Obédience : NC | Site : http://alnr.chez-alice.fr | Date : NC |
A propos des
agapes Recueils d'articles en rapport avec
les banquets
maçonniques ou profanes Pas
de fête sans repas ! (extrait du livre La
table et le partage)
Françoise Lautman Tout
anniversaire, toute
réunion d'anciens d'une école, d'une guerre,
toute fête amicale ou
d'association ne sont-ils pas prétexte aussi à
des repas plus ou moins
ritualisés, plus ou moins somptueux, où le fait
de manger ensemble paraît
s'imposer si bien qu'on voit ces repas parfois s'improviser lorsqu'ils
n'avaient pas été prévus soit que la
tradition fut en déclin, comme les
collations de deuil qui sont attribuées au monde rural du
passe et dont j'ai
été plusieurs fois témoin pourtant
dans les années récentes à Paris, soit
qu'elle ne soit pas encore bien établie comme les
pique-niques « improvisés »
mais déjà à plusieurs reprises par les
animateurs des Ostensions de
Saint-lunien en Limousin dans la forêt factice qui sert de
décor à la rue
principale avant sa destruction au lendemain de la fête. Ils
suppléent au fait
que justement aucun banquet officiel n'est prévu dans le
cadre de ces fêtes
d'origine religieuse mais dont les significations sociales se sont
multipliées
et qui mobilisent une part importante de la ville pendant plusieurs
semaines. Etudiant depuis
plusieurs années les fêtes traditionnelles en
Limousin et préparant par
ailleurs une exposition sur les traditions de Noël, j'ai tout
naturellement
choisi la les exemples qui illustrent ces quelques
réflexions sur les repas de
fête . Le banquet de
la « Coupo
Santo » " II s'agit de
la
cérémonie la plus chargée de symboles
des fêtes annuelles du félibrige. Je
rappelle rapidement que le félibrige est au
départ une école littéraire, pour
la défense de la langue provençale,
fondée par sept jeunes gens, dont
Frédéric
Mistral fut le plus célèbre, le 21 mai 1854, jour
de la sainte Estelle ainsi
devenue leur patronne et emblème du félibrige
sous la forme d'une étoile à sept
branches. La fête félibréenne de la
sainte Estelle existe depuis 1876, lorsque
le mouvement du début ayant pris de l'ampleur s'organise en
association
complexe de sept provinces (ou maintenances)
présidée par un capoulié
élu pour
trois ans par les cinquante majoraux qui composent le consistoire,
organe
directeur du félibrige. Chaque province est un ensemble
d'écoles ou
d'associations ayant elles-mêmes leurs
représentants élus. Pour apprécier
cette
complexité, autant que l'ampleur du territoire couvert qui
est délimite par les
Alpes, les Pyrénées et la Loire, il faut savoir
que le félibrige comporte
actuellement environ 2 500 adhérents. Le Limousin et l'Auvergne, limites nord
des maintenances, n'en font partie que depuis 1912 et le poids de la
Provence
reste de fait prépondérant. II existe
également toute une hiérarchie et
variété
de fêtes et concours dont les plus importants, les grands
Jeux Floraux, ont
lieu tous les sept ans. On y désigne un lauréat,
le « maître en gai savoir »
qui choisit pour sept ans également la « Reine
» du félibrige, à la fois pour
son charme et pour son talent à s'exprimer dans la langue
régionale. La
fête de la sainte
Estelle a lieu tous les ans à la Pentecôte et dure
trois jours (élargis à
quatre par diverses manifestations). Elle se tient chaque
année dans une ville
différente qui a à coeur de l'accueillir le mieux
possible. La sainte Estelle
eut lieu en 1985 à Saint-Junien, ville de 12000 habitants
située entre Limoges
et Angoulême, qui a la reputation d'organiser tous les sept
ans depuis
plusieurs siècles les fêtes les plus prestigieuses
du Limousin à l'occasion des
Ostensions des reliques de ses saints fondateurs (décor
urbain, cortège
historique...). Riches de ce savoir-faire festif et sous l'impulsion
d'une
municipalité de gauche contente de montrer aux tenants de la
tradition et du
catholicisme qui organisent habituellement les Ostensions ce qu'elle
savait
faire à son tour, les Saint-Juniauds
transformèrent toute la ville en un
rutilant décor par quartiers aux couleurs des sept
maintenances. Des groupes
folkloriques représentant chaque province les parcoururent
le samedi après-midi
en dansant avant d'assurer le lendemain le spectacle de la cour
d'Amour.
