La Cosmologie du Temple et la Saint-Jean

L'interrogation du tuileur débute généralement ainsi : « D'où venez-vous ? » La réponse devant être : « D'une Loge de Saint Jean. »
A ce détail rituel s'associe la plus grande date de la Maçonnerie Universelle quand, à la Saint-Jean d'été de l'an 1717, les quatre loges de Londres (l'Oie et le Gril, la Couronne, le Pommier, le Gobelet et le Raisin) s'unirent pour fonder la Grande Loge d'Angleterre, Anthony Sages en devenant le premier Grand Maître. C'est aussi à la Saint-Jean, en 1723, que furent adoptées les Constitutions d'Anderson ; plus tard, toujours en Angleterre, ceux qui furent qualifiés d' « Antients » reprochèrent aux Moderns d'avoir déchristianisé les rituels et d'ignorer les jours Saints, faisant allusion aux cérémonies consacrées aux deux Saint-Jean(1).

En 1800 la Grande Loge d'Ecosse définissait les grades ainsi « Apprentis, Compagnons, Maîtres de Saint Jean. » Il n'en était pas autrement en France, et les Grands-Maîtres, comme le duc d'Antin, furent désignés à la Saint-Jean d'été. Le fameux discours de Ramsay de 1738 précise aussi : « Dès lors nos loges portèrent le nom de loges de Saint Jean. » De même nous nous devons d'ouvrir la Bible à l'évangile de Saint Jean. Mais le solstice d'été ne correspond pas seulement à la position de notre planète vis-à-vis de 1’astre solaire. Le Cosmos tout entier, dans un aspect visible, se présente en un ordre unique pour 1’année. Et n'oublions pas, mes Frères, que la hauteur de la loge est de « coudées sans nombre » et qu'ainsi le ciel étoilé veille sur nos travaux.

Considérons donc la carte du ciel tel qu'il se présente à la Saint-Jean d'été ; orientons-la, projetons-la sur le plan du temple et étudions les relations verticales qui existent entre les constellations et les principaux officiers. Tout d'abord, à 1’orient, se trouve la constellation de l'Aigle. Avec son étoile principale Aquila, Altaïr-Altare, l'autel de l'Aigle. Nous savons que l'Aigle est l’animal qui accompagne Zeus, le roi des Dieux et surtout le symbole reconnu par tous les pères de l'Eglise de Saint-Jean l'Evangéliste.

Revenons maintenant à la porte du temple placée sous la protection de Sirius, le Chien, c'est à dire le gardien. Lui faisant face, nous observons le Lièvre ; c'est sous cette petite constellation que se présentera le néophyte, craintif comme cet animal et, encore attaché à la Terre. Après avoir été autorisé à pénétrer dans le temple, après avoir subi les épreuves des trois voyages, il sera amené devant le vénérable maître, là, où juste au-dessus de lui se trouve la Lyre d'Orphée. C'est sous cette constellation qu'il doit, la lumière lui étant encore interdite, confirmer pour la troisième fois son engagement. A. ce moment, les yeux toujours bandés, après être passé par le noir du cabinet de réflexion, il est comme Orphée au fond des enfers. De lui l'atelier attend sa décision de mourir pour renaître à la lumière. Quand il aura enfin accepté d'avoir le coeur percé, c'est sous la constellation de la Flèche que le vénérable-maître, penché, frappera symboliquement trois fois de son maillet. C'est à la droite du vénérable qu'il recevra son tablier sous la constellation du Dauphin dès cet instant en fait il devient le dauphin de la loge et tous nos frères comprendront qu'il serait souhaitable qu'il n'y eut qu'un seul candidat à chaque cérémonie d'initiation. Enfin le nouvel initié sera conduit à sa place au Nord ; derrière lui, hors du temple, la Constellation du Triangle le protégera. Devant lui, Cassiopé, la déesse mère, la Céres du Ciel, la Dana, veillera sur lui et elle l’allaitera en savoir. Car elle se trouve dans la Voie Lactée qui relie tout naturellement la colonne des apprentis au siège du vénérable-maître car c'est par lui que le savoir est dispensé. A sa gauche, le haut de la colonne se trouve placé sous l'autorité de Céphie-Céphie, le grand Templier, le Roi qui, selon la Tradition, vient du Sud. Céphie ne représente-t-il pas ainsi le Maître qui quitte sa colonne du Sud pour veiller sur ceux qui sont à leur place au Nord.

