les
Ibères comme les autres peuples d'Europe et d'Asie Mineure
ou du lointain
Orient s'y retrouvèrent. D'après
Diodore
de Sicile, en 60 avant notre ère, la ville comptait plus de
300000 habitants,
dont environ 100000 Juifs, à qui le quartier nord-est,
appelé le Delta, avait
été attribué, mais pas sous la forme
connue récemment de ghetto, puisque de
nombreuses synagogues et comptoirs commerciaux étaient
disséminés dans toute la
ville. Le reste de la
population, au-delà des petites communautés de
différents peuples orientaux,
européens et africains, était surtout
constitué de Grecs et d'Égyptiens. Ce rapprochement
entre Orient et Occident prit ici une forme particulière,
concrète, qui
constitua ce que nous avons appelé la civilisation
hellénistique. Il s'agit de l'enrichissement mutuel de 2 mondes, sans mélange ni
confusion, dans le respect
total de l'autre, de son génie, ce qui a permis un
approfondissement sans
retenue dans tous les domaines : scientifique, culturel, philosophique,
spirituel. Il semble qu'Alexandrie soit le seul exemple de ce type, même si d'autres
villes d'Orient
aient été imprégnées d'hellénisme, elles ne conservèrent pas le
même
caractère, et surtout, aussi longtemps. Alexandrie fait
partie de ces jalons de l'histoire des hommes et probablement que nous
ne
serions pas ce que nous sommes si cette ville n'avait pas
existé. Il faut,
toutefois, ne pas se leurrer, la ville d'Alexandrie n'était pas un modèle de
démocratie et seuls étaient Grecs celles et ceux
qui pouvaient se prévaloir d'une double ascendance, c'est-à-dire de père et
de mère grecs. En fait la
plupart des Alexandrins n'en font pas partie et sont
définis Hellènes, c'est-à-dire membres de la communauté
gréco-macédonienne, parlant grec et
participant à la culture grecque, en fait tous ceux issus
des peuples conquis par
Alexandre, en Europe comme en Asie, et les Juifs en faisaient
également partie,
eux qui représentaient plus d'un tiers de la population. Tous ces
Hellènes ne sont pas citoyens au sens politique du terme. Parlons
maintenant de la Bibliothèque d'Alexandrie : La
première
bibliothèque fut créée par
Démétrios de Phalère, à la
demande de Ptolémée 1er
Soter, général d'Alexandre, fondateur de la
dynastie, dynastie lagide dont les
membre se succédèrent sur le trône des
2 royaumes d'Égypte pendant plus de 300
ans, après la mort du conquérant
macédonien ( en 323 avant J-C ). Démétrios
habitait l'un des quartiers latins d'Athènes et
appartenait à l'Institut
Syceum, établi par Aristote, et participait aux
conférences et débats qui s'y
déroulaient. Au-delà
de la
seule bibliothèque, dont je vais reparler après,
Démétrios créa aussi une
Université, qui, avec la bibliothèque, s'appelaient Museion ou Maison de
Sagesse. Le corps
professoral de cette Université fut, à la demande
expresse de Démétrios,
constitué des meilleurs savants, artistes,
écrivains et philosophes de la
région hellénique. Il résidait
à Alexandrie et il est dit que ceux qui le
constituèrent furent regroupés
simultanément. Cette
bibliothèque, riche de plus de 500000 manuscrits ( on a
même parlé de 700000 )
était la plus célèbre du monde antique
avec celle de Pergame, sa rivale,
Pergame en Asie Mineure, dont le nom a été
à l'origine du mot parchemin. La
bibliothèque
d'Alexandrie avait pour ambition d'accueillir tous les
écrits du monde connu,
ainsi que leur traduction en grec, et attirait un nombre
considérable d'écrivains, de savants et de lettrés, souvent
plutôt turbulents. Cette
bibliothèque et l'Université furent ainsi un
lieu de rencontres où de grands
penseurs et professeurs s'entretenaient avec les étudiants
et les lecteurs, où
les savants et philosophes s'échangeaient idées
et découvertes. C'était
un
creuset de la pensée humaine, et les Rois et Princes
tenaient à y participer