Diverses expositions sur les réalisations de chaque
région, des démonstrations
artisanales, des soirées théâtrales ont
assuré une animation permanente pendant
trois jours. La préparation en avait
nécessité plusieurs semaines et le plus
large concours de la population. Pendant ce
temps, à
I'exception de la Reine dont le rôle est de
représentation et qui parcourait,
en compagnie du maire et d'une petite délégation,
les diverses manifestations,
les félibres se livraient parallèlement dans les
locaux administratifs à la
gestion du félibrige : réunion du bureau, puis du
consistoire, hommage aux
majoraux défunts dans I'année. . . Le contraste
était total ! Ici, gravité des
visages, austerité des tenues. . . les femmes
félibres ou majorales réservent
pour la plupart leurs robes régionales pour les
soirées et le banquet ; mais
aussi, apreté entrevue des conflits entre les partisans
passionnés de langues
aux graphies insuffisamment fixees et aux moyens d'expansion culturelle
toujours insuffisants. . . une vision plus ambitieuse aussi de la
culture des
pays de langue d'Oc que celle des groupes folkloriques qui traversaient
la
ville en dansant avec un bonheur inégal et un respect
inégal des traditions
aussi bien vestimentaires que musicales ou chorégraphiques.
Le même
parallélisme se retrouve le lendemain, la Reine, le conseil
municipal, le
sous-préfet, les autorités du
félibrige parcourent les boulevards circulaires
situés sur I'emplacement des remparts de la ville ancienne.
Aux portes de
chaque quartier, les groupes folkloriques accueillis rituellement par
le maire
et la Reine se joignent au cortège qui va entendre
à la collégiale la messe
célebrée en provençal et dont la
prédication, comme la Pentecôte et le
régionalisme I'imposent également,
célèbre le don des langues ! Mais les
Saintluniauds, recrus de préparatifs et de
festivités, dorment encore et cette
manifestation qui devrait être le trait d'union entre la
célébration des
félibres et les festivités de la ville, a peu de
spectateurs. Le maire reçoit à
déjeuner les majoraux et le comité d'organisation
local. Le déjeuner se
prolonge et la cour d'Amour est largement engagée quand les
notables
félibreens s'y joignent. Leurs places
réservées ont par contre
été prises
d'assaut par les Saint-luniauds et les visiteurs des villes voisines.
Les
représentations théâtrales du soir, en
langue régionale, plus difficiles à
comprendre que les danses auront pour leur part surtout des spectateurs
félibreens ! Le lendemain,
lundi,
Saint-lunien reprend le travail alors que les félibres
tiennent le matin Ieur
assemblée générale et a partir de 13 h
le repas de la Caupa Santa au palais des
sports transformé en salle de banquet. En 1985, il a
duré jusqu'a 18 h. Plus de
trois cents participants, une table de notables tenant toute la
longueur et des
tables perpendiculaires selon la disposition classique dans ce type de
banquet;
chaque participant trouve à sa place une assiette souvenir,
produit des
porcelaineries locales, qui porte le menu entoure des blasons des sept
maintenances : salade composée, mousse de brochet, carre de
veau, fromage de
chèvre et clafoutis. Pour être
agréable, ce menu n'a rien de pantagruelique et
justifie difficilement cinq heures de table! Aussi sa fonction est-elle
autre.
II y a la une convergence de plusieurs systèmes de rites.
