Les rapports
entre la Franc-maçonnerie et l’Eglise
catholique
La maçonnerie, comment
naît-elle ? D’où
vient-elle ?
Elle est née dans les îles britanniques et nulle
part ailleurs.
Il y a déjà des loges qui ressemblent
à la FM\ en Ecosse dés la fin du
XVI°siècle et en Angleterre au XVII°s.
La maçonnerie telle qu’on la connaît
prend naissance en 1717 avec la constitution de la grande loge de
Londres résultant de la fusion de 4 loges.
Qu’est-ce qui explique que la maçonnerie soit
née dans les îles britanniques ?
A mon avis cela s’explique par le climat politique et
intellectuel très particulier qui est celui des ces
îles au XVII° et XVIII°s.
Pendant cette période elles sont vraiment des territoires
à part, qui n’ont rien à voir avec ce
qui se passe sur le continent, et notamment en France.
A partir du XVII°s on voit se développer deux types
de sociétés :
- Une société bloquée,
essentiellement la société continentale et plus
particulièrement la France
- Une société qui anticipe
d’un siècle la société qui
sera celle du XIX°s.
L’Angleterre a coupé la
tête à son roi en 1649, presque 150 ans avant que
la France ne le fasse.
En dépit de tentatives absolutistes des rois, des
évolutions profondes ont lieu en Angleterre.
L’habeas corpus voté en 1679 donne 150 ans
d’avance à l’Angleterre en
matière de droit de la personne. Ce dispositif est
révolutionnaire pour l’époque.
A partir de 1689, on peut dire que le roi
règne mais ne gouverne pas.
Il y a des partis politiques, des élections
périodiques. L’Angleterre invente la notion de
budget, la cassette du roi ne se confond plus avec celle de
l’Etat.
La liberté de presse et d’expression est totale.
La censure n’existe pas. Il y a donc un débat
démocratique (acte de tolérance de 1689).
En Angleterre on raisonne autrement
qu’ailleurs.
John Toland publie « le christianisme dans
ses mystères ». Cet ouvrage
jette les fondements du déisme.
Cela contraste avec ce qui se passe sur le continent, où,
pour un voyageur, la première chose qu’on lui
demande est quelle est sa religion.
Dans des couches importantes de la société
anglaise, une telle question ne se pose plus. On a sa religion et
« on se fiche »
de celle des autres. La religion devient une question personnelle, on
n’en discute plus.
En 1660 a été
créée la Royal Society. Elle accueillera Newton,
John Locke, tous les grands noms de la science mais aussi du commerce
et de la finance. Des praticiens donc aussi, des armateurs, des
industriels.
On n’y discute pas de théologie. On demande
à ses membres d’appliquer de la meilleure
façon le résultat de leurs recherches, pour le
plus grand bonheur de l’humanité, le plus grand
bien-être des hommes.
Le bonheur de l’homme est « la
tarte à la crème (sic) » du
XVIII°s.
Avec la Royal Society, l’Angleterre invente la R&D =
Recherche-Développement.
Un homme va jouer un rôle important dans ce
processus : DESAGULIERS.
C’est un huguenot français qui a
émigré très jeune avec ses parents en
raison des persécutions.
Il devient docteur en philosophie et en physique. C’est le
meilleur élève de Newton.
Il entre à la Royal Société en 1714.
Il est initié en maçonnerie. Il participe en 1717
à la fondation de la maçonnerie moderne.
En 1719 il devient grand maître.
Il confie à un prêtre écossais
presbytérien le soin de rédiger des constitutions
(ANDERSON 1723).
Ces constitutions naissent donc dans un pays qui se
libère des religions (orthodoxes), où la
liberté d’expression devient totale, où
le débat politique est monnaie courante, où le
déisme devient à la mode, en tout cas chez les
intellectuels et dans les couches élevées de la
société.
Ces constitutions disent que pour être franc-maçon
il ne faut pas être un athée stupide ou un
libertin irréligieux.
L’athéisme radical est condamné. Mais
l’athée tel qu’il est visé
là, c’est parfois celui qui ne croit pas en un
dieu déterminé d’une
religion…(ensuite propos inaudibles en raison de personnes
s’étant mises à tousser aux alentour du
micro).
Ce créateur, cette puissance
première, de grand architecte, son pouvoir s’est
arrêté immédiatement après
la création.
C’est quelqu’un dont on n’accepte plus
les interférences dans la vie.
Comme l’a écrit le sociologue français
GUSDORF (?), parlant du renversement copernicien qui
s’opère dans la société du
XVIII°s, Dieu devient un monarque constitutionnel, il
règne mais ne gouverne pas. Il n’intervient plus
dans la société. On s’écarte
résolument de la vision providentialiste de
l’histoire qui était encore celle d’un
Descartes, et qui sera celle de Bossuet et de beaucoup
d’autres encore jusqu’au XIX°s, savoir que
dieu sait tout et conduit tout du passé, du
présent et du futur.