personnellement. L'impulsion
donnée à la civilisation en
général fut fondamentale. Pour citer
quelques noms, à l'époque de sa
création : Eratosthène,
l'inventeur de la philologie, y calcula la circonférence du
globe terrestre et
son diamètre, Zénodote d'Ephèse,
Aritophane de Byzance et Aristarque de
Samotrace y posèrent les fondements de la critique
textuelle, Hipparque évalua
très précisément le volume du soleil
et de la lune, donna un nom à plus de 800
étoiles et mesura la durée du mois lunaire,
Euclide et plusieurs mathématiciens
pythagoriciens, Heron qui, même si son nom a
été oublié, fut le premier
à
imaginer la machine à vapeur, Erasistrate et
Hérophe, médecins qui les premiers
présentèrent une image scientifique du
système nerveux, Archimède, etc... Eratosthène,
le
3ème bibliothécaire d'Alexandrie, aujourd'hui
oublié, reste, sans aucun jeu
de mots, un phare de ce qui peut caractériser cette
cité. Mathématicien,
astronome, philosophe, géographe, historien philologue,
poète, éditeur,
commentateur de livres, il s'illustre dans toutes les
matières et peut être à
juste titre considéré comme un esprit universel,
fondateur de matières
scientifiques modernes. Des pages
seraient nécessaires pour tenter de développer ce
que l'on doit à cet esprit
brillant, typiquement alexandrin, où il vécut au
cours du 3 ème siècle avant
notre ère, mais je voudrais insister sur son
intérêt pour l'harmonie car,
plusieurs siècles plus tard, toujours dans la même
ville, des Pères de l'Église, Clément d'Alexandrie et Athanase d'Alexandrie écrivent des textes dans
lesquels on retrouve le thème de l'harmonie qui reste ainsi
indéfectiblement
attaché à cette ville et à la
pensée alexandrine, quelle que soit la religion
pratiquée. Au point vue
spirituel, Ptolémée 1er était
convaincu que la paix régnerait sur l'Égypte
quand les idées et les convictions religieuses
égyptiennes et grecques seraient
harmonisées. Il croyait au
succès de cette union parce qu'il était
sûr qu'au fond de toutes ces
différences philosophiques et théologiques se
trouvait une seule Vérité. Pour
exécuter ce
rapprochement Ptolémée avait choisi 2 grands
théologiens : Manethon, le Grand
Prêtre égyptien qui, par ailleurs, connaissait la
langue grecque et sa
philosophie, et Timothée, l'Athénien, le plus
célèbre théologien grec de l'époque, Prêtre d'Eleusis. Après de
longues
études en commun, ils purent jeter les bases d'une nouvelle
religion du trio
Sérapis, Isis et Harpocrate ( l'enfant Horus ). C'est dans cet
Institut théologique que commença la traduction
en grec de la Bible, au moyen
d'une assemblée constituée par 70 savants et
théologiens juifs, traduction
connue sous le nom de Septante. Le support des
ouvrages entreposés était le papyrus, un monopole
des Égyptiens. Du reste
ALEXANDRIE exportait des papyrus vierges parallèlement
à des copies des textes
de la bibliothèque. Par contre,
aujourd'hui, il est impossible de donner des informations sur l'aspect
architecturale de cet établissement, ni sur ce qu'il est
réellement devenu. STRABON, le
géographe et historien grec que j'ai
déjà cité, l'avait décrit
comme proche
des palais royaux, en bordure de mer. Sa destruction
est, en réalité, mythique. JULES CÉSAR
ayant mis le feu à ALEXANDRIE, au cours
de l'hiver -48/47 avant J-C, il est possible que la
bibliothèque ait brûlé à
cette occasion. Toutefois il est plus probable que ce soient des
entrepôts de
papyrus vierges qui aient brûlé. En 270
après
J-C, la ville est l'objet d'une guerre entre la Reine ZENOBIE de
PALMYRE et
l'Empereur romain AURELIEN. Le quartier des palais royaux ayant
été alors
anéanti, la bibliothèque a pu subir le
même sort funeste. Plus tard
encore, en 391 après J-C, les Chrétiens devenus
hégémoniques à ALEXANDRIE,
incendient, sur l'ordre de l'Évêque
THÉOPHILE, tous les monuments païens.
