Cosmogonie
chrétienne
La Création des
premiers éléments
Après
avoir débuté
par ces paroles « Au commencement Dieu créa le
ciel et la terre », le texte
biblique ajoute : « La terre était informe et nue,
les ténèbres couvraient la
face de l'abîme; et l'Esprit de Dieu était
porté sur les eaux. » (Genèse ch.I
v. 2).
Dans le premier
verset
il n'est question que du ciel et de la terre, tandis que, dans le
second, il
est parlé de l'Esprit de Dieu, des eaux, de la terre et de
l'abîme.
Nous allons voir le sens de ce quaternaire et, d'abord, du binaire qui
l'a
précédé.
Ce n'est pas le
firmament
physique qu'il faut entendre par le mot ciel, mais le plan de l'Esprit,
le
séjour des anges. Voici ce qu'en dit
saint Thomas d'Aquin : «
Dans ces paroles : « Au commencement, Dieu créa le
ciel et la terre » le mot
ciel, selon Strabus, signifie l'empyrée ou ciel de feu et
non pas le firmament
que nous voyons. Bède et saint Basile
sont du même
avis. Le Ciel empyrée, selon ces trois
auteurs, n'est autre que le
séjour des bienheureux... »
La terre,
opposée au mot
ciel, ne signifie pas seulement notre planète, mais toute
matière.
Or la Tradition
antique
enseignait précisément que, lorsque le Verbe ou
Logos, créa-teur unique du
Monde réel, issu de l'Absolu inconnaissable, S'est
manifesté sur les écrans
relatifs du temps et de l'espace, Il a d'abord donné
naissance à deux principes
: l'Etre et le Non-Etre. Ce dernier n'est pas le
néant qui serait
l'impossibilité d'exister, mais l'inertie, le principe
passif opposé à la
spontanéité de l'Etre. Le
non-être est capable de devenir et, en
fait, il est appelé à l'existence par l'action du
Principe actif et
spontané. C'est le Ciel et la Terre du
texte sacré.
Dans cette
trinité :
Verbe, Etre et Non-Etre, qui correspond à Esprit,
Énergie ou Âme et Matière,
l'Énergie, à son tour, s'est polarisée
en Substance et Essence.
D'où les quatre principes suivants :
Esprit,
Substance,
Essence et Matière lesquels, pour former le Monde
réel, se sont manifestés par
les éléments des Anciens : le Feu, l'Air, l'Eau
et la Terre.
Ces
éléments sont
donc « des formes de l'Énergie, des
agents cosmiques qui représentent le
processus par lequel l'Esprit s'incarne dans la matière,
l'Etre dans le
non-être, le Ciel dans la terre. »
Le Feu
représente
l'Esprit créateur; l'Air est ce même Esprit
descendant au rôle de la Substance
qui est « la faculté de rester indivisible
à travers toutes les modifications
qui constituent le progrès de la Vie
». L'Eau tient de la Matière;
« c'est l'Essence en tant qu'issue de la Matière
pour s'élever vers l'Esprit »;
et l'Essence est elle-même « la faculté
d'arriver au plus haut degré de
réalité
et de durée ». Enfin la Terre
est la Matière en tant que substance
concrète.
Dans le texte
mosaïque
cité plus haut, ces quatre éléments
sont représentés par les mots Esprit (ou
Feu), eaux (air et eau) et terre.
Qu'on ne nous
accuse pas
de faire là de l'ésotérisme ou bien,
après avoir, nous-mêmes,
précédemment
combattu et écarté le panthéisme, de le
réintégrer de
nouveau, sous une forme déguisée, en
définissant, selon les astrologues, chaque
élément par un rôle spécial
de l'Esprit, comme nous l'avons fait plus haut,
accusation qui serait inexacte et contraire à notre
pensée.
Il n'en reste
pas moins
certain que le non-être n'est appelé à
l'existence que par la puissance de
l'Etre.
Il ne faut donc
pas s'étonner
si les différents modes de cette action créatrice
ont reçu des noms matériels,
figurant un lien spécial entre l'espace et l'Esprit qui
l'informe et desti-nés,
d'ailleurs, à nous en faciliter la compréhension.
