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L’Archéomètre«L’Archéomètre»
constitue le second volet de son oeuvre. Il y travailla au moins depuis
la
disparition de sa chère Marie-Victoire survenue à
Versailles en 1895. Très
chagriné et solitaire, Saint-Yves voulut créer cet
outil universel «clé de toutes les Sciences et de
tous les Arts». Il confia à
ses intimes, tels Papus, Barlet ou Victor-Émile Michelet,
que cette entreprise
était dirigée par sa défunte
épouse, celle qu’il appelait son Ange. Quand il
disparut à son tour, le 5 janvier 1909,
«L'Archéomètre»
n’était pas achevé.
Papus réunit en une association, «Les Amis de
Saint-Yves», quelques écrivains
compétents en musique, en architecture, en
ésotérisme, qui se mirent aussitôt
au travail et rassemblèrent notes, esquisses, croquis
laissés par Saint-Yves.
En 1912, ils furent en mesure de publier cet important ouvrage qui se
présente
en deux parties : une partie philosophique et une partie
opérative. Dans
le cadre de cet article, je ne peux m’en tenir
qu’à un survol rapide de cet
édifice La
partie philosophique de
«L'Archéomètre» porte en
titre : «La sagesse vraie» et
se partage à son tour en deux grandes parties respectivement
intitulées : La
sagesse de l’homme et le paganisme, La sagesse de Dieu et le
christianisme. À
leur tour, chacune de ces deux parties se subdivise en trois chapitres.
C’est
ainsi que, dans la première partie, Saint-Yves traite
successivement de La
régression mentale, de L’erreur triomphante et de
La mort spirituelle, cette
désescalade qui affecte notre société
étant la conséquence directe de la
montée
du paganisme depuis l’antiquité et tout au long de
l’histoire européenne. Dans
la seconde partie, Saint-Yves démontre que le christianisme
peut conduire les
hommes dans La voie, par La vérité,
jusqu’à La Vie. Il s’agit, bien entendu,
de
la voie chrétienne, de la vérité de
l’Évangile et de la Vie spirituelle. On
aura remarqué que le schéma suivi par Saint-Yves
d'Alveydre évoque, d’un côté,
la Chute (régression mentale, triomphe de
l’erreur, mort spirituelle), et de
l’autre, la Régénération ou
Réintégration (selon les Écoles
initiatiques). Les
deux options, païenne ou chrétienne, devant
lesquelles se trouve l’homme sont
posées ici sur les deux plateaux d’une balance. Il
est du domaine de notre
libre arbitre de faire pencher cette balance de tel ou tel
côté. La partie
opérative de
«L'Archéomètre» se compose
d’un planisphère qui,
au premier coup d’œil, peut évoquer un
zodiaque (mais ce n’en est pas un), de
divers outils : un rapporteur de degrés, un
étalon archéométrique et une
règle
musicale. En
effet, «L'Archéomètre» a,
selon les projets de son auteur, vocation à être
un
instrument universel applicable aux arts, à
l’architecture et aux sciences
initiatiques. D’un point de vue purement
étymologique,
«L'Archéomètre» se
compose, selon Saint-Yves, de deux mots sanscrits : Arka et Matra. Le
premier
des deux
se rapporte au soleil, emblème central du sceau divin ; le
second est en
relation avec la mesure-mère, vivante dans le Verbe-Dieu
comme toutes ses
pensées créatrices. La juxtaposition de ces deux
mots, le premier étant lié au
principe fécondant et l’autre à la
matrice, rappelle cette série de dualités
bien connues : Père/Mère, Iod/He, Nature
naturante/Nature naturée,
Esprit/Matière. Dans
le cadre limité de cette étude, je ne pourrai que
décrire les grandes lignes du
planisphère archéométrique qui se
présente sous la forme d’une roue
composée de
six cercles concentriques et d’un cercle central (7 au
total), de 4 triangles
équilatéraux entrelacés deux par deux
et de 12 rayons délimitant douze secteurs
de 30° chacun, correspondant aux 12 Maisons zodiacales. Ce
planisphère est
illustré des 3 couleurs fondamentales qui sont le jaune, le
rouge et le bleu
(yellow, magenta et cyan, en imprimerie ; or, gueules et azur, en
héraldique). Par le jeu de leurs différents amalgames, ces trois couleurs fondamentales produisent dans un premier temps 9 couleurs dérivées ou secondaires. Dans ces différentes combinaisons, nous retrouvons les nombres essentiels de l’arithmosophie sacrée : 3 (nombre du ternaire, base de toute créations astrale ou terrestre), 4 (nombre du quaternaire, qui gouverne la régénération et la réintégration), 7 (nombre du septénaire attribué à l’Esprit et à l’initiation), 9 (nombre du Neuvénaire qui commande à la dissolution), 12 (nombre du duodénaire qui symbolise l’univers et l’éternité). En
examinant les cercles
concentriques et en remontant de la périphérie
vers le centre, on découvre dans
celui le plus externe (coloré en rose pâle) 12
écussons contenant chacun une
lettre adamique et sa valeur numérique et entouré
de cinq autres lettres
empruntées aux alphabets assyrien, syriaque,
chaldéen, samaritain et latin.
