Synthèse
et Tolérance
« Celui
qui voyage dans une terre
étrangère
n'est jamais plus près de s'égarer
que lorsqu'il
renvoie son guide, croyant
savoir le chemin ».
Rite Ecossais
Rectifié : maxime du Rite Templier
français.
Idée
de synthése et Raison de Tolérance
En tant que maçon, ne sommes-nous pas en train d'aborder aux
rives que nous
nous sommes assignés d'atteindre ? Nous nous sommes
proposés de faire une
synthèse. Pas une synthèse fermée. Une
synthèse ouverte. Pas de confusion entre
la synthèse à laquelle aspire le maçon
et celle à la quelle nous convie la
religion. Nous sommes d'accord unanimement sur cette opinion. Mais
cette
synthèse, qui est peut-être la base d'une
possibilité de communion par la découverte
de données fondamentales de l'inconscient collectif,
c'est-à-dire, en vérité
non un inconscient qui existe en dehors de nous, mais une
identité fondamentale
de tous nos inconscients individuels, cette synthèse,
certaines méthodes
doivent être utilisées pour y aborder. C'est
peut-être là, qu'outre la voie du
symbolisme, on découvrira le sens de l'accolement de cette
expression : «
raison de tolérance ». La tolérance
n'est pas un but en soi, on se fait une
raison ; l'homme est naturellement intolérant, opposant,
acharné même. Mais il
faut être tolérant. La tolérance est au
maçon ce que l'air du jour est à la
vie. On ne vit pas pour respirer mais on doit respirer pour vivre. On
n'est pas
maçon pour être tolérant, mais on doit
être tolérant pour être
maçon. Pourquoi
?
Parce qu'on réalise dans nos ateliers, une sorte de
méthode psychologique
thérapeutique qui s'apparente à celle du
psychodrame. C'est le dépouillement de
nos métaux à la porte du Temple. La
tolérance c'est ça. Tout individu vit
profondément en lui-même la phrase sartrienne :
« L'enfer, c'est les autres
». L'homme ne peut laisser exploser son moi profond parce
qu'il vit en société.
Chacune de ses tendances est brimée par la structure sociale
nécessaire dans
laquelle il se trouve. Il est certain qu'on peut considérer
l'homme social
comme un être brimé. Sa quête de la
connaissance sera donc limitée, s'il opte
pour la solitude, à ses propres moyens, et, s'il opte pour
la recherche en
groupe, à l'impossibilité de communiquer tout,
d'avouer tout, de reconnaître
tout.
Tel est le sens de la tolérance que nous pratiquons en
maçonnerie. Nous nous
réunissons en groupe après avoir
laissé nos métaux à la porte du
Temple,
c'est-à-dire que dans cet oeuf, où nous
accédons à une vie nouvelle, nous avons
dépouillé notre agressivité. Nous
avons, par principe, accepté la totalité de
l'être des autres individus qui sont devenus nos
Frères. Par conséquent, en
tenue, nous pouvons réaliser cette synthèse des
deux comportements individuels
et sociaux sans pâtir des limitations à l'un ou
à l'autre, c'est-à-dire sans
être bornés par ses propres
possibilités de recherche individuelle et, tout à
la fois, sans être gênés et
opprimés par l'existence contraignantes des autres.
Tel est, pensons-nous, le sens de la tolérance en
maçonnerie, qui constitue une
méthode, qui n'est qu'une méthode, mais qui est
absolument indispensable à un
point tel que si on ne la pratiquait pas, les buts, que l'on s'assigne,
deviendraient inaccessibles.
C'est le motif pour lequel cette « idée de
synthèse », est accolée à
cette «
raison de tolérance ». On ne peut
accéder à cette communion,
c'est-à-dire à
cette sorte d'« inter-intellection », de totale
compréhension mutuelle par la
découverte des données identiques de nos
différents inconscients collectifs
individuels que par le langage du symbolisme et par la pratique de la
tolérance.
Maintenant que nous avons fait quelques pas dans la technique du
« psychodrame
maçonnique »", nous pouvons nous essayer
à une syncrèse. Tradition,
initiation symbolique, idée de synthèse et raison
de tolérance, tout ceci
constitue les différents éléments
d'une unique question.
En dehors de ses fonctions purement animales, au delà de ce
que les
psychologues appellent la libido, c'est-à-dire dans le sens
le plus général
d'élan vital, l'homme aspire naturellement à la
connaissance. Cette aspiration
est d'ailleurs l'un des principaux facteurs de tous les
progrès de l'humanité
depuis ses origines jusqu'à nos jours. Cette aspiration
universelle n'est pas
une donnée en soi du psychisme humain. Elle
procède de notre angoisse. En
dehors des « consolateurs » des
différentes religions, elle constitue le plus
sûr moyen que l'homme ait jamais trouvé d'essayer
de lutter contre l'anxiété
qui l'étreint devant le plus constant des
problèmes qui toujours se pose à lui
: « Qui suis-je ? D'où est-ce que je
viens ? Où vais-je ? Et surtout
suis-je effectivement seul ? »
La sagesse antique, la sagesse maçonnique, ce n'est pas une
attitude résignée
ou stoïque La sagesse, c'est l'abolition de nos angoisses,
c'est l'abrogation
de notre anxiété par la voie de la connaissance.
