Obédience : NC | Site : http://alnr.chez-alice.fr | 2000 |
Histoire de la Franc-Maçonnerie 2 - L'expansion de la franc-maçonnerie En
1717, quatre loges londoniennes se réunirent pour former la
première obédience
maçonnique : la Grande Loge de Londres. Cette date marque la
naissance de
l'institution maçonnique moderne. Avant 1717, les loges
étaient disparates et
ne constituaient pas une force. Il leur fallait se réunir en
obédience pour
pouvoir influencer la société. Plus que l'attrait
du secret et du symbolisme,
le besoin de sociabilité animait les
francs-maçons de cette époque. La
Réforme
avait divisé les Anglais et ce jusqu'au sein de la famille
royale. Les loges
offraient la possibilité de se réunir et de
festoyer par-delà les barrières
religieuses. L'ouverture d'esprit qui animait les fondateurs de la
Grande Loge
de Londres se manifesta par la rédaction des Constitutions
d'Anderson,
lesquelles n'imposaient qu'une seule « religion » :
l'amitié. Malheureusement,
les hommes n'étant que des hommes, le conservatisme reprit
force et vigueur et
en 1738, puis en 1815, la Grande Loge de Londres imposa la croyance en
dieu à
ses membres. En
France, la franc-maçonnerie serait apparue à
Saint-Germain en Laye, en 1688.
Les Stuart et la noblesse écossaise
réfugiés en France après la
Révolution
d'Angleterre auraient souhaité constituer une loge dans le
célèbre château où
naquit Louis XIV. Mais là encore les avis
diffèrent quant à la naissance de la
première loge française. Etienne Gout soutient
que la première loge connue dans
notre pays devait sa fondation, le 1er juin 1726, à des
militaires irlandais
enrôlés dans l'armée de Louis XV. Elle
se réunissait dans une taverne à
l'enseigne du « Louis d'argent », près
de Saint-Germain des prés. André Combes
certifie que la première loge française est
ouverte en 1725 à Paris par des
catholiques stuartistes réfugiés. Cependant, un
fait est établi : la naissance
de la première obédience française. La
première Grande Loge de France aurait
été créée entre mai et
juillet 1728 par le duc de Wharton, ancien grand-maître
de la Grande Loge de Londres. Mise en sommeil, la Grande Loge de France
est
réveillée en 1735 et choisit Mac Lean comme
Grand-Maître. Mais la GLDF était
encore dépendante de la Grande Loge de Londres. Pour cette
raison, certains
historiens ne reconnaissent la création de la GLDF qu'avec
l'élection du duc
d'Antin à la Grande-Maîtrise en 1738. La
même année, le pape Clément XII
condamne la franc-maçonnerie. Il craint la propagation du
protestantisme et de
l'agnosticisme en Europe par le biais des loges. La
franc-maçonnerie présente
en Grande-Bretagne et en France se développe dans toute
l'Europe. La première
loge russe naît en 1717, en Belgique en 1721, en Espagne en
1728, en Italie en
1733 et en Allemagne en 1736. Cette rapide expansion est due
à la forte
représentation des militaires dans l'institution. Ceux-ci
étant amenés à se
déplacer, contribuèrent à la
création de loges lors de leurs campagnes. Hélas,
la première obédience française est
atteinte de graves troubles. En effet, des
clans s'organisent après la mort du duc d'Antin. C'est Louis
de Bourbon-Condé
qui devient le nouveau Grand-Maître de la Grande Loge de
France mais il ne peut
empêcher la formation de deux camps diamétralement
opposés : les
"lacornards" et les "antilacornards". Lacorne est le Second
Substitut du comte Louis de Bourbon. Lacorne se serait
emparé de la direction
de l'obédience en plaçant ses partisans aux
postes importants. Les
"lacornards" sont des grands bourgeois alors que les
"antilacornards" sont des aristocrates. Cette guerre fratricide va
entraîner la dissolution de la Grande Loge de France le 24
décembre 1772. Des
cendres de cette obédience va naître la Grande
Loge Nationale de France (1ère
du nom) qui devient le Grand Orient de France quelques mois plus tard. La
cohésion des loges est atteinte avec la création
du Grand Orient : en 1773. En
1777, le Grand-Orient de France possédait trois cents loges. Les
francs-maçons sont souvent appelés les
« fils de la Lumière », le rapprochement
avec le siècle des Lumières est donc facile. Il
est vrai que nombre de
philosophes furent maçons comme Voltaire, Montesquieu, le
marquis de Sade, mais
aussi Goethe et Lessing (qui contribuèrent à
l'Aufklarung, les Lumières
allemandes). La
Révolution française : un complot
maçonnique ? L'appartenance
de certains philosophes à l'institution
maçonnique va entraîner une des plus
grandes mystifications littéraires du XVIIIè
siècle : la thèse du complot ourdi
par les loges maçonniques contre l'Eglise et l'Etat. Elle
est imaginée par le
jésuite Augustin Barruel et développée
dans les Mémoires pour servir à
l'histoire du jacobinisme (1797). La mystification de Barruel est bien
structurée. Dans un premier temps, il dénonce
l'influence des philosophes sur
la société française et
dénigre leur agnosticisme, voire leur
anticléricalisme.
