Obédience : NC | Loge : NC | Date : NC |
Un
aperçu – exo - et –
éso - térique basé
sur sa
vie, son œuvre et par conséquent surtout sur sa Divine Comédie ou lire
Dante Tableau 1 : Les
Limbes (Sénat) « Quiconque
possède un sain entendement peut voir la
doctrine qui se cache sous le voile de vers
étranges » Ce passage est
tiré de L’Enfer de la Divine Comédie.
Ce vers est caché au milieu de 14000
autres et il est une des clefs du travail de Dante, en tout cas une de
celle
qui va guider mon travail. En fait ses écrits, et il le dit
dans un autre
ouvrage Il
Convivio, (le Banquet)
sont basés sous le signe du Polysensum
(c.à.d. qui possède plusieurs sens). Dante
précise même qu’il faut y entendre
précisément quatre sens. (si personno intendere e debbonsi
sponere massimamente per
quatro sensi – Il Convito t. II, ch. 1er) Mais, il ne dit
pas à quoi ces quatre
sens se rapportent. Au lecteur de les deviner. Les trois les plus
évidents
résident dans : 1- le sens
littéral 2- le
sens politique et social 3 -le sens
philosophique ou plutôt philosophico-théologique Reste bien
évidemment à définir le
quatrième. Pour nous maçon et quiconque a
reçu l’initiation, sous le signe de
la quête de la lumière, à la lecture de
ses textes, il nous paraît évident
qu’il ne peut s’agir que du sens initiatique,
métaphysique et donc ésotérique. Je
pourrais vous parler de Dante rien
qu’au travers de sa Divine Comédie, mais comme
nous allons
essayer de nous
enfoncer dans ces quatre sens, vous devez être averti sur la
vie
de l’auteur.
Car essayer d’aborder l’œuvre de Dante
uniquement
sous l’angle initiatique,
cela reviendrait à séparer
l’ésotérisme de
l’exotérisme, cela
reviendrait à
supposer que le pavé mosaïque n’est
composé
que d’une couleur unique, que le
fil à plomb n’est pas suspendu au-dessus,
qu’il nous
faut uniquement élever des
temples à la vertu sans avoir conscience que cette action
est
indissociable de
fait de creuser des cachots pour le vice, qu’il n’y
a que
le Yin, sans le
Yang. Or l'un ne peut être sans l'autre, pensez
à ce
mouvement de
balancier : plus nous allons loin dans un sens
évident et
plus l’énergie
emmagasinée nous emmène loin dans
l’autre sens, le
caché. Réunissons la
dualité, pour chercher dans le ternaire. Nous sommes
à la fin du XIIIème siècle,
au début du XIVème, en Italie, à
Florence. C’est une cité prospère, sans
doute
l’une des plus prospère du continent, donc du
monde connu. Marco Polo (1254 –
1324) un contemporain de Dante, rêve
déjà d’orient. Florence a de nombreux
pôles d’intérêt : le
commerce, l’économie (le florin), la politique,
les
foyers ecclésiastiques et l’Art et la culture. Florence, comme
toutes les cités
italiennes est comme une petite république,
gouvernée par le peuple, mais ces
cités sont obligées d’être
sous un protectorat qu’elles doivent choisir. Soit
sous le protectorat de l’Empereur, soit sous celui du pape. L’Empereur,
c’est le chef du Saint
Empire Romain, Empereur Germain. Car depuis le Xéme
siècle, le roi de Germanie,
une fois élu par les ducs et les
évêques, et couronné par le Pape en
Italie
devenait automatiquement Empereur de la
chrétienté. Qui
désire la protection de l’Empereur
est appelé Gibelin, qui désire celle du pape est
appelé Guelfe. (Au
début du XIIème siècle,
compétition
pour le titre de roi de Germanie entre 2 princes allemands :
Welf et
Waiblingen, partisans en Italie, prennent le nom de leur chef, 2 camps,
W>G,
le pape choisit Welf => les guelfes sont pour le pape)
Chaque
cité, en tant que république, se
trouve donc livrée à elle même,
défendant ses seuls intérêts qui sont
concentrés ou
En tout cas tout
cela est bien loin
d’une idée de communion nationale. Ce qui fait que
les conflits entre cités
sont nombreux. Le patriotisme le
plus ardent règne dans
ses petites républiques qui se reconnaissent à
leur campanile, dominant au loin
les campagnes. Pour
défendre ses intérêts chaque
cité
entretient des troupes de mercenaires au côté
desquelles, en cas de conflit, se
battent les nobles de la cité. (Dante qui fait partie de la
petite noblesse,
participera d’ailleurs à deux campagnes notamment
contre Pise) L’âme
de la patrie se retrouve ainsi à
suivre la milice municipale à chaque conflit. Sang, boucherie,
bûcher, tel est
l’épisode récurent que chaque
cité doit vivre. Belle anarchie en est le
résultat. Au gré des victoires, il y a un nouveau
corps dirigeant et de fait
chaque ville est tour à tour Guelfe ou Gibeline. Faisant
éclater les anciennes
alliances à chaque nouveau régime
contractées, donc faisant éclore de nouveaux
conflits, donc de nouvelles rancunes. Il
n’empêche que comme de nos jours avec
les partis politiques, se côtoient donc dans les villes des
Gibelins et des
Guelfes, les pro-Empereur et les pro-Pape. S’il
n’y avait que deux factions, ce
serait simple or les Guelfes sont eux aussi
séparés en deux: les blancs et les
noirs. Les blancs
étant définit comme blancs en
souvenir de Bianca Cancellieri (à Pistoia), fille de
l’importante famille des
Cancellieri qui eut un énorme différent avec une
autre famille. Ceux qui se
rallièrent à la cause de cette famille se firent
appelés du nom de leur
cause : Bianca, donc blancs, les autres en oppositions totale
prient le
nom arbitraire de noirs. Le temps passa les noirs et les blancs firent
une
alliance avec les guelfes de cela survint deux partis. Gibelins pour
l’Empereur, Guelfes noirs
pour le pape, et les Guelfes blancs ni pour l’un, ni pour
l’autre. Ce dernier
parti est surtout composé d’intellectuels et
d’esprits plus spontanément
chimériques. Je vous rappelle que ces trois factions sont
présentes dans toute
l’Italie. Elles aiment toutes
la liberté, et font
pourtant tout ce qu’elles peuvent pour la détruire. Dante fait
partie des Blancs par la tradition familiale. Du pape
qu’il côtoiera personnellement,
et de l’Empereur il pense que ce sont deux soleils qui
doivent éclairer le
chemin de l’humanité (Purg XVI) car pour
lui l’homme est le seul être qui
participe d’une double nature, matérielle et
spirituelle, au mouvement du
monde. Chaque nature étant ordonné à
une fin, l’homme doit poursuivre deux
fins : Tableau 2 : Le Purgatoire Le bonheur de
la vie présente et le bonheur de la vie
éternelle. La raison et
l’Empire d’un côté, la foi et
l’Eglise de
l’autre. Ce
ne sont là que des instruments
complémentaires dont la providence se sert pour le salut des
hommes. Ce salut
qui reste pour Dante LA grande finalité de
l’existence.
