GLMF | Loge : Arts et Progrès - Orient de Six Fours Les Plages | Date : NC |
MozartMalgré sa
célébrité, aucun musicien
n’est resté si longtemps
victime d’incompréhension et de
contresens. La légende s’est
instaurée –
si difficile à extirper- de l’enfant
prodige au profil de bonbonnière et
à sa musique un peu futile. Peu à peu, son vrai
visage s’est révélé,
grâce aux
travaux des musicologues et l’on a pu découvrir
l’incroyable variété des
aspects de son œuvre. On a enfin pu lui restituer sa
qualité de travailleur
acharné, de technicien accompli et son
inventivité dans l’art musical. Si
Mozart nous va si droit au cœur, c’est que nous
découvrons aujourd’hui en son
œuvre une telle profondeur de pensée et une telle
sensibilité ! Et cette
pensée s’attache aux problèmes les plus
profonds : quel est le sens de la
vie, qu’est-ce que la mort ? De la
réponse à ces questions dépendait
d’ailleurs pour lui la paix, la
sérénité à quoi il aspirait
foncièrement depuis
l’enfance. Le
sentiment de présence de la mort, de sa
proximité, il l’avait en lui depuis
longtemps :
n’avait-il pas écrit un jour :
« Chaque fois que je m’endors, je
pense que je ne me réveillerai peut-être
pas » Cette pensée n’engendre
en
lui aucune tristesse. Au contraire, le sentiment de
l’éphémère fait
naître en
Mozart le sens de l’éternité.
C’est surtout dans ses quatuors et ses quintettes
qu’il a exprimé ces questions angoissantes et
qu’il a réussi à nous les faire
partager. Mais
son aspiration, toujours insatisfaite, le faisait passer par des crises
d’inquiétude et d’angoisse, alternant
avec des sentiments de paisible
luminosité. Ces alternances, à mesure
qu’il approchait de la mort, se
précipitèrent et
s’aggravèrent. Aussi, est-il fort impressionnant
de voir un
musicien, dont les œuvres tant de fois ont respiré
le bonheur, manifester aussi,
d’une manière si désolée,
l’angoisse foncière qui ne le quittait pas et qui
s’est conclue par l’effondrement tragique
exprimé par son Requiem. Une
nuit, après avoir écouté son
concerto pour flûte, j’ai rêvé
que je
rencontrais Mozart. Rien d’étonnant à
cela : depuis que j’avais
décidé
d’en faire le sujet de ma
« planche », il me hantait
littéralement.
Pas seulement sa musique…dans ce cas, il suffirait que je
dise « elle
m’enchante », ce qui est la
vérité mais n’est pas
suffisant. Le
contraste entre sa brève vie et son œuvre immense
provoquait en moi
l’interrogation. J’ai lu beaucoup de choses
à son sujet, j’avais vu le fameux
film « Amadeus » et des doutes
m’étaient alors venus à
l’esprit…des
soupçons. Quel était donc le vrai
Mozart ? Malgré son extraordinaire
précocité et l’œuvre
magnifique qu’il a laissée, lui-même
écrivait dans une
lettre : « On se trompe quand on dit que
mon art a été facile.
Personne n’a eu autant de mal que moi à
étudier la composition. » Dans
le rêve que j’ai fait, je marchais donc
tranquillement dans la rue en pensant à
ce que j’allais écrire, lorsque nous nous sommes
trouvés face à face. Le doute
n’était pas possible - j’avais ses
portraits tous les jours devant les yeux -
c’était bien lui !
D’ailleurs, sans hésiter et sans que nous
échangions un seul mot, nous nous sommes
embrassés trois fois selon le rite
(puisque nous appartenons tous deux à la
franc-maçonnerie) et j’ai
commencé : - Mon
cher Amadeus (je n’aime pas l’appeler Wolfgang car
il y a dans ce nom, le mot
« loup » en Allemand et vous
avouerez que ça ne lui va pas du
tout alors qu’Amadeus veut dire en latin :
aimé des dieux !) mais il ne
m’a pas laissé le temps de poursuivre : -
Je sais ce que tu vas me demander m’a-t-il dit, je
l’entends tous les
jours : pourquoi la vie m’a-t-elle quitté
alors que
j’étais si
jeune ? C’était, en effet, la question
que
j’allais lui pose et il a
repris : tu sais donc que j’ai vécu
trente-cinq ans.
