L'Androgyne
Nous assimilerons l'Apprenti
à notre histoire d'être vivant,
qui commence par distinguer deux opposés : la peur terrible
et le plaisir
extrême, car l'homme est constitué par des couples
de contraires; on ne connaît
pas la lumière sans les ténèbres, ni
l'amour sans la colère, ni la joie sans la
souffrance;
il y a toujours dualité, toujours la loi des contraires...,
mais il est porté à
croire que ces opposés sont également valables
dans l'absolu. Partout où
apparaît le deux, la situation cesse d'être simple
et est mise en question - le
doute (douter ayant pour origine le mot deux). C'est le pavé
mosaïque qui, à
première lecture, nous ramène toujours aux
oppositions, car, dans l'expérience
immédiate de l'homme, dans son existence
concrète, historique, il se doit de
poursuivre le bien et combattre le mal, qui, pour lui, ne sont encore
que des
oppositions. L'Initié qui a mal vécu le
pavé mosaïque, reste, dans ses
réflexions morales, celui qui joue gravement à
coller des étiquettes et des jugements
sur les situations et les personnes.
C'est pour cela que l'Apprenti est voué à
l'action, à la lutte de tous les
instants contre lui-même et contre les autres.
Nous pourrions comparer la période de l'Apprenti
à la Création, le
Commencement.
Le Compagnon, voué à l'intelligence et
à l'étude, peut considérer les hommes
de
plus loin et les principes de plus près, et
considérer que la recherche
spirituelle se nourrit de paradoxe,
puisque, alors que notre cerveau fonctionne en binaire - une chose est
ou
n'est pas et ne peut pas être les deux à la fois,
le paradoxe ouvre la porte
des possibles.
La Connaissance force le Compagnon à se comporter autrement
qu'il serait
spontanément porté à le faire,
à contredire par la pensée ce que lui montrent
l'expérience immédiate et la logique
élémentaire: en somme, devenir ce qu'il
n'est pas encore, ce qu'il ne peut pas être dans son
état profane, non
illuminé. Ayant dépassé le principe du
binaire dans sa lecture première, il
pourra alors considérer, par exemple, que le bien et le mal
n'ont de raison
d'être que dans le monde des apparences, qu'ils sont aussi
illusoires et
relatifs que tous les autres couples de contraires, que l'existence et
la
non-existence ne sont pas les différentes apparences d'une
chose, mais la chose en elle-même.
Comparativement à la période de l'Apprenti, celle
du Compagnon s'apparente à
l'Évolution.
Le Maître, lui, connaît la valeur de la Dyade [ii]
et sait donc que les
contradictions du binaire ne sont qu'apparentes et ne constituent que
des
éclairages complémentaires d'une
réalité
supérieure, dont il faut faire l'expérience par
la pratique du détachement
matériel et la maîtrise du Moi, qui doit, peu
à peu, renoncer à ses illusions,
pour aborder une perspective transcendantale, ramenant le Moi
à la source
lumineuse du Soi.
Pour la Kabbale, le Moi est le
Gardien intérieur, le jardin
d'Eden où l'androgyne [iii] devient Adam et Ève,
clairement différencié mâle et
femelle. Le Moi des Traditions est souvent l'état psychique
qui saisit, dans l'Univers,
l'Unité; c'est le fait de celui qui a su, dans et par
l'action, se réaliser,
c'est à dire, réunir en lui les
opposés. L'Adam d'avant la chute représente
l'Homme intégral et parfait, mais, par sa faute, il perd son
androgynie, son
savoir et sa sagesse radicale; il appartient au Maître de
partir à la
reconquête de ce savoir et de cette sagesse.
Précisons que nous sommes tous «
les ouvriers de la vigne » , comme le dit Saint Jean, tous
des Maîtres « égaux
» entre eux: ils ne se distinguent pas - tout au moins en
Loge bleue, par une
hiérarchie spéciale, dans un groupe
fraternellement évolutif, où, malgré
une
réglementation encadrant les
efforts individuels, chacun conserve sa liberté.