Parmi ceux-ci le serapeum, où étaient
conservés tous les doubles de la
bibliothèque-mère. Celle-ci, si elle existait
encore, a t'elle été détruite
à
cette occasion ? En tous les cas
cet acte me conforte dans mon idée tout à fait
personnelle que le Christianisme
a tenté sciemment de détruire toutes les traces
de la Tradition. Enfin, et cela
n'enlève rien à mon commentaire
précédent, en 642, le
général arabe AMR IBN AL
AS enlève ALEXANDRIE après un long
siège. Ne sachant que faire du contenu d'une bibliothèque ( était-ce celle dont nous
cherchons la trace ? ) téléphone,
non, excusez-moi, écrit au Calife OMAR pour demander des
ordres. Ce dernier lui
aurait répondu : " Si ces livres sont conformes au Coran,
ils sont
inutiles et tut peux les détruire. s'ils sont contraires au
Coran, ils sont
pernicieux et tu dois les brûler. " Et, en tout
état
de cause, ils auraient alors servi à alimenter le chauffage
des bains publics
pendant 6 mois ! Il faut noter
que cette dernière version de la destruction de la
bibliothèque d'ALEXANDRIE
n'est donnée que par ALBURAFADJE,
Évêque d'ALEP, mort en 1286, et qu'elle
est plus que suspecte. Je ne suis pas
loin de croire à la destruction
délibérée par les
Chrétiens, soucieux de
détruire tout ce qui avait trait à la Tradition
transmise par les Anciens, d'où qu'ils venaient, et cela serait cohérent avec
l'attitude que ces mêmes
Chrétiens ont eu avec les Gnostiques,
dénoncés comme hérétiques,
poursuivis de
la vindicte virulente des principaux Pères de l'Église. Après
cette
première partie très didactique, pour laquelle je
me suis beaucoup aidé d'ouvrages disponibles sur le sujet, ce qui m'a beaucoup appris, je
voudrais
aborder ce qui a fait, pour l'humanité tout
entière, la richesse d'Alexandrie, c'est à dire son apport à la
spiritualité. Je voudrais donc
arrêter mon regard sur plus particulièrement 3
écoles, très différentes
même
si, en tout état de cause, elles se sont
fécondées et n'ont pas pu ne pas
avoir d'incidences les unes sur les autres. Comme je l'ai
écrit plus tôt, je pense que c'est un de nos fils
conducteurs, si non le seul
pour nos réflexions, car à travers l'étude de ces différentes écoles nous
appréhenderons mieux d'où vient notre propre
parcours, dont l'origine reste
pour moi inscrit dans la Tradition initiale. Ces 3
écoles
sont : les Thérapeutes, les Chrétiens et les
Gnostiques. Parlons d'abord
des Thérapeutes : C'est PHILON d'Alexandrie qui en parle dans son traité DE VITA
CONTEMPLATIVA. N'ayant
laissé
aucune trace, contrairement aux Esséniens, il est toutefois
impossible de dire
si cette Communauté a bel et bien existé, ou si
elle n'est que l'oeuvre de l'imagination de Philon. Mais quel que
soit le cas, elle mérite d'être
examinée car elle véhicule des principes qui
restent d'actualité. Elle a, par
ailleurs, été assimilée à
celle que décrit Luc dans son Évangile, 2/42-47
et
4/32-35. Le nom de
Thérapeutes vient du verbe terapeuein qui signifie
à la fois guérir ( les
passions ) et servir ( l'Être suprême ). Ce double
sens indique le souci d'une thérapeutique de l'âme par la
prière, d'une guérison spirituelle. Cette
communauté
aurait été constituée d'hommes et de
femmes - car il y a mixité - des milieux
d'affaires, de gens aisés, las des soucis de la gestion,
excédés des bruits de
la cité, désireux de rompre avec un train de vie
confortable mais corrompu,
pris du désir de vie tranquille. Face, donc,
à
une déjà société de
consommation, un groupe prend ses distances par rapport à
l'institution et trouve dans la vie simple et communautaire, dans la
prière,
le chant et la danse une hygiène de vie qui permet
à ses membres d'accéder à
un équilibre humain et spirituel. Ensuite, on ne
peut évoquer Alexandrie sans parler du Christianisme. Vous connaissez,
pour certains ici, ma propre intuition qui me fait regarder cette
religion
comme ayant été inventée de toutes
pièces, justement en grande partie à
Alexandrie. Je ne reviendrai
pas ici sur cette position personnelle qui en dérange
beaucoup, mais je
voudrais, par contre, examiner comment Alexandrie a
participé, de façon
décisive, au développement de cette religion. Selon une
tradition bien attestée, Marc l'Évangéliste s'est rendu à Alexandrie,
il y
prêcha l'Évangile, fonda le Siège
épiscopal d'Alexandrie, et y mourut en
martyre le 8 mai 68. ( mai 68 çà me rappelle de
vieux souvenirs de jeunesse...