Ce n’est pas bien
vieux, c’est vrai, mais ce n’est pas si mal quand
on pense
au genre de vie que
j’ai mené ou plutôt que mon
père m’a
fait mener dés mon enfance, le cher
homme ! ainsi qu’à ma sœur qui
avait cinq ans
de plus que moi. En pensant
aussi à ce que j’ai fait - à mon
œuvre - on
pourrait en faire un livre, si ce
n’est plusieurs. D’abord - et je n’y suis
pour
rien ! - le Seigneur m’a
donné une passion : la musique comme chacun sait et
qui est
dévorante. Je
suis né avec la musique en moi et pour en elle ! Ce
n’est pas un
mérite : je ne pouvais pas faire autrement. Il
paraît
qu’à trois ans, je
pianotais sur le clavecin pour « chercher les notes
qui
s’aiment » On
m’a dit qu’à quatre ans, je connaissais
des
pièces pour clavecin par cœur et
que j’ai commencé à composer
l’année
suivante…enfin, c’est mon père
Léopold qui
le proclamait. Il faut bien avouer qu’il s’y
connaissait un peu :
professeur de violon à la Cour du Prince
Archevêque de
Salzbourg, notre ville
qu’il adorait et que moi, j’ai très vite
détestée ; c’est
même devenu
notre seul point de désaccord. C’est
d’ailleurs lui
qui a entrepris mon
instruction générale en même temps que
musicale. Il
parait que je n’arrêtais
pas de composer ; on croit que ça sort tout seul
mais
à toi, je peux bien
l’avouer : je me suis donné beaucoup de
mal ! Ma
sœur, elle, était douée pour le violon
et mon père a décidé de nous faire
voyager un peu partout pour donner des concerts : en
Allemagne, à Londres,
en Hollande, en Suisse et Paris en 1763 où nous avons eu la
chance d’être
invités à la Cour de Versailles, tu
imagines ! Quels voyages extraordinaires
pour des jeunes comme nous deux, mais aussi dans quelles conditions
matérielles
épuisantes, surtout pour mon père !
Pense un peu aux diligences de
l’époque…et à
l’état des routes ! Mais il avait
tellement d’ambition pour
nous et il y tenait absolument. Imagines-toi que
j’ai passé un tiers de ma
courte vie à voyager ! J’avais
à peine huit ans lorsque toute la famille est partie pour
Londres, ce qui va
être pour moi un voyage passionnant. J’y ai
rencontré Jean-Chrétien Bach, le
dernier fils du grand Jean-Sébastien qui m’a fait
découvrir des horizons
musicaux nouveaux et où j’ai surtout pu faire la
découverte d’un nouvel
instrument qui va aussitôt me passionner : la
clarinette ! Quand je
pense que ce merveilleux Bach, trente années
après sa disparition était
non seulement méconnu mais totalement inconnu, je
n’ose me plaindre ! En
octobre 1767 j’ai été atteint de la
variole qui m’a d’ailleurs
laissé
quelques traces; soigné et guéri par le docteur
Wolff, qui ne cachait pas son
appartenance à la loge maçonnique,
c’est pourquoi j’en parle ! A
cette époque, les loges de Vienne étaient peu
secrètes et il était fréquent de
lire dans les journaux les travaux effectués en tenue. Pour
le remercier de ma
guérison, j’ai composé pour lui une
mélodie « An die
freude » que je
lui ai naturellement offert. L’année suivante,
c’est un autre
Franc-maçon célèbre dont
j’ai fait la connaissance : le docteur Mesmer,
auteur de la théorie du Magnétisme et pour lequel
j’ai écrit la musique de
« Bastien et Bastienne » A
trois reprises, mon père m’envoie en Italie,
où j’apprends la technique
polyphonique des opéras, leur musicalité
éclatante mais aussi l’art du
contrepoint chantant. A seize ans, j’ai eu la
chance d’être
officiellement nommé Maître de Concerts
à la Cour du Prince Archevêque de
Salzbourg ce qui m’a pas mal aidé, à
tous points de vue ! Deux ans plus
tard, c’est à la demande du Baron von Gebler,
autre Franc-maçon que j’ai écrit
la musique de « Thamos, roi
d’Egypte », que l’on a
considéré
comme l’ancêtre de la
« Flûte
Enchantée ». Ainsi de onze à
dix-sept
ans je me suis trouvé continuellement en présence
de Francs-maçons et de leur
mode de pensée. Ma musique va être de plus en plus
marquée – sans que je m’en
rende compte - par le symbolisme maçonnique et cela, dans
toute mon œuvre. Tu
sais naturellement que les Loges sont des sortes de temples avec leur
rituel et
leur liturgie, il est donc normal que ma musique maçonnique
ait des accents
religieux ! De
septembre 1777 à Janvier 78, j’ai fait
un grand voyage à Paris, accompagné
seulement de ma mère mais ce sera un voyage fort
décevant sur le plan
sentimental car je suis tombé amoureux d’une
ravissante Aloysia Weber qui me
repoussera et surtout un drame se produit: je vais perdre ma
mère !
