Obédience : NC | Blog : Solange SUDARSKIS | Date : NC |
Autour
de Pythagore : divagations
Vers le 6ème siècle avant J.C., en Egypte ancienne, les nombres ne codaient encore que les impôts, le commerce, les salaires. L'évaluation, par les harpédonaptes (fonctionnaires royaux, arpenteurs géomètres), de la surface des champs cultivables dont la crue du Nil a effacé les bornes délimitatives, ne géométrise pas, mais ne cherche qu'à clore les contentieux entre voisins par la force de l'Etat. Avec le droit de propriété, voici du droit civil et privé. Mais aussi, en délimitant les bornes, le cadastre royal fixe l'assiette de l'impôt, voilà du droit public et fiscal. Les nombres ne disent, ainsi, que les relations humaines. Et puis un jour... De la gigantesque masse de pierres, du mausolée du pharaon Kéops va naître la géométie sur le sable ensoleillé maquillé par son ombre. En rapportant l'ombre du tombeau à celle d'un poteau de référence, ou à la mesure de son corps, selon la légende, Thalès énonce l'invariance d'une forme malgré la variation de sa taille. En effet, son théorème montre la progression ou la régression infinies de la dimension, dans la conservation d'un même rapport, du colossal, la pyramide, au plus médiocre bâton planté dans le sol. Quel effacement de toute hiérarchie dans le semblable, puisque chaque stade, du plus grand au plus petit, conserve le même rapport. Thalès nous fait découvrir ainsi un monde hors des sociétés où les choses sont en rapport avec elles-mêmes. La proportion parle, sans bouche humaine, montre un ordre qui ne connaît pas la loi sociale, qui échappe à la toute puissance. Une liberté, une égalité sans pareilles ! Pharaon meurt une seconde fois quand Thalès, en mesurant la pyramide, la réduit à un simple polyèdre dans l'homothétie de son ombre de géomètre. La proportion analogique, voici la grande conceptualisation grecque, pas celle du rapport simple a/b, mais celle qui intéresse en tant que médiétéH, celle qui va d'un rapport à un autre, tel a/b = c/d et par substitution peut passer de celui-ci à un troisième rapport et ainsi de suite. Il ne s'agit point de couper quelque chose en part, donc de partager ou de prélever, ce que chacun, généreux ou léonin, sait faire depuis les commencements, mais de construire, pas à pas, une chaîne, donc de trouver ce qui, sous-jacent, stable et glissant, transite le long de son enchaînement et les grecs appelleront ce rapport d'analogie «logos». Comme Platon et Aristote, les StoÏciens penseront que le logos pur est parole, intelligence, un accès direct et véritable aux choses, ce que les nombres et leurs rapprts peuvent enfin faire. En ce temps-là, vers le 6ème siècle avant J.C. vivaient aussi Zarathoustra, Lao-Tseu, Bouddha, Confucius, dans les ailleurs de la Perse, de la Chine, de l'Inde. Ici, en Grèce, vers 530 av. J.C., à Crotone, justement revenu d'Egypte mais aussi de Perse, d'Inde, de Chaldée, de Thrace, un homme né 40 ans plus tôt à Samos, ramène avec lui des savoirs ancestraux, une sagesse du monde que, ses voyages, ses probables rencontres avec ces personnages sus-cités, ses initiations reçues, ont sans aucun doute forgés. Il est probable qu'il fut initié aux mystères, ceux de Thèbes, ceux des Mages chaldéens, aux pratiques orphiques, il aurait reçu le baptême dans l'Euphrate, aurait été enseigné par le fameux Thalès et purifié par Zoroaste et Bouddha eux-mêmes, De cette appréhension particulière et métissée du monde d'Asie et d'Asie mineure, Pythagore, car c'est de lui dont il s'agit, le «premier maître universel» comme l'appelait Hegel, en fera une philosophie. Comme le rapporte Cicéron, c'est Pythagore qui aurait forgé le mot philosophe pour se définir ainsi devant le tyran Léon de Phlionte qui lui demandait qui il était, et comme il l'expliqua, le philosophe est celui qui cherche à découvrir les secrets de la nature de façon désintéressée. Il aurait participé alors à faire basculer la Grèce d'un mode de pensée religieux à un mode de pensée rationnel. Comme on le comprend, aux conditionnels employés pour évoquer le parcours de