Le
Quaternaire
Il
y a dans la nature deux forces produisant un équilibre, et
les trois ne sont
qu'une seule loi. Voilà le ternaire se résumant
dans l'unité, et, en ajoutant
l'idée d'unité à celle du ternaire, on
arrive au quaternaire, premier nombre
carré et parfait, source de toutes les combinaisons
numériques et principe de
toutes les formes.
Affirmation, négation,
discussion, solution, telles sont les quatre opérations
philosophiques de l'esprit humain. La discussion concilie la
négation avec
l'affirmation en les rendant nécessaires l'une à
l'autre. C'est ainsi que le
ternaire philosophique, se produisant du binaire antagonique, se
complète par
le quaternaire, base carrée de toute
vérité.
Deux affirmations rendent
possibles ou nécessaires deux négations
correspondantes. L'être est signifié, le
néant n'est pas. L'affirmation, comme
Verbe, produit l'affirmation comme réalisation ou
incarnation du Verbe, et
chacune de ces affirmations correspond à la
négation de son contraire.
Mais tout ce qui existe,
soit en bien, soit en mal, soit dans la lumière, soit
dans l'ombre, existe et se révèle par le
quaternaire.
L'affirmation de l'unité suppose le nombre quatre, si cette
affirmation ne
tourne pas dans l'unité elle-même, comme dans un
cercle vicieux. Aussi le
ternaire, comme nous l'avons déjà
observé, s'explique-t-il par le binaire, et
se résout-il par le quaternaire, qui est l'unité
carrée des nombres pairs et la
base quadrangulaire du cube, unité de construction, de
solidité et de mesure.
La parole parfaite, celle qui est adéquate à la
pensée qu'elle exprime,
contient toujours virtuellement ou suppose un quaternaire :
l'idée et ses trois
formes nécessaires et corrélatives, puis aussi
l'image de la chose exprimée
avec les trois termes du jugement qui la qualifie. Quand je dis :
« L'être
existe », j'affirme implicitement que le
néant n'existe pas.
Une hauteur, une largeur que la hauteur divise
géométriquement en deux, et une
profondeur séparée de la hauteur par
l'intersection de la largeur, voilà le
quaternaire naturel composé de deux lignes qui se croisent.
Il y a aussi dans
la nature quatre mouvements produit par deux forces qui se soutiennent
l'une
l'autre par leur tendance en sens contraire. Or la loi qui
régit les corps est
analogue et proportionnelle à celle qui gouverne les esprits.
Disons ici quelques mots des quatre éléments
magiques et des esprits
élémentaires.
Les éléments magiques sont : en alchimie, le sel,
le mercure, le soufre et
l'azoth ; en kabbale, le macroprosope, le microprosope, et les deux
mères ; en
hiéroglyphes, l'homme, l'aigle, le lion et le taureau ; en
physique ancienne,
suivant les termes et les idées vulgaires, l'air, l'eau, la
terre et le feu.
En science magique, on sait que l'eau n'est pas de l'eau ordinaire ;
que le feu
n'est pas simplement du feu, etc. Ces expressions cachent un sens plus
relevé.
La science moderne a décomposé les quatre
éléments des Anciens et y a trouvé
beaucoup de corps prétendus simples. Ce qui est simple,
c'est la substance
primitive et proprement dite ; il n'y a donc qu'un
élément matériel, et cet
élément se manifeste toujours par le quaternaire
dans ses formes. Nous
conserverons donc la savante distinction des apparences
élémentaires admise par
les Anciens, et nous reconnaîtrons l'air, le feu, la terre et
l'eau pour les
quatre éléments positifs et visibles de la magie.
Le subtil et l'épais, le dissolvant rapide et le dissolvant
lent, ou les
instruments du chaud et du froid, forment en physique occulte les deux
principes positifs et les deux principes négatifs du
quaternaire.
L'air et la terre
représentent ainsi le principe mâle, le
feu et l'eau se rapportent au principe femelle, puisque la croix
philosophique
des pentacles est un hiéroglyphe primitif et
élémentaire du lingam des
gymnosophistes.
À ces quatre formes élémentaires
correspondent les quatre idées philosophiques
suivantes : l'Esprit, la Matière, le Mouvement, le Repos.
La science toute entière, en effet, est dans l'intelligence
de ces quatre
choses, que l'alchimie réduisait à trois,
l'Absolu, le Fixe, le Volatil.
Or les esprits créés, étant
appelés à l'émancipation par
l'épreuve, sont placés
dès leur naissance entre ces quatre forces, les deux
positives et les deux
négatives, et se sont mis à même
d'affirmer ou de nier le bien, de choisir la
vie ou la mort. Trouver le point fixe, c'est-à-dire le
centre moral de la
croix, est le premier problème qui leur est donné
à résoudre ; leur première
conquête doit être celle de leur propre
liberté.
Ils commencent donc par être entraînés
les uns au nord, les autres au midi, les
uns à droite, les autres à gauche, et, tant
qu'ils ne sont pas libres, ils ne
peuvent avoir l'usage de la raison, ni s'incarner autrement que dans
des formes
animales. Ces esprits non émancipés, sont ce que
les kabbalistes appellent des
démons élémentaires, et ils peuplent
les éléments qui correspondent à leur
état
de servitude. Il existe donc réellement des sylphes, des
ondins, des gnomes et
des salamandres, les uns errant et cherchant à s'incarner,
les autres incarnés,
et vivant sur la terre. Ce sont des hommes vicieux et imparfaits.
Ajoutons maintenant l'unité au quaternaire, et nous aurons
ensemble et
séparément les idées de la
synthèse et de l'analyse divines, le dieu des
initiés et celui des profanes. Ici le dogme se popularise et
devient moins
abstrait ; le grand Hiérophante intervient.
par Eliphas LEVI publié dans : symbolisme
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