GLDF Loge : NP 04/04/2006



Les trous noirs


1°) Historique des Trous noirs

 « Trou noir » est un terme inventé par le physicien américain John Wheeler  en 1967, pour décrire une concentration de masse/énergie si compacte que même les photons ne peuvent se soustraire à sa force gravitationnelle. L'histoire des trous noirs (auparavant connus sous divers noms dont celui "d'astres occlus") commença toutefois bien plus tôt puisque l'existence d'étoiles invisibles a pour la première fois été imaginée en 1784 par le révérend anglais John Michell  dans le cadre de la théorie newtonienne de la gravitation. Il fallut cependant attendre la théorie d’Einstein de la relativité générale pour que leur existence soit prise un peu plus au sérieux, et ce n'est que très récemment que l’on a pu être certains d'en avoir réellement observé.

 Ainsi, quelques mois à peine après la publication de la théorie de la relativité générale par Einstein, Karl Schwarzschild trouva en 1916 une solution exacte des équations d'Einstein qui décrit le champ gravitationnel produit par un corps à symétrie sphérique dans le vide. Il établit également l’existence possible dans cette solution de ce qui sera nommé par la suite le rayon de Schwarzschild (Rs). Ce terme désigne, pour une masse donnée de la source du champ gravitationnel, le rayon minimal que doit avoir cette même source pour que la métrique reste régulière. Si la source a un rayon plus faible que son rayon de Schwarzschild, divers phénomènes physiques étranges semblent se produire lorsqu'une particule arrivant depuis l'infini atteint la sphère de rayon Rs : le temps semble se figer, etc. Le caractère physique de ces propriétés fut longtemps mis en doute par la plupart des physiciens, certains d'entre eux, Eddington en tête, allant jusqu'à nier l'existence d'objets astrophysiques aussi compacts et donc l'existence d'étoiles de rayon inférieur à leur rayon de Schwarzschild.

Il existait toutefois de bonnes raisons d'y croire, et un premier pas vers la démonstration de l'existence de tels objets fut franchit en 1939 par les physiciens américains Oppenheimer et Snyder, qui étudièrent l'effondrement d’une étoile en-deçà de la limite de Schwarzschild. Négligeant la rotation de l’étoile et l'influence de la pression, ils obtinrent des résultats étonnants : dans leur étude, une étoile semblait pouvoir s'effondrer sous la sphère de Schwarzschild en un temps fini, alors que la lumière rayonnée se décalait vers le rouge  (sa longueur d’onde augmentait), et que la trajectoire des rayons lumineux était de plus en plus déviée, jusqu’à ce que, une fois atteinte la limite de Schwarzschild, nul photon ne puisse échapper à la force gravitationnelle; un trou noir avait été formé. Les approximations utilisées laissèrent cependant perplexes la plupart des physiciens sur la validité du résultat (Oppenheimer le premier), et il faudra attendre les années 60, et le début de l’observation astronomique à l’aide des rayons X, pour que la théorie des trous noirs soit plus approfondie, et que les premières preuves de leur existence soient apportées

2°) Formation d’un trou noir stellaire

Les étoiles, à la fin de leur « vie », connaissent des destins très différents dont la nature dépend de la masse initiale de l'étoile. En effet, les réactions de fusion nucléaire qui ont lieu dans le noyau des étoiles produisent des éléments de plus en plus lourds, en commençant par l'hydrogène. Or, la nature du plus lourd des éléments formés dépend de la pression au centre de l'étoile, laquelle est reliée à la masse.

Lorsqu'une étoile brûle son hydrogène, on dit qu'elle est dans la séquence principale. Une fois tout l’hydrogène consommé, l’étoile commence à brûler l’hélium ; elle se transforme en géante rouge. La suite des événements dépend de la masse de l'étoile. Une étoile peu massive, comme le Soleil, ne peut pas aller très loin dans la fusion, et ne pouvant brûler le carbone formé par la fusion de l'hélium, son noyau se contracte pour devenir une naine blanche, sorte de cristal de carbone baigné d'électrons qui résiste à l'effondrement gravitationnel grâce à la pression de dégénérescence de ces derniers. Cependant, la pression du gaz dégénéré ne peut résister face à la gravitation que si la masse totale est plus faible qu'une certaine valeur limite. C'est pourquoi les naines blanches ont une masse inférieure à environ 1,5 masses solaires; c’est la limite de Chandrasekhar.