) Toutefois, au
cours du 1 er siècle, et même pendant le
1ère moitié du 2ème, l'extension du
Christianisme, à Alexandrie et en Égypte fut
très limitée. Il avait même pris
une forme plus ou moins syncrétique, permettant à
Hadrien, dans une lettre d'évoquer " ces Chrétiens qui adoraient
Sérapis " ou qui " se
disaient évêques du Christ et se vouaient
à Sérapis ". Ensuite,
dès le
début du règne de Commode ( 180 de notre
ère ), la religion chrétienne, tout à
fait nettoyée des doctrines gnostiques et des
réminiscences du paganisme, s'installe définitivement. A l'époque de Septime
Sévère ( 193-211 ) il connaît
un développement très rapide, et c'est la que se
situe la création de l'École
théologique d'Alexandrie, dont nous connaissons 3 de ses
plus éminents professeurs
: Pantène, Clément et Origène. cette
école essaya d'établir des liens entre le
Christianisme et le Néo-platonicisme qui se
développait alors dans la ville. C'est dans la
région proche d'Alexandrie que se développa,
ensuite, à partir du IV ème siècle,
la vie monastique. C'est dans
cette École qui allait devenir le premier centre de sciences
sacrées de l'histoire du Christianisme que fut formulé le premier
système de théologie
chrétienne et que fut établie la
méthode allégorique d'exégèse biblique. Pantène
est à l'origine de la rencontre de l'hellénisme ( philosophique et
littéraire ) et de
l'exégèse biblique. C'est lui qui suscite l'ecclésiastisme, cette
organisation si particulière du clergé
chrétien. On ne sait du reste rien de l'organisation du clergé chrétien avant lui. Si la
personnalité historique reste cependant sujette à
caution, et il n'y a aucun
écrit de lui-même, Clément d'Alexandrie est, par contre, bien attesté, et on
possède ses écrits. La culture
philosophique de Clément est immense. Mais il est d'abord
égyptien et montre
une très grande admiration pour l'écriture
hiéroglyphique, et égyptien
hellénisé puisque très fortement
imprégné par son éducation,
marquée par
Platon, Isocrate et Aristote. Il utilise sans
retenue les philosophes grecs et est un grand dialecticien. Il se sert
d'ailleurs avec aisance de cette science dans ses discussions avec les
hétérodoxes, ou les
hérétiques. Dans son ouvrage
le PROTREPTIQUE il applique au Christianisme l'exhortation
à se convertir à la
vie philosophique. Un autre de ses
ouvrages se rapporte à l'oeuvre du Logos divin pour la
formation morale,
pratique et théorique, en se limitant à l'enseignement exotérique. Clément
d'Alexandrie se caractérise aussi par l'éclectisme
- eklektikon en grec - qu'il
qualifie lui-même de choix, parmi les différentes
philosophies de ce qu'il y a
de meilleur. Il dit ainsi :
" Quand je parle de philosophie, je ne veux pas dire la philosophie
stoïcienne, ni la philosophie platonicienne, ou
épicurienne, ou aristotèlienne,
mais tout ce qui a été dit de beau dans chacune
de ces écoles, par l'enseignement de la justice accompagnée de science pieuse, c'est tout cet
ensemble choisi - l'éclectisme - que j'appelle philosophie
" . N'est ce pas,
sous un autre nom, un déjà syncrétisme
? Et
évidemment,
Clément en vient à élaborer ce qu'il
nomme une vraie philosophie, qui met en
communion l'univers culturel grec, le christianisme, le
judaïsme - à travers
la nouvelle traduction en grec qui vient d'être disponible
-, et probablement,
bien qu'il s'en défende, la Gnose. Clément
est
certain que la Philosophie a été
donnée aux Grecs comme alliance, comme la Loi
l'a été donnée aux Juifs. Une dimension
ésotérique très forte
imprègne aussi Clément d'Alexandrie, dimension
qu'il
rattache à une tradition apostolique, tradition
secrète remontant à Pierre,