L'erreur
panthéiste
consiste à affirmer que la Nature est
émanée de la substance de Dieu, qu'elle
est ce Dieu inconnaissable manifeste. Or le temps
et l'espace
constituent l'étoffe même de la Nature,
tandis qu'ils n'ont rien de
commun avec l'Absolu et ne peuvent, en aucune manière,
donner une idée de
Lui. Ces deux facteurs comportent les notions de
succession
d'étendue, de limites, toutes incompatibles avec celle de
l'Absolu qui est la
permanence, l'infini la plénitude,
l'immutabilité. La difficulté
que nous avons de concevoir Dieu provient même de ce que, ne
constatant autour
de nous que des modalités de l'espace et du temps, nous nous
obstinons à
vouloir nous Le représenter avec ces données
imparfaites et
bornées. C'est, au con-traire, en
faisant abstraction complète de ces
idées relatives que nous pourrions entrer dans la voie qui
mène à la notion de
l'Absolu.
Ainsi la nature
n'est
pas Dieu, mais elle est le non-être appelé
à l'existence par l'action divine.
La doctrine
catholique
la plus orthodoxe reconnaît explicitement le rôle
et la présence spéciale de
Dieu dans les moindres choses
créées. « La cause
exemplaire des
créatures, est-elle hors de Dieu ? » demande saint
Thomas . Et
voici sa réponse : « L'artisan qui donne
à la matière des formes
déterminées a
sous les yeux ou dans l'esprit un modèle qu'il veut
reproduire. La
divine Sagesse renferme ainsi les raisons de tous les êtres,
c'est-à-dire leurs
idées, formes ou exemplaires; et, quoique ces
idées se multiplient dans les
choses extérieures, elles ne diffèrent pas, en
réalité, de l'essence divine,
dont la ressemblance est diversement communiquée aux
créatures. De
cette manière, l'exemplaire de tout ce qui existe est non
seulement en Dieu,
mais est Dieu même. »
Dans un autre
chapitre,
le même théologien s'exprime ainsi : «
Dieu opère-t-il dans tout être qui
opère
? » -Dieu opère dans tout
agent. « Seigneur, vous avez
opéré dans
toutes vos oeuvres », disait un jour Isaïe (XXVI,
12).
« Il
ne faut pas
entendre, toutefois, que les agents soient
dépouillés de leurs opéra-tions
propres. Dieu opère dans tous les
êtres finalement, puisque toute
oeuvre a pour but un bien quelconque; effectivement, comme la
première cause
qui a donne leur vertu aux causes secondes; formellement, en maintenant
les
agents dans tout leur être. De cette
sorte il est l'agent le plus
intime dans toutes les opérations possibles, comme il est la
cause de ce qu'il
y a de plus profond dans les choses. »
Ces deux
citations du plus célèbre des
théologiens
suffiront à calmer les scrupules des orthodoxes
timorés. Voici, au
surplus, parmi les maîtres modernes, l'opinion de l'un des
plus illustres, le
Père Gratry, dans son bel ouvrage « Les Sources
»; au chapitre « Les aphorismes
de la science du devoir » :
«
Je supplie
Dieu d'ouvrir les yeux à tous les hommes qui pensent, afin
qu'ils se liguent
pour comprendre et pour faire comprendre ce point : Le Père
est avec nous;
notre Dieu est en nous. Il vit en nous et il veut
nous guider, et
nous, ses enfants libres, nous suivons ou
résistons. Eh quoi
! est-ce que la profonde séduction du
Panthéisme, jointe à sa
manifeste absurdité, ne nous ouvriront pas les yeux
? Ne
comprenez-vous pas qu'assurément tout être n'est
pas Dieu, mais qu'en tout être
est Dieu, surtout dans l'âme intelligente et libre
où il opère, éclaire,
inspire ? »
Oui «
tout être n'est
pas Dieu », car les imperfections, les laideurs, les
violences, les convoitises
que les créatures manifestent ne sauraient
évidemment provenir de Lui,
souveraine perfection et doivent, par suite, représenter,
dans ces êtres, les
convulsions de l'Inerte à qui il coûte
d'être arrachée à elle-même
et amenée à
l'activité libératrice du Principe
spontané.
Par contre,
« en tout
être est Dieu »; cette affirmation de
l'abbé Gratry est aussi légitime que la
précédente, et on ne saurait guère la
taxer de panthéisme. C'est le
rayon divin qui se trouve dans toute créature, qui doit la
conduire à son salut
en la dépouillant, par les travaux et les
épreuves de la vie évolutive,
de l'égoïsme et des ténèbres
qu'elle contient et qui l'asservissent et en
l'amenant graduellement vers l'affranchissement et la
lumière de l'amour.
