Aperçu
Historique sur la Maçonnerie
« Egyptiènne »
Qui d’entre nous
n’a pas évoqué ou entendu
évoquer l’Egypte, en se
référant aux sources les plus ancestrales de la
tradition primordiale et de la transmission initiatique ? Sur le plan
historique, une telle affirmation mérite probablement
d’être tempérée par le fait
que les plus anciens égyptiens avaient sans doute
déjà été
influencés par les cultures sumériennes de
Mésopotamie. Mais qu’importe, on peut comprendre
que la force symbolique de quelques tablettes cunéiformes
soit moins marquante que celle des majestueuses pyramides, ces premiers
témoins de l’architecture sacrée qui
ont traversé 45 siècles pour venir nous rappeler
l’aspiration à
l’éternité des descendants du roi
Ménès, qu’Hérodote avait
appelé Misraïm.
Nous avons aussi parfois tendance à oublier que les 3000 ans
d’histoire de l’Egypte antique n'ont en fait
comporté que quelques siècles
d’apogée, entrecoupés par de longues
périodes de décadence
caractérisées par la corruption, les
invasions et autres luttes de pouvoir politiques ou religieuses. Telle
est l'histoire des hommes...
Ainsi, un millénaire sépare
l’époque des grandes pyramides et celle de la
puissance de clergé de Karnak, quand Thoutmosis III faisait
graver sur le portique de son temple, à propos
d’Amon-Râ : « c’est
lui, le Soleil, qui a fait tout ce qui est et rien n’a
été fait sans lui jamais ; le père des
choses, le créateur qui est la vie et la lumière ».
Vers la même époque, on lisait aussi dans le Livre
des Morts : « ...je suis
l’Éternel, je suis la Lumière. Je suis
celui qui a créé le Verbe. Je suis le Verbe »...
On connaissait aussi la confrérie initiatique des Serviteurs
dans la place de vérité ou d’harmonie
dont les membres tenaient régulièrement leurs
assemblées rituelles dans la grotte Deir el
Médineh, et dont l’une des légendes
évoquait le maître Nefer-hotep,
assassiné par un ouvrier qui voulait prendre sa place.
L’équerre, le niveau, la coudée
sacrée faisaient partie des nombreux symboles de ces hommes
qui divinisait la matière et le travail.
Ce milieu du deuxième millénaire est
particulièrement important en
Méditerranée, puisqu’il voit aussi
l’ébauche des Mystères
égéens en Crète, celle des
Mystères d'Éleusis où Isis sera
identifiée à Déméter, sans
parler de la révolution du culte d’Aton,
représentation abstraite et solaire d’un dieu
unique dont les rayons symbolisaient les attributs des anciennes
divinités.
Encore presque mille ans, et Thalès apporte en
Grèce l’art de la géométrie,
qu’il avait appris en Égypte. Puis vient
Pythagore, qui avait également acquis une partie de son
savoir en Égypte ; son nom serait une forme
hellénisée de Ptah Khour, Ptah est Grand. Il
enseigne que l’âme immortelle, qui
séjournait originellement dans la sphère
céleste des étoiles fixes, a
été précipitée sur terre
d’où elle cherche à
s’élever pour regagner
l’éther. Les petites comme les grandes choses
obéissent donc aux mêmes lois, l’on peut
faire des correspondances analogiques pour expliquer l¹univers
et en comprendre l’harmonie, par le déchiffrement
des rythmes du cosmos.
C'est aussi après avoir voyagé en Egypte et avoir
fréquenté les pythagoriciens que Platon estimera
que le monde des sens, des apparences, est une prison dont
l’âme doit se délivrer pour remonter
graduellement vers celui des Idées.
Alors que la civilisation égyptienne est depuis longtemps
moribonde, c’est en Grèce et à Rome que
l’on célébrera désormais les
Mystères égyptiens par les cultes
d’Isis, d’Osiris et de Horus, le fils de la veuve
Isis qui achève la trinité osirienne.
