Obédience : NC | Site : http://www.prismeshebdo.com | 15/07/2004 |
Hiram et les
anciens devoirs
Noé, Bazalliel et Hiram La
plupart des sources de la légende maçonnique d’Hiram-Abif tne reposent que sur
des ressemblances entre certains éléments légendaires, mais ne rejoignent pas
l’ensemble de l’économie de la légende. C’est Roger Dachez qui relève une
source qui semble assez proche contextuellement : le manuscrit Graham de
1726, catéchisme maçonnique qui présente des parallèles certains avec d’autres
écrits du même genre, comme " The whole institutions of free-masons
opened" de 1725. Premier
récit : Il
s’agit d’« un texte de confession chrétienne qui [ ... ] n’hésite pas à
manier la typologie »
et une symbolique proprement chrétienne. Ainsi
la plupart des symboles maçonniques qui y sont mis en oeuvre
sont expliqués
« en référence » ou « en
considération » d’éléments
chrétiens : la Trinité, le Christ et ses deux
natures, la visite des Mages
à la crèche, etc. De même, les vrais et bons
constructeurs sont opposés à ceux
qui construisirent la tour de Babel par orgueil, insultant de cette
manière la
Divinité. Le texte s’achève sur trois récits
successifs, que les maçons
possèdent « par tradition et aussi par référence à l’Écriture ».
Sem, Cham et Japhet, les trois fils de Noé, se rendent à
la tombe de leur père pour tenter d’y découvrir quelque chose à son sujet, qui
les guiderait jusqu’au puissant secret que détenait ce fameux prédicateur. ...
Ces trois hommes étaient déjà convenus que s’ils ne trouvaient pas le véritable
secret, la première chose qu’ils découvriraient leur tiendrait lieu de secret . Ils
s’écrient alors : « Marrow in this bone (moelle dans cet os) »,
qui n’est pas sans analogie phonétique avec certaines des variantes du
Mac-Benah hiramique. Deuxième
récit : Il
suit immédiatement celui des trois fils de Noé, rapporte l’histoire de
Bazalliell qui, sous le règne du roi Alboyne (ou Alboyin), « sut par
inspiration que les titres secrets et les attributs principiels de Dieu étaient
protecteurs, et il bâtit en s’appuyant dessus’ ». Sa renommée s’étendit
tant que les deux plus jeunes frères du roi voulurent être instruits par lui,
ce à quoi il consentit à la condition qu’ils ne révélassent pas ses secrets
sans qu’un troisième fût là pour joindre sa voix à la leur. A sa mort,
conformément à sa volonté, il fut enterré dans la vallée de Josaphat par les
deux princes qui gravèrent sur sa tombe : Ci-gît
la fleur de la maçonnerie, supérieure à beaucoup d’autres, compagnon d’un roi
et frère de deux princes. Ci-gît le cœur qui sut garder tous les secrets, la
langue qui ne les a jamais révélés . Et
l’on crut alors « que les secrets de la maçonnerie étaient complètement
perdus parce qu’on n’en entendait plus parler ». Troisième
récit : Il
prend place pendant la construction du Temple de Salomon et met en scène le
bronzier Hiram de Tyr du Premier Livre des Rois 7 dont les versets 13 et 14
sont cités quasiment littéralement : Cela
dit, nous lisons au Premier Livre des Rois, chapitre 7, verset 13, que Salomon
envoya chercher Hiram à Tyr. C’était le fils d’une veuve de la tribu de
Nephtali et son père était un tyrien qui travaillait le bronze. Hiram était
rempli de sagesse et d’habileté pour faire toutes sortes d’ouvrages de bronze.