La Maîtrise peut donc, alors, être
assimilée à la
Réintégration [iv].
L'androgynie étant un signe distinctif d'une
totalité originaire dans laquelle
toutes les possibilités se trouvent réunies,
l'Homme Primordial, l'Ancêtre
mythique de l'humanité est conçu, dans de
nombreuses traditions, comme
androgyne, à l'image de Dieu; l'Adam du Paradis terrestre
n'est qu'une image de
l'archétype de l'Adam de l'Eden céleste, mais,
toutefois, ne le restera que
jusqu'à la création d'Eve, appelée
aussi Sophia. Qu'il s'agisse du plan
théologique, anthropologique ou cosmologique, le discours
mythico/religieux
fait converger les représentations androgyniques vers
l'idée d'origine, ce qui
explique que l'androgynie est dans le champ des désirs et
fantasmes majeurs de
l'humanité, car l'homme ressent une frustration et donc un
logique désir de retour
au stade originel.
Que la séparation des sexes fasse partie d'un processus
cosmique ou que la
Chute, au sens judéo-chrétien, soit
considérée comme une dichotomie de l'Homme
Primordial, il apparaît probable, sinon évident,
que si Eve est née d'une côte
d'Adam, c'est qu'elle préexistait en lui, ce qui implique
donc l'androgynie.
Dans cette Loge, nous entendons souvent : « Ici, tout est
symbole », et les
hypothèses de travail de ma planche peuvent en
témoigner; mais pour la
psychanalyse, la psychologie et l'actuelle anthropologie - dans toute
l'acception du terme [v], où n'interviennent que sciences et
technique
d'investigation, le terme générique d'
« identité sexuelle » est
utilisé pour
parler de la réelle bisexualité ou
intersexualité de certains êtres humains. Il
est tout à fait surprenant de constater que des
scientifiques soutiennent des
thèses concernant la bisexualité. Ce n'est plus
le discours mythique qui vient
troubler l'objectivité du propos scientifique, ce serait
plutôt ce dernier qui
viendrait paradoxalement confirmer ce que le premier pouvait contenir
de vérité
prémonitoire. Citons Robert Stoller « La
psychanalyse a une base commune avec
la biologie en ce qu'elle présuppose une
bisexualité originelle chez l'être
humain [vi] » Nous débordons là, alors,
le cadre de l'esprit pour aborder la
condition humaine, et nous constatons que la
réalité rejoint l'image et le
symbole. Cela nous intrigue et restons perplexes :
hérédité androgynique de
l'Homme Primordial, ... ou complexe universel de la nostalgie du
paradis
perdu ? Car, en fait, le discours mythique obéit d'abord
à une logique
régressive : ce qui n'est pas ici et maintenant,
immédiatement réalisable, est
projeté dans un état archétypal
originel. Ainsi se développe, et de façon
universelle, le thème du Paradis primitif - relié
à la terre par l'axe ou le
pilier du Monde, ainsi que ce temps prestigieux ancré dans
l'inconscient [vii].
Allons plus en avant dans la saga de l'androgyne.
Androgyne est la transcription du grec ancien « Andros
» et « gunaïkos », soit
: homme/femme.
Asclépius, initié par Hermès
Trismégiste, lui demande : « Quoi, tu dis que Dieu
possède les deux sexes, Ô Trismégiste ?
» et celui-ci lui répond: « Oui,
Asclépius, et non pas Dieu seulement, mais tous les
êtres animés et végétaux.
»
[viii].
Bien avant cela, le mythe de l'androgynie avait
été présenté par le
« Banquet »
de Platon, et représentait un être double et
parfait, un modèle originel
métahistorique, dont la réalité
préexistait à la Chute originelle.
Les Évangiles, les Épîtres, les
manuscrits de toute provenance, utilisent les
mêmes termes : « ni mâle ni femelle
», « ...lorsque vous ferez que les deux
soient un, vous deviendrez fils de l'Homme... ».
