Les
Secrets du Grade de Maître
Si le grade de Maître est le plus beau et le plus
enrichissant de
nos divers degrés symboliques, il est, malheureusement,
souvent mal compris,
mal donné et ne réserve pas à ses
néophytes les lumières qu’ils sont en
droit
d’en attendre.
Historiquement, il y a lieu
d’observer : que dans la
Maçonnerie
« opérative », il
n’existait traditionnellement que deux
degrés - celui d’apprenti, où le
débutant apprenait à tailler la pierre brute,
avait le droit d’être admis dès
l’âge de 14 ans et se formait pendant sept
années - et ensuite celui de Compagnon, où les
secrets du métier étaient
approfondis, spécialement en matière
d’arpentage, de géométrie, de sculpture
et
d’architecture, Un seul mot de passe, un seul signe de
reconnaissance y étaient
enseignés et le mythe d’Hiram y était
inconnu. Quant au
« Maître »,
c’était à ce moment soit le seul chef
de chantier, soit le patron lui-même,
établi pour son compte. Puis, la crise économique
appauvrit les communes libres
de l’époque ; le métier
décline ; on ne bâtit plus de
cathédrales ni
d’hôtels de ville ; pour sauver la
profession, les tailleurs de pierre
élisent des « membres
d’honneur » ; ce seront leurs
protecteurs,
ils leur confieront l’édification de
châteaux et de maisons de maître, puis,
peu à peu, les
« spéculatifs »
remplaceront les
« opératifs » ;
déjà en 1663, une loge pouvait comporter un seul
homme de métier et quatre
« maçons libres et
acceptés » ; à
Aberdeen, en 1670, une loge de 40 maçons ne comportait
déjà plus que 8 maçons
de métier.
Initialement :
c’est bien autre chose que le grade de Maître
nous apporte ! Il est d’une incroyable
richesse ; encore est-il
nécessaire de le rappeler !
a) Le cadre rituel
d’abord : le passage du 2° au 3°
degré
est une grande
« opération » et non
un simple jeu de théâtre.
C’est le passage de
l’ordre psychique à l’ordre
spirituel ;
une évolution importante ; une nouvelle
étape de compréhension.
Pour comprendre ce
mûrissement, il faut se rappeler encore la
nature de l’être humain, que toutes les traditions
initiatiques nous ont
confirmées, de l’Égypte antique
à la Grèce, de celle-ci à Rome et au
judéo-christianisme.
L’homme est une
matière unie à l’esprit par un
médiateur
psychique ; il est à la fois force, sagesse et
beauté émotive ; un
rituel psychomoteur doit donc frapper à la fois ces trois
états de l’être.
— Comment le
cadre rituel du grade résoud-t-il [sic] ce
programme ? II le fait en trois stades :
Premier stade :
Préparation du psycho-drame ; deuil et
tristesse. C’est l’épreuve du seuil. On
interroge le néophyte, on le suspecte,
on le vérifie. L’enquête se termine par
la reconnaissance de son innocence dans
le meurtre du Maître.
Deuxième stade :
Épreuve de l’abandon, de l’errance, de
la
recherche. Nous sommes tous orphelins ; le Maître
est mort et on ignore
même où se cachent ses pauvres restes.
Troisième
stade : Épreuve suprême : voyage
par
l’élément TERRE et jaillissement du
germe de VIE. La mort sera vaincue !
HIRAM sort des ténèbres de la mort, des
profondeurs de la terre ; il
re-naît dans le néophyte ; la Vie a
triomphé à jamais de la mort.
Le RITUEL le montre,
l’enseigne :
LA MARCHE DU MAÎTRE
triomphe trois fois de la mort car on enjambe
trois fois le douloureux emblème qu’est le
Cénotaphe.
L’homme étant
un être TRIPLE, doit donc triompher trois fois de
la mort (sinon un seul enjambement suffirait !)
La lumière rouge est
symbole de chaleur vivifiante ;
1’infrarouge annonce la lumière
intégrale et mûrit le germe de vie par sa
bienfaisante radiation.
Les 5 POINTS DE PERFECTION
complètent cette renaissance de la
vie : si à l’origine on fixait sur le sol
un piquet à chacun des quatre
angles de la construction future, puis un cinquième au
centre, point de
rencontre des diagonales du Temple à construire, on retrouve
ces « cinq
landmarks » essentiels dans l’initiation
au grade de Maître, où le
néophyte doit, lui aussi, devenir un TEMPLE VIVANT
à construire par sa
revivification.