Pythagore, il est difficile de démêler, dans la personnalité du philosophe, ce qui relève de la légende merveilleuse de ce que fut sa vie, car nous n'avons de lui aucun ouvrage, mais seulement quelques fragments d'un de ses disciples appelé Philolaos. Même les fameux vers dorés, qui lui sont attribués sont douteux quant à leur origine. Il nous est même impossible de distinguer l'enseignement du maître des théories des disciples. Nous ne pouvons parler que du pythagorisme, sans prétendre savoir ce qu'a pensé Pythagore. De plus, la plupart des renseignements qui nous ont été conservés, épars dans un grand nombre d'ouvrages, ne méritent que peu de confiance. Le mot Pythagore ne désignerait même pas un homme, mais une science. Nous lisons dans le dictionnaire (Welsh, d’Owen Pughes) : Pythagoras : Explication de l’Univers, Cosmogonie. Pythagori : expliquer le système de l’Univers (mot composé de pyt, période de temps ; agori, découivrir). Python : système de l’Univers. Pythone : une cosmogoniste, une pythonisse. Pythoni : traité de cosmogonie. Pythonydd : celui qui systématise le monde. (Pour Céline Renooz, la célèbre misandre belge). Et plus encore, certains pensent que les fables inventées sur la prétendue vie d’un homme appelé Pythagore n’auraient aucune réalité, corroboré en cela par l’historien des religions Ernest Havet qui disait : « rien de plus connu que ce nom, rien de moins connu que l’homme lui-même » et de rajouter plus loin : « Je ne considère Thalès, Pythagore, que comme des noms représentatifs d’un système scientifique. » Ce qui n’empêchera pas des auteurs classiques modernes de faire de Pythagore un personnage historique et ils lui inventeront une biographie. Est-il rien de plus vrai que la vérité demande Nikos Kazantzakis et de répondre : la légende. C’est elle qui donne une immortalité à l’éphémère vérité. Pythagore est donc devenu de bonne heure un personnage légendaire. Je laisserai donc son histoire aux textes de ses disciples, à toute la littérature très abondante que cet extraordinaire personnage ne manqua pas d'inspirer, aux doxographies, ces compilations des textes grecs du début de l'ère chrétienne, et on peut citer les vies de Pythagore écrites, une par Diogène Laerce, une autre par Porphyre et la plus connue par Jamblique, vers le 3ème siècle. Ce qui me paraît intéressant de rapporter ici, c'est ce en quoi son savoir, ses connaissances, ses enseignements, qui lui sont attribués, auraient pu influencer la franc-maçonnerie. Il y a deux choses à distinguer dans le pythagorisme : une philosophie, c'est-à-dire une explication de l'univers, et une école des vertus. Je retiendrai ces deux aspects avec les nombres et la géométrie d'une part, l'ordre pythagoricien d'autre part. 1 -C'est autour de la souveraineté des nombres que l'on peut penser l'apport de Pythagore à la connaissance universelle et le considérer comme une des sources importantes de la franc-maçonnerie. Et tout d'abord, ce rapprochement me paraît légitime car, en effet, dans l’ancien manuscrit maçonnique le Cooke conservé à la Bibliothèque Britannique, l’on peut lire aux paragraphes 281-326 que toute la sagesse antédiluvienne était écrite sur deux grandes colonnes. Après le déluge de Noé, l’une d’elles fut découverte par Pythagore et l’autre par Hermès le Philosophe, qui se consacrèrent à enseigner les textes qui y étaient gravés. Sur le frontispice des Constitutions d'Anderson on retrouve le "théorème de Pythagore" concernant les triangles rectangles, le reconnaissant sans doute comme le père de la géométrie. Les bâtisseurs médiévaux, quant à eux, transmettront une géométrie sacrée qui remonterait à Pythagore, qui resta vivace jusqu'au 16ème siècle et dont on connaît l'influence dans la Tradition maçonnique. Qu'en est-il de cette élaboration philosophique d'objets mathématiques et géométriques permettant la contemplation des formes intelligibles, ces réalités invisibles qui modèlent l’Univers ? Pour les pythagoriciens, les choses sont nombres, les nombres se trouvent dans les choses, les nombres sont la cause et les principes