Toutefois, ce cas de figure ne se présente que pour les étoiles qui sont suffisamment massives pour pouvoir aller au-delà de la fusion de l'hélium. Ces dernières forment ainsi divers éléments jusqu'au Fer56, lequel étant le plus stable des éléments est inerte et s'accumule au centre des étoiles. Ainsi, ce noyau de fer, qui résiste lui aussi grâce à la pression de dégénérescence des électrons, s'effondre soudainement lorsque sa masse dépasse la masse de Chandrasekhar. Cet effondrement brise les noyaux, les électrons fusionnant alors avec les protons produits pour former des neutrons. S'il n'a pas une masse trop élevée et si l'effondrement n'a pas été trop violent, le plasma d'électrons, protons et neutrons ainsi produit peut résister à la force gravitationnelle  grâce à la dégénérescence des nucléons mais aussi et surtout grâce à l'interaction forte qui est répulsive à courtes distances. Le noyau s'est alors stabilisé pour devenir une étoile à neutrons.

Cependant si le noyau de Fer56 a une masse supérieure à la limite d’Oppenheimer-Volkoff (située entre 2.4 et 3.2 masses solaires), rien ne peut compenser la force gravitationnelle et l’étoile s’effondre en-deçà de son rayon de Schwarzschild pour devenir un trou noir.

Les trous noirs stellaires sont donc formés par des étoiles de plus de 30 Masses solaires (environ), qui s’effondrent sur elles-mêmes sans que rien ne puisse stopper le processus

3°) Structure d'un trou noir

Un trou noir de Schwarzschild est, d’abord et avant tout, caractérisé par l'existence d'un Horizon : c’est la surface sphérique dont même la lumière ne peut sortir et en-deçà de laquelle même cette dernière est inexorablement entraînée vers la singularité centrale. En effet, même si l'existence de cette singularité (point où toutes les grandeurs physiques et géométriques locales divergent) traduit la nécessité d'avoir une théorie quantique de la gravitation pour décrire de manière complète et cohérente les trous noirs, le fait que l’Horizon sépare l'espace-temps en deux zones disjointes, aucune information ne pouvant nous parvenir de la deuxième, implique que tout ce que nous pouvons savoir d'un trou noir est "codé" dans la géométrie de l'Horizon.

Les différents types de trous noirs sont donc nommés en fonction des personnes ayant découvert les différentes solutions qui leur correspondent, lesquelles sont uniques.
On a :

 * Les trous noirs de Schwarzschild, sphériques, sans rotation et non chargés ;
 * Les trous noirs de Kerr, non sphériques, en rotation et non chargés ;
 * Les trous noirs de Reissner-Nordström, sphériques, sans rotation, mais chargés ;
 * Les trous noirs de Kerr-Newman, non sphériques, en rotation et chargés.

Il a cependant également été démontré que tout trou noir astrophysique chargé perdrait rapidement sa charge électrique, et les trous noirs astrophysiques sont donc très vraisemblablement des trous noirs de Kerr.

Par ailleurs, des études des propriétés quantiques des trous noirs, mais également des phénomènes astrophysiques dans lesquels ils peuvent naître, ont amené à classer les trous noirs en fonction de leur taille. On distingue :

* Les trous noirs primordiaux, objets théoriques de la taille d’une particule, supposés formés juste à l'époque où l'Univers était encore très dense et chaud. Leur existence a été proposée par Stephen Hawking, lequel a également démontré l'existence d'un rayonnement d'origine quantique issu des trous noirs ;

 * Les trous noirs stellaires, d’une dizaine de masses solaires, dont la formation a déjà été décrite ;

 * Les trous noirs supermassifs, de plusieurs centaines de millions de masses solaires, dont on suppose l’existence dans le centre de nombre de galaxies. Selon les plus récentes études, ces trous noirs seraient nés avant même les galaxies dont ils occupent le noyau.

Par ailleurs, certains trous noirs astrophysiques sont dit actifs car ils émettent de grandes quantités de rayonnement électromagnétique. Ce phénomène ne viole pas le principe selon lequel rien ne peut sortir de l'horizon, et résulte de la présence d’un disque formé de gaz et poussière en grande quantité autour du trou noir. Ce dernier absorde peu à peu le disque d’accrétion et c'est le rayonnement issu des particules accélérées au cours de leur chute qui nous parvient. Ainsi, de manière plus générale, les trous noirs étant invisibles, c'est l'interaction entre ceux-ci et leur environnement qui témoigne de leur existence.

4°) Modes de détection et preuves d’existence

La plupart des observations ayant apporté la preuve désormais quasi-indiscutable de l’existence des trous noirs concernent en fait les trous noirs supermassifs présents au cœur des galaxies. En effet, même si l’on ne sait pas encore comment ils peuvent se former, on a beaucoup de preuves de leur existence, car les phénomènes qu’ils engendrent sont beaucoup plus violents et donc plus facilement observables.

Les astrophysiciens considèrent maintenant l’existence des trous noirs comme chose sûre à plus de 99%, de nombreuses preuves considérées comme indiscutables de leur existence provenant de l'étude du centre de la Voie Lactée mais aussi de sources gammas et X stellaires.