Les traces de l'anticléricalisme des philosophes
étaient effectivement
perceptibles dans le Dictionnaire Philosophique de Voltaire et dans
L'Encyclopédie de Diderot. Dans
un deuxième temps, le jésuite tente de prouver
l'appartenance des philosophes à
la franc-maçonnerie par le biais d'arrière-loges
qui auraient été les
laboratoires de la Révolution. Enfin,
Barruel crée une théorie qui laissera des traces
jusqu'au vingtième siècle :
l'influence des Illuminés, sorte de super-maçons
qui auraient entraîné les
loges à la préparation de la sédition.
Barruel s'était appuyé sur la puissance
des Illuminés de Bavière, un ordre
para-maçonnique aux idées rationalistes. La
réalité historique est fort
éloignée des élucubrations de Barruel.
La
franc-maçonnerie dans son ensemble n'inspira pas la
Révolution. En revanche,
certaines loges pratiquaient les doctrines philosophiques des
Lumières, et
notamment la loge des Neuf Soeurs. Les principes de liberté
d'égalité et de
fraternité était effectifs dans quelques loges.
La monarchie n'autorisait le
port de l'épée qu'aux nobles. Les loges
s'emparèrent de ce symbole de
l'élitisme pour le détourner. Les
francs-maçons portaient tous l'épée en
loge
quel que soit leur statut social. Des archives de loges ont
été retrouvées au
XIXè siècle et les historiens ont
constaté avec surprise que la devise «
Liberté, Egalité, Fraternité
» figurait dans les registres. Mais cette
fraternité effective n'était pas
omniprésente en Maçonnerie. L'historien Daniel
Ligou signale que les artisans, les boutiquiers, les juifs, les pauvres
et les
comédiens étaient très souvent exclus
des loges. Cette anecdote témoigne de
l'absence d'égalitarisme dans la majorité des
loges françaises. Il
est donc exact que la franc-maçonnerie n'a pas directement
inspiré la
Révolution française. Mais il est
également vrai que la Maçonnerie accueillit
dans ses ateliers des hommes de progrès. Ils firent
rejaillir à l'extérieur des
temples les connaissances qu'ils avaient acquises en loge. Parmi ces
hommes se
trouvaient : Marat, Lafayette, Mirabeau et Desmoulins. Enfin,
pour être tout à fait précis, il est
important de signaler que la Terreur donna
l'occasion au Grand-Maître du Grand-Orient de se faire
remarquer. En, effet,
Philippe Egalité, cousin de Louis XVI vote en faveur de
l'exécution du roi. Sa
décision frappe de stupeur l'Assemblée y compris
Robespierre qu'on surnomme «
le tigre assoiffé de sang ». Le
Grand-Maître se justifie par ces mots :
Uniquement occupé de mon devoir, convaincu que ceux qui ont
attenté ou
attenteront par la suite à la souveraineté du
peuple méritent la mort, je vote
pour la mort... Après
avoir
renié ses racines, Philippe Egalité trahit la
franc-maçonnerie en adressant une
lettre emplie de mépris au secrétaire du G.O. :
Comme je ne connais pas la
manière dont le Grand Orient est composé, et que,
d'ailleurs, je pense qu'il ne
doit y avoir aucun mystère, ni aucune assemblée
secrète dans une république,
surtout au commencement de son établissement, je ne veux
plus me mêler en rien
du Grand-Orient ni des assemblées de
francs-maçons. Le XIXè
siècle Affaiblie
par la Révolution française, la
franc-maçonnerie va reprendre force et vigueur
sous le Directoire. Elle va être dûment
contrôlée sous le Premier Empire. En
effet, Napoléon ne souhaitait pas détruire cette
institution, il préféra y
faire affilier la majorité de ses maréchaux et
une partie de sa famille. Parmi
les vingt-six maréchaux d'Empire, dix-huit
étaient francs-maçons. Le
Grand-Orient fut même dirigé par Joseph Bonaparte,
le propre frère de Napoléon,
à partir de 1805 et son adjoint fut l'archichancelier
Cambacérès. Jamais, dans
l'histoire de France, la franc-maçonnerie n'aura
été autant contrôlée.
