Obédience : NC | Loge : NC | 21/11/2008 |
Le XXè siècle Le
début du XXè siècle est
marqué par deux événements
liés à la franc-maçonnerie :
"l'affaire des fiches » et la loi de 1905 qui
sépare les Eglises de
l'Etat.
«
L'affaire des fiches » alimenta les passions et les rancunes
entre les
francs-maçons et les cléricaux. Le Grand-Orient
souhaitait voir la fin du
pouvoir de l'Eglise. Pour cette raison, les frères du G.O.
fichèrent les
officiers de l'armée française, dès le
début des années 1890, selon leurs
tendances religieuses et politiques. Le frère
Vadécard, chef du secrétariat du
Grand-Orient se mit en relation avec le capitaine Mollin,
attaché du ministre
de la Guerre : le général André. Ce
procédé dura quelques temps jusqu'au moment
où Jean Bidegain, employé au G.O. vendit les
fiches à un député nationaliste :
Guyot de Villeneuve.
Le
général André fut giflé en
pleine séance parlementaire par le
député Syveton et
démissionna. Syveton fut appelé à
comparaître aux Assises pour son acte
agressif. Il fut retrouvé mort dans son bureau le 8
décembre 1904, veille du
jour où il devait se présenter au tribunal. Les
antimaçons répandirent la
théorie du crime maçonnique alors que la police
avait conclut à un suicide.
Le
Grand-Orient devait malgré tout se justifier. Le conseil de
l'ordre de
l'obédience invoqua la nécessité
impérieuse d'épurer l'armée des
nombreux
anti-dreyfusards qui l'infestaient. Ceux-ci pouvant constituer une
menace pour
la République.
«
Naissance de la laïcité »
Le
Grand-Orient avait apprécié la loi de 1901 sur
les associations. Cette loi
donnait accès à une réelle
liberté d'expression pour les citoyens. La loi de
1901 ne faisait finalement que compléter la loi du
frère Jules Ferry sur la
liberté de réunion qui ouvrait le champ au
syndicalisme. Mais le Grand-Orient
voulait aller plus loin : il désirait la
séparation des Eglises et de l'Etat.
L'artisan de la loi de 1905 fut le frère Combes, il se
battit ardemment pour
arriver à ses fins. Combes réussit à
faire passer son projet le 9 décembre 1905
alors que les loges réclamaient la fin du pouvoir
clérical depuis 1886. Près de
vingt ans de lutte auront été
nécessaires pour obtenir la victoire. La nouvelle
loi stipulait : la République ne reconnaît, ne
salarie, ne subventionne aucun
culte... La laïcité est née
grâce aux francs-maçons, elle permet à
toutes les
personnes vivant en France la liberté de conscience et le
libre exercice du
culte quel qu'il soit.
En
1913, la franc-maçonnerie religieuse et conservatrice
née en Grande-Bretagne en
1717 essaime en France. En effet, Edouard de Ribaucourt, professeur de
sciences
naturelles et frère du G.O.D.F. fonde la Grande Loge
Nationale Indépendante
(future Grande Loge Nationale de France 3è du nom). Cette
nouvelle obédience
impose à ses membres la croyance en Dieu et refuse les
débats de fonds sur la
politique et la société. L'esprit de la
franc-maçonnerie à tendance
nationaliste et conservatrice (pour ne pas dire
réactionnaire) transparaît dans
le manifeste de la Grande Loge Nationale Indépendante
publié le 27 décembre
1913 par de Ribaucourt.
Nous
avons été amenés, pour sauvegarder
l'intégrité de nos rituels rectifiés
et
sauver en France la vraie Maçonnerie de tradition, seule
mondiale, à nous
constituer en Grande Loge Nationale Indépendante et
régulière pour la France et
les colonies françaises.
Il
émane de ce texte une dose certaine d'intégrisme.
Les mots intégrité , sauver
et "vraie maçonnerie" marquent le manque de
tolérance de Ribaucourt à
l'égard des autres obédiences. Le sens du mot
« vrai » chez les francs-maçons
de la GLNI semble avoir une valeur absolue et non relative.
La
« Grande Guerre » éclate en 1914. Le
président du conseil est un franc-maçon,
il s'agit de René Viviani et son cabinet compte neuf
frères. Joffre qui est
chef des armées est également maçon.
Les loges ne se réunissent que rarement du
fait des combats. En 1917, la révolution des Soviets
crée la polémique. Les
francs-maçons hésitent à
reconnaître le bolchevisme. En cette même
année, les
frères réfléchissent à la
création d'un organisme international qui garantirait
la paix entre les peuples. La Société des
Nations, ancêtre de l'ONU est une
création maçonnique qui, malheureusement,
échouera dans toutes ses tentatives
de conciliations.