C’est pour cela qu’il
devrait y avoir une restauration naturelle de
l’autorité
impériale en souvenir
de la grande Rome directement conférée par Dieu
sans
intervention du Pape,
(Dante sait que la création de l’Empire romain a
été décidée dans
l’Empyrée
(Enfer II, 20) pour donner la paix à l’Univers),
mais avec
une présence
indiscutable de l’église qui ne
peut-être que toute
spirituelle, car c’est dans
la spiritualité recouvrée que
l’église
trouvera sa renaissance. En effet selon
Dante l’église souffrait trop de ses abondances de
bien.
Mais pour le pape
Boniface VIII, il en était tout autre : Il
était en
droite ligne avec un
de ces prédécesseurs Innocent III qui avait
énoncé la fameuse théorie des deux
glaives : le temporel et le spirituel : à
savoir que
si l’état laïque
a une existence légitime, c’est à la
seule
condition que celui-ci soit soumis à
l’église. Boniface VIII affirme même que
« pour toute
créature
humaine, il est de nécessité de salut
d’être soumise au souverain pontife », les
Rois y
compris, sous peine d'excommunication. Alors que le pape ne peut
être jugé, il
peut juger tout le monde. Pour Dante Boniface VIII est responsable de
la dérive
simoniaque de l’église qui au contraire devrait
être pauvre sur le modèle du
Christ (se sent très proche de Cluny et de Bernard de
Clairvaux). Cela
n’empêche pas bien sûr de
considérer Dante comme un croyant, un Chrétien,
même si on le sait très curieux
de toutes les religions et des mouvements qui s’y rattachent.
On le sait
côtoyer verbalement ou par le biais des livres : la
religion musulmane, la
religion hébraïque, les cathares qui suite
à leurs nombreuses persécutions
françaises, beaucoup d’entre eux sont venus se
réfugier dans la proche Italie,
la Kabbale, le soufisme et tout ce qui a trait au mouvement spirituel. Dante
est donc né dans cette Florence en
1260 (65), et sa volonté, très tôt est
d’entrer en politique. Adolescent
il rencontre Brunetto Latini ou Latino qui sera son initiateur
à
la vie
politique. C’est d’ailleurs aux
côtés de cet
homme que le jeune Dante va
parfaire son savoir. Un savoir qu’il avait
déjà
assez étendu puisque même si de
ses études, on ne sait pas grand chose, (sinon
qu’elles
ont été fort complètes
pour l’époque) elles lui permettent,
auprès des
maîtres qualifiés, la véritable
étude du latin et de la comptabilité. Il
a alors
abordé nombres auteurs
tels que Virgile, Stace, Ovide, Horace, Lucain, Boèce,
Cicéron, Esope, Caton.
Avant d’aborder la philosophie et la théologie.
Grâce à Brunetto Latini il a
accès l’encyclopédie que ce
maître a
rédigé en Français (au
détriment du Latin,
la langue « savante »
de l’époque). Cette encyclopédie
réunit toutes les connaissances qu’un bachelier de
l’époque doit savoir. Dante
dira que grâce à lui, il a tout connu :
l’astronomie, les lois physiques,
les mathématiques, la musique, la rhétorique, la
grammaire, la logique, la
géographie. Mais une de ces plus grandes écoles
est celle de la rue, il aime
rencontrer tous les pôles
d’intérêts dont je vous ai
parlé tout à l’heure et en
tire une richesse intérieure incomparable. Dès
1295, il entre en politique :
conseil des 100, jusqu’au plus haut poste un des six prieurs
de la cité en
1300. Ces prieurs sont élus pour deux mois et vivent en
autarcie la plus complète,
vivant ensemble, pour ne former qu’un afin
d’être l’âme de la
cité. Ils ont à
statuer sur toutes les décisions. Jusqu’en 1302 il
réintègrera, par la suite,
de conseil des 100 en tant que sage de la cité.
Lorsqu’il a été prieur, suite
à
des troubles dans Florence, en laissant de côté
toute amitié, et pour le bien
de sa cité, il a dû expulser de la ville des
représentants de chaque parti. En
1302 les guelfes noirs, revenus au pouvoir envoie Dante
auprès du pape pour une
mission d’ambassadeur, ils en profite pour mettre a
exécution la vengeance
qu’ils ont fomenté. Il le condamne par contumace
et par deux fois à quelques
mois d’intervalle, sous le motif de malversation
financière et enrichissement
personnel/ Le verdict est simple : exil définitif,
la saisie de tous ses
biens, avec l’assurance qu’il sera
brûlé vif s’il revient à
Florence. Qui plus
est, pour avoir tenté d’organiser son retour
à Florence, toutes les personnes
masculines de sa descendance ont elles aussi été
condamné à l’exil. (Il
s’était
marié à 20 ans et il a quatre enfants dont une
fille) Il fait tout ce
qui est en son pouvoir
pour revenir, coalition politique, appuis personnels au sein du
gouvernement,
lettre ouverte au peuple... rien n’y fait. La
décision est irrévocable. Il vit donc loin
de sa patrie et finit
par entretenir une haine féroce contre les
représentants de sa cité à qui il a
donné tout son amour. Il errera de
cités en Cours au gré des opportunités
qui s’offriront à lui, il aura
principalement pour fonction celle de diplomate et
d’ambassadeur à la solde des
personnes qui l’accueillent : lui offrant ainsi de
nombreux voyages. Il
séjourne
dans diverses villes d'Italie où il est partout bien
accueilli, notamment à
Vérone, à Lucques, il effectue vraisemblablement
un voyage en France où on
retrouve sa trace à Paris entre 1307 et 1309. (Date
à laquelle il est
communément reconnu qu’il commencerait la
rédaction de la comédie). Il ne cessera
d’approfondir sa culture au fil des différentes
expériences qu’il connaîtra,
Son exil lui coûte beaucoup. Il prend conscience de sa propre
solitude et se
détache de la réalité contemporaine
qu’il estime dominée par le vice,
l’injustice, la corruption et
l’inégalité. Il a bien un
moment où il voit renaître
l’espoir avec l’arrivée
d’Henri VII de Luxembourg qui se propose
d’élaborer une
union italienne qui de fait mettrait fin à tous les conflits
des différentes
cités. Il soutiendra même son avènement
en envoyant des lettres à de nombreux
princes et hommes politiques italiens. En 1310, Henri VII de Luxembourg
accède
au trône impérial, avec pour objectif
déclaré de placer l'Italie sous son
autorité, mais il mourra en 1313, alors qu’il a
lamentablement échoué dans sa
réalisation. Cet évènement
anéantira définitivement les espoirs du
poète, et
plus jamais il ne pensera revenir à Florence. En 1321, il
meurt à Ravenne, où
son corps est toujours à cause d’une injonction
définitive qu’il avait faite de
son vivant. Mais, vous le
savez, ce n’est pas cela
qu’a retenu de Dante la postérité.
