GLDF | Loge : NC | 09/09/2005 |
Les valeurs Morales Il m’a paru intéressant pour cette rentrée 6005-6606, de réfléchir un peu sur ces fameuses « valeurs morales » dont la F\M\ est si friande, et qui, en quelque sorte, alimentent notre réflexion et sont le fondement de notre Ordre. Que sont-elles ? Existent-elles depuis toujours ? Ont-elles variées avec le temps et les lieux ? Sont-elles toujours d’actualité ? Et où se situe la F\M\ et particulièrement la G\L\D\F\ par rapport à ces valeurs morales ? Autant de questions auxquelles je tenterai de répondre succinctement car en dix minutes je n’ai pas la prétention de faire une présentation exhaustive de cet importante question. Je souhaite simplement apporter quelques éléments qui permettront, du moins je l’espère, d’alimenter le débat. I
–
QU’APPELLE-T-ON VALEURS MORALES ? Le petit Larousse nous apprend qu’une valeur est ce qui est posé comme vrai, beau, bien, selon des critères personnels ou sociaux et sert de référence, de principe moral. Il parle de jugement de valeur lorsqu’on énonce une appréciation par opposition à jugement de réalité pour qui constate des faits. Nous avons donc déjà dans ces définitions matière à réflexion… Quant à la Morale il s’agit de l’ensemble des règles d’action et des valeurs qui fonctionnent comme normes dans une société. Une question vient immédiatement à l’esprit : Y a-t-il une morale universelle qui s’impose à tous les hommes ou bien y a-t-il des morales en fonction des époques et des cultures ? En d’autres termes les valeurs morales sont-elles subjectives et se réduisent-elles aux goûts personnels de chacun ou bien sont-elles objectives et ne dépendent pas de la croyance d’un individu ou d’un groupe ? Historiquement deux grands courants de pensée apparaissent : Une conception objective qui affirme que les lois morales ne dépendent pas de l’homme mais sont :
Une conception relativiste ou subjective pour lesquelles les lois morales ont une origine humaine :
La
conception
objective
Socrate, Platon, Aristote, le s stoïciens, les épicuriens, pensent que la valeur morale se mesure à l’aptitude à réaliser le désir naturel de l’homme à bien vivre, à mener une vie bonne. Ils affirment donc l’identité du Bien (morale) et du Bonheur. Mais pourquoi identifier le Bien au Bonheur ? et qu’est-ce que le Bien ? Aristote dans « Ethique à Nicomède » identifie le Bien comme étant ce que les hommes recherchent, comme étant le but de toutes nos actions. Il ne s’agit pas de biens relatifs à tel ou tel domaine de la vie (santé, famille, etc…) mais d’un Bien absolu qu’Aristote appelle « le souverain Bien ». Qu’entend-il par là ? Pour lui le Bonheur est le Bien suprême, celui là seul qui est choisi pour lui-même, il n’est relatif à aucun autre bien. Ce bonheur n’est donc pas la seule satisfaction subjective d’un plaisir mais il se rapporte à ce qui fait que notre vie est vraiment « humaine », conforme à ce qu’on attend de l’homme, donc ce qui vous rend digne de l’humanité. On trouve donc aux côtés du concept de Bonheur, une autre notion, celle de Vertu. C’est une sorte d’équivalent de la notion de Devoir mais elle s’en distingue car elle n’est pas un commandement, elle correspond à la nature humaine qu’elle contribue à enrichir. Ainsi le Bonheur est chez les anciens, réalisation de soi, non au sens où l’on se réalise individuellement selon nos goûts, mais au sens où l’on se conforme à l’idéal humain.