Dans les premiers siècles de l’ère
chrétienne, l’Egypte restera le creuset du
néoplatonisme et de l’hermétisme
alexandrin selon lequel l’Hermès
antédiluvien aurait appris la philosophie et
l’astronomie aux prêtres égyptiens. Il
aurait gravé les secrets des sciences sur des
stèles qu’il aurait dissimulées dans
les pyramides, avant que le monde ne soit détruit. Selon
certaines des légendes concernant Hermès
Trismégiste, il serait ancêtre de Pythagore et
petit-fils du dieu égyptien Thot.
Pour les égyptiens, Thot était
« le plus grand » ou le
« cinq fois grand », le scribe
d’Osiris et, à ce titre, il régnait sur
les signes et les nombres. Pour l’intégrer dans la
doctrine pythagoricienne, les grecs en ont fait le
« trois-fois grand » symbolisant
la réunion des contraires vers une unité
supérieure. C’est dans ce courant
hermétiste alexandrin que l’alchimie prendra son
essor au IIIème siècle. Précisons que
les hermétistes avaient une conception moniste de
l’univers ; ils refusaient d’avoir à
choisir entre le blanc et le noir, cherchant plutôt
à découvrir l’ensemble invisible qui
contient les contradictions, ces dernières
n’étant que des attributs de
l’apparence. Autant dire que nous avons là
quelques idées qui seront ensuite largement reprises et
développées par la franc-maçonnerie.
De fait, le plus ancien document connu des Anciens Devoirs de la
maçonnerie (le manuscrit Regius, en 1390) comporte un
récit légendaire racontant l’invention
et la propagation de la géométrie par Euclide en
Égypte, puis l’introduction de la
maçonnerie en Angleterre sous le roi Athelstan, qui
établira les statuts du métier.
Et puis le néoplatonisme, l’hermétisme
et l’alchimie vont connaître leur renaissance au
XVème siècle. Des auteurs comme Joachim de Flore,
Thomas a Kempis ou Thomas More inspireront le mouvement rose-croix, qui
émergera au début du XVIIème
siècle avec les écrits de Johann Valentin
Andreae, Robert Fludd, Francis Bacon, Michael Maier et Jacob Boehme
dont les principes seront largement repris par Martinès de
Pasqually.
Ces idées rosicruciennes vont alors rapidement
pénétrer dans les loges anglaises et dans des
institutions comme la Royal Society dont la majorité des
fondateurs et sociétaires étaient membres ou
proches des milieux théosophiques, rosicruciens et
maçonniques.
Quand arrive 1717 et le début officiel de la
maçonnerie spéculative moderne, il faut
brièvement camper le tableau religieux et politique de
l’époque : pour caricaturer, situons
d’un côté l’Ecosse catholique
et partisane des Stuarts qui tentent de reconquérir le
trône d’Angleterre perdu au siècle
précédent au profit des Hanovre ; de
l’autre côté l’Angleterre,
protestante, c’est-à-dire qui défend
une interprétation directe des écritures, sans
l’intermédiaire d’un clergé
et de ses dogmes.
C¹est en Italie que l’on situe les
prémisses de la future maçonnerie
égyptienne. On y trouve dès les années
1730 des loges accueillant des anglais partisans des Hanovre, mais
aussi des loges jacobites qui soutiennent les Stuarts.
Les hauts grades ésotériques s’y
développent, la provenance
judéo-égyptienne de l’initiation
maçonnique y sera introduite dans une loge romaine
fondée par sir Martin Folkes, ancien substitut Grand
Maître de la Grande Loge de Londres et futur
président de la Royal Society .
Puis en 1750, le prince dit San Severo est nommé grand
maître de la maçonnerie napolitaine, et
l’on dit que c’est à son entourage que
l’on devrait la première élaboration
(?) d’un rite templier (??) de Misraïm (???). Les
autres pays continentaux ne sont pas en reste : en Allemagne, Hermann
Fictuld lance en 1747 la fraternité de la Rose Croix
d’Or dont la doctrine mêle hermétisme
alchimique et ésotérisme chrétien.