des choses ou encore les choses sont constituées par les nombres, comme l'exprime Aristote. (Exemple des fleurs des coquillages, lois de la physique etc…) Les pythagoriciens furent sans doute les premiers à penser que le nombre est la structure d'accueil pour recevoir, analyser et chercher à comprendre l'incompréhensible et que le nombre, à travers l'intelligence, parle, en symbole, pour découvrir la réalité ontologique. C'est donc la dimension symbolique, analogique et je dirai métaphorique des nombres, qui nous interpelle. Pythagore aurait été, ainsi, à l'origine de : ° La symbolique des pairs et impairs - l'impair, limité, Un, droite, mâle, en repos, rectiligne, lumière, bien, carré, domine, équilibrant, avec une partie médiane, l'unité, deux parties symétriques. Dans le monde, l'impair sera donc le principe de la totalité puisqu'il comporte un commencement, un milieu et une fin. - Le pair apparaît, par opposition dans le principe de la dualité de l'existant, illimité, multiple, gauche, femelle, en mouvement, courbe, obscurité, mauvais, oblong. On peut dire que notre premier grade s'appuie aussi sur ce symbolisme de la dualité pythagoricienne. ° La fameuse tétraktys. Bien sûr sa forme triangulaire montre à l'évidence le 3, la réconciliation de la dualité dans son principe qui est l'unité, l'harmonie universelle. La triade est le nombre du tout, comme le reconnaît Aristote, « c'est le nombre 3 qui définit tout et toutes choses puisque ce sont les constituants du commencement, milieu et fin ». C’est pour cela que 3 fut choisi comme base numéraire. Est-ce Zoroastre qui inspira Pythagore dont la doctrine était exposée dans ses Oracles et je cite : « le ternaire partout brille dans l'Univers et la Monade est son principe » et selon Servius les pythgoriciens assignèrent au Dieu suprême le trois qui est parfait, car il a un commencement, un milieu et une fin. Les pythagoriciens choisirent, naturellement, le triangle pour représenter le nombre 3. Sans m'étendre davantage, voici bien un des premiers symboles maçonniques. Mais je pense que cette forme, mise en exergue dans le temple, par sa position géographique, comme point focal, dans l'est des commencements de la lumière, delta lumineux, daleth hébraïque et donc porte d'un ailleurs, est une épure de toutes les tétrades phytagoriciennes, un plérome, une forme imaginale de la progression dynamique des illimités et des limitants et je cite Philolaos, qui à l'époque de Socrate transcrivait la mémoire du maître, « les illimités et les limitant, en s'harmonisant, constituent, au sein du monde, la nature, ainsi que la totalité du monde et ce qu'il contient ». En somme, la triangulation, c'est l'enveloppe qui montre les mystères de la nature. Les pythagoriciens distinguaient, en fait, 11 tétrades et je vais prendre le temps de vous les évoquer parce qu'il s'agit de la pensée analogique et gnostique que Pythagore syncrétisa, sans doute, à partir de ce qu'il avait appris ou conçu et qu'il enseigna. On va voir que chaque tétrade est, non une collection, un inventaire, mais une progression qui conduit du point au volume, de l'homme à la cité, de la naissance au déclin. Chaque élément engendre et limite le suivant comme le point est l'origine et la limite de la ligne, la ligne celle de la surface, la surface celle du solide. La tétrade est pour moi un méta-langage, une forme pour dire comment le monde de la réalité est issu de l'unité primordiale, à travers les principes exprimés par les nombres. 