L'Évangile de Jean comptait
déjà l'androgynie parmi les
caractéristiques de la perfection spirituelle.
En effet, devenir « mâle et femelle » ou
n'être « ni mâle ni femelle »
ne sont
que des expressions plastiques pour décrire la «
métanoïa » [ix] , la «
conversion », le renversement total des valeurs. Il est tout
aussi paradoxal,
d'ailleurs, d'être « mâle et femelle
» que redevenir enfant, de naître de
nouveau ou de passer par la « porte étroite
» [x].
Notons au passage que l'un des noms donné à la
Pierre Philosophale est « Rebis
» - l'être double, ou Androgyne
hermétique, prenant naissance de l'union du
soufre et du mercure, dans l'athanor, où ont lieu les
troublantes copulations
des « noces chymiques », le coït
symbolique du roi avec la reine, qui ramène à
l'unité. A ce point d'évolution, l'Alchimie
déclare « la première
opération du
Grand Oeuvre terminée » ; On obtient alors le
« Rebis », entièrement
débarrassé de ses tendances
matérielles: il a été «
blanchi » alchimiquement.
On rencontre ces idées, ces symboles et des rites
incalculables sur toute la
surface du globe, et une telle diffusion ne peut s'expliquer que parce
que ces
mythes présentaient une image satisfaisante de la
divinité, voire de la réalité
ultime, en tant que totalité indivise, et incitaient, en
même temps l'homme à
se rapprocher de cette plénitude par des rites et techniques
mystiques de
réintégration. Tous ces mythes de l'androgynie
archaïque et divine et de
l'Homme Primordial bisexué, révèlent
des modèles pour le comportement humain.
L'androgynisation rituelle se retrouve en Australie avec la subincision
[xi] et
le travestissement de filles en garçon et de
garçons en fille, en Afrique, en
Asie et en Polynésie
[xii]. Dans la Grèce antique, le travestissement inter
sexuel est un usage
nuptial [xiii] - [xiv]. Le travestissement d'un sexe à
l'autre est apparenté au
besoin de déterminer des pratiques efficaces, par un
processus de type magique,
tel que les Francs-maçons le pratiquent en
Loge. Il s'agit, en somme, de sortir de soi-même, de
transcender sa situation
particulière et de se rapprocher d'une situation originelle,
pleine de
sacralité. Unir les contraires et transcender
tout à la fois, c'est un paradoxe qu'illustre parfaitement
la définition de
l'homme virginal, comme l'était Adam: homme et femme
à la fois, ni homme ni
femme, et dont la réalisation reste promise à
l'homme de désir travaillant à sa
propre réintégration; en lui, le masculin et le
féminin se trouvent alors unis
harmonieusement et naturellement.
Nous constatons que l'androgyne est un exemple
privilégié du mythe pur, né dans
la pensée de l'homme cherchant à tâtons
sa place dans le monde et projetant la
représentation la plus capable, à la fois, de
rendre compte de ses origines et
de symboliser quelques unes de ses aspirations. Dans chacun de ces cas,
ci-dessus désignés, on constate une «
totalisation » rituelle par l'androgynie
symbolique, une réintégration des contraires. En
fait, la transformation de
l'homme.
Notons que si l'androgynie joue un rôle
considérable dans le domaine de la
mythologie, elle a été longtemps
éradiquée de la réalité,
car la bisexualité
remet en cause l'opposition fondamentale
qui fournit leur assise aux structures sociales,
économiques, politiques,
juridiques et religieuses, le sexe indiquant quel rôle pourra
jouer, dans un
système donné, l'individu qui en est pourvu.