L'empereur
avait un moment envisagé d'interdire la
Maçonnerie mais y avait renoncé à la
suite d'une démarche passionnée du
Frère Masséna. Fin
stratège, Napoléon savait qu'il valait mieux
avoir la franc-maçonnerie avec soi
et déclara : Aussi longtemps que la maçonnerie
n'est que protégée, elle n'est
pas à craindre ; si, au contraire, elle était
autorisée elle deviendrait trop
puissante et pourrait être dangereuse. Telle qu 'elle est,
elle dépend de moi,
et moi je ne veux pas dépendre d'elle. Le
22 octobre 1804, le frère de Grasse-Tilly crée la
Grande Loge Générale
Écossaise. Napoléon voit d'un assez mauvais oeil
la naissance d'une deuxième
obédience. Pour être mieux à
même de « protéger » la
franc-maçonnerie, il
impose un concordat au Grand Orient et à la Grande Loge
écossaise dès 1804.
L'obéissance des loges à l'égard de
Napoléon sera soulignée par de nombreux
historiens. Cette soumission avait pour raisons l'extrême
surveillance de la
franc-maçonnerie par la police de Foucher mais aussi la
sincère adhésion au régime
de la plupart des francs-maçons. Dans
les premiers mois de la Restauration, la franc-maçonnerie va
être une période
noire pour les loges car Louis XVIII veut procéder
à une épuration des cadres
de la nation. La police royale mène des enquêtes
sur les francs-maçons qui ont
joué un rôle important pendant la
Révolution et sous l'Empire. De nombreux
Frères seront chassés de l'administration. Pour
ne pas disparaître, le
Grand-Orient et le Suprême Conseil de France (nouvelle
obédience créée en 1821)
vont afficher leur loyalisme. Le règne de Charles X
(1824-1830) est celui d'un
franc-maçon qui a perdu le chemin conduisant vers les loges.
En effet, le roi a
été initié mais il a perdu toute
conviction pour l'institution maçonnique. Les
cléricaux le pressent de supprimer la
franc-maçonnerie mais Charles X sait
qu'il est plus facile de canaliser les velléités
révolutionnaires des loges en
tolérant leurs travaux. La
Révolution de Juillet voit l'avènement de la
monarchie parlementaire. En effet,
Louis-Phillipe n'est pas le roi de France mais le « roi des
Français ». Même si
la police de Thiers surveille de près les loges, le
Grand-Orient peut
travailler sans problèmes et une évolution
commence à s'esquisser.