Des rites civils
d'abord : celui de la municipalité qui accueille ses
hôtes avec largesse, comme
elle I'a fait la veille pour le cercle plus restreint des majoraux, et
qui
offre un substantiel repas réalisé dans les deux
cas par les meilleurs
cuisiniers de la ville ; mais une municipalité de gauche qui
a refusé avec
energie les exclusions souhaitées aux deux repas par les
organisateurs félibreens.
Ceux-ci souhaitaient rester strictement entre eux. Le maire a
imposé ses
invités, et parmi eux les ethnologues, qui n'avaient
sollicité qu'un droit
d'assister en spectateur et qui grâce a lui ont pu pratiquer
pleinement
l'observation participante ! C'est pour lui un moyen aussi de gratifier
les
membres du comité d'organisation local qui a
travaillé durant des semaines à
ces préparatifs mais surtout le principe même de
fermeture était inacceptable
dans le contexte politique local. Des rites de communion aussi, mis en
place en
1876 par un Mistral dont le romantisme religieux s'est souvent
manifesté à
propos du félibrige : le nom même de
félibres tire du récit selon saint Anselme
de la discussion des docteurs de la Loi avec Jésus au
Temple... le chiffre
sept... la sainte Estelle qu'il n'hésitait pas à
porter jusqu'au rang de la
Trinité en tête de son testament
rédigé au nom du père et du Fils et du
Saint-Esprit et de la sainte Estelle !... Ici,
à la fin du
banquet, les discours d'usage du maire, du capaulie, des assesseurs et
syndics
de la maintenance du Limousin, de la Reine, seront suivis d'une
libation où
chacun boit successivement à la Caupa Santa; ainsi feront
ensuite les majoraux
qui souhaitent parler, puis les félibres qui
reçoivent ce jour la dignite de
maitre d'oeuvre pour services rendus à la langue
régionale OU all felibrige et
qui auront cette fois exceptionnellement le droit de prononcer quelques
mots ;
enfin, mais sans droit de parole, tout félibre qui
désire participer à cette
communion. L 'assemblée termine de bout en chantant l'hymne
de la Caupa Santa
dont le refrain est : Coupe Sainte et
débordante
Verse a pleins bords Verse à flots Les enthousiasmes Et l'energie des forts Les paroles confessent l'angoisse : D'un ancien peuple fier Et libre Nous sommes peut-être à la fin Et si les félibres tombent Tombera notre nation... La coupe
d'argent
utilisée porte un symbole et une histoire ; Mistral qui la
reçut en 1867 les
évoquait ainsi : « En remerciant de l'accueil fait
en Avignon au poète catalan
Victor Balaguer exilé pour cause politique, les patriotes
catalans et les amis
de Balaguer ont offert au félibrige un présent de
grand prix. . . C'est une
vasque de forme antique supportée par un palmier. Sur le
palmier s'appuient
debout en se regardant I'une l'autre deux gracieuses figures qui
représentent
deux soeurs la Catalogne et la Provence. . . » La base porte
des inscriptions
commémoratives et notamment le refrain d'une ballade de
Balaguer « on la dit
morte mais je la crois vivante ». Ces ritualismes et ces
hiérarchies très
stricts ont la même fonction intégratrice que
l'exclusion souhaitée de toute
participation extérieure et correspondent à deux
soucis : 1) celui d'associer
étroitement les simples félibres qui ont pu se
sentir exclus des delibérations
du bureau et du consistoire, tenues à huis clos, et donc des
décisions et les
séparer de la fête commune, superficielle, frivole
presque, destinée au public
non félibreen : guirlandes colorées et danses
plaisantes. . . 2) après deux
jours d'âpres discussions dans les diverses instances,
restaurer le front
commun de lutte culturelle pour un enjeu présente comme
sacré... Ce dernier
effet resulte aussi de la chaleur communicative d'un long moment
passé assis
ensemble, avec un repas au rythme assez lent mais bien
arrosé ou les
changements de place, les visites de l'un à l'autre, les
conversations
détendues occupent le temps. Tout cela contribue autant que
le sentiment d'un
combat sacré à ressouder les ententes sinon
à apaiser les véritables conflits.