Ajoutons que le système patriarcal prenant une sorte de
revendication
androgynique sur le matriarcal, le judéo-christianisme, tout
autant que la
Franc-maçonnerie avait fortement «
masculinisé » les représentations de
l'individu dans la communauté, comme si
l'homme, privé de son harmonie initiale, était en
guerre permanente avec
l'autre sexe. Hâtons-nous de préciser que de nos
jours, le Franc-maçon oeuvre
en marge de toutes ces considérations
matérielles, pour ne prendre en compte,
dans la sérénité de son temple, que le
fait spirituel.
Ceci explique que le désir d'unité des sexes,
dans le contexte de notre société
actuelle où les contraires sont bien marqués,
où une nette séparation des sexes
a cours - la gent féminine renforçant d'ailleurs
cette idée avec « la
libération de la femme », et les hommes
s'obstinant à vouloir affirmer leur
virilité, ce désir d'unité des sexes
paraît une gageure et semble rendre
désuète la nostalgie de l'androgyne et du paradis
perdu, forçant l'androgynie à
disparaître de la symbolisation archétypale dans
l'orientation spirituelle de
notre culture. Et bien non, aujourd'hui,
l'androgynie est en spectacle sans pouvoir en donner une explication
rationnelle; il semblerait que l'androgyne, autrefois
extérieur à l'homme, lui
soit, maintenant, logé en lui, comme un but à
réaliser et à atteindre. Il
représente une prise de conscience par une recherche
intérieure, devant les
problèmes existentiels de l'homme moderne, devant l'exigence
expresse d'un sens
qui fuit, d'une unité que les conflits
exaspèrent, d'une totalité qui, presque
toujours, se refuse.
Ceci concerne l'homme commun, le monde profane. En fait, le
Maître maçon, lui,
se doit d'appréhender le mythe de l'androgyne en faisant
référence à ce
leitmotiv : « Réunir ce qui est épars
», illustré particulièrement,
à ce grade,
par les légendes d'Hiram et d'Osiris. Il est
superfétatoire de vouloir définir
la symbolique de la mort et de la résurrection du
Maître Hiram, mais arrêtons
nous un instant sur l'analogie « Osiris/Isis/Horus
».
Osiris, ce dieu homme égyptien, est le garant de la survie
humaine et de la
renaissance spirituelle après la mort, dieu du renouveau.
Osiris est tué par son frère Seth, tout comme les
Frères ayant donné la mort à
Hiram -, dépecé et chaque morceau
enterré - « la chair quitte les os » ,
dirions-nous , puis retrouvé, reconstitué
et ressuscité grâce aux puissances magiques de sa
sœur et épouse [xv] Isis.
Hiram, lui, est reconstitué, dirions-nous, par la magie des
cinq points
parfaits de la maîtrise.
C'est alors que de l'union d'Osiris - Soleil et Feu, et d'Isis - Eau et
Sagesse
[xvi], naît Horus, comme naît le nouveau
Maître de la dépouille d'Hiram, et
nous sommes tentés de parler
d'androgynie en parlant du couple Osiris/Isis. A la suite de quoi
Osiris décède
et, l'Oudjat, l'Oeil d'Horus, est blessé et
éparpillé par Seth; le dieu Thot
cherche cet oeil dispersé dans les
ténèbres.
Il en trouve les morceaux et grâce à sa magie le
reconstitue. La Lumière de
l'Oeil d'Horus permet alors de rendre la vie à Osiris dans
le Monde souterrain.
Comme pour le Maître Hiram, il y a mort et
résurrection ou renaissance. Au
préalable, le corps d'Osiris avait
été dépecé en quatorze
morceaux et enterrés dans les quatorze principales
contrées de l'Égypte pour assurer la
fécondation de la terre, tout comme le
corps d'Hiram, promu architecte et rival en sagesse pratique du roi
Salomon,
féconde la pérennité de la
Franc-maçonnerie.
Ce rite de la fécondation se retrouve à chaque
instant dans le déroulement des
feux de la Saint Jean. Mort et résurrection, mais aussi
épreuve du
rajeunissement et de la fécondation. En fait, toute vie
engendre une autre vie,
et la victime communique sa puissance intrinsèque; il y a
transmutation. Toute
création repose donc sur un sacrifice, dans l'acception de
son origine latine «
Rendre sacré ».