L'aristocratie et la haute bourgeoisie s'éloignent des loges
au profit de la
petite et moyenne bourgeoisie. L'effet de cette évolution va
permettre l'entrée
des idées libérales. Ainsi, quand en 1848,
Louis-Philippe est déchu, les
francs-maçons sont gagnés par les
idées républicaines. Le Grand-Orient
manifeste sa vive sympathie pour la IIè
République : La République est dans la
Maçonnerie. La république fera ce que fait la
Maçonnerie, elle deviendra le
gage éclatant de l'union des peuples sur tous les points du
globe sur tous les
côtés de notre triangle, et le Grand Architecte de
l'Univers, du haut du ciel,
sourira à cette noble pensée de la
République. La
renaissance de la République fut possible grâce au
parrainage de plusieurs
grands personnages de la littérature française
dont le poète Lamartine. Bien
que celui-ci ne fut pas Maçon, il avait une certaine
sympathie pour la
philosophie maçonnique et il soutint les frères
qui voulaient retrouver leur
influence auprès de l'Etat : Je vous remercie, au nom de ce
grand peuple qui a
rendu la France et le monde témoin des vertus, du courage,
de la modération et
de l'humanité qu'il a puisé dans vos principes,
devenus ceux de la République
française. Ces sentiments de fraternité, de
liberté, d'égalité qui sont
l'évangile de la raison humaine, ont
été laborieusement, quelquefois
courageusement, scrutés, propagés,
professés par vous dans vos enceintes
particulières, où vous renfermiez jusqu'ici votre
philosophie sublime. Mais
la franc-maçonnerie n'est pas la seule à
solliciter les faveurs de la
République, le Compagnonnage entre en concurrence avec elle
porté par son
principal représentant : Agricol Perdiguier. Le Grand-Orient
contre-attaque en
augmentant le tarif de ses cotisations. Cela a pour effet
d'écarter les
artisans. Déçus par le retour de
l'élitisme, quelques frères créent une
nouvelle obédience : la Grande Loge Nationale de France
(2è du nom à ne pas
confondre avec celle de 1772). Cette nouvelle
fédération veut réunir les hommes
sensibles à l'amélioration de la
société, quelque soit leur classe sociale. Le
gouvernement voit d'un mauvais oeil cette tentative de
réforme de la Maçonnerie
et interdit la GLNF en 1851. Louis-Napoléon Bonaparte, le
neveu de Napoléon qui
était président de la République
depuis 1848 restaure l'empire en décembre
1852. Napoléon III, lorsqu'il était encore
Louis-Napoléon, fils de la reine
Hortense, avait été initié dans une
vendita et avait prêté le serment des
carbonari, qui exigeait un dévouement total,
jusqu'à la mort. La Charbonnerie
était la cousine italienne de la franc-maçonnerie
mais elle était nettement
plus politisée. Son but était l'unification de
l'Italie. De cette expérience,
Napoléon « le petit » (comme le
surnommait Hugo) retint une leçon : il ne faut
pas interdire les sociétés discrètes
ou secrètes car elles se reforment et deviennent
dangereuses. Comme son oncle, Napoléon III
contrôle la franc-maçonnerie en
plaçant ses hommes. Ainsi, le prince Murat devient
Grand-Maître et occupe ce
poste de 1852 à 1861. Il dirige le Grand Orient d'une main
de fer mais sa
gestion est mauvaise, il se ruine en achetant un hôtel
luxueux rue Cadet pour
installer toutes les loges parisiennes du Grand-Orient. La principale
obédience
française est endettée et les
francs-maçons sont de plus en plus nombreux à
mettre en doute les qualités de Grand-Maître de
Murat. Le prince ne supporte
pas d'être critiqué et radie quarante
vénérables qui avaient protesté contre
sa
mauvaise gestion. L'empereur ne voit pas d'autre solution que de
remplacer le
prince Murat. Il nomme un profane comme Grand-maître. En
effet, le maréchal
Magnan n'est pas maçon, il est propulsé
à la direction du G.O. et doit recevoir
les trente-trois degrés, qui font d'un homme un «
initié », en une seule
journée ! Le
maréchal prenant son rôle très au
sérieux, limitera les interventions du
pouvoir impérial. En 1869, Magnan meurt et ses
obsèques créent un incident
entre l'épiscopat français et le Vatican. En
effet, le Grand-Maître avait émis
le souhait d'être enterré religieusement avec les
insignes maçonniques sur son
cercueil. La cérémonie eut lieu à
Notre Dame de Paris sous les auspices de Mgr
Darboy qui répondit avec humour aux attaques pontificales.