C'est la découverte d'une
synthèse humaine, la participation individuelle, notamment
par la pratique
systématique de la tolérance, à la
chaude et unitaire palpitation collective
d'un humanisme universel.
La tradition initiatique et Symbolique est la seule qui permette tout
à la
fois, d'instaurer individuellement le « dialogue »
entre les structures
conscientes de l'esprit humain et les structures intimes, profondes,
abyssales
de la psyché, ainsi que le dialogue entre les hommes au
niveau de ces dernières
structures.
Nous pouvons maintenant comprendre et essayer d'expliquer la
mécanique de
l'initiation et les raisons pour lesquelles celle-ci doit recourir
à la tradition
symbolique. Nous savons que le seul langage qui soit
immédiatement intelligible
est celui du symbolisme. Il va de soi qu'un homme ne peut
être appréhendé,
modifié, transcendé que dans sa
totalité, c'est-à-dire, tout autant au niveau
de ses structures conscientes qu'au niveau de ses structures
inconscientes.
Nous savons aussi et ceci est une règle de la
psychopatologie, que pour
assimiler un événement, il ne suffit pas d'en
avoir été le spectateur, de
l'avoir vu, d'y avoir assisté, mais qu'il faut y avoir
participé, l'avoir vécu
et réalisé aux différents niveaux de
son psychisme.
Reprenons donc l'exemple de l'entrée du profane dans le
temple. Il ne suffit
pas de lui dire, même de façon
allégorique, qu'il est en train de naître
à une
vie nouvelle. Il faut que Jusqu'au plus profond de lui-même,
il participe
effectivement à cette naissance. Qu'au niveau de sa
conscience, il comprenne ou
il ne comprenne pas le sens de ce geste qu'on lui impose, ceci est
dénué de
toute importance. En effet, au niveau de son inconscient, ce symbole
aura un
sens et une résonance profonde qui sera plus intelligible
qu'un long discours à
un point tel que dans son intimité, le cherchant aura
effectivement vécu cet
événement même si la conscience de ce
phénomène ne se manifeste en lui que
très
longtemps après. Cette véritable
mécanique de l'initiation doit être vraie pour
tous les stades de cette cérémonie et c'est en
cela, et en cela seulement,
qu'il n'est pas inexact de prétendre que c'est par
l'initiation que l'on
devient maçon et que c'est le jour de son initiation que
l'on reçoit la
lumière, même si celle-ci n'est en quelque sorte
que la semence d'une lumière
dont la germination n'interviendra que plus tard.
Cette explication doit encore nous faire comprendre toute l'importance
absolument cruciale qui s'attache à cette
cérémonie ainsi qu'à la parfaite
exécution de son rituel.
Nous nous sommes efforcés d'apporter une explication, si ce
n'est scientifique
ou rationnelle, tout au moins raisonnable _ une petite partie de ce
qu'il est
convenu d'appeler nos "mystères". Que les
impénitents du mystère
maçonnique ne se découragent pas. Nous n'avons
certainement pas réussi à
dissiper les brumes qui l'entourent. Ces impénitents du
mystère peuvent, en
effet, se demander comment et pourquoi il se fait que nos rituels, dont
il est
historiquement certain que les plus anciens d'entre eux remontent
à plus de
deux siècles et demi,aient appliqué des
méthodes qu'explique maintenant la
science psychologique la plus orthodoxe ... qui était
totalement inconnue au
XVIIIe siècle. Que l'on entende demeurer ou non dans le
domaine du rationnel,
que l'on souhaite aborder les rivages du « transrationnel
», cette tentative
d'explication ne permettra-t-elle pas à nombre d'entre nous
de donner un sens à
la dernière parole des Maîtres : "Il est
midi plein, la Parole est
retrouvée".
Voici ce que, en trop de mots, nous avons cru découvrir
à la question qui était
soumise à notre sagacité.
Il resterait un troisième point à traiter : la
responsabilité du maçon ayant
conscience de suivre une Voie Royale et, peut-être
même sa seule responsabilité
en tant que Maçon, réside dans la transmission
dans l'espace et dans le temps
aux générations à venir du legs qu'il
a reçu.
Ce que nous avons dit de la tradition nous dispense de nous expliquer
plus
longuement sur la conscience de cette responsabilité. Pour
que la Chaîne
d’union se perpétue dans le temps, le principal
devoir, peut-être l'unique
devoir des Maçons, est de faire des Maçons.
Par
René-Jacques M\
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