Jacques et Jean, et, à travers eux, à
Jésus lui-même. De cette façon il peut
rivaliser avec les gnostiques qui développent des
théories semblables, mais à
partir d'autres disciples non reconnus. Beaucoup d'autres choses pourraient bien évidemment être
dites concernant Clément d'Alexandrie et je pense que notre Atelier aura peut-être l'occasion de
travailler sur ce théologien majeur. Le
troisième est
Origène. Il est né
vers
185 à Alexandrie, dans une famille chrétienne,
pourtant son nom signifie "
Fils d'Horus ". C'est l'époque des
persécutions contre les Chrétiens,
et son père est arrêté,
condamné et exécuté.
Origène veut aller se présenter
pour suivre l'exemple de son père mais sa mère
le retient. Tombés dans la
misère tous les deux, Origène est recueilli par
une riche veuve chrétienne et
peut ainsi terminer ses études. Cependant c'est
chez cette veuve qu'il découvre la Gnose "
hétérodoxe ", et plus
tard, il déclarera un dégoût pour cette
" hérésie ". Il ouvre une
école de catéchèse et organise des
réunions pour expliquer la Bible. Il se
livre, parallèlement, à l'ascèse et
va même jusqu'à s'émasculer, prenant
ainsi à la lettre la parole de Matthieu sur les eunuques (
19,12 ). Un des ses
auditeurs très riche l'entretient et lui permet d'écrire des ouvrages sur les
différents Livres des Écritures, tout en
débattant avec des Gnostiques. Même s'il est ordonné prêtre, il reste suspect de
proximité avec les Gnostiques, ce
qui l'amènera en prison, et il mourra peu après
sa libération. s'il est
impossible d'affirmer qu'Origène ait suivi l'enseignement
de Clément, même
si les dates le permettent, par contre on est sûr qu'il a lu
ses oeuvres, et
elles ont eu pour lui une influence très importante. Il est
très
marqué par l'ésotérisme juif, qu'il
découvre auprès d'un maître,
lui-même
Juif converti. Sa méthode de réflexion est
surtout basée sur l'analogie, mais
il est maître dans l'art du commentaire. Il a ainsi
publié
les HEXAPLES, le résultat d'un travail colossal de 30
années, dans lesquelles
il compare, sur 6 colonnes parallèles le texte original de
la Bible en hébreu,
sa traduction en grec dite des Septante, et 4 autres traductions en
grec, dont
celles dites d'Aquila, de Symmaque et de Théodotion. Enfin on peut
considérer Origène comme le père de la
théologie avec la mise en place de tous
les concepts et la problématique sur la Trinité,
la résurrection et la
préexistence des âmes. Évidemment,
je
dois enfin parler, en dernier, du Gnosticisme, avec ses deux
Maîtres
alexandrins que j'ai choisis particulièrement, Basilide et
Valentin, parmi
beaucoup d'autres qui vécurent et surtout
enseignèrent, prêchèrent dans cette
Cité, Carpocrate, Simon le Magicien, Epiphane,
Ptolémée, Héracléon, et
bien d'autres moins connus ou dont l'histoire a perdu les noms : Basilide, d'abord, Basilide, un des principaux docteurs gnostiques, ouvrit une
école
pythagoricienne à Alexandrie, dans la première
moitié du 2ème siècle de notre
ère, où, à l'exemple de Pythagore,
ses disciples se voyaient d'abord imposer
un silence de 5 années car, disait-il, le silence qui est
premier, qui est un,
nous aide à combattre l'illusion du monde terrestre. Sa doctrine, que
l'on connaît paradoxalement uniquement à travers
les écrits de Clément et
Origène qui l'ont combattu violemment, lui aurait
été révélée par
un disciple
de Pierre, appelé Glaucias. Selon celle-ci
aux origines il y a Dieu, un Dieu non visible, inconcevable pour l'homme. Dieu
est appelé RIEN, Celui qui n'est pas. 365 cieux
séparent ce Dieu de l'homme,
chacun peuplé d'entités, pures tout en haut,
impures dans les derniers cieux.