Il vint auprès du roi Salomon et lui consacra tout son travail. Cet Hiram,
« rempli de sagesse », ayant reçu l’inspiration divine à l’instar de
Salomon et Bazalliell, « bon maître » et surveillant « le plus
sage de la terre’ », résout une querelle de salaires entre manœuvres et
maçons en donnant aux seconds « un signe » que les premiers n’ont
pas. Ces
trois récits successifs présentent d’étonnantes similitudes avec la légende
d’Hiram telle que rapportée par Masonry dissected : non seulement Hiram y
est présent conjoignant les caractéristiques du bronzier des Livres des Rois et
de l’artisan expert des Livres des Chroniques, particulièrement auprès des
maçons, mais encore nous avons le récit d’un relèvement en cinq points (pour la
première fois attesté dans un document maçonnique) d’un cadavre corrompu, la mention
d’un secret perdu à la suite d’une mort et que ses chercheurs s’entendent à
substituer s’ils ne le découvraient pas, une formule en M. B. liée à cette
substitution, l’obligation de garder un secret. Simplement, pour ces derniers
éléments, ce n’est pas Hiram qui en est le porteur, mais Noé puis Salomon. Tout
se passe donc comme si les maçons de la Grande Loge de Londres, auxquels se
rapportent Masonry dissected, avaient superposé les trois récits du Graham
(dont au moins deux, celui de Noé et celui de l’Hiram biblique, sont connus des
Anciens Devoirs) pour les fondre dans une nouvelle légende, celle d’Hiram-Abif.
Dans
cette ligne, les Constitutions de 1738 amplifient elles aussi, par rapport à la
version de 1723, leur récit concernant Hiram et elles ajoutent : [
... ] en l’absence de Salomon (Hiram Abif) était en Chaire en tant que Député
Grand Maître, et en sa présence était Premier Grand Surveillant ou principal
Inspecteur et Maître d’Ouvrage. Mais bien qu’HIRAM ABIF ait été Tyrien par le
sang, cela ne modifie en rien ses énormes capacités ; car les Tyriens
étaient alors les meilleurs Artisans, grâce aux encouragements du roi
HIRAM ; et ces textes [des Rois et des Chroniques] attestent que Dieu
avait donné sagesse, intelligence et habileté mécanique à cet HIRAM ABIF pour
accomplir tout ce que demanda SALOMON, non seulement en construisant le TEMPLE
dans sa magnificence coûteuse, mais aussi en fondant, façonnant et créant tous
les saints accessoires, selon la Géométrie, et pour découvrir tout ce qui lui
sera présenté ! Et les Écritures nous assurent qu’il soutint sa réputation
en des travaux plus importants que ceux de Aholia et Bezaleel, ce pour quoi les
Loges l’honoreront jusqu’à la fin des temps. [... Le Temple] fut achevé dans le
court délai de 7 Ans et 6 Mois, au grand Etonnement du Monde, quand les Frères
célébrèrent la pose de la dernière pierre. Mais leur Joie fut bientôt
interrompue par la mort soudaine de leur cher Maître HIRAM ABIF, qu’ils
enterrèrent décemment dans la Loge près du Temple selon l’usage ancien. Ce
texte de la nouvelle version des Constitutions officielles de la Grande Loge de
Londres ne reprend pas la totalité de la légende rituelle pratiquée par des
maçons de cette même Grande Loge depuis plus de dix ans et ceci se comprend si
l’on prend en considération le fait que les rituels devaient rester secrets
alors que les constitutions étaient aisément accessibles au lectorat non maçon.