Au travers des statuts de la FM, dans le contexte, le
bain philosophique que nous venons de retracer, c’est une
vision qui s’atténue (suite de secondes inaudible).
C’est un Dieu qui n’est pas celui d’une
religion spécifique, j’insiste sur ce point,
c’est un Dieu qui transcende toutes les religions.
On appelle dans les constitutions d’Anderson à une
forme de respect et de tolérance entre les croyances et les
croyants.
Desaguliers est aussi un prêtre anglican. Il
fait écrire les statuts de la FM :. par un
presbytérien écossais.
Ce qui frappe dans cette FM\ quand elle naît c’est
l’esprit de tolérance.
Elle est en rupture totale avec la société
profane, civile, en particulier continentale où on
n’a que des religions d’Etat.
Si on n’est pas catholique en France, on est un citoyen de
seconde zone, on est exclu de certains professions, de
l’armée, de l’enseignement, on
n’a pas droit à son culte, à des
pasteurs, on n’a pas d’état civil, pas
de cimetière…
La FM\ telle qu’elle éclot est
révolutionnaire par la pratique de la tolérance.
Dans une loge on trouvera des gens de toutes les religions.
A la fin du XVIII°s un certain nombre de musulmans ont
été initiés.
L’autre aspect qui frappe c’est la pratique de
l’égalité. C’est aussi ce qui
va faire que la FM\ va paraître un mécanisme
d’ascension sociale au XVIII°s.
En loge on se tutoie, tous sont sur un pied
d’égalité pendant la durée
des travaux. Ceci est en rupture totale avec la
société civile traditionnelle, très
hiérarchisée, très
stratifiée. Encore que, là aussi,
l’Angleterre avait des dizaines d’années
d’avance sur le continent.
Les fondements de la FM\ sont donc baignés
par le climat religieux et intellectuel du temps.
L’Eglise catholique va rapidement comprendre
qu’il y a peut-être là un danger.
A deux reprises la papauté condamne la FM\ au
XVIII°s. En 1738 et en 1751. Elle somme les catholiques de
quitter la FM \
Les condamnations fulminées par Rome vont-elles avoir un
effet ?
On constate que, dans un certain nombre de pays, elles n’ont
aucun effet. Elles ne seront même pas publiées.
Ce sera le cas dans nos régions et pour la monarchie
austro-hongroise.
Que reproche l’Eglise catholique à la
FM \ ?
Deux points fondamentaux apparaissent dés 1738 et vont
être récurrents jusqu’au XX°s.
1° point :
On vivait dans des sociétés mono
culturelles d’un point de vue religieux partout sauf en
Angleterre, et un peu en Hollande aussi Dans ce bain mono culturel, ce
qui n’appartient pas à la relation dominante est
écarté. La crainte de l’Eglise
c’est que les catholiques ne soient au contact de personnes
appartenant à d’autres religions et ne soient en
quelque sorte pervertis, devenant potentiellement des
hérétiques.
2° point
L’Eglise ne peut pas accepter qu’un
maçon s’engage au secret maçonnique. Le
catholique se trouve en conflit par rapport à
l’Eglise car il ne doit rien cacher à son
confesseur. Il y a une relation particulière entre le
fidèle catholique et son confesseur. Elle ne peut
être mise à mal du fait du serment
maçonnique.
(10 mn de développements sur
l’empire austro hongrois non retranscrits).
On parle 16 langes dans cet empire et y pratique toutes les religions.
Les empereurs ne suivront pas les bulles papales.
L’empereur d’Allemagne a été
initié maçon par Desaguliers.
Il joue le rôle (lui et ses successeurs) de pare-feu contre
les bulles papales.
A noter que dans les autres royaumes les souverains sont aussi en lutte
contre Rome. C’est Louis XV qui expulse les
jésuites en 1764.
C’est un cardinal archevêque de Toulouse,
Loménie de Brienne, qui préside une commission,
dans les années 1770, qui décide de la fermeture
de 400 couvents et monastères
considérés comme inutiles.
Les esprits évoluent, y compris à
l’intérieur du clergé. Un
père jésuite ami du conférencier a
conclu qu’à la veille de la révolution
il y avait environ 2000 ecclésiastiques dans les loges en
France.
Un évènement important pour la
FM. : est la publication par un abbé
jésuite réfugié à Londres,
Barruel, de « mémoire pour
servir l’histoire du jacobinisme ».
Barruel est influencé par les idées venues
d’Allemagne et d’Autriche et il soutient que la
maçonnerie est à l’origine des grands
bouleversements, dont la décapitation de Louis XVI.
Les connotations qu’avait la philosophie française
(les philosophes des Lumières) étaient
qu’elle était une arme de combat contre le
christianisme, la plupart des philosophes étant
athées ou théistes.
On oublie trop que beaucoup d’idées modernes,
comme la tolérance par exemple, venaient aussi
d’Allemagne, d’Italie et de Hollande.
Souvenons nous que la France des Lumières fait imprimer ses
écrits (Voltaire, Diderot…) à
l’étranger.