Toutefois précisons qu'en ce qui nous concerne, il s'agit
d'un
sacrifice/sacralisation, et non comme le Christ un
sacrifice/rédemption, de
rachat et d'expiation. En fait, le sacrifice
est un acte libératoire qui fait accéder
l'être à un changement de niveau, à un
plan supérieur, au monde spirituel.
Certains auteurs [xvii] estiment qu'accepter le principe de la
réintégration de
l'Homme Primordial, c'est, sans ambages, refuser toute idée
de progrès et
rester bloqué dans une
pensée aliénée, qu'il faut garder
prudence avec les mirages des civilisations
disparues. Il y a toujours une part de vérité
dans toute manifestation de
l'esprit, mais il faut inéluctablement avoir l'intelligence
de réaliser que,
mythes et symboles doivent être
appréhendés comme tels, et que, dans le
contexte de cette planche, lorsque le Maître se laisse
envahir par la partie
non historique de lui-même, ce n'est pas
nécessairement pour rétrograder vers
le stade animal de l'humanité. Le symbole délivre
toujours son message et
remplit sa fonction, alors même que sa signification
échappe à la conscience.
Du binaire à l'androgyne, tel est le titre de cette planche.
Autrement dit, de
l'Apprenti au Maître; résumons le parcours :
F L'Apprenti, Colonne « B
» blanche, passive et féminine, soumis au
silence - principe féminin, représente le
principe femelle de l'androgynie.
Sous le signe du binaire, il devrait avoir deux ans.
F Le Compagnon, Colonne « J
» rouge, actif et masculin, ayant retrouvé
l'usage de la Parole - principe masculin, représente le
principe mâle de
l'androgyne. Sous le signe du ternaire, il
devrait avoir trois ans.
F Le Maître, qui réunit
et intègre les éléments de l'Apprenti
et du
Compagnon, devient lui-même androgyne. Deux ans plus trois
ans, il devrait
avoir cinq ans.
Dans la mesure où le Maître dépasse son
moment historique et donne libre cours
à son désir de revivre les archétypes,
il se réalise comme un être intégral
universel. Par le simple fait qu'il
retrouve au cour de son être les rythmes cosmiques, il
parvient à une
connaissance plus totale de sa signification, car l'androgynie
confère une
aptitude accrue; il semble que celui qui la possède
échappe alors aux
vicissitudes communes et évite ainsi un certain gaspillage
d'énergie, ce qui le
rend davantage disponible pour la Connaissance et se mettre
à l'écoute de la
vérité qui exige l'harmonisation de soi, car l'on
sait bien que la pratique
expérimentale de l'adepte vise moins à
transformer l'objet d'expérience que
l'expérimentateur lui-même. Comme l'homme
originel, qui était doté d'une «
lumière innée », par quoi il pouvait
contempler toutes les vérités, le
Maître ne pense donc plus qu'en termes d'
univers et d'humanité, et son optique modifiée
lui permet de déceler la vérité
cachée sous l'erreur et l'erreur cachée sous
l'apparente vérité.
Il n'est pas nécessaire de se faire ermite ou de se
réfugier dans des
communautés isolées du monde en quelque Himalaya,
pour vouloir réintégrer
l'unité androgynique; toutefois, il est bien
précisé que l' Initié qui aspire
à
retrouver son androgyne perdue, ne peut le faire sans risquer la
négation
suprême qui est la mort, car toute descente en Soi, appelle
le combat avec le
gardien du Trésor, nécessite le renoncement
sacrificiel sanglant -- ou sublimé,
comme en
Maçonnerie (le dépouillement), et
s'achève, si le processus initiatique a
été
mené avec bonheur, par la conquête du
Trésor.