L'Évangile
de saint Jean
ne dit-il pas que « le Christ est la lumière qui
éclaire tout homme venant en
ce monde » ? et, au chapitre XVII de ce
même livre, dans Sa prière,
après la Cène, Jésus, parlant de Ses
disciples, ne s'adresse-t-Il pas à Son
Père en ces termes : « Je suis en eux et vous en
moi, afin qu'ils soient
consommés dans l'unité... Afin qu'ils
soient un tous ensemble, comme
vous, Père, êtes en moi et moi en vous : qu'ils
soient de même un en nous » ?
A
différentes reprises
Jésus S'est identifié avec les
créatures : « Ce que vous avez fait à
l'un de
ces plus petits de mes frères, c'est à
moi-même que vous l'avez fait
». Il nous recommande constamment de
prier « le Père qui est dans
le secret » et qui voit et juge intérieurement
toutes nos actions; Il nous
déclare que le Ciel est en dedans de nous. »
Saint Paul, de
son côté,
affirme que nous sommes enfants et héritiers de Dieu et
cohéritiers de
Jésus-Christ (Romains VIII, 16,17), que nous sommes de race
divine (Actes XVII,
28).
Nous pourrions
multiplier les citations; celles que nous avons produites
suffiront. Oui, Dieu est, en tout être,
le Principe qui le guide
vers sa destinée, la sauvegarde qui le protège
des abîmes, la source de toute
inspiration et de tout bien. Cette
présence mystérieuse et
universelle, c'est Jésus, le Verbe divin « par qui
tout a été fait ».
Ne soyons donc
pas
étonnés si l'on a défini par un
rôle spécial de l'Esprit chacun des quatre
éléments qui ont contribué, au cours
des six jours de la création, à la
constitution des êtres individuels et, finalement,
à celle de l'homme,
couronnement de l'oeuvre.
L'Oeuvre
des six jours
Dans le
récit
biblique les paroles commentées : « Au
commencement Dieu créa le ciel et la
terre. La terre était informe et nue...,
etc. » sont situées avant
les versets relatifs aux six jours de la création proprement
dite.
C'est qu'elles se rapportent, en effet, à la production des
premiers éléments
non encore individualisés. L'action
créatrice va se préciser au
cours des six jours ou périodes, comme nous allons le voir,
en ce sens qu'elle
va assigner à chaque élément son
rôle spécial, en vue de concourir à la
constitution et au progrès des êtres individuels.
Les trois
premières «
époques » représentent le courant
involutif suivant lequel le Feu spirituel,
sous forme de Lumière (oeuvre du premier jour) est descendu
d'abord au niveau
du firmament des eaux, ou de la substance et de l'essence
(réalisation de la
deuxième époque), pour aboutir à la
région de la terre (au cours de la
troisième).
Les trois
autres
périodes répondent au courant ascensionnel,
pendant lequel les anges qui
président à la formation des êtres (les
Puissances planétaires de
l'Astrologie), et qui correspondent aux luminaires, oeuvre du
quatrième jour,
selon la Bible, vont guider l'évolution des
premières créatures les plus
simples, les poissons et les oiseaux (produits du cinquième
jour), puis celle
des animaux supérieurs et de l'homme (oeuvre du
sixième et dernier).
D'après
la Genèse, aussitôt que Dieu S'est
placé
en face du Non-Etre pour faire apparaître le Ciel et la
Terre, avec les
premiers éléments, Il dit : « Que la
lumière soit » et la lumière fut.
Pour
saint
Augustin, cette lumière, la première
constituée, représente la nature
angélique. Or l'ange est l'expression
même de la Pensée, de la
Volonté divine.
Selon les
astrologues, «
le Soleil spirituel, premier principe et chef du Zodiaque, est, en
effet, la représentation
du Verbe divin dans l'activité de notre Monde »;
c'est lui qui distribue la
vie, c'est-à-dire la spontanéité et
qui est, dans chaque individu,
intérieurement, « la conscience de sa propre
unité et de son origine divine
». La spontanéité
est le principe radical de l'être, le germe de la
liberté, ce qui constitue essentiellement la vie; la force
et l'énergie »en
sont que les servantes.