Dante est un poète, il ne faut pas
l’oublier. La poésie a été
toute sa vie. Très jeune, il commence à
écrire, mais
c’est en 1293 qu’il termine son premier recueil de
poème : La Vita Nova,
il n’écrira plus de façon
définitive avant son exil. La date de la prochaine parution
est en 1304. En tout 5 ouvrages, avec peut-être un de plus de
sa prime jeunesse
vers 1283 (18 ou 23 ans). Dante est un
chercheur en poésie. Il
crée une langue magnifique, nette,
précise, brève, pittoresque. Ennemi de la phrase,
il abrége tout. Il fait passer
de son esprit dans les autres esprits, de son âme dans les
autres âmes, de ses
idées, de ses sentiments, de ses images, et tout cela par
une sorte de directe
communication, presque indépendante des paroles. : Il
entasse les comparaison
les plus libres de style, les allusions, les termes de
l’école et les
expressions les plus basses : rien ne lui paraît
méprisable. C’est
une définition de ce
qu’aujourd’hui en tout cas on entendrait par le
terme de poésie, alors qu’à
l’époque il n’en était pas du
tout de même : la poésie italienne
était un
reliquat de l’art des troubadours albigeois et leur
présence avaient suscité la
création de plusieurs écoles qui
s’étiolait faute de renouveau. La principale
école était l’école
sicilienne qui était d’un conventionnalisme
étouffant. Sans sentiment
personnel. Tout était réglé, les
formules étaient toutes faites. Une autre
école était l’école
Bolognaise, qui consciente du problème cherchait une
solution en voulant
injecter de la métaphysique. Mais du même coup, le
poème à la sauce bolognaise
cessait d’être sentiment pour devenir
spéculation. Que dire des
autres tentatives
compliquées de métriques et de scolastique
envahissante ? Il
créait autre chose, de nouveau et
cela était si brillant que le Dolce stil nuovo allait
trouver ses lettres de
noblesse. Les plus grand poètes florentins, (Guido
Cavalcanti, Lapo Gianni,
Cino da Pistoia), de loin ses aînés,
allaient faire de ce jeune homme
leur chef de file. Jamais poésie n’avait
été si forte, jamais une poésie allait
à ce point marquer l’histoire de son art.
Aujourd’hui encore Dante est
considéré comme un maître, et son
héritage est incontestable. Sur les 14000
vers que représente la
divine comédie, seuls 10 semblent boiteux selon
l’avis des plus grands
spécialistes ! Qui plus est,
fait extrêmement rarissime à
l’époque, Dante délaisse la langue
Latine qu’il juge trop élitiste, pour
s’adresser au plus grand nombre avec la Madre lingua, un des
dialecte de
« si », la langue florentine. Sa poésie ne traite que d’un seul et unique sujet : l’amour ! Qui visiblement est directement issu de l’amour courtois de la chevalerie il dit même : « Quand amour soupire au-dedans de moi, il me dit quelque chose que je note et dont je cherche le sens » Io mi son un che, quando / Amore spira, noto ed a quel modo / Ch’ei detta dentro, va significando car il reconnaît que ses vers lui tombent directement du ciel, par grâce divine. Le sentiment prime sur l’intellect. Tableau 3 : Dante rencontre Béatrice sur le pont d'Arno Revenons sur La
Vita Nova, un livre incontournable pour appréhender
Dante. Il y expose sa conception de l’amour. Ou plus
exactement, il nous parle
de Béatrice. LE personnage important dans
l’œuvre de Dante.
Le
1er mai 1274, Dante avec le peuple Florentin fête le
printemps, il est tout
jeune et il rencontre Béatrice (Portiniari) dans une
fête d’enfant, il ne la
reverra pas avant d’être un jeune adulte,
près de 10 ans plus tard, en la
croisant dans la rue. Il a eu alors la certitude qu’en fait
sa première
rencontre avec elle le condamnait à subir un amour qui a
pris sur lui un empire
si absolu qu’il fut contraint d’accomplir toutes
ses volontés.! Donc il la
croise dans la rue et elle le salue. Aucune parole significative
n’a encore été
échangée entre eux. Ni à ce moment, ni
jamais d’ailleurs. Mais elle l’a salué.
A la suite de cet épisode si poignant, il en vient
à faire un rêve : un
homme force Béatrice à manger le cœur
de Dante qui est tout en flamme. Il
semble que Béatrice s’est mariée vers
ce moment-là mais Dante n’en a
été
troublé d’aucune manière. Un autre jour
dans une église, il a vu de loin
Béatrice, de loin, elle était à
l’opposé du lieu où il se trouvait. Il
est
entré en contemplation. Mais entre lui et elle,
était placée une jeune fille
fort belle. Tout le monde sachant que Dante était amoureux,
mais ignorant qui
était l’objet de toute son attention, a
pensé que c’était elle, cette dame
écran, le secret amour de Dante. Désireux de
garder le secret, il ne contredit
pas l’affirmation, à tel point que
Béatrice à la longue s’y est perdu, et
que
lors de leur dernière rencontre, Béatrice refuse
de saluer Dante et se moque de
lui. Très vite, Béatrice vient à
mourir, laissant Dante désespéré. Un
jour
qu’il pleure dans sa chambre au souvenir de
Béatrice, une jeune fille qui
ressemble curieusement à Béatrice le voit
d’un balcon voisin, compatissante,
elle lui sourit et il finit par lui rendre sourire, lui
écrire un sonnet, (on
comprend ce que cela veut dire, et il n’y a
d’ailleurs aucun doute possible à
ce sujet). Dépité par son action, il en tombe
malade et pendant son délire, il
a la vision de Béatrice telle qu’il la magnifie.
Cela lui inspire cette
réflexion : «j’espère,
si Dieu me prête vie, pouvoir dire d’elle ce qui ne
fut
jamais dit d’aucune ».
Cette histoire
est belle, elle ferait le
succès d’un roman à l’eau de
rose, si on n’entrait dans le Polysensum. Et qui dit
Polysensum, dit ésotérisme. Or, qu’en
est-il ? Dante avait-il accès aux rites
initiatiques ? Etait-il
éclairé ? Il est indéniable
que Dante faisait partie d’au moins deux
ordres initiatiques : les Fideli d’Amore et les Fede
Santa. (Sans
doute a-t-il été parrainé dans
l’initiation par Guido Cavalcanti, vers 1285.) Pour expliquer
le mystère Béatrice, je
m’arrête quelque temps sur les Fideli
d’Amore. Très
présent au XIIème siècle, les
Fideli d’Amore disparaîtront bientôt ou
plutôt, évolueront naturellement vers
autre chose au gré des consciences d’un autre
temps ou d’un autre lieu. Directement
issu des croisades et des échanges spirituels avec
d’autres initiés,
l’initiation à l’ordre des Fideli
d’Amore repose sur un secret entre le fidèle
d’amour et Dieu. - Amour par
rapport à la beauté et au cœur - Amour
visible devant apprendre à lire la règle de
l'amour divin dans le livre de
l'amour humain - Rencontre
amoureuse entre le divin et l’humain afin d’en
arriver à l’ultime
recherche : - la vision
directe de la divinité dans une forme humaine belle
à contempler, sans que la
rencontre ne soit pervertie ni par le trouble ni par le tumulte de la
nature
charnelle.Ainsi,
lorsqu’il y a rencontre avec la beauté terrestre,
le
futur initié prend conscience de cet horizon, il se met en marche.