Attention, la contemplation du trésor, de la
beauté en soi, congédie du même
coup, irréversiblement, les intérêts
qui liaient l'Initié aux biens terrestres,
car, ce passage de l'autre côté, cette
traversée du miroir, ne peut être
radicale que dans la mesure, nous ne le
répèterons jamais assez, où il y a
réunification des contraires, du positif et du
négatif, épousailles du Soleil
et de la Lune.
Précisons qu'en Alchimie, l' « Homme Parfait
« , est l'homme mort, dont la
transmutation en or se trouve effectuée, dont
l'évolution a atteint le «
magistère ».
Mais le Maître est supposé avoir
déjà retrouvé symboliquement son
androgyne, en
réunissant ce qui est épars,
c'est-à-dire en effectuant la
réintégration des
contraires, en subissant la
mort initiatique et la résurrection, en vivant le mythe, car
il confère la vie,
en le vivant dans le cadre d'un rituel, comme le précise
Hocquart[xviii], afin
d'abolir les tensions, d'échanger les
différences et de reconstituer les unités
brisées; c'est là une condition «
sine qua non » à une efficacité
sacralisée. D'ailleurs, l'Un, n'est pas
concevable sans une division qui le précède. Le
Maître a appris à utiliser le « solve
coagula « de l 'évolution alchimique: «
dissous ce qui est en toi » , réduis tout ce que
tu sais, tout ce que tu
ressens, de façon à le décomposer,
à l'analyser,
à le passer au crible de la Raison, et rassemble cela
ensuite pour en faire une
masse résistante que nul ne pourra entamer, que nul ne
pourra défaire.
Toutes ces hypothèses de travail sont
élucidées « en surface « ,
mais aucune ne
peut l'être en profondeur; avec la désoccultation,
il convient d'être
circonspect et de faire des réserves sur ce que l'on croit
savoir et devoir
expliquer, bien que la présomption puisse être
excusable en raison de sa
sincérité. Ce que l'on sait peut tant de fois
être controversé par la suite.
Pourtant, ce qui est dit en parlant de l'androgyne, suffit, je pense,
à ouvrir
très largement les yeux et « accrocher »
l'honnête chercheur pour le faire
réagir. Mais attention, chaque fois que nous nous heurtons
à quelque chose que
nous ne pouvons expliquer, nous disons qu'il y a un mystère
ou seulement un
conte; mais les énigmes, les mystères et secrets
que nous rencontrons, ne
seront jamais constitués que de notre ignorance, notre
impuissance à
comprendre.
Rappelons-nous que l'essence même de la Connaissance, de ce
domaine dont l'exploration
conduit devant les remparts du Grand Arcane, ne se laisse
pénétrer que par ceux
qui veulent toujours et obstinément écorcher
leurs pieds sur le dur sentier.
Mais, si un Maître maçon
n'adhère pas à ces hypothèses de
travail, qu'il garde en mémoire que tous les
Maîtres sont Frères entre eux et ne se distinguent
pas, tout au moins en Loge
de Saint Jean, par une hiérarchie spéciale; ainsi
se comprend l'égalité dans un
groupe fraternellement évolutif où,
malgré un règlement encadrant les efforts
individuels,
chacun conserve sa liberté. Mais, tel un Romain qui dirait:
« Si no é véro, é
bèné trovato », il doit tout au moins
admettre sa symbolique, qui le replace
entre ses outils, l'Équerre et le Compas, en lui proposant
de
se dépasser par une profonde étude de
lui-même afin de mettre en lumière ses
potentialités, rappelant qu'il ne s'agit pas de se dire
initié, simplement
persuadé qu'il suffit de l'affirmer, mais que comme Hercule,
il faut, avant,
procéder « au nettoyage des écuries
d'Augias » et « partir à la
conquête des
pommes d'or du jardin des Hespérides » [xix] puis
« vaincre de Dragon » ...,
afin de vivre en harmonie et en Amour avec ses Frères, les
Hommes.
