GLB | Loge : La Parfaite union - Orient de Namur - Belgique | Date : NC |
Le
Diable « En
faire »
ou ne pas trop « en
faire », telle est la question. En parlant
du diable, c’est à tout, que
l’on «
s’attend ». Qu’il
se soit agi de refoulés de
l’ecclésiaste, de « pères
verts »
ou d’hommes au « ton sûr »
aussi ongulés que frustrés, les
hommes ont donné un nom à ce que certains ont
considéré, selon les époques,
comme identifiable au mal, comme fautif ou comme assimilable au
péché.
La
soif de pouvoir, le désir de domination, et les
déviantes politiques
religieuses, se firent les chantres les plus loquaces et les plus
prolixes, de
l’horreur de l’emprise du mal. Le
diable est une bonne à tout faire qui a bien servi, et qui
encore aujourd’hui
fait couler de l’encre, quand il ne sert pas
d’excuse pour faire couler le sang
ou exploser des bombes. Le
diable de nos régions a été
présenté à toutes les sauces et
cuisiné à tous les
goûts. Tantôt il incarne la
désobéissance au dogme privatif de
liberté, tantôt,
il est assimilé à la
méchanceté, et tantôt encore, il est
l’ennemi de
l’intolérance ou l’explication des
pulsions sexuelles. Des
clichés similaires ont entraîné les
chasses aux sorcières. L’Eglise n’a pas
hésité à « bûcher »
le sujet pour majorer la gravité de la question.
N’a-t-on
pas prétendu que le serpent tentateur était le
diable, alors que, de tout
temps, le serpent primordial a symbolisé le savoir, la
connaissance ? Antoine
de Saint-Exupéry lui donne d’ailleurs ce
rôle dans son « Petit
Prince » puisque le serpent est celui qui sait, qui
sait ce qu’apporte le
centre de la terre, le passage qu’il ouvrira au Petit Prince
qui, au premier
degré, mourra. Les
vertus d’un dieu issu du monothéisme, dont les
hommes se forgèrent l’idée, ont
commandé les contours d’un diable de plus en plus
précis, aux jambes poilues,
cornu et à sabots. Il
n’y aurait sans doute pas d’idée du
diable sans l’idée de dieu. Plus le dieu
est parfait, plus le diable aurait des raisons de séduire
les humains que nous
sommes. Le diable est inséparable de dieu. Qui nierait en
outre que chacun de
nous est un peu divin et un peu diabolique ? Descendre
en soi pour mieux se connaître permet peut-être
d’apercevoir ce qu’il en est. C’est
le secret inviolable de chacun. Chacun de nous est son propre Lucifer
et
s’apporte donc sa lumière personnelle. Il
n’y a point de meilleur ange que
soi-même pour veiller sur soi-même, ni de meilleur
juge. Traquer
l’ignorance et le fanatisme, c’est, si
j’ose dire, faire la chasse au malin. Aucun
génie n’est indispensable pour remplir cette
salutaire mission, qui conduit à
la liberté de l’homme. Il
y a d’ailleurs quelque chose de divin dans le diable, et
quelque chose de
diabolique dans le dieu. Faut-il
rappeler le Concile de Latran en 1215 où il fut
déclaré : « le
diable et les démons ont été
créés par dieu ; ils sont bons par
nature
mais eux-mêmes se sont fait mauvais ». Les
actes du Concile
s’inspirent d’ailleurs de Saint Augustin qui vers
400 rappelait qu’à l’origine,
Satan était un bon ange. Nul
n’ignore qu’historiquement, Lucifer est un ange
« porteur de
Lumière » qui fut déchu, pour
avoir gêné dieu, dont il était un
proche et
dont il partageait les repas. L’Histoire
des hommes fourmille d’exemples similaires tristes et
« sanglants »,
si j’ose dire. C’était
une façon d’expliquer que l’alchimie
apportait la lumière invisible pour qui
était rebelle aux idées reçues et aux
apparences, et cela demeure vrai ! Quant
à dieu, son étymologie remonte, certes, au mot
« lumière »,
en
langage indo-européen, mais son orthographe actuelle
comporte le même préfixe
diviseur « di »
que le diable, lequel est accolé à une racine
grecque « eu » qui signifie « meilleur »,
de sorte
que l’on pourrait en tirer comme conclusion que
l’un des sens du mot
« dieu » est de
« diviser le meilleur »,
c’est à
dire d’être en quelque sorte, un
élément de sélection. La
divinité se mériterait et ne serait pas
automatique. N’est-ce pas là une
invitation très maçonnique à
s’améliorer, pour s’élever
vers un état
supérieur ?
Mais
revenons au diable ! Ni
les Grecs, ni les Romains, ni les Egyptiens ne connaissaient vraiment
le
diable, hormis quelques êtres mythologiques repoussants
contre lesquels il
s’imposait de se battre. Le
polythéisme fut d’ailleurs une grande
leçon d’humilité humaine, un aveu de
l’impossibilité de connaître
parfaitement la nature essentielle de la divinité. Le
prétentieux monothéisme en a
décidé autrement, et il a engendré le
diable, mais
pas partout avec le même degré
d’importance, ni avec les mêmes
conséquences
néfastes ou mortelles. Le
diable a été et reste encore,
l’explication facile et fourre-tout des maux, du
mal, du sexe, des idées originales et de la contestation. Il
est vrai que la racine hébraïque
« stn » ( il
n’y avait pas de
voyelles) et la racine grecque « diabolos »
( proche du verbe diaballein
– ou diabollom, faire obstacle) induisent toutes deux un sens
d’opposant,
d’ennemi. Alors
que point n’est question de diable dans l’Ancien
Testament, la religion
dominante en Occident a tenté d’imposer sa version
du diable, en l’opposant à
dieu, comme un adversaire inconciliable, mais il y a d’autres
versions. Ainsi
dans le Coran, le diable occupe-t-il une place plus modeste. Shaïtan
encourage les hommes à penser plus à eux
qu’à Allah, mais il est facile de
l’éloigner ; il n’est pas la
personnification du mal, mais seulement de
l’imperfection de l’homme, ce qui est
très différent. Belle manière
d’exprimer
que la lumière luit aussi dans les
ténèbres ! Dans
la tradition juive, plus proche de l’islam que du
christianisme, le diable n’a
qu’un rôle très secondaire. Il
n’y a pas de royaume des ténèbres. Satan
n’est pas l’ennemi de dieu, mais simplement
l’aiguillon de l’homme à qui il
fait passer des épreuves régulièrement
afin de le confronter à lui-même, avec
la permission de Yahveh. L’homme doit mériter son
existence ! Pourquoi ne
pourrions-nous pas y voir une sorte d’initiation permanente,
de laquelle il
découlerait, que nous sommes d’éternels
apprentis ? Si
le diable peut être assimilé à la
tentation des ténèbres et des pulsions,
s’il
manifeste la lutte permanente contre le côté
obscur de la force, alors l’homme
perfectible existe. Et
si contester le dogme, c’est être diabolique, le
diable m’emporte avec
plaisir ! La
richesse vient de la diversité, n’en
déplaise aux suppôts de la pensée
unique
pour qui notre réunion ne serait pas une Tenue mais un
sabbat. |
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