En outre, fut annexée à cette édition des Constitutions une Défense de la
maçonnerie, publiée en l’an 1730, à l’occasion d’un pamphlet intitulé
Dissection de la maçonnerie et signée du pseudonyme Euclide. Cette défense,
loin de réfuter la légende hiramique de Masonry dissected, entend au contraire
la confirmer en convoquant le récit virgilien de l’invocation d’Anchise par
Énée et de la découverte du corps de Polydore par Énée, ainsi qu’en évoquant
l’usage oriental de l’acacia pour l’embaumement des morts. Cette
approbation plus qu’implicite du récit de Prichard explique donc que
l’évocation d’Hiram par les Constitutions de 1738 rappelle certains éléments de
cette légende : Hiram-Abif meurt avant la fin de la construction (ce qui
n’apparaît pas dans la Bible), il est enterré décemment (près du Temple
cependant, alors que Masonry dissected disait « dans le Saint des
Saints »). Plus globalement, sa figure est plus dominante encore que dans
les Constitutions de 1723, puisque le roi Hiram qui était dans ces dernières
« grand maître de la loge de Tyr » n’apparaît plus comme tel dans
l’énumération des fonctions hiérarchiques maçonniques. Enfin,
on aura remarqué dans les Constitutions de 1738 la présence d’un certain
constructeurs Bezaleel qui pourrait bien être le Bazalliell du manuscrit
Graham, qui renverrait alors au Beçalel (nom qui signifie « à l’ombre de Dieu »)
artisan expérimenté du Tabernacle et de ses accessoires, de l’Arche et de ses
ornements, et des vêtements sacerdotaux, doté de la sagesse divine, versé dans
la Torah, le Talmud et la science des lettres, ancêtre de Salomon et compagnon
d’Oholiav (le Aholia des Constitutions de 1738 et, peut-être, le Alboyn du
Graham) avec lequel il a contemplé sur le Sinaï le sanctuaire céleste. La
description qu’en donne la Bible peut aisément expliquer qu’une assimilation se
soit faite entre Beçalel et l’Hiram du Temple : Le
Seigneur adressa la parole à Moïse : « Vois :
j’ai appelé par son nom Beçalel, fils d’Ouri, fils de Hour, de la tribu de
Juda. Je l’ai rempli de l’esprit de Dieu pour qu’il ait sagesse, intelligence,
connaissance et savoir-faire universel ; création artistique, travail de
l’or, de l’argent, du bronze, ciselure des pierres de garniture, sculpture sur
bois et toutes sortes de travaux. De plus, j’ai mis près de lui Oholiav, fils
d’Ahisamak, de la tribu de Dan, et j’ai mis la sagesse dans le cœur de chaque
sage pour qu’ils fassent tout ce que je t’ai ordonné : la tente de la
rencontre, l’arche pour la charte, le propitiatoire qui est au-dessus, tous les
accessoires de la tente, la table et ses accessoires, le chandelier pur et tous
ses accessoires, l’autel du parfum, l’autel de l’holocauste et tous ses
accessoires, la cuve et son support, les vêtements liturgiques, les vêtements
sacrés pour le prêtre Aaron, les vêtements que porteront ses fils pour exercer
le sacerdoce, l’huile d’onction, le parfum à brûler pour le sanctuaire. Ils
feront exactement comme je te l’ai ordonné. » (Ex 3 1, 1 -11 cf. 36-39.) Si
l’on rapproche cette description biblique de Beçalel de celle d’Hiram dans le
Deuxième Livre des Chroniques 2, 12-13 : Je
t’envoie donc maintenant un spécialiste doué d’intelligence, Huram-Abi, fils
d’une femme danite et d’un père tyrien, qui sait travailler l’or, l’argent, le
bronze, le fer, la pierre, le bois, la pourpre, le violet, le lin et le carmin,
exécuter toute sculpture et réaliser tout projet qui lui sera confié On
comprend que le Graham puisse considérer qu’« Hiram avait reçu une
inspiration divine, tout comme le sage roi Salomon ou encore le saint
Betsaléel » (n’oublions pas que 1 R 7, 13, précise qu’il est « rempli
de sagesse, plenum sapientia, filled with wisdom »). Ainsi, entre 1723, première mention d’Hiram-Abif dans un texte maçonnique, les Constitutions, qui ne connaît encore que deux grades, apprenti (apprentice) et compagnon (fellow), et 1730, où, dans Masonry dissected, se rencontre, associés, une légende maçonnique achevée d’Hiram et l’attestation d’un troisième grade, le maître, la maçonnerie anglaise a donc vu émerger ensemble le troisième grade et la légende hiramique. |
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