Parachèvement
de la séparation des deux fêtes, la
félibreenne et la publique, temps fort de
la mobilisation affective, le banquet s'achève dans
l'euphorie par une soirée
de chants et danses spontanés, entrecoupés de
récits poétiques et de bonnes
histoires, dans un jardin à l'ecart de la ville,
soirée appelée clairement «
soirée entre nous » et annoncée dans
les programmes comme réservée aux seuls
félibres. Mais cette fois, le maire n'a pas besoin d'imposer
les ethnologues ;
nous avons été pressés de venir. . .
de venir voir I'entente et l'amitié... Le
repas a joué le rôle que théoriquement
la langue et la culture communes
devraient jouer alors que la diversité des histoires et des
enjeux actuels
d'une part, I'inégale habileté des uns et des
autres à les maîtriser d'autre
part, les rendent semblables à ces eaux qui
séparent autant qu'elles unissent. Une petite
ville à vingt
kilomètres de Limoges, bâtie autour du tombeau
d'un ermite mort au Vè siecle,
lieu de pèlerinage au Moyen Age sur la route de
Saint-Jacques-de-Compostelle et
encore actuellement visitée par des pèlerins
venus de Bavière notamment où le
culte de saint-Léonard, patron des prisonniers et protecteur
des chevaux, est
en honneur dans plusieurs villes. . . Depuis le XI"
siecle, une confrérie traditionnellement composée
de trente gentilshommes fut
fondee pour honorer les reliques de saint Leonard. Plusieurs fois en
déclin
puis restaurée, ses derniers et actuels statuts qui
remontent au 2
juillet 1890
consacrent un de leurs douze articles aux « fêtes
dites civiles. . . le jeu de
la Quintaine, de respectable usage, et le repas qui
précède ce divertissement
». Cette fête qui a lieu le troisième
dimanche de novembre éclipse les quatre
autres manifestations religieuses annuelles. C'est le temps fort de la
confrérie
chaque année. La journée commence par une messe
où les confrères et les fidèles
vénèrent, c'est-à-dire baisent, les
reliques de saint Léonard (en l'occurrence
le crâne, ou chef, sorti de son reliquaire). Le repas, dans
un des restaurants
de la ville, était traditionnellement
réservé aux seuls confrères et suivi
des
vêpres, après quoi la Quintaine (ici une maquette
de donjon évoquant les
prisons dont la protection de saint Léonard
délivré) est portée en
cortège
devant les oratoires de rue consacrés au saint et au champ
de foire pour y être
démolie à coups de « quillons
» selon un jeu équestre remontant au Moyen Age. A
la tombée de la nuit, les confrères se
réunissent une dernière fois pour
chanter le Salve Regina devant la collégiale, à
la lumière de torches de seigle
appelées brandons dont on fait pour finir un feu de joie. Le repas semble
n'être
qu'un mince episode d'une journée si remplie mais, comme en
bien d'autres cas,
il etait dans le passe l'enjeu d'un conflit entre le clergé
qui trouvait qu'il
absorbait les fonds de la confrérie au détriment
des oeuvres charitables et son
temps au détriment de la spiritualité, et qu'il
était occasion de beuverie !