En France, l’écossisme se développe
rapidement, mais d’autres systèmes font leur
apparition comme l’Ordre des Chevaliers Maçons
Élus-Cohen de l’Univers, qui sera
propagé dès 1754 par Dom Martinès de
Pasqually, alors que par ailleurs, la
« maçonnerie
rectifiée » fondé en 1751 par
le baron von Hund se réfère à une
filiation directe avec l’Ordre du Temple.
Dans toute l’Europe, la période 1760-1789 va alors
constituer le premier âge d’or des hauts-grades
maçonniques, des rites ésotériques et
des sociétés secrètes occultistes,
mais je n’aurais pas le temps de développer ici le
rôle de Jean-Baptiste Willermoz, l’influence du
Rite des Architectes Africains et de sa doctrine
hermético-chrétienne évoquant les
mystères de la Grande Pyramide, ou celle de
l’Ordre des Philalètes qui
s’était donné pour but de rassembler
toutes les informations possibles sur la maçonnerie, les
sociétés secrètes et les connaissances
occultes, afin de remonter à la source de la connaissance
primitive.
Faisons maintenant un petit détour à Malte,
où certains auteurs avancent que Cagliostro aurait
été initié dans la loge St Jean
d’Écosse du Secret et de l’Harmonie. Il
y aurait côtoyé Pinto, alchimiste et Grand
Maître de l’Ordre de Malte et Althotas, un
chevalier de Malte, membre de la SOT qui aurait introduit à
Malte un rite maçonnique occultiste. C’est alors
que le chevalier d’Aquino, frère du Grand
Maître de la maçonnerie écossaire
napolitaine, aurait ramené de Malte en Italie les trois
hauts grades Arcana Arcanorum , futurs grades terminaux
(87-88-89°) du rite primitif de Misraïm,
inspirés de l’hermétisme
égypto-hellénique. Il est possible que Cagliostro
y ait été initié et s’en
soit servi pour créer son propre rite de la Haute
Maçonnerie Égyptienne en trois hauts grades, aux
côtés d’éléments
inspirés de l’initiation martinéziste
des Elus Coens.
Cagliostro avait voyagé d’Angleterre en Russie, en
passant par l’Allemagne, où il avait
rencontré dom Pernety (fondateur du Rite des
Illuminés d’Avignon). Il y aurait
été initié à la Rose Croix
d’Or et aux Architectes Africains, après avoir
reçu des enseignements de théosophie et
d’occultisme. En 1784, il fonde à Lyon La Sagesse
Triomphante, loge-mère du rite de la Haute
Maçonnerie Egyptienne. Il en est le
« Grand Cophte », successeur
supposé du prophète Elie (qui est
présenté comme fondateur de la
« vraie maçonnerie »).
Cette loge comportait douze maîtres, les
« apôtres » du Grand
Cophte. Le rituel était hermétique et
théurgique, répondant à
l’ambiance de l’époque, férue
d’occultisme.
A Paris, Cagliostro constitue en 1785 un Suprême Conseil du
Rite Égyptien présidé par le duc de
Montmorency-Luxembourg, qui est par ailleurs
député maître du Grand Orient.
Moyennant un droit d’entrée conséquent
auquel souscriront avec empressement les aristocrates parisiennes, il
met également en place une loge d’Adoption
Égyptienne dont la Grande Maîtresse n'est autre
que sa femme.
Quelques mois plus tard, Cagliostro sera emprisonné
à la Bastille comme complice du cardinal de Rohan dans
l’affaire du Collier de la Reine. Il sera acquitté
par le Parlement et libéré, mais banni de France
et devra s’exiler en Angleterre. Sa réputation
sera rapidement ternie par les plaintes de nombre de ses ex-adeptes en
Europe.