La
fin de la première guerre mondiale va aviver les divisions
entre les frères.
Certains sont attirés par la SFIO, ils sont majoritaires et
d'autres optent
pour le communisme. Mais en 1922, le IVè congrès
de l'Internationale interdit
la double appartenance au parti communiste et à la
franc-maçonnerie. Les
ouvriers qui étaient déjà peu nombreux
dans les loges ont peu de chance de
grossir les rangs des loges. Néanmoins le Grand-Orient
continue son engagement
dans la cité et publie un manifeste intitulé Aux
forces de gauche . Ce texte
diffusé à cinq cent mille exemplaires contribue
partiellement à la victoire du
Cartel des gauches.
Le
progrès social et l'humanisme de gauche des loges sont
malheureusement entachés
par l'arrivisme et l'affairisme d'une minorité de
« faux frères ». C'est le cas
lors de l'affaire Stavisky qui éclate en 1934 sous la
présidence du frère
Chautemps. Stavisky était un escroc qui avait su utiliser le
milieu maçonnique,
les journalistes, quelques avocats véreux et des policiers
douteux en y mettant
le prix. Il avait réussi à rafler huit cents
millions à l'épargne française et
les avait dépensés avec prodigalité.
Stavisky était un aventurier qui avait
distribué cent millions pour acheter le silence public. Il
subventionnait les
campagnes électorales des partis politiques et les fonds
occultes des
personnages influents. Parmi ces personnes se trouvaient des
francs-maçons. La
Maçonnerie comme la République
s'étaient compromises. Les antimaçons se
réjouirent, il en résulta une manifestation qui
failli faire renverser la IIIè
République. Le 6 février 1934, de nombreux
fascistes réclament la fin du
parlementarisme et l'interdiction de la franc-maçonnerie.
Dès cette époque, le
mythe de l'emprise judéo-maçonnique sur la vie
politique reprend du service.
Néanmoins
les forces réactionnaires se font battre aux
élections de 1936. Le Front
Populaire arrive au pouvoir et transforme la
société française par ses lois
généreuses : les congés
payés et la semaine des quarante heures. Au
défilé du
14 juillet 36, le Grand-Orient se fait représenter. Ainsi,
il soutient
implicitement la politique du Front Populaire mené par les
frères Ramadier,
Salengro, Viollette, Chautemps et Zay.
1940 : Vichy
brise la franc-maçonnerie
Pendant
l'entre-deux guerres, la franc-maçonnerie a
exercé une influence considérable
sur la politique française. Elle a notamment
contribué à la victoire du Cartel
des gauches en 1924. Cette influence ajoutée à
l'implication de quelques frères
dans l'affaire Stavisky a suffi à nourrir des rancoeurs dans
certains milieux.
L'extrême droite française « rongeait
son frein » depuis plus de dix ans quand
Pétain arriva au pouvoir à la demande des
députés. L'Action Française royaliste
et les Jeunesses patriotes vont prêter main forte
à l'Etat français dans son
entreprise de destruction des loges. La haine antimaçonnique
de Vichy se
traduit par la promulgation des lois du 13 août 1940
interdisant les « sociétés
secrètes ». Le terme de «
sociétés secrètes » a
été employé
délibérément dans
la création des lois pour dénigrer les loges
maçonniques mais aussi pour
englober les autres organismes de contre-pouvoir comme le
Comité des forges.
La
position de Pétain vis-à-vis de la
franc-maçonnerie a toujours été
claire.
Alors qu'il présidait le dernier gouvernement de la
IIIè République, il obligea
son vice-président : Camille Chautemps à
démissionner de l'institution
maçonnique. Chautemps refusa et interrogea le
maréchal sur ses convictions à
l'égard des loges. Pétain répondit
simplement : Je sais seulement que c'est une
société dont tout le monde me dit qu'elle fait
beaucoup de mal à mon pays.
Plus
tard, ses propos seront plus précis, tant dans
l'antimaçonnisme que dans
l'antisémitisme : Un
juif n'est jamais responsable de ses origines; un
franc-maçon l'est toujours de
ses choix.