Saint Jean
l'Évangéliste
l'a bien dit : « En Lui (le Verbe) était la vie et
la vie était la lumière des
hommes. »
Dans le monde
élémentaire, le Soleil spirituel «
partage la Pensée divine qui lui a été
confiée en autant de pensées individuelles qu'il
est nécessaire d'en distribuer
dans le cycle qui naît », puis il leur communique
la volonté progressivement
libre jusqu'à ce qu'elles arrivent à
l'illumination définitive. «
Il n'exerce aucune contrainte sur les créatures, mais Il les
sollicite
incessamment par la palpitation de Ses ondes amoureuses. »
Transposez
cette
description astrologique en termes chrétiens, ajoutez-y la
notion surnaturelle
de la grâce et vous verrez l'analogie qu'elle
présente avec l'action de notre
Christ qui veut, en effet, le salut de tous les êtres, les
appelle tous à
l'amour et à la connaissance du Père et ne cesse
de « solliciter » le pécheur,
comme « le bon berger qui laisse là tout le
troupeau et va chercher la brebis
égarée, parcourt les vallées et les
montagnes et ne revient qu'après l'avoir
retrouvée et ramenée ».
Le second jour,
suivant
la Genèse, « Dieu dit : Que le firmament soit fait
au milieu des eaux et qu'il
sépare les eaux d'avec les eaux. Et Dieu
fit le firmament et il
sépara les eaux qui étaient sous le firmament
d'avec celles qui étaient
au-dessus... » De quelles eaux s'agit--il
? Celles qui sont sous le
firmament spirituel sont les inférieures, domaine turbulent
des forces
passionnelles, là où les êtres sont
encore dans le degré de la bestialité et
où
se livrent ces luttes implacables et s'exercent ces conflits et ces
convoitises
violentes dont la vie animale est le théâtre.
Quand les
créatures ont
franchi le firmament intermédiaire, elles
accèdent au domaine des eaux
supérieures et spirituelles. C'est pourquoi la Bible ajoute
: « Et Dieu donna
au firmament le nom de Ciel ».
Ainsi,
à cette deuxième
période, l'expression du Feu spirituel, la
lumière, formée le premier jour,
s'est abaissée d'un degré dans sa
marche. Elle est descendue dans
la région des « eaux » ou des
éléments Air et Eau des Anciens, dans le plan
passionnel et sentimental. Nous allons la voir, au
troisième jour,
arriver jusqu'à la matière physique,
jusqu'à la terre.
En effet,
à cette
troisième période, Dieu dit : (Gen. I, 9) :
« Que les eaux qui sont sous le
ciel se rassemblent en un seul lieu et que
l'élément aride
paraisse. Dieu donna à
l'élément aride le nom de Terre... »
C'est la fin du
courant
involutif ou descendant. Observons-le, maintenant,
dans sa phase
ascensionnelle, avec les trois périodes suivantes de la
création, où les
premiers êtres formés, d'abord rudimentaires, vont
recevoir des organismes de
plus en plus compliqués et perfectionnés,
capables de mieux recevoir et
manifester la vie spirituelle.
Il fallait que
cette
évolution fût guidée par des agents du
Verbe divin, intermédiaires entre Lui et
les créatures et collaborateurs de Son oeuvre
providentielle. Aussi
trouvons-nous, à cette époque de
transition entre les deux courants
descendant et ascendant, c'est-à-dire au
quatrième jour selon la Bible, la
mention des luminaires ou astres qui doivent présider
à la naissance et au
gouvernement des êtres.
Lorsqu'il
s'était agi de
la création des premiers éléments,
c'est l'agent supérieur qui a été
formé le
premier, la lumière, avant la séparation des eaux
et l'apparition de la
terre. Il y avait lieu, alors, de
préparer les séjours ou lieux de
résidence destinés à recevoir, nourrir
et abriter les êtres individuels
futurs. Dieu a, pour ainsi dire, bâti la
maison en vue d'y amener
des occupants. Dans cette construction grandiose,
Il a commencé par
l'élément fondamental : la lumière,
qui devait guider et éclairer tout le
reste. De même, lorsqu'il s'est agi de
constituer les créatures
individuelles elles-mêmes, les âmes, ce sont les
habitants de la lumière, les
anges, destinés à gouverner leurs
frères inférieurs, que Dieu a formés
les
premiers.