1 - La première tétrade est le triangle enchassant le nombre parfait 10, représenté par 10 points répartis en triangle sur 4 lignes. Il s'agit de la tétrade originelle qui est l'addition des 4 premiers nombres et conduisant progressivement au principe du nombre 10, en même temps qu'elle engendre les 4 consonances de la gamme (première, quarte, quinte, octave). Selon la tradition, Pythagore, par l'observation et l'expérience avait découvert que les rapports entre la longueur des 4 cordes du tétracorde par rapport à la première étaient exprimés par les rapports numériques 4/3, 3/2, 2/1. La tétractys donnait la clef des mystères de l'acoustique et les pythagoriciens étendirent à tous les domaines de la physique les conclusions de cette découverte. La formule du serment pythagoricien, transmises par différents auteurs et que l'on trouve dans les vers dorés sacralise la tétractys : Je le jure par celui qui a transmis à notre âme la tétractys en qui se trouvent la source et la racine de l'éternelle Nature. Un nombre n'est pas une valeur abstraite, c'est une "vertu intrinsèque et active de l'UN suprême, de Dieu, source de l'harmonie universelle" nous rappelle Edouard Schuré, dans « Les grands initiés »). 2 - 3 Je passe rapidement sur la deuxième et troisième tétrade embrassant, dans une double progression géométrique de raison 2 et 3, la nature de toutes les grandeurs : le point, la ligne droite, la ligne circulaire, la surface plane, la surface courbe, le solide à surfaces courbes, le solide à surfaces planes. 4 - La quatrième tétrade est physique avec 1 = le feu, 2 = l'air, 3 = l'eau, 4 = la terre qui sont nos purifications lors des voyages de l'initiation. 5 - La cinquième, celles des figures géométriques avec les 4 premiers polyèdres. 6 - La sixième, celle des choses engendrées à laquelle Aristote accorde la génération du vivant à partir de la semence et son augmentation dans les trois directions, largeur, longueur, hauteur. 7 - La septième concerne le développement de la société. Homme, famille, bourg, société. 8 - La huitième présente les facultés cognitives qui assurent la connaissance des tétrades précédentes ; pensée, science, opinion, sensation. 9 - La neuvième distingue les quatre dimensions de l'être animé. 10 - La dixième celle du temps avec ses 4 saisons 11 - La dernière celle des âges de la vie ; enfance, adolescence, maturité, vieillesse. Ainsi les tétrades dévoilent l'Unité génétique de toutes choses en train d'accomplir leur achèvement comme les séphirot dans l'arbre de vie qui en reprendront l’idée. On a pu faire l’hypothèse que Pythagore, rapporta de son séjour de près de 20 ans en Egypte, la compréhension du mystère des pyramides : La pyramide de Kéops, qui semble n’avoir jamais recelé aucune momie de pharaon, ne serait-elle pas une forme sanctifiée du divin ? Ses dimensions représentant la compréhension du divin se déployant, et cette incarnation de l’intelligence divine aurait été reformulée par la tétractys ? Qu'est-ce que Dieu, demandait saint Bernard : il est longueur, largeur, hauteur, profondeur. La pyramide serait le symbole de toute la création, une représentation mathématique du fonctionnement de l’Univers. Dans ses dimensions se trouveraient encodées les vérités fondamentales de notre monde. Dans ce conservatoire des nombres est exprimée l’actualisation de la possibilité, c’est-à-dire l’Être, l’assurance que tout est vivant, que le Présent est éternel, la simultanéité du Temps, la notion de Tri-unité du Seul et Unique. Cette vision est très importante car c’est la possibilité de sortir de la vision du Dieu personnel, elle conduit à un concept abstrait. Le monde est issu de « ce qui n’a pas de limite » traduction de ce que la kabbale nomme « ein soph ». A ce propos on peut en déduire que Pythagore a inscrit dans sa figure triangulaire : Le monisme : Tout ce qui est, est Un. Cela s’oppose au monothéisme ; il n’y a pas séparation de nature entre le divin et l’homme ou la nature. Le holisme : Tout forme un tout, nous, nature, Dieu compris. C’est un immense organisme qui vit, une entité organique qui vit sa vie de façon totalement inter-connectée. Le naturalisme : il n’y a rien en dehors du tout. Nature et Dieu dont deux regards posés sur le grand Tout, comme dans le taoïsme Le panthéisme : le livre de l’existence, comme les livres sacrés, c’est la nature. Tout est divin ce qui implique une éthique profonde du respect. L’émanationisme : Pas de création mais émanation, donc pas de séparation. Tout est en mouvement, tout est en devenir. Il ne s’agit plus d’une métaphysique de l’Etre mais d’une métaphysique du devenir et alors se pose la question vers quoi. Dieu