La police l’identifiera à Joseph Balsamo,
déjà connu de la justice anglaise vers 1776 pour
des affaires d’escroquerie, de prestidigitation et de
sorcellerie. Il s’enfuit à Rome où il
sera arrêté en 1789 par la police pontificale. Il
mourra en captivité au château Saint-Ange en 1795.
A noter que c’est également à Lyon
qu’en 1779, un certain Etteila (Aliette)
s’était proclamé
« Grand Mage » du Rite des
Parfaits Initiés d’Égypte, cinq ans
avant la fondation de la Sagesse Triomphante. Le rite
représentait « le
système philosophique des anciens usages
égyptiens, revoilé par les prêtres
hébreux sous l’emblème
maçonnique » et comportait
sept degrés dont quatre hauts grades. Après la
mort d’Etteila, ce rite sera poursuivi jusqu’au
début du XIXème siècle à La
Ciotat.
Quant au rite de Misraïm, il est difficile d’en
situer les origines historiques. Selon la tradition, il serait
né en 1788 à Venise sous patente
délivrée par Cagliostro, à partir
d’une loge de la SOT regroupant des unitaristes sociniens
(une doctrine qui rejette le dogme de la Trinité et tente de
réconcilier religion et science, étant admis que
Esprit et Matière ne sont que les deux aspects
d’une même réalité).
D’autres pensent que c’est César Tassoni
qui, en 1801 à Venise, est l’auteur
d’une première version du rite.
D’autres encore se référent
à Gad Beddaride qui, à la fin du
XVIIIème siècle, aurait été
consacré Grand Maître par le patriarche Palambola,
et doyen de l’Ordre de Misraïm à Naples.
Ce n’est pas certain mais par contre, il est possible que ce
maçon, initié à Avignon en 1772 et
originaire de Cavaillon (une des quatre implantations
autorisées de la communauté juive du Comtat, de
vieille tradition kabbaliste), ait pu introduire les bases des futurs
degrés d’inspiration hébraïque
du rite.
C’est à partir de 1805 qu’en France et
en Italie, on peut attester de l’élaboration des
deux premières séries du rite de Misraïm
(degrés symboliques 1-33° et philosophiques
34-66°) par emprunts à divers hauts grades du XVIIIe
siècle, probablement pour concurrencer le REAA. On peut
d'ailleurs penser que la date de 1803 donnée par les
frères Bédarride a été
délibérément choisie pour donner
à Misraïm une antériorité par
rapport au REAA.
Jusqu’à la fin de l¹Empire, le rite de
Misraïm va alors s’épanouir dans les
loges militaires franco-italiennes du Royaume de Naples. Il
reçoit alors sa troisième série
(degrés mystiques 67-77°) puis sa
dernière série (78-90°), introduite vers
1812 à Naples où l’année
suivante, le grand maître napolitain Pierre de Lassalle
apporte les Arcana Arcanorum dans le « Régime
de Naples » du rite de Misraïm.
Ce n’est qu¹en 1815 que les frères
Bédarride fonderont à Paris la
première véritable loge française de
Misraïm (L’Arc en Ciel), selon le régime
du milanais Théodoric Cerbes (Milan) qui faisait du
87° au 90° des degrés administratifs,
à la différence du régime de Naples
(Arcana Arcanorum).
A Lyon, les anciens adeptes de La Sagesse Triomphante qui, sous
l’empire, avaient fondé Saint Napoléon
de la Bonne Amitié, se rallient au rite de Misraïm.
Il faut maintenant parler des carbonari et revenir à
l’année 1810, date à laquelle
Pierre-Joseph Briot, un récent affilié du rite de
Misraïm, introduit la Charbonnerie en Italie. A cette
époque, la police de l’Empereur était
déjà en alerte pour lutter contre les Bons
Cousins Charbonniers et autres mouvements révolutionnaires,
qui tentaient d’infiltrer les loges pour y faire
pénétrer les idées contestataires et
recruter des maçons prêts à participer
à un soulèvement républicain.