L’« illumination
» des
fidèles d’amour, c’est donc voir
l’Ange, c’est contempler ici une
jeune fille à la ressemblance de sa propre âme
sous sa Forme théophanique, et
de fait arriver à voir le visage de beauté de
l’Etre divi n
dont le visage de l’être aimé transfiguré
porte les
traits.
Tableau 4 : Le Paradis Quant aux Fede
Santa, cet ordre de portée initiatique et plus secret encore
que les Fideli
d’Amore, (il y a d’ailleurs une respectable loge
Fede Santa N°487 qui
travaille au Rite Écossais Rectifié à
l’Orient d'Aix-les-Bains) Dante est
sûrement devenu l’un des grands Maîtres
de l’ordre, qui vraisemblablement ne
peut se concevoir que comme un Tiers Ordre des Templiers qui
naîtra suite à
leur dissolution de 1307 à 1314. Ce serait une
résurgence du Temple qui sera
plus tard vraisemblablement transformée en rosicrucianisme. Dante est un
initié, ce qui signifie que quelque soit l’ordre
auquel il a été initié, il a
eu accès aux symboles, aux secrets qui quoi qu’on
en dise, se retrouvent
toujours dans toutes les initiations, à travers les temps et
au delà de la géographie.
Edouard Shuré nous intime d’ailleurs cette
réflexion avec ses grands initiés.
Il par de rama, jusqu’à Jésus, en
passant par Moïse, Pythagore, et toujours les
mêmes éléments servent de base de
transmission. De plus c’était un chercheur,
un curieux dans toutes les autres recherches spirituelles religieuses,
un
adepte de ce que les anciens appelaient les petits et les grands
mystères. Béatrice
vous
l’avez compris est son aimée qui doit lui faire
voir la beauté divine,
Béatrice, dont la traduction en Italien est tout
à la fois un nom propre, un
nom commun et un adjectif : Il a à voir avec la
béatifiante, celle qui fait
entrer en Béatitude. Commençons
à
évoquer le quatro sensi autour de ce sujet, sans pour entrer
dans les détails,
il y en aurait trop à dire. Je vous ai
déjà évoqué le sens
littéral : cette belle histoire
d’amour ! S’intéresser
au sens histrico-politique revient à
s’intéresser à qui est
Béatrice, à
son état civil, nous renvoie à
l’étude de cette Florence de 1300, les
affrontements sanglants, l’engagement politique de Dante, ses
relations
contemporaines pour y arriver, le rapport social entre la
papauté et l’Empereur
et tomber sur son message d’espoir qu’il faut
construire une société meilleure S’attarder
sur le sens philosophico-théologique :
c’est peut-être concevoir que Béatrice
représenterait la Théologie, en
opposition à cette jeune fille qui, après la mort
de Béatrice, alors que Dante
était en pleur à sa fenêtre
compatissait aux larmes du poète. Face à cette
jeune fille Dante a éprouvé, à cause
de sa ressemblance avec Béatrice, une
sorte d’amour, qui l’a profondément
blessé par la suite, et qui lui a laissé un
sentiment de s’être égaré et
trompé. Cette jeune fille, il nous dit très
clairement dans Il Convivio
qu’elle représente la Philosophie. «Je dis et affirme que la dame que
j’aimais, après le premier amour, fut la
très belle et très honnête fille de
l’Univers, à laquelle Pythagore imposa le nom de
Philosophie ».
S’intéresser à ce deuxième
point revient
à réfléchir sur le fait que si
l’on
fait une recherche en théologie, la philosophie nous
aide-t-elle
à y parvenir
où nous en éloigne-t-elle. Quels sont les
rapports que
ces deux sciences
peuvent et doivent entretenir ? Quant au sens
Esotérique, que dire de plus du Chiffre 9 qui est
étroitement lié à cette
Béatrice, en fait, Béatrice est le 9 :
Dante a 9 ans quand il voit pour la
première fois Béatrice, Béatrice
elle-même est alors dans sa 9ème année.
C’est
9 ans après que Dante rencontre Béatrice dans une
rue, et qu’elle le salue pour
la première fois. C’est exactement à la
première heure des 9 dernières heures
de la nuit que Dante rêve d’elle, lorsque plus tard
Béatrice lui refuse son
salut, c’est exactement à la 9ème heure
du jour, c’est le 9ème jour, du 9ème
mois de la neuvième décade que
Béatrice meurt. Dans la quatre-vingt unième
année du siècle... Et je ne doute absolument pas
que quiconque se penchera
d’avantage sur ce point trouvera encore de fort nombreuses
corrélations avec le
chiffre neuf. S’intéresser de près
à la portée initiatique de ce 9, le
carré de
la trinité, représentant
l’unité divine absolue, constater que la racine de
ce
mot est la même que le Novus latin qui représente
l’esclave récemment acheté ou
qui représente aussi le débutant en toute chose,
constater encore que cette
même racine est celle du Novio (fiancé), c’est
comprendre que Dante en tant qu’initié et
qu’éveillé, prend aussi à
son compte
la numérologie et la décade de Pythagore. Considérer
donc ces quatro sensi, correspond donc à
considérer entièrement la
problématique du cosmos, à entrevoir les
réponses aux questions que l’on
serait amené à se poser,
à participer activement à la recherche de
Dieu, en n’oubliant pas de se préoccuper de ce matériel
qui nous
entoure, des enjeux politiques dont notre vie est
truffée, de
prendre en compte la science (qui peut nous y
aider), de concevoir la purification
initiatique que cela suppose. A chercher non pas dans
l’absolu mais en être
humain qui d’une part a une vie à remplir sur
terre et qui a d’autre part à
s’occuper de son âme. Considérer
ces
quatro sensi, c’est considérer que
l’ésotérisme sans toute la
portée des autres
sens est une chose vaine si l’on veut être un
initié, c’est réfléchir
à toutes
les portées croisées du récit pour
construire, et tirer de nouvelles
conclusions qui ne nous seraient pas parvenues avec un raisonnement
univoque.