Dans le dernier ciel réside l'Archonte, le plus impur donc,
et qui est aussi
le chef des anges. C'est pour Basilide le Dieu des Juifs, le
créateur de l'homme et du monde, oeuvre particulièrement imparfaite. A l'opposé 3
entités pures ont été
engendrées par Dieu, elles ont pour nom Le Fils de Dieu,
la Pneuma, l'Esprit qui règne sur le huitième
ciel, l'OGDOADE, et qui se
confond avec Dieu. Le Christ
descend sur la Terre pour délivrer les croyants. Sa
tâche accomplie, il remonte
au Ciel. Il n'est pas un homme ordinaire et ne peut donc avoir
souffert sur la
croix. Pour Basilide,
c'est un autre condamné, Simon de Cyrène, qui a
été crucifié à sa place. Basilide est
fondamentalement un pessimiste. Moralement il prône une
existence
paradoxalement à la fois ascétique et
libérale, sexuellement parlant notamment
dans ce dernier cas. Selon lui, l'homme est guidé par sa
volonté de se
perfectionner et cet appel à la vertu n'est pas
étranger à son salut
spirituel. Valentin,
maintenant, Valentin qui vécut aussi à Alexandrie
vers le 2ème siècle, qui se
disait Chrétien, qui faillit même devenir
évêque, et dont la pensée
était
pourtant fortement influencé par les traditions grecques et
perses. En ce qui le
concerne il se disait héritier de Théodas,
disciple de Paul. C'est lui qui a
inventé le terme d'éon, à la fois
désignant l'entité suprême et la
succession
des entités qui lui succèdent, toutes de moins en
moins parfaites au fur et à
mesure que l'on s'en éloigne et que l'on se rapproche de
la Terre. Au sommet du
Plérôme on a donc un Dieu inconnu,
nommé Propator. Il est accompagné d'un
élément féminin, l'Ennoïa -
la Pensée ou le Silence - et chaque éon se
présente en fait en couple masculin/féminin et se
succède par ce qui est appelé
la Syzygie. Ces
entités sont
au nombre de 30, les 8 premières, constituant l'OGDOADE,
contiennent, entre
autres Nous, l'Intelligence, Logos, la Parole,
Zôé, la Vie, Ekklesia, l'Église. Quant à
la
dernière, c'est Sophia, et Sophia voulut voir Dieu, en fut
punie et qu'elle
fut à l'origine de la création du monde, ce
monde bien évidemment imparfait. L'homme,
cependant, conserve en lui une parcelle du Divin, ce qui lui donne
cette soif
de connaissance, de sagesse qui le caractérise. Les humains sont
classées en 3 groupes : les hyliques, qui sont
attachés à la matière, et qui n'auront point de salut dans cette vie, les psychiques, malheureusement
coupés de
la Vérité, et les pneumatiques qui sont les
élus gnostiques. Les disciples de
Valentin vivent en communauté, selon une
hiérarchie avec des niveaux d'enseignement différents. Chez tous les
disciples de Valentin, l'attitude envers la vie est la même
: pour accéder à
la condition supérieure qui permet de retrouver
immortalité et vérité, il faut
consommer pleinement les plaisirs de la chair et les biens de ce monde. Irénée,
qui les
combattit violemment, a pu ainsi écrire : " Aussi les
plus parfaits d'entre eux commettent ils sans honte ce qui est
défendu. Ils
mangent sans scrupule les nourritures destinées aux idoles.