n’étant pas achevé, le monde étant son accomplissement, le perfectionnement de l’être devient l’accomplissement du Tout. Le delta lumineux serait donc aussi une tétrade, un plérome, une représentation systématique nous répondant à la question d'où vient le monde et comment il se déploie. L’importance de la Tetraktys pythagoricienne dans n’importe quel type de connaissance métaphysique et cosmogonique est évidente. D’autre part, le rapport des harmonies musicales avec les nombres est également un thème pythagoricien que la Maçonnerie et le Corpus Hermeticum reprennent sous forme de degrés et touches de reconnaissance liés aux sphères planétaires et aux Régents qui les gouvernent. Il faudrait y ajouter les différents théorèmes pythagoriciens, sachant l’importance que l’art et la science de construire ont pour la Maçonnerie. Parmi eux, il suffirait de signaler celui du triangle rectangle, qui formé avec les nombres de la triade «3, 4, 5» est dit égyptien avec son hypoténuse (traduction, corde tendue entre les opposés) ressemblant si grandement à la corde des harpédonaptes marquée par des nœuds en 3, 4, 5. ° Le nombre d'or. Cette proportion d'harmonie, dite aussi dorée, est dérivée du rapport d'analogie a/b=c/d quand on réduit les quatre termes à deux en conservant le même rapport. Nous devrions dire les nombres d'or, que Pythagore et sa femme bien-aimée Théano déclinèrent dans tous les sens possibles, sous toutes leurs formes possibles de rectangle, de pentacle, d'étoile ou de pentagone, les traquant et mettant ainsi en valeur les théorèmes de Thalès. Dans cette irrationalité mathématique, de Pi et de Phi, qui ne se mesure pas mais se montre dans les lois de la diagonale et du cercle et dans l'infini de leur décimales, ils virent sans doute cette part inachevée du monde en train de s'actualiser dans le temps et la forme, et cela me paraît être la beauté divine des nombres eux-mêmes. ° La physionomie des nombres : qui seront nommés parfaits (somme des diviseurs du nombre redonne le nombre, 6, 28), amicaux (la somme de diviseurs de l'un donne l'autre, 220 et 284), impairs ou pairs, triangulaires (3, 6, 10, 15), carrés (1, 4, 9,16), cubiques (1, 8, 27), rationnels, irrationnels, incommensurables. Quel vertige, quelle source pour la guématrie des cabbalistes et par là même pour nous francs-maçons. ° L’alphabet secret, selon Oswald Wirth, inspiré des pythgoriciens, tel que l'a formulé Théon de Smyrne (2ème siècle av. J.C.), serait la source de notre table à tracer appelée aussi table tripartite avec 2 parallèles verticales et 2 parallèles horizontales délimitant 9 cases dont les limites symbolisent les lettres qui leur sont affectées. Pour Arturo Reghini («Les nombres sacrés dans la Tradition Pythagoricienne maçonnique »), il semble hors de doute que l'origine de la table à tracer remonte à la table de Théon. Elle indique aux francs-maçons que leurs constructions doivent se baser sur les propriétés des nombres ou de la géométrie et, symboliquement, que les travaux maçonniques doivent être exécutés en tenant compte des propriétés des nombres sacrés. ° Je n'évoquerai pas ici ce en quoi le regard et l'écoute du ciel par Pythagore, à travers l'harmonique des rapports mathématiques, nous permet d'entendre les planètes bruire les notes de la gamme en tournant sur elles-mêmes autour du soleil. L'art géométrique de la franc-maçonnerie découle de la géométrie et de l'arithmétique pythagoriciennes parce que d'après les attestations de Proclus « à part quelques propriétés géométriques attribuées, sans doute à tort, à Thalès, les pythagoriciens ont été les premiers à étudier la géométrie et les nombres ». La compréhension des nombres pythagoriciens facilite la compréhension des nombres sacrés maçonniques. En conclusion sur cette première partie : même si Pythagore n'a rien « inventé », il a reconnu le nombre 10 comme le plus parfait des nombres, parce qu'il contient l'Unité qui s’actualise en existant, et le zéro, symbole de la matière et du Chaos, duquel tout est sorti. Ce nombre comprend donc dans sa figure le « ordo ab chao ». 