Les confrères qui appréciaient la
convivialité plus que les vêpres, prirent
l'habitude, pour bien marquer la contrainte qu'on leur faisait de
quitter la
table, de venir à l'église avec leur serviette en
écharpe et de la garder ainsi
drapée pour toutes les manifestations suivantes de la
journée : vêpres,
cortège, Quintaine et Salve Regina... ce qui leur valut
auprès de certains le
surnom de « confrérie des ventres pleins
». L'évolution recente a conduit a
supprimer les vepres. Les repas sont mains copieux. Les
épouses y sont invitées
depuis quelques années. . . et les amis de la
confrérie : musiciens bénévoles
du cortège, prêteurs de chevaux pour le jeu de la
Quintaine, voire l'ethnologue
amicalement reçu... La gaieté y règne,
on se montre les photos des précédentes
manifestations, on s'y retrouve ensemble mais sans exclusive ni
fermeture au
monde extérieur. Ni les mets ni le temps consacré
ne dépassent les limites d'un
agréable repas festif mais les serviettes continuent
d'être arborées comme une
protestation de la légitimité d'être
à table ensemble et d'en faire un temps
fort de la journée autant (plus ?) que la messe et que la
destruction rituelle
et symbolique des forteresses d'oppression ! Les relations entre le
clergé
local et la confrérie continuent d'être tendues.
II y a a cela bien d'autres
raisons liées à la politique locale et aux
personnalités en présence (et des
variations dans le temps qui accompagnent les changements de l'une et
des
autres). Mais la serviette insolente gardera-t-elle sa place ? Seul
signe
vestimentaire d'appartenance à la confrérie
jusqu'à cette année (et seulement
le jour de la Quintaine) elle se voit dorénavant
concurrencée par une rutilante
écharpe aux couleurs de saint Léonard, bleue et
rouge, frangée d'or, sous
l'influence des pélerins bavarois solennellement
invités aux dernières
ostensions et qui en retour ont convié les
confrères à des fêtes folkloriques
dont la magnificence a stimulé leur sens du
décor. Cette année, l'écharpe
était
arborée à la messe et sur la photo de groupe, la
serviette gardant sa place
l'après-midi. Si elle venait à
disparaître au profit de l'écharpe, ne
faudrait-il pas y voir un déplacement des enjeux de lutte
entre le clergé et la
confrérie, le goût du folklore primant
désormais dans les motivations des
confrères celui de la commensalité sans que cela
suffise d'ailleurs à informer
sur le sens réel de ce qui est en jeu dans l'affrontement
d'un groupe de laïcs
et du clergé et qui reste peut-être identique sous
des formes différentes : le
droit à des formes de culte et de sociabilité
où les uns voient leur identité
et leur dignité et les autres des archaïsmes et des
plaisirs à la fois
suspects. Les repas et
mets
traditionnels de Noël D'après
les documents
réunis par van Gennep, on ne faisait dans la plupart des
regions qu'une legere
collation à la veille de Noël. C'était
un jour maigre. On mangeait des crêpes
(lle-de-France, Bourgogne. . . ) des gauffres (Est...) au des
châtaignes roties
accompagnées de vin chaud ; en Auvergne, une soupe au
fromage, dans la
Charente, la Saintonge, des huîtres ou des escargots... C'est
dans le Sud
seulement qu'on rencontre le « gros .souper »
(Provence, comte de Nice...)
C'est un repas maigre mais abondant dont tous les
éléments sont présentes,
peut-être à la suite de
réinterprétations tardives, comme symboliques. La
table
doit être couverte de trois nappes superposées et
de trois bougies qui
représentent la Trinité ; douze petits pains qui
entourent un plus gros
représentent le Seigneur et les douze apotres. Ce menu
maigre comporte sept
plats correspondant aux sept plaies du Christ. Ce sont le plus souvent
: morue,
cardes, escargots, salade de celeri, fêves, etc. Ils sont
suivis de treize
desserts servis ensemble qui évoquent aussi le Christ et les
apotres et qui
varient selon les villes mais comportent le plus souvent : la pompe
à l'huile,
les quatre mendiants (noix, amandes, figues, raisins secs), nougat
blanc et
nougat noir, pommes et melon d'hiver. . . le reste à
l'avenant. . . La table est
garnie de
coupes comportant du blé ou des lentilles mises à
germer le 6 décembre, jour de
la sainte Barbe. Elles ne sont pas destinées à la
consommation mais à la
protection et à l'euphorie. Si ces pousses sont drues, la
récolte sera bonne.