Puis, en remontant toujours vers le centre, un deuxième
cercle (non coloré)
renfermant douze lettres morphologiques, un troisième cercle
(non coloré)
décoré des sept notes de musique dont cinq se
répètent, un quatrième cercle
(également coloré en rose pâle)
orné des douze signes du zodiaque, un cinquième
cercle (non coloré) sur lequel sont disposés les
sept symboles planétaires dont
cinq se répètent, tantôt
redressés, tantôt renversés, un
sixième cercle non
coloré et libre de toute inscription ou symbole. Le
cercle central (non coloré) est partagé en deux
hémisphères par une ligne
horizontale ; au sud de cette ligne, on voit une portée
musicale sur laquelle
est accrochée la note MI («E», en
anglais) qui, à cheval sur la ligne
diamétrale, forme le point central de
«L'Archéomètre» ; au nord de
la ligne est
inscrite la lettre morphologique du soleil.De cette manière,
ARKA, le principe,
est représenté par le cercle central et MATRA, la
matrice, par les six cercles
concentriques. Cette première approche de
«L'Archéomètre» permet
déjà de
dégager quelques enseignements. Le cercle central, domaine
de la lumière
(soleil) et du Verbe (note «MI»), diffuse dans tout
l’univers qui est
représenté ici par les cercles concentriques
plongés dans le monde de l’espace
(signes planétaires du cinquième cercle), du
temps (signes zodiacaux du
quatrième cercle), de la sensation (notes de musique du
troisième cercle). On
y trouve aussi la doctrine rosicrucienne des trois mondes : le monde
humain
situé dans les cercles 1 et 2, le monde angélique
situé dans les cercles 3, 4
et 5, le monde divin situé dans le sixième cercle
et dans le cercle central. La
doctrine cabalistique des quatre mondes se manifeste à
travers la répartition
suivante : au sixième cercle correspond le monde de
l’Action, au deuxième,
celui de la Formation, aux troisième, quatrième
et cinquième, celui de la
Création, au sixième, celui de
l’Émanation, ces quatre mondes étant
nés de
l’En-Soph, la Divinité Suprême, qui
réside et règne dans le cercle central et,
plus exactement au point central de
«L'Archéomètre». La
doctrine martinézienne, issue de Martinès de
Pasqually, fondateur des
Chevaliers élus-cohen de l’Univers à la
fin du XVIIIe siècle et basée sur les
phénomènes de la Chute et de la
Réintégration, nous apporte une clef pour la
lecture des cercles. Ainsi, en partant du centre pour aller vers la
périphérie,
on assiste à la Chute adamique qui entraîne
l’AD-AM à quitter l’aspect de Dieu
et à perdre la Parole pour tomber en cascade dans les mondes
inférieurs en
traversant les six autres cercles où la Lumière
perd peu à peu de son éclat
pour déboucher sur les Ténèbres,
là où il n’a plus accès
qu’aux symboles
substitués qui sont inscrits dans ces cercles, et, par un
juste équilibre, à la
Réintégration quand l’homme
déchu entame le lent processus initiatique de sa
remontée vers la Lumière en franchissant, cette
fois de la périphérie vers le
centre, les cercles concentriques. Enfin, on pourrait encore voir dans
le
planisphère archéométrique un
schéma universel si l’on considère
qu’il est
construit à la manière d’une cellule
dont le cercle central serait le nucléole,
contenant les gènes éternellement reproducteurs
(Lumière et Verbe), le sixième
cercle, le noyau qui distribue l’information
génétique, les cercles cinquième
à
deuxième, le cytoplasme dans lequel gravitent les
électrons (symboles, signes,
nombres et lettres morphologiques), le premier cercle, le protoplasme. À
l’intérieur du planisphère
archéométrique se
trouvent quatre triangles équilatéraux
entrelacés deux par deux
à la manière de l’Étoile de
David ; l’une est orientée Nord-sud,
c'est-à-dire
verticalement, l’autre Est-Ouest, c'est-à-dire
horizontalement. Le Triangle
dont l’apex est au NORD et qui s’appuie sur
l’élément TERRE est le Triangle du