Il
faut savoir que le Grand-Orient n'avait pas attendu les lois du 13
août 1940
pour se saborder. En effet, Le Grand-Maître Arthur Groussier
avait écrit à
Pétain pour lui annoncer la fin des travaux
maçonniques, de la propre
initiative des loges. Il termina sa lettre par une formule de politesse
à
l'égard du maréchal, ce qui lui fit
reproché plus tard. Mais en août 1940,
Pétain n'était pas encore le bourreau du vel
d'hiv'. En 1942, Groussier
n'aurait probablement pas terminé sa lettre de la
même façon.
Dès
août 1940, la chasse aux francs-maçons est
lancée. Le ministre Pierre Pucheu
décide de faire publier les noms des quatorze mille
francs-maçons dans le
Journal officiel. Quant aux fonctionnaires, ils doivent signer un
document
officiel dans lequel ils déclarent n'avoir jamais fait
partie de la Maçonnerie.
Des centaines d'agents devront démissionner. La
persécution n'est pas le seul
fait de l'Etat français. Les Allemands arrêtent,
le 17 août 1940, le frère
Gloton, directeur du journal maçonnique La chaîne
d'union, et le gardent trois
semaines dans la prison de Fresnes. Toutes ses archives sont saisies.
Les
locaux du Grand-Orient, rue Cadet sont occupés par le
service des sociétés
secrètes dirigé par Bernard Faÿ.
Cet
homme ne manqua pas d'énergie dans son entreprise de
destruction de la
Maçonnerie puisqu'il dirigea également la revue
antisémite et antimaçonnique
Les documents maçonniques
(http://www.multimania.com/francsmacons/anti.html) de
1941 à 1944. De plus, Faÿ fut nommé
administrateur général de la
Bibliothèque
Nationale où fut concentrées les archives
confisquées aux loges françaises.
Pour
achever la propagande antimaçonnique, une exposition est
organisée au Petit
palais, à Paris, dans laquelle les visiteurs peuvent
satisfaire leur curiosité
en contemplant la reconstitution du « cabinet de
réflexion » (dans lequel
médite le candidat à l'initiation). Des cartes
montrent les réseaux maçonniques
supposés internationaux et le public peut se procurer un
petit annuaire des
francs-maçons. Le résultat de cette exposition
est finalement plus bénéfique
que négatif pour la franc-maçonnerie puisqu'elle
familiarise le public avec les
pratiques des frères. On dit même que cette
manifestation aurait permis aux obédiences
de recueillir quelques dizaines de candidatures après la
guerre (c'est ce que
rapporte un frère interrogé par Serge Moati dans
le film "Voyage au pays
des francs-maçons").
En
1943, le film « Forces occultes » sort sur les
écrans. Le scénario de ce
moyen-métrage de cinquante minutes a
été réalisé par deux
ex-frère : Jean
Marquès-Rivière et Jean Mamy (sous le pseudonyme
de Paul Riche). Ces hommes se
sont tournés du côté des nazis
dès 1941 et se sont dépensés sans
compter pour
éliminer toute résistance au régime de
Vichy. Marquès-Rivière fuit la France
dès la fin de la guerre sentant que ses positions ne lui
éviteraient pas la
peine capitale. En effet, il fut condamné à mort
par contumace.
Marquès-Rivière
présenta le film au public parisien le 9 mars 1943. Il
vilipenda les Juifs et
les francs-maçons dans des termes odieux : Il est pitoyable
que la mémoire si
courte des Français leur ait déjà fait
oublier les causes profondes de la
situation présente. Car, enfin, qui dirigeait le
régime pourri qui a ruiné et
ensanglanté la France, qui en formait les cadres permanents
et reconnus, sinon
la Maçonnerie, paravent commode de la juiverie
internationale ?
Sa
haine est sans limite, Marquès-Rivière est un
véritable cas clinique de
paranoïa comme le prouve ces quelques propos issus d'un
cerveau malade :
Qui,
derrière les guichets des administrations publiques, attaque
le gouvernement en
créant une atmosphère de défiance et
de haine ? Le Maçon.
Qui
critique les actes du gouvernement du Maréchal,
dénature ses gestes, affaiblit
sa volonté ? Le Maçon.
Qui
fausse les répartitions du ravitaillement, stocke
stupidement les denrées
périssables, affame les milieux ouvriers et favorise ainsi
le marché noir ? Le
Maçon.
Tant
de haine jeté sur les francs-maçons ne fut pas
sans conséquence. Le bilan des
persécutions est lourd car sur les soixante-mille
frères et soeurs recensés par
la police de Vichy, six mille ont été
inquiétés et près de mille ont
été
déportés dans les camps de
concentration.
Les
francs-maçons ne restèrent pas passifs pour
autant puisqu' ils créèrent un
réseau de résistance intitulé :
Patriam Recuperare et un journal clandestin :
La Nouvelle République.
