Elles
sont au nombre de trois mais représentent les variations
politiques d’un seul
et même thème : la création
par le soleil à partir de
l’élément liquide.
La
cosmologie
héliopolitaine
est la plus ancienne. Au début était le Noun,
élément liquide incontrôlé
ou
"chaos " qui, après la création, reste
cantonné aux fanges du
monde organisé qu’il menace d’envahir si
l’équilibre de l’univers est rompu. Il
est le séjour des forces négatives et de ce qui
échappe aux catégories de
l’univers : les âmes en peine qui
n’ont pas bénéficié des
rites funéraires
appropriés ou les enfants mort-nés. De ce chaos
est issu le soleil "qui
est venu à l’existence de lui-même ".
Son apparition se fait sur
une butte de terre émergeant de l’eau,
symbolisée par la pierre benben,
objet d’un culte à Héliopolis. Ce dieu,
qui est son propre créateur, est
alternativement Rê, le soleil proprement dit, Atoum,
l’être ach evé par
excellence ou encore Khepri, représenté sous la
forme d’un scarabée.
Le
démiurge, en se masturbant, met au monde un
couple, le dieu Chou, le Sec, et la déesse Tefnout,
l’Humide. De l’union du Sec
et de l’Humide naît un deuxième
couple : le Ciel Nout et la Terre Geb. Ils
ont quatre enfants : Isis et Osiris, Seth et Nephtys. Le
second couple est
stérile. Le premier, qui est fertile, constitue le prototype
de la famille
royale.
Osiris, roi d'Egypte, est assassiné par son frère Seth,
contrepartie négative et violent de la force organisatrice
symbolisée par le
pharaon. Il s’empare du trône après sa
mort. Isis, modèle de l’épouse et de la
veuve, aidée de sa sœur Nephtys, reconstitue le
corps dépecé de son mari.
Anubis, le chacal né des amours illégitimes de
Nephtys avec Osiris, embaume le
roi défunt. Puis Isis donne le jour à un fils
posthume, Horus, homonyme du dieu
solaire d’Edfou et, comme lui, incarné par un
faucon. Elle le cache dans les
marais du Delta à proximité de la ville sainte de
Bouto avec la complicité de
la déesse Hathor, la vache nourricière.
L’enfant grandit, et après une longue
lutte contre son oncle Seth, obtient du tribunal des dieux
présidé par son
grand-père Geb d’être
réintégré dans l’h&e
acute;ritage de son père qui lui
se voit confier le royaume des morts.
A ce
schéma du règne des dieux se greffent de
nombreuses légendes secondaires.
Il est peu
question de la création même des hommes
qui semble contemporaine à celle du monde. Une exception, la
légende de
"l’œil de Rê ". Le soleil perd
son œil. Il envoie ses enfants
Chou et Tefnout à la recherche du fugitif mais le temps
passe sans que ceux-ci
ne reviennent. Il décide donc de remplacer
l’absent. Entre-temps, l’œil fugitif
revient et se voit remplacé. De rage, il se met à
pleurer et de ses larmes (remout)
naissent les hommes (remet). Rê le
transforme alors en cobra et
l’accroche à son front : il est
l’ur³ us chargé de foudroyer les ennemis
du dieu.
Le
thème de l’œil endommagé ou
remplacé connaît
plusieurs développement. Il sert aussi à
expliquer la naissance de la lune,
second œil de Rê confié à
Thot, le dieu scribe à tête d’Ibis. Il
évoque
également l’œil "sain "
d’Horus. Celui-ci en effet perdit un œil
lors du combat qui l’opposa à Seth pour la
possession du royaume
d’Égypte ; Thot le lui aurait rendu et en
aurait fait le prototype de
l’intégrité physique. C’est
la raison pour laquelle il figure d’ordinaire sur
les cercueils où il garantit au mort le plein usage de son
corps.
Rê,
roi des dieux, doit lutter pour conserver son
pouvoir que tentent de lui ravir chaque nuit lors de sa course dans
l’au-delà
des ennemis acharnés conduits par Apophis, personnification
des forces
négatives.
D’autres
tentatives sont menées contre le roi des
dieux. Par exemple, Isis, la Grande Magicienne, tente de prendre le
pouvoir sur
Rê en le faisant mordre par un serpent. Pour être
sauvé, il doit révéler à la
déesse ses noms secrets.
L’Égypte
possède aussi le mythe de la révolte des
hommes contre leur créateur qui décide de les
détruire. Il envoie sur terre son
œil sous la forme de la déesse Hathor. Celle-ci
dévore en un jour une partie de
l’humanité puis s’endort. Rê,
jugeant la punition suffisante répand de la bière
qui, mêlée aux eaux du Nil, à
l’apparence du sang. A son réveil, la
déesse lape
ce breuvage et s’écroule, ivre.
L’humanité est sauvée mais
Rê, déçu par elle,
se retire dans le ciel, sur le dos de la vache céleste qui
sera soutenue par le
dieu Chou. Il remet l’administration de la Terre à
Thot et les serpents,
insignes de la royauté, à Geb.
La
cosmologie
hermopolitaine :
Hermopolis, aujourd’hui Achmounein à environ 300
km du Caire, capitale du XVe
nome de Haute Égypte a élaboré sa
propre cosmologie. Le point de départ est le
même qu’à
Héliopolis : un chaos liquide dans lequel
s’ébattent quatre
couples de grenouilles et de serpents qui s’unissent pour
créer et déposer un
œuf sur une butte émergeant de l’eau.
Ces couples sont chacun composé d’un
élément et de sa parèdre :
Noun et Naunet, l’océan primordial, Het et
Hehet, l’eau qui cherche sa voie, Kekou et Keket,
l’obscurité, Amon, le dieu
caché et Amaunet.
La
troisième
cosmogonie
est
connue par un document unique et tardif (règne du souverain
kouchite Chabaka à
la charnière du VIIe et VIe siècle av. JC). Il
s’agit d’une dalle en granit
provenant du temple de Ptah à Memphis et
conservée au British Museum. Elle
combine les éléments des deux
précédentes tout en reconnaissant au dieu local
Ptah le rôle de démiurge. La création
se fait par combinaison de la pensée et
du verbe.
Du
mythe à
l’Histoire
L’intégration
du mythe à l’Histoire est connue
par les listes royales qui reproduisent les données des
cosmogonies (plus
particulièrement celle de Memphis) et évoquent
l’Age d’Or durant lequel les
dieux ont régné sur Terre.
Au départ se trouve le fondateur Ptah dont le rôle
est proche de celui de
Khnoum le potier qui a créé
l’humanité sur son tour avec de
l’argile. Rê lui
succède. Il est le prototype de la royauté
qu’il cédera à Chou, l’air,
séparateur
de la Terre et du Ciel. Suivront Geb puis Osiris. Enfin,
c’est Horus qui monte
sur le trône. Le Canon de Turin donne ensuite une
séquence de trois
dieux : Thot, Maât, représentant
l’équilibre, et un Horus dont le nom est
perdu. Neuf dieux leur succèdent et assurent la transition
vers le pouvoir des
fondateurs humains. Le Canon de Turin cite le premier "roi de Haute et
de
Basse Égypte " : Meni
(Ménès chez Eratosthène et
Manéthon) qui
est peut-être Narmer ou le roi Scorpion. La pierre de Palerme
parle du roi Aha
qui serait peut-être le "nom d’Horus " de
Narmer-Ménès.