On peut imaginer dans quel état je me retrouve
ainsi, tout seul. Par
contre, sur le plan musical - il faut bien que je le reconnaisse- ce
voyage
m’aura permis de capter l’esprit
français, me donner le goût de
l’élégance et
de la concision. A
mon retour, pour une fois contre le gré de mon
père et malgré ma peine de le
quitter, j’ai voulu m’installer à Vienne
bien qu’étant sans ressources et sans
situation. L’année suivante, je tombe amoureux de
Constance Weber, la sœur
d’Aloysia, fort belle jeune fille aussi et malgré
l’opposition de mon père, je
vais l’épouser ! Durant le restant de
notre vie, nous serons d’ailleurs
très heureux ensemble ; elle va me donner six
enfants mais seulement deux
vont survivre. En
ce qui concerne la Franc-maçonnerie dont l’envie
n’avait cessé de mûrir en moi,
j’ai fini par franchir le pas et me suis fait initier en
Décembre 1784, date
qui a marqué toute ma vie. J’avais
vingt-huit ans et ce fut un moment
merveilleux qui m’a fait ouvrir les portes d’une
nouvelle conception des
mystères de la vie et de la fraternité humaine.
Moment important aussi
puisqu’il aura poussé mon père
à me suivre ainsi que son ami si cher Joseph
Haydn. Je suis devenu compagnon le sept Janvier 1785 et
maîtres dés le treize
du même mois tant j’étais
zélé et passionné !
C’est alors, quelques jours
à peine après mon initiation, que j’ai
écrit le Quatuor en la majeur et mon
Concerto pour clarinette dans lequel j’ai introduit trois
dièses et trois
bémols à la clé, comme sentiment de
reconnaissance à l’égard de la
franc-maçonnerie. Celle-ci m’avait
poussé à donner un sens à une
œuvre d’amour
qu’il me fallait accomplir ici-bas et au-delà de
mon existence terrestre. C’est
alors que je me suis réveillé dans les brumes de
mon rêve et pour ne rien
oublier, je me suis levé d’un bond pour aller
écrire ma planche dans mon
bureau. « La
chaîne d’or de la
fraternité »,
ce lien sacré si connu du monde et pourtant si
mystérieux, Mozart l’a
vécu à chaque tenue maçonnique au
moment où les Frères forment la
« chaîne
d’union », leurs mains nues et unies qui
font passer une telle émotion,
pure et visible. Mozart a
écrit plusieurs œuvres pour sa Loge
dont une extraordinaire Musique de Maîtrise ( K 477) mais un
certain nombre de
ses compositions on été perdues ; on ne
sait pas si elles ont été
détruites ou si elles subsistent dans des archives encore
inconnues. Mozart ne
s’est pas contenté de commenter musicalement des
rituels maçonniques; il
les recréé et les approfondit. La
franc-maçonnerie a eu une grande influence sur ses
œuvres, en particulier
sur La
première, c’est la cantate « Die
Maurerfreude
» (K 471) qui est véritablement la
première grande composition maçonnique de
Mozart, exécutée le 24 avril 1785 à un
banquet de Loge à Vienne. Cette œuvre
montre avec quel sérieux et quel enthousiasme Mozart, au
plus profond de
lui-même, s’est engagé dans la
Maçonnerie. La
seconde, c’est la musique funèbre
maçonnique
(K 477) exécutée lors d’une tenue de
Loge à
Vienne à la mémoire de deux frères
maçons récemment passés à
l’orient
éternel. Nous sommes loin ici d’une
œuvre de
circonstance dédiée à la mort de deux
amis ;
le sentiment qui anime
l’œuvre n’est pas une simple
résignation
devant la mort, mais l’aspiration à
une vie totalement nouvelle Mozart
a travaillé « La Flûte
Enchantée » de Mars à Juillet
1791 puis, de
nouveau en Septembre de la même année. La
première représentation a eu lieu
deux mois à peine avant sa mort. Sa femme
Constance rapporte dans ses
souvenirs que la veille de passer à l’orient
éternel, il disait :
« Comme j’aimerais entendre encore une
fois ma « Flûte
Enchantée ! ». C’est
sans doute ici que Mozart exprime le mieux ses convictions, sous
couvert de
merveilleux, il décrit le parcours initiatique qui permet de
progresser vers la
connaissance, la vertu, la lumière. Le langage de
« La flûte » est en
fait, celui de la tendresse, de l’effort, de la
fraternité et de l’amour. Ce
nouveau langage, il l’introduit dans toute sa musique
orchestrale, dans ses concertos
pour un instrument et orchestre ainsi que dans sa musique de
chambre
Certains sont si révélateurs de son angoisse de
l’âme qu’on peut difficilement
réfréner son émotion. Mozart est
gravement préoccupé par
l’idée de la mort
surtout après le décès de son
père. Ses œuvres avaient obtenu un
succès
immédiat, en concerts comme en partitions musicales mais le
contre coup est
survenu, provoqué ou attisé par la jalousie et
aussi par l’hostilité de
l’Eglise. Le pouvoir royal ou impérial
s’est alors inquiété devant ce
qu’il
considérait comme une menace, dont la
franc-maçonnerie était l’obscur moteur.