« Le miroir de la Vérité,
écrit V. Hugo [xx], s'est brisé au milieu des
sociétés modernes. Chaque parti en a
ramassé un morceau.
Le penseur cherche à
rapprocher ces fragments, rompus la
plupart selon les formes les plus étranges. Pour les
rajuster tant bien que mal
et y retrouver, à quelques lacunes près, la
vérité totale, il suffit d'un sage,
pour les souder ensemble et leur rendre leur unité, ... il
faudrait Dieu. ».
Puisque le Maître doit « ... rassembler ce qui est
épars » ... il deviendra ce
Sage.
[i] NOTES EXPLICATIVES
[ii] DYADE: Philosophie:
Ensemble de
deux principes complémentaires.
[iii] ANDROGYNE: n.
masc. ou parfois n.
fém. et adj.
1. Personne qui possède certains caractères
sexuels de l'autre sexe.
2. adj. BOT. Se dit d'une plante qui présente une
région à fleurs mâles et une
à fleurs
femelles.
[iv] REINTEGRATION: ... qui n'est autre que la réunion des
contraires,
l'unification.
[v] ANTHROPOLOGIE
-1. Étude des caractéristiques somatiques de
l'homme (anatomie, physiologie, pathologie,
hérédité, évolution, etc.);
l'anthropologie
est une science naturelle, au même titre que la zoologie.
Dans les pays anglo-saxons,
le
terme recouvre en outre toutes les manifestations des
sociétés, qu'on désigne
aussi en français par le terme d'ethnologie. En Europe, on
distingue
anthropologie et anthropologie sociale.
-2. PHILOS. Au sens premier, science de l'homme en
général, par opposition à la
cosmologie et à la théologie. Kant distingue
l'anthropologie théorique,
pragmatique et morale.
[vi] « L'identification: l'autre c'est moi », p.
200, Coll. Les grandes
découvertes de la psychanalyse, TCHOU Editeur, 1978.
[vii] ... ce que l'on appelle: la projection.
[viii] (Corpus
Herméticum, II,
20 s).
[ix] META - Préfixe (gr. Meta) qui
indique la succession, le changement.
(Dans certains néologismes scientifiques, ce
préfixe désigne ce qui dépasse,
englobe
l'objet examiné.) GÉOL. Indique qu'une roche a
subi une transformation : métamorphisme.
[x] Évangile
Mathieu, VII, 14: »
Étroite est la porte et resserré le chemin qui
mène à la vie et il y en a peu
qui le trouve. »
[xi] SUBINCISION - Cette subincision initiatique-- initiation de
puberté, prête
au néophyte un organe sexuel féminin. Si l'on
tient compte que pour les
Australiens, comme tant d'autres, les non-initiés sont
considérés comme asexués
et que l'accès à la sexualité est une
des conséquences de l'initiation, la
signification de ce rite semble dire que l'on ne peut devenir
mâle sexuellement
adulte avant d'avoir connu la coexistence des sexes, soit l'androgynie.
[xii] H. Baumann, op. cit., pp. 57-58 ; Mircéa Eliade,
« Naissances mystiques
», p.64.
[xiii] Plutarque,
« Vertu des femmes »,
p. 245 - Plutarque, « Lycurgue », 15. - Plutarque,
« Question grecque, 58 -
Marie Delcourt « Hermaphrodite », p.7., 18.
[xiv] Omphale, reine de
Lydie, obligea
Héraklès, le héros titanesque le plus
fort de la mythologie grecque, à se
travestir en femme et à pratiquer des travaux de couture. Le
travestissement
représente là l'expression d'une instance
bisexuelle, d'une émasculation
symbolique.
[xv] Il y a lieu d'unir
le Soleil à la
Lune et le frère à la sœur --comme
disaient les Alchimistes, car le Soleil et
la Lune sont frère et sœur. Le Soleil, c'est
l'intelligence elle-même - la
Raison, pour mieux parler; la Lune c'est le principe humide qui soude
l'intelligence immatérielle au corps matériel, et
qui, somme toute, donne la
vie. Raison majeure pour redonner la vie à Osiris.