C’est aussi dans le contexte du carbonarisme qu’en
1821, Pie VII condamne les sociétés
secrètes et que pour la première fois,
l’Église de France va relayer les dispositions
contre les francs-maçons, ce qui va développer un
sentiment anticlérical dans les loges, dont le recrutement
se fait désormais surtout dans la bourgeoisie
libérale.
En 1822, Briot devient directeur de la Cie
d’Assurances Le Phénix. Il était
rapidement devenu un des grand maîtres 90° de
Misraïm, mais était également
resté un des dirigeant de la charbonnerie
française. La police, qui savait que les charbonniers
étaient prêts à lancer un
soulèvement républicain, découvre que
les inspecteurs du Phénix sont en fait des agents carbonari
qui propagent les idées républicaines sur tout le
territoire. Les soulèvements éclatent, mais sont
rapidement réprimés. Et bien qu’il
n’ait jamais été prouvé que
l’Ordre de Misraïm ait jamais eu une
activité politique en tant que tel, le Grand Orient
obtiendra sa dissolution en tant que mouvement séditieux
dangereux pour la sûreté de
l’État royaliste.
Après la Révolution de Juillet et
l’avènement de Louis-Philippe, le rite survivra
tant bien que mal en France, d’ailleurs
concurrencé par les activités de Jacques-Etienne
Marconis de Nègre qui, après avoir
été expulsé à deux reprises
de loges de Misraïm, fonde à Lyon le Rite de
Memphis en 1838.
A l’étranger, le rite de Misraïm a
poursuivi ses activités et en 1845, il est accueilli au sein
du Suprême Conseil des Rites
Confédérés
d’Édimbourg qui développera des
ramifications internationales en France comme aux
États-Unis. En 1862, Napoléon III nomme le
maréchal Magnan grand maître du Grand Orient afin
de contrôler l’agitation républicaine
dans les loges.
Magnan, qui ne connaissait rien à la maçonnerie,
cherche à réunir sous son autorité
tous les rites de France. Marconis de Nègre
s¹incline alors en demandant la reconnaissance du rite de
Memphis par le Grand Collège des Rites, au prix de
l’abandon de toutes ses prérogatives et de son
échelle de grades. Par contre, Magnan se heurte à
la résistance du Suprême Conseil Ecossais et du
rite de Misraïm, qui refusent de se rallier au Grand Orient.
Le Suprême Conseil et le Grand Orient reconnaîtront
finalement le Rite de Misraïm en 1885.
Entre temps, 1881 aura été le tournant de
l’unification de la maçonnerie
égyptienne mondiale car après plusieurs
années de travail, l'américain John Yarker
réunit les chartes autorisant l’alliance entre le
Rite de Memphis et celui de Misraïm.
Au même moment, les Souverains Sanctuaires des
États-Unis, de Roumanie, de Grande Bretagne et de Naples
proclament le général Guiseppe Garibaldi grand
Hiérophante mondial de tous les rites de
maçonnerie égyptienne.
Pour comprendre la suite, il faut savoir qu'en France, la fin du
siècle est particulièrement
mouvementée en matière de mouvements occultistes
et paramaçonniques. Jules Doinel fonde
l’Église Gnostique, Papus et Augustin Chaboseau
s’échangent leurs initiations martinistes
respectives, Joséphin Péladan et Stanislas de
Gaita fondent l’Ordre Kabbalistique de la Rose-Croix dont
l’admission est réservée aux
martinistes titulaires du grade de Supérieur Inconnu, puis
Péladan se dissocie de Gaita pour fonder l’Ordre
de la Rose-Croix du Temple du Graal, ou R+C Catholique.
Mais, dans la mouvance laïque du Grand Orient, plusieurs
dirigeants de Misraïm souhaitent remplacer les
« principes de croyance en
l’existence d’un Être Suprême,
d’immortalité de l’âme et
d’amour du prochain » par ceux
« d’autonomie de la personne
humaine, de justice et d’altruisme ».