Verbe et de Jésus. Il est formé des lettres
«IeShO» et sa valeur numérique (par
l’addition des valeurs des trois lettres) est de 316. Il est
l’expression de la
Sainte Trinité, Père, Fils et Saint-Esprit. Le
Triangle dont l’apex est au SUD et s’appuie sur
l’élément EAU est le Triangle
de Marie. Il est formé des trois lettres Ma, Ri et
Hâ dont la valeur totale est
248. Le Triangle dont l’apex est à
l’OUEST et qui s’appuie sur
l’élément AIR
est le Triangle des Saints Anges. Il est formé des lettres
La, Ka, et Za dont
la valeur totale est de 137. Le Triangle dont l’apex est
à l’EST et qui
s’appuie sur l’élément FEU
est le Triangle de l’Agneau ou du Bélier. Il est
formé des lettres HE, OU et T dont la valeur totale est de
84. Les
sept cercles et les quatre triangles découpent le
planisphère archéométrique en
12 Maisons de 30° chacune et à
l’intérieur desquelles se lisent les
correspondances entre les divers éléments
symboliques (lettres, signes,
planètes, notes de musique). Les Missions et
«L'Archéomètre» constituent
l’ossature de l'oeuvre de Saint-Yves d'Alveydre. Ses
publications et ses
travaux donnèrent lieu de son vivant à de
multiples articles et conférences.
C’est ainsi qu’en 1882 il fut appelé
à prononcer un important discours devant
le «Congrès International d’Arbitrage et
de Fédération de la Paix», à
Bruxelles. Il y défendit avec
fougue et conviction son idéal synarchique. Homme bien
décidé à ne pas se
détacher des affaires de la cité et
très intéressé par le syndicalisme
naissant
(loi Waldeck-Rousseau de 1884), il avait fondé en 1886 le
«Syndicat de la
Presse Professionnelle et Économique» dont il
occupa la fonction d’archiviste.
En 1893, ses recherches lui méritèrent la
Légion d’Honneur, haute distinction
française. Afin de protéger ses droits pour ce
qui concernait les adaptations
de «L'Archéomètre», il
déposa deux brevets, l’un à Paris, le
26 juin 1903,
l’autre à Londres, le 25 juin 1904.Dans un autre
domaine, il est certain que
Saint-Yves d'Alveydre n’appartint à aucune
société initiatique connue
(franc-maçonnerie, martinisme ou autre). J’ai eu
entre les mains, il y a quelques
années, une lettre de sa main adressée
à Papus par laquelle il
récusait poliment mais fermement la proposition que celui-ci
lui avait formulée
d’être initié à
l’Ordre Martiniste. Plus
tard, un écrivain français du nom
d’Henri Coston, grand pourvoyeur de presse à
sensation, affirma que Saint-Yves était le
grand-maître du martinisme, ce qui
est d’une parfaite stupidité. La
postérité ne retint pas son nom. Comme je
l’ai
dit au début de cet article, son nom ne figure dans aucun
dictionnaire ni
aucune encyclopédie. Peu de chercheurs se sont
penchés sur son oeuvre,
peut-être en raison des controverses entourant
l’idée synarchique et de la
difficulté apparente de
«L'Archéomètre». En
vérité, nous sommes peu nombreux à
avoir un jour tenté cette aventure qui réclame
une certaine dose d’inconscience
à défaut de courage. Mais quel univers
merveilleux peut-on découvrir à travers
cet oeuvre originale
! Et ma seule ambition a été et est toujours de
le faire connaître au plus
grand nombre. Ecrivain chroniqueur, rédacteur en chef de «l'Initiation», il a publié plusieurs articles et ouvrages et il a donné de nombreuses conférences en France et à l’étranger sur Saint-Yves d'Alveydre, sur sa pensée et sur ses oeuvres. Les appellations de ces deux parties sont de ma plume et n’apparaissent nulle part ailleurs.Je les ai choisies dans le seul souci de tenter de clarifier ce monument qu’est «L'Archéomètre». «Les Technocrates et la Synarchie», numéro spécial de «Lectures françaises», février 1962. Soumis
par Yves-Fred Boisset http://www.initiation.fr : Le site officiel de la revue L'Initiation (vraie revue existant depuis 1888) |
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