Dans plusieurs parties de l’Europe on veut
réformer le christianisme, on eut une morale plus
austère, plus rationnelle.
Il y aura, après 1793, et après
Napoléon 1°, une réaction
européenne contre les idées françaises.
En Bavière, une secte, les illuminés, se
développe. Elle n’a rien à voir avec la
maçonnerie. Elle a un programme
intéressant : égalité,
liberté, elle professe la disparition des despotes.
Leur chef décide d’infiltrer la
maçonnerie.
Barruel a eu accès aux archives des illuminés. Se
développe l’idée nouvelle que la
révolution a été tramée
dans les loges maçonniques.
Avec comme conséquence : les maçons sont
dangereux, ils sont susceptibles de faire des coups d’Etats.
Le mémoire de Barruel sera traduit dans de multiples langues.
Comme la révolution française a
émancipé les juifs, l’idée
se fait jour que ce sont les juifs qui sont derrière tout
cela, d’où l’idée
d’un complot judéo maçonnique.
Cette idée fera fureur jusqu’au régime
de Vichy.
Le général FRANCO en Espagne était un
obsédé de ce complot.
Revenons à l’Eglise.
1832. Grégoire XVI s’en prend au
libéralisme religieux en général. Les
arguments utilisés sont les mêmes
qu’avant.
En décembre 1837 la conférence
épiscopale de Belgique prend en compte
l’encyclique et fait lire une lettre pastorale dans toutes
les églises.
On va voir, en 15-20 ans, de plus en plus de catholiques quitter les
loges.
Il se produit un changement sociologique dans les loges.
En 1864 le pape publie sa grande encyclique Quanta Cura. Elle est
accompagnée d’un Syllabus, devenu Le Syllabus en
raison de son importance. Ce texte condamné les grandes
erreurs du temps aux yeux du pape : le libéralisme,
le socialisme, la démocratie, la liberté de
conscience…
Toutes les grandes libertés héritées
de la révolution américaine et
française sont condamnées.
Ceci provoque un déchirement chez un bon nombre
d’intellectuels restés chrétiens ou
spiritualistes.
Pour beaucoup il y a une incompatibilité entre la science et
la foi, entre la liberté de pensée et
l’adhésion à une religion
révélée.
Une maçonnerie libérale se
constitue. On change les statuts du Grand Orient en France et en
Belgique. Pour être maçon il ne faut plus croire
en Dieu et en l’immortalité de
l’âme. En loge, on accueille tout le monde, des
agnostiques, des athées.
Ce mélange là existe toujours.
Une fracture se produit dans la maçonnerie dite universelle,
entre une maçonnerie libérale et une autre qui
reste attachée aux anciennes croyances.
Dans le droit canon de 1913, la FM. : est
condamnée, elle est appelée secte et les
catholiques maçons sont excommuniés.
En 1983, refonte du droit canon. On en trouve plus la FM dans la liste
des institutions condamnées. Mais, après
promulgation, le cardinal Ratzinger (devenu depuis pape) explique que
rien n’a changé et que les condamnations demeurent.
FIN
Question : quelles différences entre
croyant, agnostique et athée ?
Réponse du conférencier :
l’agnostique dans mon genre c’est
quelqu’un qui pratique un doute raisonnable et scientifique.
Je ne peux pas prouver que Dieu n’existe pas, donc, la seule
position intellectuellement tenable c’est
l’agnosticisme.
Dieu ne fait pas partie de ma perspective, aucunement. Je n’y
pense pas.
Mais je ne dirai pas que je suis athée, je dirai que je suis
agnostique.
Parce qu’un athée, c’est un croyant qui
croit que Dieu n’existe pas, face à un autre
croyant qui croit que Dieu existe.
Le catholique, s’il est catholique, il (doit)
s’incline devant le magistère, devant la
vérité révélée.
Il n’a pas sa liberté de
pensée ; c'est-à-dire que
l’homme catholique ne peut pas faire usage de son libre
entendement.
C’est inacceptable pour l’Eglise que
l’homme aille au bout de ses capacités
intellectuelles.
Et ce citer son conflit avec
l’évêque de Namur lorsqu’il
voulait supprimer les cours de religions pour les remplacer par de la
philosophie et de l’étude comparées des
religions dans les deux dernières années du
secondaire.
Ce qui fait peur à l’Eglise
catholique, c’est la comparaison avec d’autres
religions ; c’est le fait qu’en comparant
on voit que, sous toutes les latitudes, à toutes les
époques, les hommes se sont posés les
mêmes questions.
Chaque Eglise prétend être celle qui
détient la vérité.
Si l’on élargit le champ culturel des
préoccupations, cela introduit le relativisme.
Le relativisme est le plus grand péché que puisse
commettre un catholique.
En FM. : il n’y a pas de
vérité révélée.
Il peut y avoir une bible dans les ateliers mais corrigée
par le compas et l’équerre.
Il y a une vérité, on la cherche, on
espère la trouver, mais elle n’est pas
révélée.
H\ H\
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