Autre rite de protection, celui de la bûche de Noël
qui brule dans l'âtre et
que le plus âgé doit bénir en versant
sur elle un verre de vin et en invoquant
la Trinité. On associe le plus jeune à cette
bénédiction appelée cacho-fio.
Cette bûche doit durer jusqu'au 26 décembre pour
que l'année soit prospère et
les brandons restants seront conservés pour leurs vertus
protectrices. Dans
certains cas on conserve aussi les miettes du pain calendal. En
Auvergne ou en
Languedoc, on laisse les restes sur la table pendant la messe
à l'intention des
morts. Dans le comté de Nice par contre, on brûle
les restes du repas avant la
messe, sinon il faudrait revenir les chercher après sa mort ! Dans la plupart
des cas
on prévoit une part de plus que de convives, la part du
pauvre. On reçoit
généreusement quiconque vient mettre la
bûche au feu avec vous. C'est le jour
des réconciliations et de la
générosité dans beaucoup de
régions. La
bienveillance s'étend à tous ; dans le Nord et
l'Est de la France, on donne
double ration aux animaux ou on les conduit a boire au retour de la
messe ;
c'est leur réveillon ! Dans les
régions de «
gros souper » avant la messe de Minuit on ne faisait pas de
réveillon après. En
Auvergne, Limousin, Franche-Comté, Cantal,
Dauphiné, etc. on faisait le
réveillon à base de porc (souvent tue pour
décembre) et de charcuterie ; dans
le Sud-Ouest, plutot du breuf, oie et canard parfois en Beam,
Roussillon,
Bresse. . . mais le plus souvent l'oie ou la dinde traditionnelles sont
au menu
du lendemain. Il se faisait
également
une grande quantité de tartes, rissoles et petits gateaux de
toutes formes,
etoiles, croissants, animaux, bonshommes. On avait recours au boulanger
pour
tout cuire mais tout ne servait pas a la consommation immediate. Comme
les
treize desserts du Midi, les petits gâteaux de Noël
dont la coutume demeure
encore vivace en Alsace sous forme de sables en étoiles ou
croissants et de
pains d'épices décorés d'un
père Noël, se donnaient en présents. De
petits
gâteaux pointus appelés cugnots étaient
offerts par les parrains et marraines à
leurs filleuls. lIs passaient pour délier la langue dans
l'Ouest, comme les
gâteaux à cornes ou à pointes pour
conjurer les maléfices dans l'Est. En
Limousin et en Confolentais, une galette en pâte à
pain cuite la veille de Noël
passait pour avoir des vertus magiques. On pouvait en donner aux hommes
et aux
bêtes malades toute l'année. On voit ainsi
coexister
les rites familiaux festifs ou manger des choses convenues à
des heures
inhabituellement tardives, avant ou après la messe de
Minuit, relève de
l'opportunité ou de l'observance chrétienne, et
des symboliques surchargées
d'interprétations, voire des pratiques magiques. Les deux
premiers cas de
repas festifs dont nous avons parlé montrent que le repas
est tout autre chose
que ce qu'on y mange, sa place dans un rituel, le temps qu'on y passe,
.la
façon de partager, les discours et paroles
échangées font partie du repas
autant que les mets. C'est que nous avons abordé ici deux
exemples de repas
inscrits dans des stratégies sociales, la
première d'intégration, la seconde de
contestation. Dans d'autres cas, au contraire, les symboliques peuvent être plus directement liées à tel mets ou à tel geste, c'est le cas des plats de fête traditionnels. Leur fonction sociale apparaît moins directement. Ces rites ne sont facteurs d'intégration que parce que d'autres les pratiquent pour les mêmes occasions. Le plat traditionnel devient alors en quelque sorte le signe mobile de I'unité et le repas ritualisé apparaît comme la mise en scène collective de fêtes dont le caractère est jusqu'à nos jours, et d'abord, privé. |
7141-1 | L'EDIFICE - contact@ledifice.net | \ |