Il fit croire au
pape qu'il n'avait pas vu l'équerre et le compas qui
ornaient le cercueil ! En
1870, l'Empire est affaibli par la guerre menée contre la
Prusse et la défaite
de Sedan débouche sur l'abdication de Napoléon
III. La IIIè République naît,
elle sera largement influencée par la
franc-maçonnerie. Dès la proclamation du
nouveau régime, les frères sont
présents au sein du gouvernement. On compte de
nombreux maçons parmi les ministres : Crémieux,
Garnier-Pagès, Pelletan puis un
peu plus tard : Gambetta, Arago et Jules Simon. La jeune
République est
rapidement mise à mal avec les révoltes de la
Commune. Lors de cette période,
la franc-maçonnerie est divisée mais les
initiatives appelant à l'arrêt des
combats sont nombreuses à émaner des loges. La
manifestation pacifique la plus
importante a lieu le 29 avril 1871, six mille francs-maçons
des loges
parisiennes se rassemblent Place du Louvre puis dressent leurs
bannières devant
les remparts provoquant le cessez-le feu des Versaillais. Ils sont
partis à
huit heures du matin, ont été rejoints par des
bataillons de garde nationaux et
par cinq membres de la Commune dont Jean-Baptiste Clément,
l'auteur du chant
Communard : Le temps des cerises. Malheureusement, la conciliation est
un échec
et trois semaines plus tard les Versaillais entrent dans Paris puis
tirent sur
la foule. Les
francs-maçons plantent leurs bannières Place du
Louvre De
nombreuses réformes apparaissent dans l'institution
maçonnique dans le dernier
quart du siècle. En 1877, l'obligation de croire en un
être suprême est
abandonnée par le Grand Orient et les femmes vont enfin
pouvoir recevoir
l'initiation qui leur était interdite depuis le
début de la Maçonnerie
spéculative. Avec la création de
l'obédience mixte, le Droit Humain, en 1893,
Maria Deraismes (qui avait été reçue
clandestinement par la loge maçonnique «
les libres-penseurs du Pecq) décide d'utiliser la
Maçonnerie pour
l'émancipation des femmes. L'écrivain
rationaliste sera aidée par le mouvement
féministe tout juste naissant. Forte de ces
réformes, la Maçonnerie pourra se
prévaloir d'être la garante du progrès.
Pour appliquer ses idées, elle va se
politiser de plus en plus. Les travaux des loges sont axés
sur des sujets
politiques et sociaux qui le plus souvent se retrouvent dans le
programme du
Parti Radical. La
Franc-Maçonnerie est la République à
couvert. La République est la
Franc-Maçonnerie à découvert. Cet
aphorisme du frère Gadaud, ministre du
commerce en 1894 traduit bien l'influence de la
franc-maçonnerie dans la
société française. L'année
1894 voit la création d'une nouvelle obédience
maçonnique (après le Grand-Orient et le Droit
Humain), il s'agit de la Grande
Loge de France qui n'a rien à voir avec son prestigieux
homonyme de 1728. Cette
nouvelle obédience déiste travaille «
à la gloire du Grand Architecte de
l'Univers » et privilégie la réflexion
sur les symboles maçonniques.
L'omniprésence des maçons dans la vie politique
ne fut pas pour plaire à
l'ensemble des conservateurs. Pour cette raison, la
Maçonnerie dut faire face
au boulangisme. Boulanger, le général
réactionnaire était sur le point de prendre
le pouvoir et d'anéantir la République en 1889
mais Ernest Constans, maçon et
ministre de l'Intérieur réussit à
débarrasser la France du dangereux militaire.
La démocratie étant sauvée, les
francs-maçons allaient pouvoir faire voter
leurs idées au Parlement. Un train de lois sociales avait
été étudié dans les
diverses obédiences prévoyant l'assistance
publique intégrale, la suppression
de la peine de mort, la fondation des banques populaires, le droit au
divorce
par consentement mutuel, les retraites ouvrières et le
mouvement mutualiste. Ce
programme très novateur fut transmis aux
francs-maçons parlementaires qui n'en
tinrent compte que partiellement, afin de ne pas perdre leurs
électeurs souvent
effrayés par les réformes. Néanmoins,
la Maçonnerie républicaine ou la
République maçonnique aura su imposer
l'enseignement laïc et gratuit améliorant
ainsi la Loi Guizot qui l'avait rendu obligatoire quarante ans plus
tôt. Les
lois dites « laïques »
créées par Jules Ferry établirent une
coupure entre les
domaines religieux et civils. En 1880, des décrets contre
les congrégations
excluaient les évêques du Conseil
Supérieur de l'Université et en 1882, les
écoles primaires furent débarrassées
des crucifix. La victoire de la
franc-maçonnerie sur l'Eglise ne pouvait que contribuer
à la diabolisation des
Frères comme en témoigne l'Encyclique Humanum
Genus de Léon XIII : A notre
époque, les fauteurs du mal paraissent s'être
coalisés dans un immense effort,
sous l'impulsion et avec l'aide d'une société
répandue en un grand nombre de
lieux et fortement organisée, la
Société des francs-maçons. Ceux-ci, en
effet,
ne prennent plus la peine de dissimuler leurs intentions et ils
rivalisent
d'audaces entre eux contre l'auguste majesté de Dieu. C'est
publiquement, à
ciel ouvert, qu'ils entreprennent de ruiner la sainte Eglise, afin
d'arriver,
si c'était possible, à dépouiller
complètement les nations chrétiennes des
bienfaits dont elles sont redevables au sauveur Jésus Christ
[...] Or, les
fruits produits par la secte maçonnique sont pernicieux et
les plus amers.