Mozart,
un peu aveuglé par le succès,
s’était
livré à des dépenses
exagérées et il
se
trouva très vite dans la nécessité de
recourir aux
emprunts. La vie si astreignante
qu’il avait menée dés son enfance
produisait
maintenant ses effets nocifs et
cachés. Ses insuccès affaiblissaient sa
résistance
physique et morale.
Une obscure et grave atteinte aux reins le minait.
Acculé
au désarroi, à
la désespérance, il écrit peu de temps
avant sa
mort : « Je ne peux
pas bien t’expliquer mon impression, c’est une
espèce de vide qui me fait très
mal, une certaine aspiration qui, n’étant jamais
satisfaite, ne cesse jamais,
dure toujours et croît de jour en
jour. » La
dernière année de la
vie terrestre de Mozart fut un calvaire de souffrances
matérielles et morales
qui, cependant, ne parvinrent pas à éteindre son
inspiration musicale. Mozart
n’a crée aucun langage, il a
été maître de tous les langages
jusqu’à en parler
comme autant de langues maternelles. Sa musique a quelque chose
d’unique qui se
décèle dés l’audition de
quelques mesures, quelque chose d’insaisissable. Elle
a des aspects opposites :
légèreté badine et gravité
pathétique, facile
d’accès et en même temps des plus
savantes. Les moments les plus hauts de son
œuvre sont ceux où, dans une totale solitude il
cherche une issue de sérénité.
Et cela arrive en plein concerto, symphonie et surtout musique de
chambre. En
réalité, c’est en musique
qu’il parlait et qu’il exprimait sa plus profonde
intimité. « Toujours entre
l’angoisse et la joie » a-t-il
écrit à son
propre sujet. Mozart
était empreint du symbolisme maçonnique de la
dualité : Ombre et Lumière. Epuisé
par la maladie qui le faisait tant souffrir, il écrit le
« Requiem »
œuvre majeure commandée par un personnage
mystérieux, un comte qui cherchait à
s’attribuer l’œuvre écrite par
le compositeur. Le Requiem sonne comme un retour
ultime du sentiment religieux chez Mozart. En 1791 en effet, il
n’avait pas
composé de musique d’église depuis
près de huit ans avec sa Messe en Ut mineur.
Malgré l’aide de son élève
Süssmayr, la messe des morts restera inachevée. Si
cette musique touche si intensément, c’est
qu’elle exprime un appel fondamental
qui vient du plus profond de nous tous. Aucun musicien n’a
exprimé avec autant
de poignante sincérité le fiasco final de toute
idéologie devant la seule
question qui importe et qui, à l’heure de la mort,
est inéluctable : qu’en
est-il de nous-mêmes ? Il passe à
l’Orient Eternel le 5 Décembre 1791. Mozart,
contrairement à la légende
véhiculée par le cinéma,
n’est pas mort seul, pauvre
et dans le dénuement. En 1791 Il avait perçu 6000
florins (soit environ
12000 euro), en plus de son salaire à la Cour. On sait
maintenant que si son enterrement
fut quasi solitaire, c’est que la paroisse de Mozart
à Vienne était dépourvue
de cimetière et qu’il y avait eu une
épidémie de choléra à
Vienne, or un décret
impérial interdisait à quiconque de suivre
l’enterrement de toute personne
morte de maladie inconnue. Ses
amis maçons après sa mort eurent à
cœur de rétablir très vite la situation
financière de sa veuve, qui fut aidée toute sa
vie durant tout au moins jusqu’à
son remariage. Le
10 décembre un service funèbre est
célébré à la
mémoire de Mozart et les amis
et musiciens y jouent les fragments qu’il a
laissés du Requiem. Car des
quatorze numéros de la composition, Mozart n’en a
composé complètement que
l’introït et le Kyrie. En
guise de conclusion, et pour terminer sur une note plus
réconfortante,
laissez-moi vous citer une brève lettre que Joseph Haydn
avait écrite,
longtemps auparavant, à son ami Léopold
Mozart : « Je vous le
dis devant Dieu, en honnête homme, votre fils est le plus
grand compositeur que
je connaisse, en personne ou de nom, il a du goût, et en
outre la plus grande
science de composition. » J’ai dit… |
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