Pour que ces conclusions ouvrent d’autres chemins de
recherche selon la loi des
correspondances de la table d’émeraude qui
elles-mêmes débouchent sur de
nouvelles conclusions et ainsi de suite. Toujours
est-il que Béatrice est l’orient de Dante,
c’est d’elle que doit venir son
salut. Et c’est d’ailleurs suite à son
intervention depuis le ciel, auprès de
Dieu pour sauver Dante que celui-ci va vivre son
épopée dans les trois mondes :
de l’enfer, du purgatoire et du Paradis : Il est
à sa recherche, elle
deviendra d’ailleurs son guide au purgatoire et dans une
partie du paradis,
jusqu’à l’aboutissement de la rencontre
avec Dieu. Nous en arrivons
tout naturellement à
évoquer la pièce maîtresse de
l’œuvre de Dante : La Comédie
puisque ce
n’est que près d’un siècle et
demi plus tard, lors
d’une
réédition vénitienne qu’il
lui sera attribué l’adjectif divine. Essayons de
brosser le polysensum de La
comédie. Littéral : Dante
parle de son expérience à la première
personne, il précise que ce n’est pas une
fiction mais un récit, que cet épisode se passe
au début de la semaine sainte
en 1300, et qu’il se force à tout nous raconter en
essayant de ne rien omettre. En voici les
trois premiers vers :
Au milieu du chemin de notre vie,
Je me retrouvai dans une forêt obscure Car la voie droite était perdue.... Nel mezzo del
cammin di nostra vit
Mi ritrovai per una selva oscura, Ché la diritta via ea smarrita. Dans cette
forêt, il ne sait comment il
s’y retrouve, tant il est plein de sommeil, il entrevoit
alors, au-delà des
arbres, la cime d’une colline ensoleillée,
où il voudrait bien sûr aller, où il
sait qu’il doit aller, parce que chacun doit y aller, mais
trois bêtes
terrifiantes se dressent sur son passage : une
panthère, un lion et une
louve. A ce moment une ombre ayant toute les apparences d’un
vivant apparaît
près de lui, pâle et bienveillante :
c’est Virgile, son maître en poésie.
Virgile lui dit que le chemin qu’il veut prendre est trop
dangereux car les
bêtes l’assailliront et le tueront et
qu’il lui serait préférable de prendre
un
autre chemin. Ce chemin, il veut bien lui indiquer et même
l’accompagner dans
ses pérégrinations. Dante n’a pas le
choix : pour sortir de ce mauvais
pas, il lui faudra passer par les trois règnes :
les traverser de fond en
comble, l’un après l’autre. Il va
d’abord falloir passer l’enfer, descendre
sous la croûte terrestre par une ouverture dans un endroit
non déterminé, dans
une immense caverne, dans un vaste entonnoir à neufs
étages, les neufs cercles
concentriques où règne
l’obscurité, le bruit la puanteur, et sur la
parois
desquels sont répartis les damnés
jusqu’au fond. Le récit des damnations ne me
semble pas le plus important, il n’y a pas là des
débauches d’imagination pour
inventer des tourments, non, ce qui semble le plus important est cette
volonté
absolue de rencontrer l’autre. L’âme de
l’autre, le mort, pour pouvoir deviser
avec lui. Les rencontres sont alors nombreuses : des
contemporains civils,
politiques ou religieux, des héros, des légendes,
des mythes. Voir, écouter,
rencontrer pour arriver, certes ayant subit l’effroi,
l’évanouissement, le
dégoût, la révolte, mais
malgré tout simplement. Sans gros effort.
Simplement. En un jour et une nuit, d’un pas de promenade,
ils arrivent au
centre de la terre où est Lucifer. Il leur faut le
contourner en s’accrochant
aux poils de son corps glacé, afin de remonter, à
travers un boyau obscur, à la
surface de la terre au antipodes du point où ils sont
partis. Là ils arrivent,
à l’air libre dans le soleil du petit matin, au
pied de la montagne pyramidale
qui est seule au milieu des eaux. Il leur faut la gravir.
Escarpée, elle
contient neuf étages, cercles concentriques qui composent le
purgatoire. Le
premier étant l’anté-purgatoire, le
sept suivants : le purgatoire en lui-même
et le dernier le paradis terrestre. Sur les corniches sont aussi les
pénitents.
Et toujours les rencontres et les discutions, mais aussi les
apparitions
divines et angéliques. Arrivé à
l’orée du paradis terrestre apparaît
Béatrice,
morte donc depuis pas mal d'années, Béatrice
qu’il arrive enfin à évoquer dans
les termes qu’il s’était
fixé. Virgile a disparu laissant à
Béatrice le soin de
le guider dans le reste du voyage. (Puisque ayant vécu avant
la naissance de
Jésus, il n’a pas pu croire en lui et donc il ne
peut prétendre au paradis) Il
n’y a plus maintenant qu’à
s’élancer du sommet du purgatoire vers le ciel
empyrée : le Paradis. S’en suit une
élévation dans les sept cieux
représenté par les sept planètes du
système solaire, puis le ciel cristallin et
enfin l’empyrée lui-même avec les neufs
cercles, les neufs gradins emplis par
les bienheureux. Et toujours les rencontres et les discussions avec son
entourage ou son guide. Son guide qui a tout appris de Dieu et qui donc
peut
satisfaire à la curiosité du poète.
Tout cela le fait avancer sûrement vers
l’Empyrée. Là, Béatrice
disparaît à son tour, remplacée par
Saint Bernard. Face
aux neufs gradins dans lesquels elle a repris sa place, et
après une prière du
guide à la sainte Vierge, la sublime vision de Dieu lui
apparaît, dans un
éclair surpassant tout ce qui peut se dire. Le
poème s’arrête alors. Ni la
vision, ni le retour sur terre n’est raconté. -Politico-Historique : Nous
pouvons aussi nous pencher sur les contemporains de Dante et partir de
la vie politique
et historique pour nous acheminer lentement vers la construction de
notre
cerveau. Le lecteur peut, se basant sur les fautes, les vices et les
vertus de
ses contemporains, sans excuses et sans concessions personnelles avoir
envie de
comprendre où il se situe et où il aimerait se
situer. Ainsi, pour qui connaît
la vie des personnages historiques des rencontres de La
Comédie, ou qui sait ce
que l’inconscient collectif en retient, il devient clair que
lorsque les hommes
agissent, ils engagent leur âme. Si leur âme est
engagée, et si elle a versé
dans le côté obscur, arrive alors la punition
éternelle. Comprendre en tout cas
qu’à chaque action correspond une
récompense sombre où
éclairée, et que chacun
est responsable de ses actes. Et cette réflexion se fait sur
l’exemple !
Le simple lecteur est attiré dans le voyage. Sa
réflexion, aussi basique
soit-elle, se met en marche, il n’est plus son
référentiel, il en change. Ce
n’est plus les autres par rapport à lui, ce
n’est plus son individualité et les
autres qui tournent autour, mais bien les autres qui ont eu
accès à leur
finitude terrestre face à la récompense
dévoilée qu’il ont eu de leurs actions
qui deviennent le référentiel de la propre
existence du lecteur. Bref,
c’est la construction d’une idée
supérieure par le biais
d’éléments simples et vécus.