L'opinion
matérialiste
et mécaniste qui représente la vie comme naissant
fortuitement, d'abord dans
les êtres rudimentaires, pour être transmise
ensuite, par filiation
progressive, aux individus supérieurs, n'est en effet que le
résultat d'une
observation superficielle. Une étude
plus approfondie montre
qu'antérieurement à ce courant
évolutif que la science observe, parce qu'il est
apparent, il y a eu un courant involutif, invisible pour nous, par
lequel, au
contraire, c'est la vie supérieure, la lumière
d'En Haut, qui s'est la première
abaissée vers le non-être, vers l'espace inerte,
pour le vivifier et l'élever
vers elle. Sans cette première descente
des forces spirituelles,
l'évolution ascensionnelle dont nous observons les effets
devient
incom-préhensible. Aussi les savants
transformistes ont ils eu beau
chercher, ils n'ont pas pu encore expliquer la genèse de la
vie dans les êtres
inférieurs et les protozoaires et ne le pourront jamais,
d'après leur système.
Il est absurde
de penser
que la vie puisse naître du hasard et animer les
premières formes végétales ou
animales, si celles-ci ne l'ont pas d'abord reçue de l'Etre
existant par
lui-même, source de toute vie, et cela par
l'intermédiaire d'autres créatures
supérieures quoique invisibles.
Nos yeux de
chair ne
voient que le résultat de cette action
mystérieuse qui se traduit par
l'évolution des formes
matérielles. Cela nous porte
à conclure
hâtivement à la naissance spontanée de
la vie, au début, dans les plus simples
de ces formes, ce qui est une vue imparfaite et inexacte des choses.
C'est donc
à juste titre
que Moïse a placé au quatrième jour, au
commencement du courant ascendant,
l'apparition des « corps de lumière »
dans le firmament; ces astres sont comme
les séjours spéciaux des grands êtres
ou génies qui devaient présider à la
vie
des créatures et cette affirmation de l'astrologie n'est
guère contraire à
notre foi. Saint Augustin n'a-t-il pas dit :
« Si les corps
célestes sont animés, leurs âmes font
partie de la société des anges » ?
Nous
étudierons le rôle
spécial de ces êtres, en rapprochant, sur ce
sujet, les données chrétiennes de
celles anciennes cosmogonies et en en montrant les divergences.
Pour le moment,
contentons-nous d'avoir marqué la
légitimité de la mention qui a
été faite, dans le récit biblique, de
l'apparition de ces astres à la quatrième
époque de la Création. Et, pour ce qui
concerne l'oeuvre des cinquième et
sixième époques, rappelons
que ce qu'en dit le texte sacré est conforme aux
données des sciences modernes,
en relatant que ce sont les créatures les plus simples,
« les poissons et les
oiseaux », qui ont vu le jour les premières et
ensuite les animaux supérieurs,
pour aboutir enfin à la formation de l'homme, sommet de la
création, destiné à
établir le lien entre le monde de la matière et
celui de l'Esprit.
La
Providence et les lois cosmologiques
L'étude
du développement de la Création et de
l'évolution des êtres montre une
constante sollicitude de la part du Créateur, qui s'exerce
par l'intermédiaire
d'Anges ou Agents du Verbe.
Voici comment
les
théologiens envisagent la question : « Les anges
gouvernent-ils les créatures
corporelles ?... La force d'un corps étant moins
universelle que celle
d'une substance spirituelle, les êtres corporels sont
régis par les anges : tel
est le sentiment non seulement des saints Docteurs, mais encore des
philosophes
qui ont reconnu l'existence des êtres spirituels . »
« Les
« corps célestes »
peuvent être regardés comme la cause des
mouvements variés et multiformes des
corps inférieurs... Ils peuvent même
avoir sur notre intelligence et sur
notre volonté une action indirecte... » Enfin il y
a un « destin » en ce sens,
dit Boëce « qu'il est une disposition
inhérente aux choses mobiles, par laquelle
la Providence les soumet à ses desseins. » -
« La rencontre de deux serviteurs
envoyés au même lieu par un maître qui
n'a pas fait connaître à l'un la mission
de l'autre, est fortuite pour eux; elle ne l'est pas pour le
maître lui-même,
qui a tout ordonné . »
« Les
Pères de l'Église
ont admis, comme les Platoniciens, que divers esprits sont
préposés aux
différentes classes des êtres
matériels. Saint Augustin va
jusqu'à
dire qu'il n'est nulle chose visible qui ne soit sous la
présidence d'une puissance
angélique... On peut croire, avec
Origène, que des anges régissent les
bêtes et président à la naissance des
animaux, à l'accroissement des arbustes,
des plantes et des autres choses . »
Quant aux
classes diverses de ces Anges, on sait
que la théologie en admet neuf : les Séraphins,
les Chérubins, les Trônes, les
Dominations, les Vertus, les Puissances, les Principautés,
les Archanges et les
Anges. Il est intéressant de noter les
attributions que saint
Grégoire et saint Denis assignent, d'après
l'Écriture, à quelques-uns de ces
ordres angéliques :
«
Les
Séraphins (Isaïe VI) retracent, par leur nom,
l'amour divin dont ils sont
enflammés, et l'action puissante qu'ils exercent par
l'illumination, que l'on
compare à un incendie. Les
Chérubins (Ezech. X) possèdent le
privilège de la science. »
«
Les
Trônes reçoivent en quelque sorte Dieu en
eux-mêmes dans une habitation et sont
toujours ouverts pour le posséder et le transmettre aux
autres. »
Les
Dominations ont la mission de gouverner les créatures et il
en est ainsi des
autres ordres qui ont chacun une fonction spéciale dans la
direction de
l'Univers.