A l’exception de l’Arc en Ciel, les onze loges
françaises de Misraïm vont ainsi
s’intégrer au Grand Orient. Les spiritualistes,
déçus de la laïcisation de cette
maçonnerie, se rapprochent des martinistes de
l’Arc en Ciel. Mais en 1902, l’Ordre
français de Misraïm se met en sommeil, et les
quelques membres restants s’affilent au Suprême
Conseil de France du REAA tandis que John Yarker devient Grand
Hiérophante mondial du rite uni de Memphis-Misraïm.
Pour autant, les mouvements spiritualistes français ne
restent pas inactifs et en 1907, Jean Bricaud fonde une
Église Catholique Gnostique, qu'il reliera à
l’Ordre martiniste de Lyon (celui-ci
n’étant accessible qu’aux
maîtres maçons).
Quant à Papus, reçu
franc-maçon en 1900 par sept martinistes, anciens membres de
l’Arc en Ciel, il a ouvert des loges travaillant au rite
swedenborgien qui ont ensuite été converties au
Rite de Memphis-Misraïm. Il recevra ses patentes du grand
maître mondial Théodore Reuss afin de fonder un
Souverain Conseil de Memphis et Misraïm pour la France et
c’est d’ailleurs à cette occasion que
René Guénon, déjà kadosh
écossais et supérieur inconnu martiniste, sera
fait 90°.
Après la première guerre mondiale, les anciennes
structures de la maçonnerie ésotériste
se disloquent et deux mouvements émergent :
- l’un dans le sillage de Victor Blanchard, Augustin
Chaboseau et Lucien Chamuel avec l’Ordre Kabbalistique de la
Rose-Croix, l’Église Gnostique Universelle, la R+C
Kabbalistique et la fraternité rosicrucienne des Polaires
;
- l ’autre dans la mouvance lyonnaise de Jean Bricaud
(successeur de Teder) et Constant Chevillon, incluant ce qui restait de
l’Ordre de Memphis-Misraïm, de l’ordre
Martiniste de Lyon, de l’Ordre de la Rose-Croix Kabbalistique
et Gnostique (dont l’accès était
réservé à des martinistes
éprouvés), et de l’Église
Catholique Gnostique dont Bricaud était le patriarche.
L’année suivante Bricaud, qui se
prévalait d’une filiation avec les Élus
Cohen de Martinez de Pasqually au travers de Willermoz et ses
successeurs à Lyon, reçoit de Théodore
Reuss une charte pour la reconstitution d’un Souverain
Sanctuaire de Memphis-Misraïm en France, qu’il
établira à Lyon. Il pourra alors boucler le lien
entre Église Catholique Gnostique, martinisme et
Maçonnerie en modifiant le grade
patriarcal-consécrateur du 66° degré de
Memphis-Misraïm par l’introduction d’une
cérémonie de consécration
épiscopale.
En réaction, Victor Blanchard fondera l’Ordre
Martiniste et Synarchique, qui admettait les femmes et
n’exigeait pas de qualification
maçonnique. Dans la suite de l’entre-deux guerres,
la maçonnerie
« égyptienne »
française conservera cette double mouvance qu’il
serait fastidieux de détailler, avec d’une part
Constant Chevillon, qui a pris la tête des loges lyonnaises
de Memphis-Misraïm et des autres organisations
dirigées par Bricaud ; et d’autre part
Bogé de Lagrèze, Probst-Biraben et Victor
Blanchard, qui fonde en 1934 la FUDOSI
(Fédération Universelle des Ordres et
Sociétés Initiatiques) avec Spencer Lewis
(Imperator de l’AMORC) et Émile Dantinne
(Sâr Hyeronimus, R+C Universelle continuatrice de la R+C
Catholique de Péladan).
Mais finalement, le rite de Memphis-Misraïm (qui avait
été fixé par le convent de 1934 en 90
degrés de travail et neuf degrés administratifs)
est exclu de la FUDOSI ; des frères français se
rallient au Souverain Sanctuaire de Chevillon à Lyon, avec
ouverture de loges de Memphis-Misraïm en France et
à l’étranger
jusqu’à ce que survienne la guerre.