Cependant, certains phénomènes ont été modélisés, qui, s’ils sont un jour observés, apporteraient des preuves supplémentaires très importantes.

Par exemple, il est théoriquement prévu qu'une étoile qui s’approche trop d’un trou noir se voit disloquée par les forces de marée. La libération soudaine des gaz entraîne un fort rayonnement. Cet événement devrait se produire une fois tous les quelques milliers d’années. L’observation de Sagittarus A* révèle la présence de tentacules de gaz perturbées qui pourraient bien être les restes d’une étoile disloquée. Si un tel rayonnement venait à être observé, il ne pourrait qu’être produit par un trou noir.

Un autre phénomène a été étudié, connu sous le nom d’effet de fronde. En effet, si un système binaire double vient à s’approcher d’un trou noir, l’une des étoiles peut être capturée, tandis que l’autre voit son énergie cinétique augmenter aux dépends de celle de sa compagne. Elle pourrait alors atteindre une vitesse de l’ordre de 10 000 km.s-1, vitesse qu’aucune configuration stellaire ne peut produire.

Le dernier phénomène étudié est la fusion de deux trous noirs. Ce phénomène, dont on pense qu'il doit être très fréquent, produit une intense émission d'ondes gravitationnelles, lesquelles devraient être observables sans problèmes par le détecteur d'ondes gravitationnelles à venir, LISA. De telles ondes ne pourraient être attribuées à aucun autre phénomène connu et seraient la preuve définitivement indiscutable même pour ceux qui rechignent encore à admettre l'existence des trous noirs malgré les nombreuses preuves.

L’étude des trous noirs, passionnant nombre de physiciens, a permis de grandes avancées en physique théorique ; des modèles de trous noirs ont été étudiés autant en relativité générale que du point de quantique ou de celui de théories plus vastes et ambitieuses que la relativité générale. Les trous noirs sont ainsi devenus un outil théorique de première importance dans la quête d'une théorie unifiée, certains développements de la théorie des cordes prévoyant par exemple la possibilité de former des mini-trous noirs au LHC, le futur collisionneur du CERN.

Seconde partie :
Comment revenir au symbolisme qui nous est cher, après ces théories scientifiques.
Pourquoi avoir nommé ce phénomène trou et lui avoir donné la couleur noire.
Le trou est le symbole de l’ouverture sur l’inconnu : ce qui débouche sur l’autre côté, ou ce qui débouche sur le caché.
Sur le plan de l’imaginaire, le trou est plus riche de signification que le simple vide. Il est prégnant de toutes les potentialités de ce qui pourrait le remplir ou de ce qui passerait par son ouverture ; il est comme l’attente ou la soudaine révélation d’une présence. C’est du trou ouvert dans le crâne de Zeus d’un coup de hache qu’est sortie la déesse de l’intelligence Athena. Le trou peut être considéré symboliquement comme la voie d’accouchement naturel de l’idée.
Il y a entre le vide et le trou la même différence qu’entre la privation et le néant. Les indiens y voyaient à la fois une image de l’organe féminin, par ou passe la naissance du monde, et une porte du monde, par où la mort permet d’échapper aux lois d’ici-bas.
Sa couleur, le noir est la contre couleur du blanc. Comme le blanc il peut se situer aux deux extrémités de la gamme chromatique, en tant que limite des couleurs chaudes comme des couleurs froides ; selon sa matité ou sa brillance, il devient alors l’absence ou la somme des couleurs, leur négation ou leur synthèse. Symboliquement, il est le plus souvent entendu sous son aspect négatif. Contre couleur il est associé aux ténèbres primordiales. Il est également couleur du deuil. Le noir est de façon générale la couleur de la substance universelle, de la materia prima, de l’identification primordiale, du chaos originel , des eaux inférieures du nord de la mort, le noir absorbe la lumière et ne la rend pas. Il évoque  le néant, le ciel nocturne, les ténèbres terrestres de la nuit, le mal, l’angoisse, la tristesse, l’inconscience et la mort…Le noir possède incontestablement un aspect d’obscurité et d’impureté. Mais inversement il est le symbole supérieur de la non manifestation et de la virginité primordiale.
En tant qu’évocateur du néant et du chaos, c’est à dire de la confusion et du désordre, il est l’obscurité des origines ; il précède la création dans toutes les religions. Pour la Bible, avant que la lumière soit, la terre était informe et vide, les ténèbres recouvraient la face de l’abîme.
Si le noir s’attache à l’idée du mal, c’est à dire à tout ce qui contrarie ou retarde le plan d’évolution voulu par le divin, c’est que le noir évoque ce que les hindous appellent  l’Ignorance, l’ombre de Jung, le diabolique Serpent-dragon des Mythologies, qu’il faut vaincre en soi pour assurer sa propre métamorphose. Ce trou noir qui nous habite et dont nous devons sortir.

J’ai dit V\M\

D\ V\  

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