Sur ce
même sujet, il sera suggestif de comparer
le passage du Sermon sur la Montagne de Sédir (pages 25 et
suivantes) dans
lequel il nous donne une idée du gouvernement spirituel de
notre
planète. Les lecteurs de ce beau livre
se rappellent, sans doute,
la poétique description de cette île de
rêve, reposant au milieu d'un lac
d'azur qui occupe, lui-même, le sommet d'une montagne
irréelle sise à deux mille
cinq cents lieues de la France... Là six
êtres extraordinaires, qui ne
sont pas semblables à nous, qui ne sont cependant pas des
fantômes, mais bien
des hommes vivants avec des corps spiritualisés et
rayonnants de splendeur, se
livrent à diverses occupations :
«
Un
scribe recueille tout ce que les hommes élaborent de saint
et livre au feu ce
qui est impur... C'est Elie revenu sous le nom du
Baptiste...
Derrière lui se tient Enoch, le septième fils
d'Adam, l'inventeur de la
science... »
«
Un
voyant, parcourant l'univers, recherche les
bénédictions que le Sauveur y sème,
les apporte à la Terre et remporte du livre d'Elie ce que
les autres mondes
peuvent en recevoir... C'est Jean le Vierge, le fils adoptif
de
Marie... Derrière lui se tient Jacques qui
contemple et prie dans la
retraite la plus occulte. »
Enfin
Moïse
est là la figure vivante de l'Acte et du Vouloir et,
derrière lui, se tient
Melchissédec, le roi de Justice, le prêtre sans
parents.
«
Et
tous ensemble, ces six sont un seul être et un seul esprit;
ces trois sphères
sont une seule sphère : la forme du futur règne
de Dieu ici-bas. » « Un
septième être les contient tous, les dirige et les
emploie comme il le juge à
propos. Et on le nomme le Seigneur de la Terre.
»
«
Par
Enoch et par Elie parviennent aux créatures les eaux
célestes qui les
nourris-sent; par Jacques et par Jean, les clartés qui les
illuminent; par
Melchissédec et par Moise les
bénédictions qui les guérissent.
»
Ici il y a lieu
de nous
demander si l'on ne pourrait pas faire un rapprochement entre le
tableau de ces
six êtres avec leur Seigneur le Christ et celui des six
Puissances planétaires
de l'Astrologie, avec leur chef le Soleil zodiacal. Les
attributions de ces diverses puissances ne sont-elles pas comparables
entre
elles ? Selon les astrologues, le Soleil, Mars et
Jupiter
représentent le feu divin dans son pouvoir
créateur et illuminateur; le rôle de
Saturne et de Mercure est d'ordre intellectuel, tandis que la mission
de Vénus
est sentimentale et tutélaire. C'est de
la même manière que nous
avons vu, tout à l'heure, des privilèges et
influences similaires attribués aux
collaborateurs du Christ par Sédir et aux divers ordres
angéliques par les
théologiens.
L'analogie est
donc
évidente, mais ce n'est qu'une analogie. Il n'y a
pas identité
entre les Puissances planétaires ou Génies des
anciennes cosmogonies et les
Anges du christianisme; les uns et les autres existent, mais dans des
plans
différents. Les premiers appartiennent
à l'astral, au domaine de l'Invisible
créé, soumis au Destin, à ce que l'on
appelle le « Spiritus mundi
». Les seconds seuls relèvent
du « Royaume de Dieu », du domaine
incréé de la Liberté et du Surnaturel,
domaine absolument distinct du Monde et
transcendant, ainsi que nous le verrons plus loin.
