Obédience : NC Loge : NC 07/12/1995

La Dame de Chartres

Selon la Kabbale, au commencement, YHVH créa le Père et la Mère, unis par l’Amour.
YHVH est ainsi appelé car il n’est pas possible de lui donner un nom. Il est celui qui préexiste à tout. Celui qui fût, qui est et qui sera.

Le Père était la Lumière Active, le Jour, le principe Mâle. C’est le Dieu des Hommes. Dieu le Père, celui qui décidera de la Création et la déléguera justement à la Mère.

La Mère était la Lumière Passive, la Nuit, le principe Femelle.
C’est la Matrice Universelle, celle qui a reçu du Père, le pouvoir de démiurge de créer, de maintenir et de régenter les 2 mondes du bas.
C’est la Shékinah, l’Elohim de la Genèse, le Démiurge, la Shakti, la Mère Universelle, la Vierge Noire, Marie, Notre-Dame.
Elle est l’autre partie d’un Tout, la moitié qui reste apparemment seule pour assurer la maternité.
C’est la Veuve qui attend de ses enfants qu’ils assument leur partie de la Création.

Quelle que soit la Tradition, la Mère est toujours là !

Toujours selon la Kabbale, nous avons Abel et Caïn.
Caïn, principe mâle, agriculteur sédentaire qui envie ceux qui passent et voient d’autres horizons, les pasteurs.
Justement, Abel, le principe féminin, est pasteur et pour faire vivre son troupeau, il doit bien utiliser les terres des sédentaires et entrer en intrus chez les autres.
Le drame universel est planté.

Comme YHVH préfère le sacrifice de Abel, Caïn faute de pouvoir se venger sur Dieu, le fait sur Abel.
D’autres se vengeront plus tard sur les Hébreux, ou sur le Maître, ou sur Christ,...sur l’autre.

Celui qui est différent, cet autre, cet intrus, cet Abel au principe féminin, c’est la femme dans une société d’hommes, et si l’on n'y prend pas garde, il est facile dans une société primaire de devenir misogyne.

Dans les sociétés d’hommes évolués, ou voués à l’évolution, l’homme a compris que la Force du monde de l’Action était rejetée par la Beauté.
Le besoin s’est fait ressentir de connaître l’autre soi-même, la femme,  sous un autre plan que celui purement matériel.
Aux cultes matériels, de la Terre féconde, de la Matrice Universelle, c’est alors ajouter une dimension spirituelle pour quelques hommes et dans la recherche qui s’en est suivie, la réalité a donné place à un idéal.
Je pense que c’est à ce moment de la pensée humaine, que la Dame de Chartres est née.
L’homme venait de comprendre que c’était une voie pour rejoindre l’UN, la Sagesse, le Père et la Mère, unis dans l’Amour.

Les Traditions secondaires racontent chacune à leur façon des histoires qui sont faites pour donner à réfléchir, au sens propre du terme.
Celle d’Adam et Eve, qui nous est familière, est un exemple parfait.

Adam ne se pose pas de questions, tout comme l’UN, YHVH, il est détenteur du Verbe, de la Parole et donc, comme YHVH, il crée, dans ce Paradis, hors du temps Profane. En fait, il suit le chemin tracé, entièrement extérieur et parfaitement sclérosant.
 
Eve propose à Adam de croquer la pomme. 

Adam à partir de la, est viré du Paradis, perd son pouvoir de créer et devra subir les épreuves du temps.

Intéressant pour quelqu’un qui analyse. C’est en fait grâce à Eve, que l’homme va se poser des questions et progresser par lui-même.
En un mot: Il participera et aidera à la création du monde suite à l’impulsion d’Eve.

A partir de la, il cherchera à retrouver ses pouvoirs, sa Parole Perdue, à retourner à cette époque dorée, au Temps perdu, à la source originelle, au Paradis perdu.

Et tout ça grâce à qui ? Est-ce bien Eve la seule inspiratrice ? Ou pour parler moderne, qui est derrière ce coup là ?

Toujours est-il que dans notre Tradition, la place de la Dame c’est peu à peu imposée.