Voici, en effet, ce qui résulte de ce que Nous avons
précédemment indiqué et
cette conclusion Nous livre le dernier mot de ses desseins. Il s'agit
pour les
francs-maçons, et tous leurs efforts tendent à ce
but, il s'agit de détruire de
fond en comble toute la discipline religieuse et sociale qui est
née des
institutions chrétiennes et de lui en substituer une
nouvelle façonnée à leurs
idées et dont les principes fondamentaux et les lois sont
empruntés au
naturalisme. [...] Ainsi, dut-il lui en coûter un long et
opiniâtre labeur,
elle se propose de réduire à rien, au sein de la
société civile, le magistère
et l'autorité de l'Eglise, d'où cette
conséquence que les francs-maçons
s'appliquent à vulgariser, et pour laquelle ils ne cessent
pas de combattre, à
savoir qu'il faut absolument séparer l'Eglise de l'Etat. Par
suite, ils
excluent des lois aussi bien que de l'administration de la chose
publique, la
très salutaire influence de la religion catholique et ils
aboutissent logiquement
à la prétention de constituer l'Etat tout entier
en dehors des institutions et
des préceptes de l'Eglise. La
lutte intense qui opposa la franc-maçonnerie à
l'Eglise donna lieu à une
littérature abondante dans les milieux rationalistes mais
aussi chez les
ecclésiastiques. Pour les rationalistes, les membres de
l'Eglise sont des
pervers sexuels et Léo Taxil utilisera abondamment ce filon
avec des ouvrages
comme Les friponneries religieuses
(téléchargeable sur
http://bnf/gallica.fr) (1880) et Les maîtresses du
Pape (1884). Pour
les cléricaux, la franc-maçonnerie est une secte
satanique, Mgr Fava révèle ce
qu'est, selon lui, Le secret de la franc-maçonnerie (1885) : [...] jeter
Dieu à bas de son trône éternel et de
ses autels, pour y mettre à sa place la
créature, telle a toujours été la
tactique savante de Satan dans sa guerre
contre la Divinité et l'humanité : c'est aussi la
tactique que l'on retrouve
dans le panthéisme maçonnique. L'affaire
Dreyfus allait également amplifier
l'antimaçonnisme. Le cas de ce capitaine
juif, condamné à tort pour espionnage, passionna
l'opinion publique et faillit
déboucher sur une guerre civile. Les adversaires de Dreyfus
fustigeaient le
régime républicain et menaient de violentes
campagnes contre ce qu'ils appelaient
la " dictature judéo-maçonnique ". La
rumeur est lancée et le créneau
littéraire aussi, les ouvrages antimaçonniques
vont se suivre en quelques années avec un succès
inégal, (Satan et cie par Paul
Rosen en 1888, La franc-maçonnerie, synagogue de Satan par
Mgr Meurin en 1893)
seul un ex-libre-penseur dénommé Léo
Taxil saura tirer un réel profit de
l'antimaçonnisme, avec une mystification qui durera douze
ans. «
L'affaire Léo Taxil » L'oeuvre
de Taxil est vaste, sa période antimaçonnique
s'étend de 1885 à 1897. Elle suit
un certain nombre de bouleversements historiques :
l'avènement de la deuxième
République en 1848, le coup d'Etat de 1852 qui sonne le
début du Second Empire
puis la défaite des Français contre les Allemands
provocant la perte de l'Alsace/Lorraine.
Sur le plan littéraire, cette période qui va de
1848 à 1870 voit la création de
nombreux mouvements comme le romantisme mené par Hugo et
George Sand, puis le
naturalisme inspiré par les frères Goncourt et
développé par Zola. Les années 1870
sont animées par un soucis de rationalisme sur le plan
politique, littéraire,
religieux et scientifique avec des auteurs comme Littré,
Comte et sur le plan
politique c'est l'avènement de la IIIè
République, la lutte entre l'Eglise et
l'Etat, la guerre entre les libres-penseurs et les
cléricaux. L'excès de
rationalisme provoque une réaction d'un certain nombre
d'auteurs et d'artistes.