C’est Dieu qui nous donne les règles à suivre pour vivre suivant une bonne morale et ces règles, ses valeurs, nous ont été communiquées par Dieu dans la Bible par les dix commandements. Le philosophe Ludwig Wittgenstein a écrit : «L’Ethique, si éthique il y a, est surnaturelle… ». En d’autres termes, pour qu’il existe des absolus moraux, il faut que les hommes les tiennent d’une réalité transcendant son humanité. L‘éthicien athée Richard TAYLOR l’exprime en ces termes : « dire que quelque chose est mal parce que Dieu l’interdit est parfaitement compréhensible pour quiconque croit en Dieu qui dicte sa loi. Mais dire que quelque chose est mal même si aucun Dieu n’existe pour l’interdire c’est incompréhensible ». Et aussi : « Le concept d’obligation morale est impossible à saisir sans celui de Dieu. Les paroles demeurent, mais elles ont perdu leur sens ». Il apparaît donc pour ce courant de pensée, que la morale trouve sa source dans le Divin. Il ne nie pas qu’il soit possible à un athée d’être moral mais il dit que si Dieu n’existe pas il n’y a pas de principes moraux obligatoires. Quelqu’un qui ne croit pas en Dieu peut tout à fait faire le Bien, se comporter charitablement, fraternellement…ce n’est pas l’absence de croyance en Dieu dont il est question mais de l’absence de Dieu. Si Dieu n’existe pas, alors l’athée qui prône le respect de l’être humain et qui s’attend à ce que cette valeur soit partagée par tous n’a aucune base pour le faire. Il est bon qu’il le fasse mais penser que cette valeur devrait être partagée n’est pas cohérent avec son athéisme.
C’est elle qui lui permettra de déterminer et d’accepter les valeurs qui le guideront durant son existence. Il s’agit essentiellement des doctrines de ROUSSEAU et de KANT dont il me paraît utile de rappeler un des trois impératifs catégoriques : « Agis toujours de telle façon que tu considères la personne humaine comme une fin et non comme un moyen. » KANT apporte à la Morale une vue tout à fait nouvelle. Pour lui, l’action morale est tout d’abord formelle, elle ne se soucie pas du contenu de l’action, elle ne doit pas être motivée par un intérêt personnel quelconque. Toutefois après avoir posé ce principe, s’apercevant que son formalisme est utopique, il ajoute que « la maxime de son action puisse être érigée en loi universelle. » En effet, il faut bien constater qu’une morale désincarnée, purement formelle, est presque une morale vide et KANT n’a pas échappé à cet écueil. Il a cependant eu le mérite de montrer qu’il y a une loi de l’activité humaine, que cette loi est antérieure à l’expérience et qu’elle explique nos jugements moraux. Il nous a appris ensuite qu’elle devait être en rapport avec notre nature et nous concerner pour se faire obéir de nous.
Cette conception prend comme fondement que les valeurs morales ont une origine humaine car elles sont imposées par la société ou un groupe quelconque ou parce qu’il appartient à l’individu en tant que tel de les définir. Dans cette conception les valeurs morales sont variables, d’une société, d’un groupe ou d’un individu à l’autre. Cette conception est défendue principalement par NIETSCHE et par SARTRE. Elle conduit au NIHILISME. II
– LES VALEURS
MACONNIQUES Y a-t-il une morale maçonnique spécifique ou se rattache –t-elle à un des courants de pensée précédemment décrits ? On peut trouver des réponses dans un des plus ancien discours maçonnique qui nous soit parvenu « Le discours de Ramsay », prononcé à la loge de St Jean le 26 Décembre 1731, à l’occasion de la réception de nouveaux initiés. Il parle des qualités nécessaires pour être maçon : « La philanthropie sage, la morale pure, le secret inviolable et le goût des beaux arts » Il détaille ensuite ce qu’il entend par « morale pure »qu’il appelle alors « saine morale » : L’ordre des F\M\doit « former des hommes et des hommes aimables, des bons citoyens et des bons sujets, inviolables dans leurs promesses, fidèles adorateurs du Dieu de l’Amitié, plus amateur de la Vertu que des récompenses ».Plus loin il cite les vers d’un F\qui glorifie une spiritualité d’essence divine : « Heureux si les nobles efforts…m’élèvent…à l’essence pure et divine…De l’âme céleste origine…Source de vie et de clarté » Et encore « tous les vices du cœur et de l’esprit en sont