Les apprentis sont reliés à la colonne J par la constellation du Lynx qui symbolise le deuxième surveillant. Celui-ci, à qui rien ne doit échapper, doit en effet prendre en exemple le regard proverbial de cet animal. Toujours à l'occident mais plus au sud se trouve le Lion qui avec son étoile principale, Régulus-régulus ou la Règle, correspond parfaitement au Premier surveillant. De plus toute tradition véhicule le Lion comme complément de l'Aigle. Entre le Lion de l'occident et le midi s'étend, longeant l’écliptique, la constellation de la Vierge. Et ceci est dans l'ordre des choses car Notre Dame a toujours été la patronne des Compagnons. Sur la même colonne, mais un peu plus proche de l'orient, nous trouvons Ophicus, le porteur du Serpent - donc de la Sagesse - l'autre Roi, celui qui a autorité sur les jeunes maî tres, c'est à dire l'orateur. Revenant à l'orient, à la gauche de l'Aigle, se trouve Ophicus le Serpent, symbole de la Sagesse et de la Connaissance de la possibilité de savoir discerner le Bien du Mal. C'est sous cette constellation que se place naturellement le passé-maître de la loge. Toujours à l'orient, mais de l'autre côté de l'Aigle, nous trouvons Pégase, le cheval du Savoir. Peut-être est-ce là une certaine justification de quelques rituels, dont ceux du Rite Ecossais Rectifié qui placera l’orateur sous cette constellation à la droite du vénérable-maître. Mais, en ce qui concerne notre Rite, l'habitude de placer à cet endroit de la loge les hauts dignitaires, officiers de notre Ordre, est conforme à la tradition. Enfin le centre du temple se situe sous la Couronne et les deux Ourses. En Alchimie, il s'agit du Petit Dragon et du Grand Vaisseau dont les interprétations riches à l'infini restent avant tout personnelles.

Grand Vaisseau dont les interprétations riches à l'infini restent avant tout personnelles.
Et c'est ainsi que les temples de nos Loges, qui sont de Saint-Jean, sont les fidèles projections sur notre planète de l'Univers. N’oublions pas la loi d'Hermès Trismégiste ; en loge, notre action est créatrice et, si minime soit elle, du moins en apparence, notre oeuvre nous échappe à jamais pour s'ajouter au Grand Oeuvre du Cosmos. A nous d'en respecter la Forme, le Rythme, les Forces et surtout de n'en point altérer l'harmonie. « Faire voler l'Aigle, a dit l'Alchimiste, c'est faire sortir la Lumière du tombeau et la porter à la surface, ce qui est le propre de toute véritable sublimation ». Faisons voler l'Aigle, mes frères, et n'oublions pas, qu'à la Saint Jean d'Eté, c'est à l’orient qu'il se trouve.

C\ B\

Note de Christian Guigue : (1) Ce qui est un comble et un paradoxe extraordinaire car la maçonnerie dite « Moderne »est une maçonnerie foncièrement chrétienne et exclusivement néo-testamentaire, au contraire des formes dites « anciennes » et vétéro-testamentaires. - voir notre livre La Formation Maçonnique -
En Angleterre, les Antients, par l’intermédiaire de leur Grand Secrétaire, Bro’Dermot, reprochaient aux Moderns, à juste titre, d’avoir violé les anciens usages, en ayant modifié tous les rituels et Instructions. Les Moderns, sous l’impulsion d’Anderson et Désaguliers, règlent les comptes à la FM traditionnellement catholique, et ce qui est encore pire : française car l'ennemi traditionnel de la perfide Albion.

Au moyen-âge, les compagnies de maçons français bâtissent dans toute l'Europe,à travers Citeaux et d'autres courants monastiques, y compris en Galles, Ecosse, Irlande et Angleterre. Isabelle de France, fille de Philippe le Bel, devenue reine d'Angleterre, devra faire venir une compagnie de maçons français, de Terre Sainte en Angleterre, parce qu'elle n'en trouve pas sur place. La maçonnerie française est présente dans toute l'Europe. Il est essentiel de savoir que les trois principales lumières étaient, sous la Maçonnerie opérative : le Père, le Fils et le Saint-Esprit. Ensuite on trouvait le maître de loge, le soleil et la lune.

Protestants tous les deux, victimes de la guerre des religions qui régnait en France et opposait les catholiques aux protestants, Désaguliers, isolé lui-même à La Rochelle, ville qui fut assiégée, Anderson et Désaguliers vont expurger tous les rituels et documents maçonniques des traces chrétiennes. Le Père, le Fils et le Saint-Esprit disparaîtront remplacés par la Bible, l'équerre et le compas dont la valeur universelle n'est toujours pas établie puisque les rites Modernes, dont le rite Français et le Rite Ecossais Rectifié, qui historiquement sont autrement plus anciens que les rituels édités par la Loge de Promulgation londonienne, ont pour Grandes Lumières : le Vénérable ou Maître de loge, le Soleil et la Lune, en respect des prescriptions anciennes. Le caractère chrétien sera préservé par l'attribution symbolique du Soleil au Christ et de la Lune à Marie. Anderson subira le juste retour de ses manoeuvres car il deviendra publiquement un objet de quolibet, son nom sera même utilisé comme une injure personnelle courante peu gratifiante. Désaguliers évitera de peu ce sort grâce à la réputation qu’il avait acquise comme scientifique.