Mais tout cela on
s’en doute bien pour
préparer l’action spirituelle. -Philosophico-Théologique : Mais
on a tôt fait de découvrir que le grand
poème de Dante n’est pas seulement un
édifice médiéval, une
cathédrale imposante et dûment classée,
une peinture de
la société, et des croyances : c’est
surtout un poème de l’imminence au regard
du destin du monde, au regard des chances de l’homme dans
l’autre vie, mais
aussi dans celle-ci, au regard des anxiétés que
fait peser sur la conscience
collective l’appréhension d’une fin des
temps. Dans La
Comédie est contenu la théologie
du moyen âge : la somme des connaissances, la
réflexion, les commentaires
de cette science. Les références à la
Bible, aux apôtres, les références aux
grands auteurs christiques ou pré-chritisques, nous balayons
ainsi l’époque qui
va de Virgile à Saint Thomas d’Aquin. Cette somme de
connaissance permet de
cheminer vers l’empyrée et la lumière
éternelle. A chaque étape du voyage, elle
nous renvoie à la perception de plus en plus intime de la
science théologique,
des vertus théologales. Elles nous
permettent d’aller plus loin
en passant de la doctrine à la perception intime par la
personnification que
Dante nous propose : Ce n’est plus Dante qui voyage,
mais nous même !
Que faire pour arriver à l’autre monde et
à la connaissance de l’autre vie. Que
faire pour aller au paradis. Que faire pour éviter
l’enfer ? Que faire
lorsque l’on se retrouve au purgatoire ? Le
purgatoire, qu’est-ce que
c’est ? Comprendre la théologie sans
avoir recours à la philosophie est
aussi un chemin que Dante veut que nous arpentions : aller de
plus en plus
dans les connaissances : analyser la portée du bien
et du mal, comprendre
la raison humaine, les défaillances humaines. Passer par les
auteurs, et
scientifiques de tout poil que Dante nous fait rencontrer. Se dire que
s’il les
livre à notre sagacité, c’est
qu’eux-mêmes ont des éléments
à nous
livrer : comprendre Virgile, Aristote philosophe par
excellence, qui dans
la version primitive de la comédie était sans
doute le guide de Dante, Socrate,
Platon, à travers eux, Cicéron, Saint Thomas
d’Aquin, Hippocrate, Diogène,
Anaxagore, Thalès, Empédocle,
Héraclite, Zénon, Linus,
Sénèque, Euclide,
Ptolémée, Averroès et je ne vous livre
pas le quart de ceux à qui il fait
référence. Vous dire que je connais tous ces
auteurs seraient évidemment pur
mensonge, mais Dante, m’incite à les
connaître, à réfléchir
à la portée de
leurs travaux sur l’expérience de
l’humanité. Dante nous fait
réfléchir aussi
sur le fait que l’homme possède en lui la
perfection, mais qu’il l’oublie
régulièrement pour se tourner vers les
bêtes terrifiantes qui ne sont que des
allégories de l’envie, de l’orgueil, de
la cupidité. Ou carrément de tous les
pêchers capitaux. Dante veut nous
faire entrer dans la
connaissance de Dieu, celui de la justice, celui de la
miséricorde, celui de
l’amour infini : essence de tout être. Connaître
et réfléchir, pour mûrir
doucement calmement, au fil des pages parcourues, une ouverture
d’esprit
supérieure. L’Idée
supérieure.
L’Idée qui est représentée
par Jésus,
permettant
d’aller à Dieu qui est le verbe en passant par la
raison
supérieure qu’est le
Saint esprit. La
philosophie, ou la théologie nous aide dans la recherche de
Dieu, par
l’intermédiaire de Virgile, la sagesse morale mais
aussi par celle de
Béatrice : la sagesse humaine qui est
allée au sein de la révélation
lumineuse pour terminer par la sagesse mystique, celle de Bernard de
Clairvaux. L’ésotérisme : Cette
action spirituelle, cet enracinement dans
l’ésotérisme est présent
à qui veut
le voir à chaque vers du Poète, je vais me
contenter d’évoquer trois exemples
pour induire la réflexion que les écrits du
poète peuvent soumettre car si on
se base sur la parole de Joyce: « j’aime Dante
presque autant que la Bible. Il est ma
nourriture spirituelle, le reste n’est que
remplissage », vous
comprendrez aisément que je ne peux pas vous faire un
résumé spirituel de la
comédie. Elle est. Point. Ses sens ses
interprétations sont trop nombreuses
pour tenter de cerner l’idée en quelques mots. Au
même titre tout le monde
s’accordera à reconnaître que Jonathan
le goéland, est autre chose qu’un simple
traité sur le vol et la vie communautaire des
palmipèdes piscivores de l’ordre
des Lariformes. La
portée ésotérique de la
comédie dès
que l’on est tant soi peu initié, même
si l’on n’en perçoit pas
l’absolue
compréhension, peut se voir dès l’abord
poétique de l’œuvre. Considérons
la métrique du poème
sacré : tout d’abord, sans doute dans un
but de recherche de fluidité, le
poème est composé selon la terza rima,
c’est à dire par tercets (groupe de
trois vers) : le premier vers rime avec le
troisième alors que le second,
une nouvelle rime, rime avec le premier du groupe de trois suivant, qui
lui
même rime avec le troisième. Le second, une
nouvelle rime, rimera alors avec le
premier du tercet suivant et ainsi de suite... On peut
même voir dans cette métrique le
quatro sensi : Ainsi on a une
lecture qui évoque la
marche continuelle. (Sens littéral) Ainsi on a une
évocation de la trinité.
(Sens théologique) Ainsi on a
l’évocation de l’homme coincé
entre les deux pouvoirs temporel et spirituel. (Sens politique) <Alors que
lui même sera créateur, au
tercé suivant, de lui dépendra les deux pouvoirs
(Sens Esotérique)> Que dire du
chiffre 3 ? (Sens
Esotérique) Il est
aussi important de
considérer que la comédie est divisée
en trois parties, elles-mêmes composées
de 33 chants. Plus un chant additionnel de prologue ce qui porte le
nombre
total de chants à 100 symboles de la perfection absolue. On peut de
même démontrer l'existence
dans le poème de trois paires de chiffres
possédant une valeur symbolique
privilégiée. Il s'agit des couples 3-9, 7-22 et
515-666. Les fameux 515 et 666
remplissent la trilogie : 666 vers séparent la
prophétie de Ciacco de celle de
Virgile, 515 la prophétie de Farinata de celle de Ciacco;
666 s'interposent de
nouveau entre la prophétie de Brunetto Latini de celle de
Farinata, et encore
515 entre la prophétie de Nicolas III et celle de messire
Brunetto».
L'alternance de ces chiffres 515 et 666 correspond à
l'alternance des opposés
symboliques représentés par le Christ et
l'Antéchrist, ou encore par le Nombre
de la Bête invoqué dans l'Apocalypse de Jean
(«qui est un chiffre d'homme»)
alternant avec le chiffre du «Messo di Dio», qui
s'avère être le symbole
numérique du Consolateur. Tout cela pour
dire que de la simple
poétique et rythmique, en étant loin de pratiquer
l’art de la tétrapiloctomie,
il faut se rendre compte de la précision
métronomique et de l’ampleur de la
tâche que Dante s’est assigné. Le
résultat de douze années de travail
n’est pas
dans le hasard. Au commencement
était le Verbe dit l’évangile
de Saint Jean.