La jonction des pieds,
l’inflexion des genoux, la jonction des
mains, le serrement de la main gauche sur l’épaule
droite et finalement le
Baiser de Paix infusent dans le récipiendaire toutes les
vertus de son nouvel
état de conscience : l’amour fraternel,
le dévouement affectueux, la
confiance totale, la collaboration éclairée, la
douce union initiatique -
points sacrés unissant à la fois les
cœurs, les pensées, les volontés dans
un
idéal partagé. Oui, désormais nous ne
faisons plus qu’un, car nous nous
comprenons, nous nous entendons ; être
Maître, c’est atteindre un palier
nouveau.
Mais attention cependant :
il ne suffit pas de re-lever le
candidat par les cinq points de la Maçonnerie pour que
d’office il soit devenu
HIRAM lui-même !
On ne devient pas Maître
en un seul instant. Un enfant, mis au
jour, doit encore grandir. Un nouveau Maître doit se rendre
compte :
1) Qu’il a sans doute
« 7 ans et plus »,
c’est surtout
« et plus » qui comptent ici,
c’est-à-dire le temps de la maturation.
2) De ce que la Parole est
« perdue » et doit être
retrouvée un jour, c’est toute une
évolution, tout un programme ; tout un
travail intérieur !
Le Maître devra
mûrir pour donner un jour tout son fruit.
L’ACACIA symbolise cette
bataille pour la Vérité ; son bois
est dur et solide car un Maître doit être stable et
robuste ; mais il est
hérissé d’épines, car il est
apotropaïque : le pouvoir des pointes qu’il
recèle ainsi rejette au loin les forces des
ténèbres.
« L’acacia
m’est connu » : je suis
en
mesure de me défendre et de rejeter au loin tout
préjugé, toute erreur, toute
sujétion à des images
préfabriquées par une
société imparfaite.
QUANT AUX SIGNES DU MAÎTRE
et des deux premiers degrés, combien
ils ont été mal compris ! Ils sont tous
les précurseurs de « l’acacia
m’est connu », car
l’initiation est une bataille continuelle et
progressive contre les puissances des ténèbres.
L’Apprenti se coupe la
gorge ; celle-ci est à la fois le
véhicule de la nourriture et l’organe de la
parole. L’Apprenti enlève ainsi en
lui l’esclavage des appétits physiques et
l’imprudence des vaines
paroles ; il apprend les vertus du silence, de la retenue, de
la prudence
verbale.
Le Compagnon s’arrache le
cœur, en ce sens qu’il se défait des
excès du sentiment et des liaisons sentimentales qui peuvent
annihiler sa
volonté ; il se libère de
l’esclavage charnel et sentimental, si entaché
d’égoïsme
effréné ; il bride ainsi ses passions et
atteint un équilibre
rationnel.
Le Maître enfin se coupe
le ventre. PLATON enseignait que tout
est hiérarchie dans l’être
humain ; la tête doit dominer le cœur et
celui-ci doit dominer le ventre, symbole de tous les
appétits terrestres et de
toutes les passions inférieures. Etre sans désir
est le grand secret du Maître,
qui peut par la puissance de sa volonté, triompher de toutes
les faiblesses. Un
Maître se domine entièrement et sans effort.
Il a triomphé de ses
derniers sursauts d’égoïsme. Ainsi
libéré de
lui-même, il pourra remplir son devoir social et
libérer les autres.
Le Maître agit. Se placer
à l’ordre de Maître, c’est
dire :
« Me voici. Je suis prêt à
agir ». Le Maître est toujours en alerte,
prêt à l’action
Quelle action ? Celle qui
est sa raison
d’être, la raison
d’être de notre Ordre. La libération de
l’humanité de son état
d’indignité et
de méchanceté, Le signe d’horreur le
révèle. Le monde est rempli de haine,
d’iniquités ; le meurtre
d’HIRAM en est
l’affreuse image ; il révolte
notre conscience ; il provoque notre juste courroux. On se
réfugie alors
dans le Temple des mystères, on
s’écrie :
« Ah ! Seigneur, mon
Dieu ! » pour signifier qu’on
appelle à
soi toutes les puissances
bénéfiques de la Nature, toutes les vertus de
bonté humaine, tous les ressorts
de la générosité, pour mettre fin au
règne
des ténèbres, qui égare et asservit
les hommes.