Ainsi, le symbolisme et la décadence viennent bousculer la
République
libre-penseuse. Moreau, Huysmans et Villiers de l'Isle Adam s'inspirent
de la
mythologie des sciences occultes pour créer une
atmosphère fantastique à leurs
oeuvres. Léo
Taxil entre dans le monde littéraire à la suite
de tous ces bouleversements, il
est tour à tour anticlérical, libre-penseur,
franc-maçon puis antimaçon,
religieux patriote chantant la gloire de Jeanne d'Arc, la bonne
lorraine. Il
est une véritable éponge qui boit toutes les
humeurs de son époque. Les
mystères de la franc-maçonnerie
dévoilés publié
en 1886
et Le
diable au XIXè siècle
édité en 1895 s'inspire de la vogue de
l'occultisme et de son roman phare Là-bas dont l'auteur est
Huysmans. Les
Français fuient le rationalisme trop terre à
terre, ils recherchent l'évasion
dans le fantastique, ce qui explique le succès des
sociétés rose-croix de la
franc-maçonnerie alchimiste qui avait
été créée un
siècle plus tôt par le comte
Cagliostro et de tout ce qui peut provoquer le frisson. C'est
l'époque du
spiritisme et du magnétisme auquel Victor Hugo lui
même s'adonnait. L'occasion
était trop belle pour manquer de construire une gigantesque
mystification
littéraire qui utiliserait les ingrédients de
l'occultisme : le spiritisme, les
messes noires, la franc-maçonnerie; afin de
séduire les français et surtout les
catholiques. Léo Taxil a su arriver au bon moment,
doté d'un argumentaire
d'autant plus efficace qu'il pouvait plaire à une
majorité qui ne demandait
qu'à être bernée. Le
Diable au XIXè siècle et Les
mystères de la franc-maçonnerie
dévoilés sont bien des mystifications
littéraires car ces oeuvres ont pour but
d'exciter la raillerie générale contre la
franc-maçonnerie. De plus, leur
auteur dirige implicitement ses écrits contre l'Eglise
catholique dans le but
de se jouer de la crédulité des
ecclésiastiques. Léo Taxil en donnant
à croire
que le diable existe et qu'il évolue dans les loges
maçonniques, fustige
l'encyclique pontificale Humanum Genus .
Léon XIII voulait voir dans la
franc-maçonnerie le royaume de Satan. Par
conséquent, Léo Taxil composa sa
mystification dans le sens agréable aux catholiques. Néanmoins,
il ne faut pas mettre sur le même plan la mystification
littéraire de Léo Taxil
et celles des auteurs auto-proclamés Fumistes, Hirsutes, et
Hydropathes. Ces
auteurs composaient des canulars basés sur le pastiche qu'on
pouvait ressentir
comme une forme d'hommage aux écrivains parodiés.
En revanche Taxil ne fit pas
l'éloge du pape le 19 avril 1897, quand il
révéla sa mystification. De plus,
les plaisanteries de Taxil n'étaient pas toujours
bienveillantes. L'auteur du
Diable au XIXè siècle n'a pas
hésité à verser dans
l'antisémitisme le plus
ordurier pour satisfaire les fantasmes de ses lecteurs. Le
canulard de Léo Taxil est repris par
l'extrême-droite et les fanatiques du
"complot". Un ancien témoin de Jéovah (M.
Leblank) est persuadé que
la franc-maçonnerie est à l'origine de la secte
dont il a fait partie. Un
certain Mr. Poinsard (apparemment nostalgique d'une époque
ou la monarchie et
le christianisme étaient absolus, d'après les
idées et les images véhiculées
par son site) tente de faire croire que la vraie supercherie fut, pour
Taxil,
de transformer une "réalité" (le Palladisme) en
"mystification". En clair, ce M. Poinsard croit encore aux anges et
aux démons ou est assez naïf pour penser que des
gens sérieux vont tomber dans
le piège qu'il tend en se faisant passer pour un
éditeur spécialisé dans
l'histoire de la "Haute Maçonnerie". Le but réel
de ce monsieur et de
sa maison d'édition intitulée, "Editions Sources
Retrouvées" est de
diffuser une pensée dégageant des remugles
méphitiques : celle qui conduit les
être humains dans des prisons ou des camps simplement pour ce
qu'ils sont ou ce
qu'ils pensent. Suite dans www.ledifice.net/7194-4.html |
7194-3 | L'EDIFICE - contact@ledifice.net | \ |