bannis, l’irréligion et le libertinage » Il apparaît donc nettement qu’en dehors d’être bon citoyen, honnête, il faut rechercher une vérité d’essence divine et se rapprocher de Dieu. Les principes moraux sont donc clairement d’inspiration chrétienne. En cela il est plus restrictif que les constitutions d’Anderson qui a une attitude beaucoup plus nuancée à l’égard de la religion. En effet, Anderson admet qu’un maçon est obligé d’obéir à la Loi morale et précise qu’il ne sera jamais « un athée stupide ni un libertin irréligieux » A mon sens, cette formulation si elle condamne l’athéisme laisse la porte ouverte à un changement ; ce qualificatif de « stupide » est plein de compassion et permet de penser qu’Anderson caressait l’espoir que cet athée cesse de l’être en s’ouvrant peu à peu à la lumière, ce qui laisserait supposer qu’il admettait que l’on pouvait être athée en entrant en F\M\ Qu’en
est-il plus
particulièrement de la G\L\D\F\ ? Notre constitution nous permet de dégager les grandes lignes de conduite qui doivent inspirer notre vie : « Travailler à la gloire du G\A\D\L\U\ »«Ordre initiatique traditionnel fondé sur la Fraternité » « Alliances d’hommes libres et de bonnes mœurs » « Devoir d’assistance aux FF\même au péril de sa vie – assistance à toute personne en danger » « Aucune entrave ni aucune limite à la recherche de la Vérité et de la Justice» « Respect de la pensée d’autrui et sa libre expression » « Pratique d’une morale universelle et respect de la Personne humaine » Ainsi, dans les diverses règles morales imposées par notre Ordre nous voyons peu à peu apparaître le portrait du F\M\ moderne tel que le voit la G\L\D\F\ : Un homme qui se veut libre donc responsable, libéré de ses passions les plus aliénantes ou qui fait tout pour les surmonter, qui respecte les autres et vit suivant les règles des bonnes mœurs de son époque et de sa culture, qui essaie d’être le plus fraternel possible, qui est prêt à aider les autres sans se soucier de ses propres intérêts mais sans léser sa famille, à aider donc dans la mesure de ses moyens, mais aussi à bannir toute indifférence au malheur des autres. Il doit se sentir concerné dès que la Justice et la Liberté sont bafouées. Un homme qui cultive son esprit critique et qui ne doit jamais admettre pour vrai que ce que à quoi il a lui-même réfléchi longuement, en le comparant à l’aune de ses enseignements et des valeurs maçonniques, sans que cela débouche sur une attitude de scepticisme radical, toujours négatif, mais simplement faire en sorte qu’il ait toujours présent à l’esprit la relativité des connaissances humaines, valables un jour, caduques le lendemain. Cette attitude critique doit déboucher sur une plus grande ouverture au monde, une plus grande écoute des autres cultures, des autres convictions, des autres croyances. Le F\M\est donc un homme « respectant autrui et sa libre expression » donc d’une grande tolérance. Il pratique aussi une « Morale universelle » c'est-à-dire que les valeurs qu’il défend sont reconnues par l’humanité toute entière et en cela nous rejoignons la morale kantienne qui estime que « la Loi morale est impérative, catégorique et universelle. » Toutefois, à mon sens, la F\M\ n’échappe pas non plus aux contradictions de l’idéal de Kant… D’un côté une obligation morale universelle qui s’impose à tous, en dehors des désirs humains, des sensibilités, des pulsions. Une morale par certains côtés « utopique » en ce sens qu’elle ne tient guère compte de la véritable nature humaine faite de contradictions, ni Ange, ni bête, et de l’autre, une affirmation de la liberté individuelle, de la Raison comme moyen de discernement, de connaissance de toute chose. Enfin pour compliquer un peu plus les idées, la croyance au « Grand Architecte de l’Univers », terme suffisamment vague pour désigner ce que chacun voudra bien comprendre, en précisant toutefois qu’il s’agit d’un « principe créateur ». On le voit par certains côtés la GLDF prône des valeurs morales parfaitement objectives, transcendantes et nous invite à une recherche constante en nous-même pour mieux les découvrir et les appliquer et par d’autres côtés elle nous fait comprendre la relativité des valeurs telle que le vrai, ce qui doit nous conduire à la Tolérance, vertu maçonnique