[xvi] Le
Prakritî, principe plastique
universel, la Mère, l'Isis, la Vierge éternelle,
la substance primordiale
indifférenciée, la Racine sans Racine, le SUPPORT
DE TOUTE MANIFESTATION.- « Le
yoga tantrique hindou et tibétain », J.
Marquès-Rivière, p.20, (Ed. Véga,
1938.)
[xvii] En particulier, Jacques Fontaine, « L'Eveil, de
l'Initiation au Maître
», Detrad-AVS, 1998.
[xviii] « Le
mythe sorcier », A.M.
Hocart, p.29, Paris, P.B. Payot, 1973.
[xix] HERCULE: Hercule
est le type même
de l'Initié complet, et ses travaux permettent sa gradation.
Aussi, parvenir à
la plénitude d'initié, est symbolisé
par la conquête des pommes d'or du jardin
des Hespérides, après avoir vaincu le Dragon qui
les gardait.
[xx] «
Causeries initiatiques pour le
travail en chambre du milieu »; E. Plantagenet, Coll.
« Histoire de la
Tradition« , Édit.
Dervy-Livres, Juin 1981, p.46 §2.
BIBLIOGRAPHIE
Ouvrages non cités dans les notes explicatives p. 10
& 11.
* Le feu », Jean-Pierre. Bayard, Editeur Flammarion, 1958.
* « La vie des Saints » , Abbé Auguste
Body, Editeur L'Oeuvre des bonnes
lectures, 1907.
* « L'identification: l'autre c'est moi », Robert
Stoller, Coll. Les grandes
découvertes de la psychanalyse, Editeur Tchou, 1978.
* « L'éveil: de l'initiation au Maître
« , Jacques. Fontaine, Editeur Détrad
AVS, 1995.
* « L'essor du MS au GEDLVS, Jacques Fontaine, Editeur Detrad
AVS, 1997.
* « Causeries initiatiques pour le travail en chambre du
milieu » , Edouard E.
Plantagenet, Coll. Histoire et tradition, Editeur Dervy Livres, 1981.
* « Bulletin du G.O.D.F n°23, 37, 45, 114.
* « Les rites sexuels » , Jacques Marcireau, Coll.
Rites et traditions
mystérieuses Edit. Laffont ; 1981.
* « Mythologies du monde entier » , France-Loisirs.
* « Mythes et légendes », France-Loisirs.
* « Rites et symboles de la Franc-maçonnerie des
Loges bleues » , Béresniack,
* « La Cabbale et la tradition judaïque «
, Renée deTyron Montalembert, Coll.
Bibliothèque de l'irrationnel et des grands
mystères, Editeur Culture Art
Loisirs, 1974.
* « La Kabbale juive et la Cabbale chrétienne
» , Léon Gorny, Coll. Scienes
secrètes, Editeur Belfond, 1977.
* « Images et symboles », Mircéa Eliade,
Mircéa Eliade, Gallimard, 1979.
* « Métaphysique de l'astrologie »,
Daniel Giraud, Ed. Henri Veyrier, 1988.
* « Rites étranges dans le monde » ,
Jacques Marcireau, Coll. Rites étranges
dans le monde, Editeur Laffont, 1985.
* « Aspects du mythe » , Mircéa Eliade,
Idées Gallimard, 1981.
* « La nostalgie des origines » , Mircéa
Eliade, Folio Essais, 1991.
* « Méphistophélès et
l'androgyne » , Mircéa Eliade, Idées
Gallimard, 1962.
* « L'androgyne » , Cahiers de
l'hermétisme, Editeur Dervy-Livres, 1986.
* « Le mythe de l'androgyne » , Jean Libis, Berg
International, 1991.
* « Clé Universelle des Sciences
secrètes » , P. V. Piob, Omnium
Littéraire, Paris, 1950.
|