L'épuration
Les
francs-maçons, à l'image de tous les
Français, furent loin de manifester une
résistance sans faille au régime de Vichy. Le cas
de Charles Riandey en est
l'exemple. Cet ancien Grand Commandeur du Suprême Conseil se
fit remarquer par
un antisémitisme outrancier. En effet,
arrêté par la police en raison de son
engagement maçonnique, il déclara à
l'inspecteur S.Moerschel : J'ai combattu,
avec beaucoup d'autres, au prix de pénibles
épreuves, l'envahissement de la
maçonnerie par les juifs (sic). Son engagement dans la
Resistance (en 1943) lui
évita d'être radié de la Grande Loge de
France. Cette anecdote tend à prouver
que la franc-maçonnerie est loin d'être
infaillible et qu'elle peut attirer les
divers composantes de la nature humaine.
Aussi
l'épuration de la Maçonnerie fut
pratiquée dès 1944. Le journal
maçonnique La
chaîne d'union manifeste son soutien à une
politique d'épuration dès la
Libération : Certains frères, par veulerie, par
lâcheté, par intérêt, ont
démérité ; il faut les
éliminer. Il faut procéder au grand nettoyage.
Nettoyage
matériel de nos temples, mais surtout nettoyage
spirituel.
De
fait, le nettoyage a bien lieu, les « collabos »
sont chassés de l'ordre et les
frères doivent se plier à une enquête
sur leurs activités durant la guerre.
Pierre Mendès-France fut choqué d'être
soumis à un tel interrogatoire alors que
son passé de résistant était connu, il
quitta sa loge. A contrario certains
collabos réussirent à passer entre les mailles du
filet et réussirent à se
faire blanchir. Plusieurs hebdomadaires citèrent le nom de
Charles Hernu à ce
propos mais cet homme a tellement été sujet
à polémique qu'il est difficile de
porter un jugement définitif sur son passé.
Au
lendemain de la guerre, les deux principales obédiences
maçonniques françaises
faillirent s'unir. En effet, le Grand-Orient et la Grande-Loge de
France
signèrent plusieurs actes officiels sous le nom de
Franc-Maçonnerie Française .
Mais cet espoir fut vite déçu car les dirigeants
de la Grande Loge pensaient
qu'une fusion avec le Grand-Orient leur ferait perdre toute chance
d'être «
reconnus » par la Grande Loge d'Angleterre. La
Maçonnerie anglo-saxonne
distribue les « bons-points » aux
obédiences qui tiennent à conserver les
«
landmarks » passéistes constitués par
le refus des femmes et l'obligation de la
croyance en Dieu.
La
franc-maçonnerie contemporaine.
La
franc-maçonnerie contemporaine n'a certes plus l'influence
qu'elle avait du
temps de la IIIè République mais elle est encore
un laboratoire d'idées.
Quelques réformes sociales importantes sont sorties des
loges. Citons les lois
Neuwirth et Veil qui furent préparées par le
frère Pierre Simon, ancien
Grand-Maître de la Grande Loge de France. Ces lois ont
participé à la réelle
émancipation de la femme. Plus récemment, Roger
Leray, ancien Grand-Maître du
Grand-Orient fut appelé par Michel Rocard pour engager un
dialogue de paix en
Nouvelle-Calédonie. La guerre civile a pu être
évitée en 1988 grâce aux efforts
d'un frère.
On
sait que les francs-maçons sont attachés
à la notion de laïcité. Cet
attachement provoqua des heurts en 1984 quand Alain Savary, ministre de
l'Education Nationale voulut réformer le statut des
écoles dites libres . Dix
ans plus tard les francs-maçons descendaient dans la rue
pour manifester contre
la réforme Bayrou qui constituait une nouvelle atteinte
à la laïcité. La
dernière manifestation importante des frères eut
lieu à Valmy, haut lieu de
l'histoire de France, en représailles à
l'invitation du pape par Chirac. Le
président souhaitait que le baptême du roi Clovis
soit retenu comme date de
naissance de la France, au mépris des valeurs
républicaines.
Les
débats qui animent les loges actuellement sont d'ordre
social. Il est question
de réfléchir à
l'établissement d'un revenu vital garanti pour les
chômeurs (qui
serait plus élevé que le RMI). La reconnaissance
civique des homosexuels au
même titre que les hétérosexuels est
également un sujet important pour les
frères et les soeurs.
On
le voit : la franc-maçonnerie a encore de l'avenir...
T.
R.L.N. (mars 2000)
|
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