Et le verbe était auprès de
Dieu
Et le verbe était
Dieu
Il
était au commencement auprès de Dieu Tout fut par lui, Et sans lui rien
ne fut.... -Or Dante va vers
Dieu que parce qu’il
entre en conversation, non pas babillage, mais en parole construite,
essentielle,
archétypale, parce qu’il pratique le verbe. Dante
nous affirme que l’avancée ne
peut-être que dans le verbe. Ici, le verbe est
créateur du Verbe. Parler crée
le rapprochement de Dieu. Parler crée Dieu. Dante
nous l’avons vu ne peut
entreprendre son voyage qui part du milieu de notre vie que
s’il
est accompagné
par un guide. (De midi à minuit –pourquoi
midi ?
– parce que l’homme doit
avoir atteint le midi de sa vie avant de pouvoir être utile
à ses semblables)
Il est aisé d’en dénombrer
trois : Virgile,
Béatrice et Saint Bernard (on
peut réfléchir à notre manuel qui nous
dit que
pour qu’une initiation soit
faite, il doit y avoir au moins trois MM . :), mais
il me
semble pour
peu que l’on s’attarde sur le poème,
qu’on
voit que chaque rencontre contribue
à la progression vers l’orient par
l’échange,
par la parole construite. Que
chaque rencontre amène la progression. Ils sont tous guides
de
Dante. On peut
comprendre l’enfer comme la vie profane, le purgatoire comme
les
épreuves
initiatiques et le paradis comme le séjour des parfaits. Ce
qui
sous entend que
pour commencer l’initiation, il faut
déjà avoir
fait un travail sur soi-même,
grâce à un guide tel que Virgile qui ici
représente
la raison humaine qui
conduit à la réussite d’une
quête par
l’exaltation des idéaux de paix et de
justice. En effet, il faut avoir commencé, même
inconsciemment, à sonder les
ressorts de son être, afin de pouvoir entreprendre
l’initiation en elle-même.
Tu es mon maître dit même Dante à
Virgile. La
progression de Dante nous fait dire
aussi qu’elle n’est pas chaotique,
génératrice de souffrance, mais qu’elle
se
fait lentement, sans à coup, qu’il ne faut pas
hésiter comme Dante, à passer
son temps à interroger, et écouter simplement la
réponse que chaque âme est
obligée d’apporter, c’est à
l’initié d’être curieux de
tout, voir,
comprendre,
ne pas hésiter à s’arrêter
dans sa
progression pour faire le point. (Frappez et
l’on vous ouvrira, cherchez et vous trouverez, et demandez et
vous recevrez) Le
travail de progression se fait alors tout seul. Il arrive à
Dante de s’endormir
dans son périple, et lorsqu’il se
réveille, il est
en fait beaucoup plus loin,
face à des portes. Mais il est
à noter que ce n’est pas
Dante, le débutant qui choisit son maître de
progression sur une longue distance,
que ce n’est pas à l’initié
de choisir son guide, mais que son guide, arrive,
de façon évidente, il se
révèle à lui, et alors a disparu le
précédent. Dante
était seul, il voyait la montagne, il voulait y aller,
arrive Virgile, puis
Virgile disparaît et apparaît
Béatrice ; même tour de passe-passe entre
Béatrice et Bernard de Clairvaux. Tout vient à
point à qui sait attendre. Tableau 6 : Béatrice guidant Dante Dante nous
intime aussi la réflexion que la
vérité est dans l’échange et
que quiconque
demeure en retrait à son niveau ne concourre pas
à la connaissance. Mais
il est à noter que Béatrice, même
si elle est présente constamment à
l’esprit de
Dante, n’arrive qu’à
l’entrée du
paradis, c’est à dire bien après la
moitié
du poème. C’est à dire que le but
recherché doit être identifié
dés le
début de la quête : La quête
ici est
le sommet de la montagne où il s’avère
que
Béatrice l’attend. C’est à
dire que
le but est Béatrice elle-même. C’est
à dire
surtout qu’il ne peut y avoir de
quête sans la connaissance intime de son Saint Graal.
L’odyssée ne peut être
que si l’on a assimilé sa Béatrice.
S’en suit
la progression pour enfin
rencontrer le but qu’on s’était
fixé.
Nouvelles interrogations pour finalement
voir que dans les yeux de notre propre Béatrice irradient
les
choses qu’elle
connaît et qui sont de nous encore inconnues. La questionner
alors sur
l’inconnu et se retrouver
irrémédiablement dans la
quête de la lumière. Jusqu’à
ce que notre Béatrice elle-même qui
n’est pas la
lumière, se trouve face à sa
propre limite, survient alors notre Saint Bernard qui nous fait
comprendre quel
était réellement le Graal que nous cherchions,
tout
recouvert qu’il était lui
aussi de m étaux qu’il aurait fallu
laisser à
la porte du temple. Et enfin
parvenir au saint des saints. A la Lumière. Du verbe est
né le Verbe. J’ai
tenté de
vous restituer l'initiation selon Dante : le lecteur doit, lui aussi
refaire le
parcours. La Comédie implique donc
une herméneutique de la
poésie, comme Dante a lui-même essayé
de comprendre l'au-delà. En traduisant
l'au-delà et tous ses mystères en
poésie, Dante impose une démarche
d'interprétation à son lecteur. De ce fait, comme
dans l'Autre Monde, le savoir
suprême n'est pas donné, il n'est pas accessible
à tous et il s'acquiert au
prix de longues méditations. Le verbe
crée
le Verbe. Nous sortons d’un processus de cheminement
extérieur pour un
cheminement intérieur : un acte de RE
-création. Nous retrouvons
la pensée d’un contemporain de Dante, un
dominicain, Maître Eckhart qui
déclare : «Si
Dieu est, j’en suis la cause, car si je
n’étais pas, il
n’existerait pas" Il est
d’ailleurs curieux de noter que
Maître Eckhart, condamné par
l’église pour hérésie,
à cause de la teneur trop
incisive de ses propos, avait lui-même choisit de transmettre
au plus grand
nombre ses écrits par la langue véhiculaire, en
laissant de côté, un latin trop
rapetissé par le nombre trop finit de personnes qui
comprennent cette langue.
Ses écrits, interdit de
« publication», n’ont pu nous
parvenir uniquement
grâce à des copistes qui au péril de
leur vie ont permis de transmettre l’œuvre.
Dante a plus caché ses propos que Maître Eckart,
mais il poursuit cette
idée. Dante et Maître Eckhart ont-ils
accès à une phrase similaire à
notre : «et que revenu dans le monde profane,
on reconnaisse à leur sagesse
les vrais enfants de la lumière. »,
pour vouloir transmettre leur
connaissance ? En fait ils
réclament ensemble qu’il
faut faire venir Dieu dans son âme, plutôt que
tenter d’élever son âme à
Dieu.