fondamentale. Ce sont ces apparentes contradictions qui expliquent les deux tendances principales de la F\M\actuelle : la F\M\dite « libérale », plus tournée vers la société, oubliant volontiers l’assise symbolique, pierre angulaire de nos rituels et une maçonnerie « traditionnelle »essayant de rester fidèle à la tradition, au symbolisme et au rituel, tout en souhaitant également ne pas se couper de notre société, exercice périlleux, lourd de division entre les FF\ ! La première pourrait aussi être qualifiée « d’humaniste » car elle s’occupe de ce que l’homme adhérant aux valeurs universelles de la F\M\peut apporter à la société, la seconde pouvant être qualifiée de « spiritualiste » privilégie l’amélioration de l’homme par la pratique des mêmes valeurs universelles mais aussi par une recherche éthique des fondements même de cette morale ainsi que par une recherche personnelle de nature métaphysique, en quête de sa propre spiritualité. CONCLUSION J’ai parlé de contradictions dans les fondements moraux de la GLDF et j’ai ajouté « apparentes ». En fait la GLDF, s’appuyant toujours sur la tradition sans laquelle rien ne peut se créer, tient tout simplement compte de la véritable nature de l’Etre. Quelque soient nos convictions religieuses nous ne pouvons nier qu’il y a en l’homme une force intérieure, un élément immatériel que l’on appelle « conscience » mais que l’on peut appeler tout autrement. Cette conscience se différencie de la raison et la GLDF nous aide par ses enseignements, à mieux comprendre ces deux concepts. Le concept de la raison qui va nous guider dans les choix de la vie, choix qui dépendrons de notre culture, de notre environnement social, de notre intelligence, de notre sexe, etc…mais ces choix faits nous devrons penser aux moyens pour les réaliser. Dès lors des « cas de conscience » pourraient se poser et nous devrons alors penser avec le cœur. Nous devrons interroger cette conscience qui venant du tréfonds de la Personne humaine, transcendant notre humanité, nous fera entrevoir où sont le Bien et le Mal. C’est ce que veut nous faire comprendre la GLDF par l’intermédiaire de notre très beau rituel du REAA. A chaque degré nous franchissons des paliers pour arriver au grade de Maître et au mythe fondamental de la mort d’Hiram.Le rituel nous invite à rechercher la « Parole perdue », donc à revenir à l’essentiel. Par là même nous devons retrouver les véritables valeurs morales, fondatrices, source de création de l’Etre. La GLDF réconcilie les deux aspects de la représentation humaine qui ont été séparées et même opposées depuis la plus haute antiquité : la Raison et la Nature qui est en nous, c'est-à-dire le sensible, le désir de bonheur. S’appuyant sur les valeurs morales acceptées par tous les FF\elle va ouvrir une voie dès notre initiation.Cette vois de recherche s’appuie sur notre nature profonde, sur notre raison mais aussi sur notre sensibilité, nos désirs, nos sentiments Elle prend en compte tout ce qui nous constitue, tout ce qui construit notre être. Elle ne nous impose aucune contrainte que celle que nous nous imposons nous même, et à mon sens, si nous voulons éviter le fanatisme, l’intolérance et son corollaire inévitable – la destruction de l’homme – notre éthique est la voie pour le monde de demain. Ne l’oublions pas, la GLDF est un Ordre initiatique fondé sur la Fraternité, mais cette fraternité ne peut exister sans l’AMOUR, et en définitive, c’est ce sentiment d’Amour qui doit sous-tendre toute conscience morale. Car qu’elle est notre obligation première ? Qu’est ce qui est fondamentalement dû à autrui ? Le respect de la Vie. La finalité de l’obligation morale semble bien être d’aider autrui à lutter contre tout ce qui, hors de lui ou en lui, menace l’intégrité de son existence, l’aider à rester un homme véritable, lui conserver sa dignité. Pour cela il faut l’AMOUR, source de toutes les autres valeurs : Tolérance, Fraternité, Honnêteté… Cet AMOUR qu’a si bien chanté le poète persan AL FARABI : Mon cœur est capable de toutes les formes Il
est le cloître des chrétiens
Le
Temple des idoles
La
prairie des gazelles
La
Kaaba des pèlerins
Les
tables de la Loi mosaïque
Le
Coran des fidèles
AMOUR EST MON CREDO
ET MA FOI.
J’ai dit V\M\ M\.P\ |
7234-2 | L'EDIFICE - contact@ledifice.net | \ |