L'analogie
apparente du
rôle des uns et des autres vient de ce que les deux royaumes
(celui de l'Absolu
et celui du Relatif) sont, pour ainsi dire, concentriques et
s'interpénètrent. L'Absolu
pénètre le relatif, comme l'éther,
selon
les savants, pénètre toute matière,
tout en lui laissant son action propre et
en ne gênant nullement ses mouvements.
oute initiative
qui part
du Royaume de Dieu se répercute dans les divers plans du
Créé, selon le mode
d'être spécial à ces
plans. Il n'y a donc pas lieu de
s'étonner
s'il existe une analogie entre les divers êtres et modes
d'action des êtres qui
habitent ces plans différents. L'homme
lui-même n'est-il pas un
microcosme « formé à l'image de son
Créateur » ?
Les Anges
collaborateurs
du Verbe ne sont donc pas les mêmes entités
spirituelles que les génies
planétaires de l'occultisme, bien que ceux-ci aient, dans
l'Invisible créé ou
astral, des attributions analogues à celles des Anges dans
le Royaume de Dieu.
Il y a, entre
ces deux
catégories d'êtres, une autre distinction
essentielle que nous tenons à
mentionner : Jupiter, Mars, Saturne et les autres Génies des
Anciens
apparaissent comme des entités très distantes,
qui se contentent d'influencer
les créatures pour leur bien, sans jamais pourtant
s'abaisser jusqu'à elles,
tandis que notre Christ et Ses collaborateurs, bien qu'appartenant au
Royaume
incréé et absolu, se sont
volontairement humiliés jusqu'à notre niveau;
ils ont pris des corps de chair, sont apparus dans l'histoire de notre
humanité
et nous ont donné, eux-mêmes, personnellement,
l'exemple du
sacrifice. Le Christ n'est pas seulement Dieu, mais
Dieu et
Homme. Elie, Jean, Moïse, Enoch, Jacques
et Melchissédec ne sont
pas des entités cosmiques, mais, d'une part, des Anges du
Tout-Puissant au sens
théologique du mot et, d'autre part, des figures humaines et
vivantes.
e christianisme
a donc
rapproché le Ciel de la Terre, en élevant et
surnaturalisant celle-ci et en y
établissant ce pont qui permet à ses habitants
d'atteindre l'Absolu.
Il a été le couronnement du grandiose
édifice du salut dont les bases ont
été
jetées depuis la création.
Il a ennobli,
élevé, confirmé,
précisé les
espérances que les hommes, avant lui, ne faisaient
qu'entrevoir, comme au
travers d'un voile. C'est là
l'illustration de cette idée de saint
Augustin que la sagesse des Anciens était une
préfiguration de la sagesse de
L'Évangile.
Le
rôle de
l'Homme dans l'Univers
L'étude
de
l'Oeuvre des six jours révèle dans l'action
créatrice, comme nous l'avons vu
l'existence de deux courants, comprenant chacun trois phases distinctes
:
1° le
courant involutif
par lequel le Feu céleste, représentant le Verbe
divin, après avoir traversé le
plan abstrait, descend au monde intermédiaire des eaux
astrales, pour aboutir
enfin au plan sensible, à la région de la Terre;
2° le
courant évolutif
ou ascendant qui est, au contraire, une remontée des
êtres, sous l'influence
des Anges des régions de la Matière à
travers les régions astrales et mentales,
vers celles de l'Esprit.
Ainsi le Cosmos
a une
constitution triple, savoir :
a) le Monde
abstrait.... (le Mental, les Nombres)
b) le Monde des
forces... (l'Astral, le Spiritus Mundi)
c) le Monde
sensible.... (les corps physiques)
Ces trois
mondes sont
soumis au Destin, à la Loi et constituent l'Univers
créé.
Au-dessus de ce
dernier,
il y a le Royaume de Dieu, c'est-à-dire l'Absolu,
l'Incréé, le domaine de la
grâce, là où le Destin n'a plus
d'empire et où s'exercent la Miséricorde et la
Liberté.