Au travers des siècles et depuis la plus haute antiquité, il y a eu des tentatives dans cette direction.
Le combat chevaleresque devient un combat spirituel où le jeu d’échec remplace l’affrontement guerrier. Jeu où le Roi et la Dame sont toujours protégés par les Chevaliers.
L’enjeu n’est plus la possession, la domination de l’autre, mais le mariage divin, le désintéressement total.

L’homme découvre que la femme idéale, la Dame, reflète à l’extérieur, sa grande Beauté intérieure et est le reflet sur terre du Divin.
Le Chevalier aime la Dame, donc Dieu le Père.
En retour Dieu aime le Chevalier et la Dame.

Pour parler de cet Amour avec un grand « A »,  rappelons-nous de la Béatrice de Dante, cette Dame initiatrice, inspiration qui le mène au plus profond de lui-même.
C’est la Beauté apparente qui le conduit à la Sagesse intérieure.
Elle lui apprend l’Amor, l’A Mor qui supprime la Mort.
Elle lui apprend donc l’immortalité.
C’est l’Amour Courtois, le Fin Amor, qui permet de séparer le subtil de l’épais.
En rejetant la convoitise que peut être la femme, l’homme éloigne le désir charnel, matériel et reste pur. Il transcende son désir et transforme la Force brutale en Force vivifiante.
Celui qui arrive à cela, à unir la Force et la Beauté, est béni de la Sagesse.
Il a trouvé sa Voie Intérieure, la Voie Royale, la Voie du Milieu où tout est Paix. Le Centre de la Roue dans d’autres Traditions, le Centre du Monde.
Le Chevalier est alors Roi, Roi de la Reine, la Dame.
Il devra alors protéger la Veuve et l’Orphelin.

Dans notre Tradition, la Dame Vierge donne sa Vie à celui qui donnera à son tour sa Vie pour les Hommes. Le Chevalier d’entre les Chevaliers sera alors représenté comme une Rose au centre de la Croix, lui qui vient de Celle que Bernard appelait Rosa-Mystica.

Cette Notre-Dame, cette Marie-Stella, le Chevalier lui doit l’Amour, l’Ardent Désir (De desirerium, nostalgie de l’Etoile).
Cette Etoile Flamboyante guidera notre héros dans un long voyage initiatique, sa quête au terme de laquelle, il épousera, il rejoindra, il se fondera dans sa source.  Il se réunifiera à celle qui, telle Isis, est comme lui, le fruit de la volonté de création de la Déité, la Mère, Sœur et Epouse à la fois, mais Dame avant tout.
Perpétuelle Union des complémentaires, de l’Actif et du Passif,  du moi mortel et du Soi immortel.

Pour nous, Franc-Maçons, la Dame est la Reine qui accompagne celui qui est dans le siège du Roi Salomon. C’est la Sagesse, la médiatrice entre le Ciel et la Terre.
Elle est aux côtés du V\ M\, (cet autre médiateur à l’Orient, dans le siège périlleux, but de tous les Chevaliers en quête).
Comme dans la Tradition Celtique, la Reine détient la souveraineté, le Roi ne faisant que d’appliquer sur le terrain ses indications spirituelles.
C’est elle qui le guide sur la Voie Royale, Voie du Milieu entre le Noir et le Blanc.

C’est lui qui reflète la Lumière de Gloire, cette Shékinah qu’il reçoit d’elle.

A Fulbert de Chartres, nous avons la chance de vivre sous l’aile protectrice de Notre-Dame.

Il nous appartient de faire en sorte de nous transformer progressivement, de nous transcender.
Il nous faut nous sacrifier, au sens de « sacrum facere », « acte sacré »,  à Dieu, Grand Architecte de l’Univers et à la Dame qui le symbolise, sous les actions de la Sagesse, de la Force et de la Beauté.
Alors, devenus soldats de Dieu, nous pourrons partir à l’aventure, c’est à dire à ce qui doit arriver, unis à la Dame, époux de la Reine devenue Déesse ou Fée, telle Morgane ou Viviane, hors du temps Profane et sur l’échelle qui permet le passage d’un monde à l’autre.

J’ai dit V\ M\

G\ B\


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