Pendant le deuxième conflit mondial, c’est Robert
Ambelain, disciple de Chevillon, qui fera fonctionner une loge
clandestine de Memphis-Misraïm.
Après l’assassinat de Chevillon par la milice de
Vichy et la fin de la guerre, l’organisation de la
maçonnerie égyptienne ne va pas se clarifier.
Pour simplifier (cf. schéma), disons
qu’à Chevillon vont succéder H-C.
Dupont et Robert Ambelain, alors que le flambeau de Blanchard sera
repris par Bogé de Lagrèze, puis Probst-Biraben
qui rétablit le Rite Ancien et Primitif de Memphis,
reçoit en 1956 les patentes du Régime de Naples
du Rite de Misraïm (Arcana Arcanorum ) et devient Grand
Hiérophante Mondial de Misraïm.
Il meurt l’année suivante et Henri Dubois
recueille la direction des Ordres égyptiens pour la France,
dont il conservera les orientations respectives : mystères
égyptiens pour Memphis, hermétisme et kabbale
hébraïque pour Misraïm.
Nommé en 1958 Grand Hiérophante mondial de tous
les rites égyptiens, Dubois installera à Lyon un
Suprême Conseil des Ordres Maçonniques de Memphis
et de Misraïm réunis (les rituels restant
distincts) dont la Grande Loge (Ammon Râ) fusionne en 1960
avec la GLNF Opéra, les hauts grades de Memphis et de
Misraïm conservant leur individualité.
Henri Dubois charge alors notre frère Albert Audiard (membre
de la GLDF, dit Sirius) de réorganiser le 66e
degré de Bricaud, ce qui aboutira à
l’élaboration du « Rite
des Patriarches de Melkit-zedecq » en
trois degrés (Gardien du Sanctuaire, Prêtre
d’Héliopolis, Patriarche de Melkitzedecq).
En 1960, Robert Ambelain succède à Henri Dupont.
Il réveillera avec succès le rite de
Memphis-Misraïm et tentera de rassembler au niveau mondial les
obédiences se réclamant du rite
organisé par Yarker et retransmis par Bricaud. Il
établira des liens avec le GODF, la GLDF, la GLTS mais ne
sera pas rejoint par les rites non fusionnés de Memphis et
de Misraïm.
En 1965, Dubois transmet sa charge de grand maître de
Misraïm à André Linge.
Mais ce dernier ne souhaitera pas ouvrir de nouvelles loges de
Misraïm, car il pensait qu’à
l’époque moderne, la maçonnerie est
désormais dépassée, la connaissance
devant désormais être vulgarisée et ne
plus se limiter à de petits cercles
d’initiés. En 1975, année du
décès de Dubois, Sirius réveille
« La Sagesse Triomphante »,
qui reprend le titre distinctif de l’ancienne loge de
Cagliostro. Cet atelier indépendant de hauts grades, qui est
également Centre du Rite Patriarcal, est
désormais le seul à travailler au Rite Ancien et
Primitif de Mizraïm, pratiqué selon
l’ancienne tradition illuministe du Régime de
Naples : deuxième degré symbolique
égyptien (Compagnons d’Horus ) et Arcana Arcanorum
.
Quant à Robert Ambelain, il a transmis en 1985 sa charge de
grand maître advitam de l’Ordre
Maçon-nique de Memphis-Misraïm à
Gérard Kloppel, qui se démarquera des rites
occultistes et œuvrera au rapprochement avec les autres
obédiences maçonniques françaises.
Et finalement, dans l'ambiance de grand remue-ménage qui a
touché toutes les obédiences au cours de ces
dernières années, 1998 voit
l'éclatement de l’ordre français de
Memphis-Misraïm, dont plusieurs loges iront rejoindre le Grand
Orient.
Je n'ai pas eu de nouvelles récentes, il semble toutefois
que l'Ordre féminin de M-M. poursuive ses
activités.
Je suis preneur de nouvelles récentes !!!
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