Cette
distinction essentielle
entre la nature et le Surnaturel, le fini et l'Infini, est ce qui
caractérise
les trois grandes religions qui se réclament de la
révélation primitive faite à
Abraham: le christianisme, le judaïsme et
l'islamisme. Toutes trois
professent la transcendance divine et se gardent bien d'identifier la
Nature et
son Auteur; elles préservent ainsi leurs fidèles
du poison fascinant du
panthéisme; car ce dernier n'est qu'un
matérialisme déguisé, faussement
idéalisé, et c'est ce qui en fait le charme
trompeur et décevant. Dans cette distinction
capitale entre le Monde et Dieu,
disons-nous, réside la grande et antique
Tradition. Les études les
plus récentes et les plus lumineuses sur la Kabbale juive et
sur les
vrais enseignements des anciens rabbins, celles d'un
chevalier Drach,
d'un Vulliaud, etc., tout en faisant justice de l'accusation gratuite
de
panthéisme lancée, à la
légère, contre les dits enseignements, montrent,
au
contraire, leur caractère nettement monothéiste
et leur parfaite concordance avec
les doctrines les plus élevées du
christianisme. Malgré les
divergences de détail ou d'expression, le fond n'a pas
varié depuis l'origine :
il consiste à affirmer l'existence d'un Etre absolu qui,
ayant créé l'univers,
ne l'a pas laissé aller au hasard, ni abandonné
à jamais à la rigueur du
Destin, mais s'est penché sur lui pour le sauver de son
inertie native et
l'amener au royaume de la Liberté. Ce
geste de miséricorde et de
secours, c'est le Messie, c'est l'Incarnation du Verbe,
l'Envoyé du Père.
La croyance
à la
transcendance et à la sollicitude divine pour la
Création se ramène donc, en
définitive, à la doctrine de
Jésus-Christ Fils unique de Dieu « par qui tout a
été fait » et tout doit être
sauvé, et si l'unanimité des fidèles
des trois
grandes religions précitées n'y
adhèrent pas encore, c'est que les temps ne
sont pas révolus : il viendra une époque
où ils y adhéreront, car ce dogme
forme le fond, la quintessence de leur foi en un Dieu providence,
indépendant
du monde.
Selon cette
doctrine, il
doit y avoir communication constante entre le Créateur et
Son oeuvre, entre le
Ciel et la terre. Quelle sera, parmi les Puissances
créées, celle
plus spécialement chargée de cette communication,
celle qui, selon l'expression
de F.-Ch. Barlet, « aura pour mission de recevoir
l'influx éternel de
divinité, de le réaliser par un effort personnel
adéquat », puis de le
transmettre au monde sensible et, par contre, de faire
évoluer et progresser ce
dernier, de manière à le spiritualiser,
à son tour, et à le conduire vers son
Créateur ? « Ce sera l'Homme,
l'homme universel, fait à l'image de
Dieu et dont l'humanité terrestre n'est que le rudiment
primordial. »
Nous trouvons,
en effet,
dans la constitution de l'homme la correspondance exacte de celle que
nous
avons signalée pour le Cosmos : par son corps physique il
appartient au monde
sensible; par son magnétisme et ses fluides il est en
relation avec l'Astral
et, enfin, son intelligence le fait communiquer avec
l'Abstrait.
Voilà pour le plan soumis au Destin.
Quant au
Royaume
surnaturel de la Liberté, l'homme peut aussi se mettre en
rapport avec lui,
grâce à son âme éternelle qui
est, comme dit Sédir « la fenêtre par
laquelle
nous voyons Dieu. » Nous avons déjà
prouvé, par les textes théologiques les
plus vénérables, que la croyance à la
présence spéciale de Dieu en nous est
conforme à l'orthodoxie chrétienne.
Nous
saisissons, ainsi, toute l'importance, la
dignité du rôle de l'homme et, en même
temps, sa grande
responsabilité. Collaborateur du Verbe
divin dont la lumière existe
en lui, prêtre universel, intermédiaire entre la
Nature et Dieu, l'homme a la
charge morale des créatures inférieures
à lui, dont il est le chef et
auxquelles il doit communiquer les grâces reçues
du Soleil spirituel qui est le
Christ. Heureux sera-t-il s'il comprend
l'excellence de sa mission
et la réalise par son effort
persévérant vers la sainteté
! Mais
combien grande sera sa chute, lourde sa dette et profonde sa
misère si,
intervertissant son rôle, il devient un sujet de scandale
pour les êtres placés
au-dessous de lui!
par E CATZEFLIS publié dans : Hauts
grades
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