2 -Mais c'est sur cette autre part de son enseignement, le perfectionnement de l’être, que Pythagore va aussi inspirer les sources maçonniques. Selon Céline Renooz, dans son livre « Ère de vérité, histoire de la pensée humaine et de l'évolution morale de l'humanité à travers les âges et chez tous les peuples » : au milieu des luttes religieuses, le 6ème siècle vit se produire une réaction contre le nouvel Hellénisme, c'est-à-dire contre le désordre moral des nouveaux cultes ; il y eut un retour momentané aux grandes idées du passé. Une école se fonda dans laquelle on enseignait les lois de la Nature telles qu’elles avaient été formulées dans la brillannte époque de la primitive religion pélasgique (les ancêtres étrusques). C’était l’école dite pythagoricienne, dans laquelle on donnait l’enseignement de la science aux prêtresses grecques, les Pythies. Mais, selon la légende, c’est à Crotone, en Italie du Sud (qui faisait à l'époque partie de la Grèce), que Pythagore, trouvant refuge, reçut le soutien de l'homme le plus riche de la ville, Milon, dont il épousa la fille Théano (à laquelle Renooz attribue la réalité de la création de l’école en tant que prêtresse de la Pythie). Toujours est-il, dans cette volonté de masculinisation, l’Histoire retiendra que c’est Pythagore, avec sa femme, toutefois, qui fonda l'école mixte pythagoricienne, connue aussi sous le nom de Fraternité pythagoricienne. Les femmes purent partager l'enseignement, elles furent environ 15% des initiées. Prenons cela pour un des signes de la très grande tolérance exigée dans le comportement des initiés de l'école pythagoricienne. On y enseignait de nombreuses disciplines, comme les mathématiques ou la philosophie. On pourrait dire que c'était une sorte d'institut, un genre de monastère qui n'est pas sans me rappeler la Castalie du « jeu des perles de verre » de Hermann Hess, une association scientifique, philosophique, politique et religieuse avec règles de vie et d'éthique. L’École pythagoricienne était une véritable école initiatique et le savoir mathématique soumis au secret. Le recrutement des membres de l'ordre était fait avec un soin scrupuleux. Pythagore, dit-on, étudiait sévèrement la vocation des jeunes gens qui se présentaient à lui, avant de les admettre aux premières initiations de cette vie nouvelle ; il cherchait à lire sur leur visage, à deviner dans leur démarche, dans leurs attitudes, dans toutes les habitudes de leur personne, les penchants de leur âme, le fond vrai de leur caractère, les aptitudes propres de leur esprit. » Voici le principe de nos enquêtes, n'est-ce pas ? Les membres de l’École étaient séparés en deux groupes. Un rideau était tiré au milieu de la salle où Pythagore professait. Les élèves devaient ECOUTER. Ils n'avaient pas le droit de parler durant les cours. Le silence de l'apprenti est comme celui de l'élève. Les exotériques se tenaient de l’autre côté du rideau et pouvaient seulement l’entendre. Les ésotériques se trouvaient du même côté que Pythagore. Cela avait une extrême importance dans la vie de l’École. Pythagore voulait savoir si les membres étaient capables de se taire et de garder secret ce qu’ils avaient entendu. Après cinq ans, un exotérique était autorisé à traverser le rideau. Cela marquait une étape importante dans la vie de l’École. Appellerions-nous cela une augmentation de salaire ? Les textes des pythagoriciens étaient eux aussi soumis au secret. Rédigés dans un langage à double sens, ils jouaient sur deux niveaux d’interprétation ; l’un compris par tout le monde, l’autre réservé aux seuls initiés. Les pythagoriciens parlaient de sumbola et d’ainigmata. Pour eux aussi, tout était symbole. . Ce travail préparatoire accompli, il s’opérait une sélection sévère pour un enseignement graduel à des mystères progressivement révélés. Ainsi, les Mystes du 1er grade (Acousmatiques) apprenaient la psychologie, la physiologie, les exercices liturgiques, la méditation, les secrets du symbolisme. Au 2ème grade des Mathématikoï, on étudiait la physique, l’astronomie, la géométrie, les mathématiques