Ils assistent à
toutes les fêtes païennes, beaucoup assistent
même à des combats de bête et aux
combats singuliers à mort d'homme. D autres s'adonnent
sans réserve aux
plaisirs de la chair, disant qu'il faut rendre la chair à
la chair et l'esprit à l'esprit. D'autres encore déshonorent
secrètement les femmes qu'ils
veulent initier. D'autres enfin enlèvent ouvertement et
sans scrupule à leur
mari la femme dont ils sont tombés amoureux pour en faire
leur compagne. D'autres, par ailleurs, qui faisaient semblant, au début, de
vivre honorablement
avec leur soeur, furent démasqués, leur soeur
étant devenue enceinte de leurs
oeuvres. Ils se proclament les Parfaits, les semences d'élection. Ils
prétendent avoir reçu d'en haut une
grâce particulière, par suite d'une union
ineffable. Et c'est pourquoi ils se doivent de s'appliquer sans
trêve au
mystère de l'union sexuelle ". On peut
comprendre les réactions des Pères de l'Église, plutôt coincés, à
ces
descriptions, par contre il est paradoxal que les Cathares, plusieurs
siècles
plus tard, derniers rejetons du Gnosticisme, aient professé
des thèses
complètement opposés. Mais l'étude du
Gnosticisme montrerait que d'autres Écoles professaient
déjà un refus de la
vie, un refus de la fécondation. Pour Valentin,
de toutes façons, la fin de la matière, du monde
corporel, de la terre, viendra
un jour. L'âme du gnostique rejoindra alors le
Plérôme, au côté du sauveur,
où
chacun s'unira à un ange jumeau. Une ère de
repos s'ouvrira, un feu
gigantesque consumera alors la matière, vidant le cosmos d'un mauvais
souvenir. Après ces
très
longs exposés - et pourtant trop brefs car il faudrait s'arrêter des heures,
des jours, des années, sur ces différentes
Écoles - je voudrais répéter ce qui
a été l'origine de cette réflexion,
c'est-à-dire l'ambition que nous
redevenions, à notre échelle bien sûr,
une sorte d'Alexandrie antique, un
endroit où les femmes et les hommes de plusieurs cultures,
de plusieurs
religions viendraient, sans exclusive aucune, sans sectarisme, dans le
seul
objectif d'apprendre aux autres et d'apprendre soi-même,
présenter ce qu'ils
savent et les questions auxquelles ils souhaitent des
réponses, et ainsi s'enrichir mutuellement. Je crois que
cette Cité a en effet été unique dans
l'histoire des hommes pour cette
tolérance, ce foisonnement culturel et spirituel -
même si à leurs époques
différentes, Bagdad d'une part, et Cordoue d'autre part,,
je le disais dès le
début de cette réflexion, ont pu
connaître quelquechose d'approchant -, et je
suis heureux qu'elle soit le nom de notre Atelier. Ce travail, le
premier en fait présenté dans cette Loge, avec
toutes ses approximations et
probablement ses erreurs, doit cependant montrer quelle voie doit
être la
notre, celle de la recherche de la Tradition, à travers les
divers chemins qu'elle a pris, et donner l'envie à tous de
compléter ces quelques premières lueurs
que j'ai voulu allumer ce soir. Et pour conclure
enfin, je voudrais vous citer la définition de la GNOSE par
Clément d'Alexandrie, ce Docteur de l'Église dont j'ai longuement
parlé, et qui me
semble aussi pouvoir refléter notre projet : " La Connaissance
de ce que nous sommes et de ce que nous sommes devenus, du lieu d'où nous
venons et de celui dans lequel nous sommes tombés, du but
vers lequel nous nous
hâtons et de ce dont nous sommes rachetés, de la
nature de notre naissance et
de celle de notre renaissance". j'ai dit |
7125-1 | L'EDIFICE - contact@ledifice.net | \ |