b) Après ce
« Cadre rituel », sachons trouver
le
symbole vivant de la Maîtrise, dont tout
l’enseignement, tout le suc
initiatique est condensé en un seul geste : la
précieuse « GRIFFE DE
MAÎTRE » qui est
généralement si mal enseignée, si mal
pratiquée et si mal
comprise, au point qu’elle est en fait dépourvue
de ce qui fait l’essence même
de sa révélation.
Sans doute, la Griffe de
Maître nous rappelle que chaque Maître
est pour les autres un MAILLON de la Chaîne des
Maîtres.
Elle est un signe
d’ALLIANCE éternelle, dans un but
élevé commun.
« Nous nous comprenons, nous nous
aimons ». Mais, bien, pratiquée,
elle est bien plus que cela ; elle est te secret de lu.
Maîtrise
elle-même !
Car, quel est le secret essentiel du
Grade ? La renaissance
du Maître HIRAM en chacun des Maîtres.
Pour venir au jour, pour
naître, il faut inévitablement et
préalablement être conçu !
Pour être conçu,
il faut qu’un générateur
dépose la semence
de vie dans un milieu favorable et réceptif ; la
Mère a en elle une
« Chambre du Milieu »
où cette précieuse opération de
création de la
Vie pourra se faire.
Il faut donc que le
néophyte ferme sa main en griffe pour
symboliser la cavité réceptive du germe de vie et
que l’Initiateur pousse son
doigt médius au sein de cette cavité au moment
où il ferme sa main en griffe
sur la main du néophyte Cela signifie :
« Je te crée
Maître ».
Et ceci perçu, le
néophyte à son tour pousse son médius
dans le
creux de la main de son Initiateur en disant mentalement :
« Oui, je
viens de naître. Me voici ! »
Il y a donc deux temps dans cette
action :
1) Création,
fécondation.
2) Naissance et manifestation.
Le Maître Initiateur doit
donc émettre une flamme spirituelle,
qui favorisera la naissance du néophyte à un
nouvel état supérieur de
conscience et de spiritualité.
La paternité est un
échange de vitalité.
Initier, c’est
éveiller en autrui une sorte de « courant
induit » volontairement
bénéfique et qui le rend meilleur pour
l’avenir,
de façon indélébile.
On conçoit
dès lors combien est émouvante la GRIFFE
DE MAÎTRE que l’on échange de
façon soignée : elle rappelle ces deux
grands moments de l’initiation de l’HIRAM
nouveau :
- « Je
t’ai créé Je suis ton
fils ? »
Notons au passage que la Griffe
était connue des Anciens et que
les Orphiques et les Gnostiques, le pratiquant couramment, ont
été de ce fait,
l’objet des attaques perfides des Pères de
l’Église, sophistes ayant toujours
la bave aux lèvres, voulant attaquer la
« griffe initiatique »
où
l’on se « chatouille le creux de la
main », les polémistes
chrétiens
y voyaient un mariage avec les démons. Les mots
« chatouiller le creux de
la main » montrent bien que la Griffe
n’étaient pas simplement le fait de
se donner la main comme le font les profanes, niais un moyen rituel de
se faire
reconnaître par des actes précis que
l’on échangeait à cette occasion.
Tel est le
résumé suggestif et vivace de ce degré
sublime.
Les anciens Grecs enseignaient que
tout est immortel et
impérissable dans l’Univers, dans le Kosmos
vivant. La mort physique n’est pour
eux qu’un passage naturel d’un état
à un autre ; aucun de nos atomes ne
peut se perdre ou s’anéantir ; tout vit
à jamais, c’est là l’image
d’une
Maîtrise éternelle. Puisse chacun de nos FF
s’en souvenir, le jour où son corps
périssable sera livré au froid, aux
ténèbres et au silence du
sépulcre ;
alors que comme Hiram, il verra « sa chair quitter
les os » (MAC
BENAC). Mais Hiram, c’est lui ; comme lui, il est
impérissable et il sera
toujours vivant, chargé d’une immortelle
Espérance.
J\
M\ |