et la science des Nombres. Puis, au 3ème degré des Sébastikoï (ou vénérables), les élèves étaient instruits des divers Mystères de l’Ordre tels que l’Origine de l’Ame, son incarnation, son destin posthume. Ce n’est qu’après avoir été formé à la science profane et à la science secrète, et instruits des mystères du monde et de ce qui échappe à nos sens vulgaires, que les Politikoï (4ème grade) recevaient un enseignement sur les secrets de l’harmonie sociale et la pratique de la Justice. Tout cela n'est pas sans rappeler l’organisation de nos grades, n’est-ce pas ? Tous les membres de l’École devaient exercer leur mémoire, la plupart des connaissances se transmettant de bouche à oreille. Chaque matin, ils devaient se remémorer de la vieille ce qu’ils avaient fait, ce qu’ils avaient vu, ce qu’ils avaient entendu, ce qu’ils avaient dit. En se présentant à l’École, chaque prétendant devait remettre tous ses biens à la communauté. Le dépouillement des métaux ne serait-il pas une reprise symbolique de cette règle? Celui qui était renvoyé, cependant, recevait à son départ le double des biens qu’il avait déposé. On lui donnait en argent ce qu’il n’avait pas su prendre en savoir. L'expression « recevoir son salaire » correspond aussi en franc-maçonnerie à une valeur-savoir. Mais, dès que son exclusion était prononcée, on lui creusait un tombeau. Il s’agissait d’une mort symbolique. Ce qui est incontestable, c'est que Pythagore s'était proposé un but moral et religieux. Il avait voulu, dit l'historien Zeller, fonder une école de piété, de bonnes moeurs, de tempérance, de courage, d'ordre, d'obéissance à la loi, de fidélité dans l'amitié. Il y a trop de similitudes avec l'esprit des premiers textes maçonniques pour que ce ne soit qu'un hasard, l'influence semble indéniable. Phytagore disait sa théorie et laissait ses élèves le contredire. Cela lui permettait de savoir si ses élèves étaient capables de réfléchir par eux-mêmes et les conviait à quitter l'école s'ils n'étaient pas satisfaisants, refusant un savoir de perroquet. La Maçonnerie n'est pas une science mais un art, celui d'éveiller les consciences, cet effort est au départ individuel. Mais cela était, surtout, offrir une grande liberté individuelle de penser et même de conscience. Il faut avoir une religion, garde ta foi jurée. Il y a ici, dans ce vers doré, une relation entre l'universel et le particulier, une exigence de tolérance. Toutes nos constitutions évoquent, comme un impératif primordial la liberté de conscience de chacun. Les vers dorés sont une de premières tentatives de corpus moral théorique et pratique, philosophique, spirituel et oecuménique. Vouloir rendre compte de Pythagore revient en fait à essayer de reprendre les fouilles des traces textuelles laissées par ses disciples ou par les historiens de cette époque et à narrer chacun des instants de sa vie exemplaire parce que sa parole était fraternelle et son vécu conforme à son enseignement. Les biographies de Pythagore rédigées par Porphyre et Jamblique fixèrent définitivement les traits caractéristiques du sage idéal, modèle de vertu, de piété et de sagesse, que tout adepte d’un platonisme mâtiné de pythagorisme devait imiter pour se revendiquer de cette famille spirituelle et qui inspira, probablement, les premiers textes maçonniques. La Maçonnerie est aussi la médiation entre la théorie et la pratique par le biais de l'instruction, non d'un savoir désincarné, mais de l'exemple. Le franc-maçon pratique l'éthique qui est bien ce qui se produit librement, sans contrainte externe par un sentiment d'obligation morale interne. Le lien entre la franc-maçonnerie et l'Ordre pythagoricien, sans qu'il s'agisse d'une dérivation historique ininterrompue mais seulement d'une filiation spirituelle, semble manifeste, n’est-ce pas ? Pour plagier Saint Thomas qui disait que le mot est comme un miroir dans lequel on voit la chose, ne pourrions-nous dire, alors que le franc-maçon est comme un miroir dans lequel on voit Pythagore ? Solange Sudarskis H Les
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