Le chemin ultime qu’ils nous offrent ne monte pas de
l'âme à Dieu
(transcendance) mais descend de Dieu à l'âme
(immanence). -Sur cette
descente de Dieu, une autre
réflexion m’est venue, qui s’apparente
à la progression : quel est le
chemin qui nous permet de progresser sans arrêt ? Si
j’ai tout à l’heure
parlé d’un mouvement de balancier
nécessaire à la
compréhension : plus
l’homme descend en lui, plus il lui sera possible de
s’élever sans effort. La
chose est vraie, mais Dante nous dit qu’il faut oublier le
mouvement de
balancier, bien sûr il descend avec Virgile au centre de la
terre et remonte de
l’autre coté, dans l’autre
hémisphère pour continuer son ascension vers
l’Empyrée. Mais il faut voir au-delà
des mots : il ne s’agit pas de
remonter, mais bien de descendre encore et encore,
de plus en plus
loin : l’autre hémisphère est
le prolongement de la ligne droite de la
descente. Le purgatoire n’est que le premier
tréfonds de notre être, il est
encore plus bas que cette pierre dont nous sommes à la
recherche : ce
centre de la terre, il faut toujours descendre. E fait
l’Empyrée n’est non plus
dans un lointain firmament, mais au centre de nôtre
être ou plutôt au centre de
notre âme, cette même âme dont Dante nous
parle depuis le début de son périple
avec toutes celles qui l’entourent et qu’il
côtoie. C’est ce qu’on a sous les
yeux en évidence qui est le plus difficile à
apercevoir. En fait le centre de
notre âme est encore plus profond que le centre de notre
être. Nous retombons
sur cette idée de RE -création, car dans ce cas,
Dieu est en nous, il suffit de
faire de la place pour le trouver. Cela ne diffère
absolument pas du texte
biblique : Dieu a fait l’homme à son
image, en effet l’homme est Dieu,
mais Dieu recouvert de métaux qu’il lui faut
déposer. -Dante fait un
travail considérable
autour de se comédie, des informations, des pistes de
réflexion, il en cache
partout, là encore les énumérer et
leur donner la portée exacte que Dante y a
placé serait une gageure où je ne me risquerais
pas, tant de toute façon il y
en a beaucoup qui me passe largement au dessus de la tête,
mais je ne résiste
pas à vous donner quelques exemple très
ciblés autour du personnage de Bernard
de Clairvaux. On l’a
vu, des rapports très étroits
entre Dante et les Templiers existent, outre le fait que Saint Bernard
était
avec Cluny pour la pauvreté de l’ordre
ecclésiastique, alors que Dante voyait
dans cet ascétisme la renaissance de
l’église, on ne peut laisser de
côté
l’hommage que rend l’auteur à ce
personnage créateur de l’ordre du Temple.
Ainsi, Dante truffe son poème de petits signes pour nous
indiquer qu’il faut
s’inspirer de cet ordre qui, selon lui, était le
seul qui pouvait permettre
d’accéder au plus haut degré de la
recherche spirituelle. Ainsi, il
désigne Bernard comme un contemplante (Par.
XXXI,1), un contemplant, un contemplatif, ce qui est
déjà en soi une réflexion
sur ce qu’est la contemplation pour arriver au
dénuement, mais cela veut dire
aussi que Dante joue avec les mots et leurs consonances, il faut
entendre aussi
dans ce mot celui de Temple, le Temple. Ainsi
lorsqu’au 8ème ciel, Dante fait
allusion au costume des parfaits en évoquant des
vêtements blancs, il serait
peut-être bon d’y voir le costume des chevaliers
Templiers afin que lorsque
quelques vers plus loin Dante en arrive à parler
d’une sainte milice en forme
de rose blanche, il faudrait peut-être considérer
que Dante indique qu’après la
destruction du temple de1307 à 1314 celui-ci donnera
naissance au
Rosicrucianisme. Sans oublier bien
sûr la valeur numérale
que peuvent avoir certains mots ou les chiffres symboliques
de la
métrique qui lorsqu’ils sont traduits en chiffre
romain donne des mots latins,
ou des abréviations qui peuvent laisser entrevoir des
interprétations fort
intéressantes. Ainsi le fameux
515 peut se traduire par
le chiffre romain DXV qui peut vouloir dire Dante, Veltro di christi
(Dante vecteur
de Dieu) ou encore DVX en changeant d’ordre les lettres, pour
trouver le dux
latin, ou encore y voir le chiffre 11 qui est un signe de
reconnaissance dans
de nombreuses organisations initiatiques et dont Dante
parsème allègrement son
poème, ou encore le 6 et le 5 symbole respectif du
macrocosme et du microcosme. Bien
sûr, ces notes n’ont que des
valeurs d’exemple et Dante parsème
allégrement de références ses propos
selon
différents angles d’attaque afin qu’il
nous soit possible de nous éveiller à la
réalité. Son
poème met notre esprit en éveil, en
marche vers la lumière (Lux en latin, LVX = 65 !),
et nous permet de
progresser encore et encore. Toutes ces
constatations ne sont pas là
pour que vous appréhendiez Dante sous un angle
d’érudition, en vous
disant : « je dois tout voir, sinon je
passe à côté de quelque
chose ! »,
il s’agit seulement de progresser
lentement avec lui, d’un pas de promenade, et que vous posiez
souvent des
questions simples. L’œuvre vous
répondra, clairement et votre esprit
éveillé à
la lumière fera le reste. Ne vous trompez pas de sens de
lecture. Cette œuvre
si elle a été écrite en langue
vulgaire, c’est bien pour que le plus grand
nombre ait accès aux mystères et pas uniquement
les érudits. Maintenant il
n’est pas à ignorer que plus vous progresserez,
plus vous serez en mesure de
progresser d’avantage. Avant tout,
j’aimerai vous citer Dante
pour vous encourager à le lire parce que
d’après lui, il faudrait :
« Que chacun sache que nulle chose
harmonisée par un langage poétique ne
peut se traduire sans en perdre toute sa douceur et son
harmonie » Et en
vous disant cela, je suis déjà fort conscient de
vous avoir traduit la phrase
de l’italien, et que donc implicitement vous avez
déjà perdu un peu du sens de
la portée de ce qu’il a exprimé. Mais
c’est pour en arriver à mon
travail : il ne peut absolument pas être un
quelconque reflet de sa
versification. Je ne peux pas vous l’expliquer. Lisez Dante.
Sortez des
ornières tentatrices, et trompeuses dans le
résultat, d’aborder les commentateurs
encore et encore. N’étudiez pas, consommez avant
tout sans relâche. Je terminerais
mon propos par une
évocation de ma vie profane pour vous mettre à
l’aise sur cette lecture :
il existe un livre pour les comédiens qui
s’appelle Ecoute mon ami de Louis
Jouvet, et ce livre possède cela d’extraordinaire
c’est que quelque soit le
niveau ou vous en êtes dans votre recherche artistique, ce
que vous lisez,
touche votre sensitif et vous permets d’aller toujours plus
loin. Lorsque vous
le reprenez quelque temps plus tard, vous y comprenez autre chose, qui
correspond à ce que vous êtes alors.
C’est un guide, un garde fou, il en est de
même pour La divine Comédie. Et c’est ce
qui m’a permis à moi débutant en
maçonnerie de vous évoquer un artiste que
toujours il vous sera possible
d’entendre de l’avant. "La
vérité du Grand Architecte peut se concevoir
à tous les nivaux!" Tableau 7 : Tombeau de Dante à Florence Michael
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