Kilwinning
:
Aux
origines de la légende
Dans
le cadre
de l'étude La Maçonnerie Ecossaise au
XVIIème siècle, m'a été
confié dans une
autre structure associative, une recherche sur Kilwinning.
Alors tout d'abord pourquoi Kilwinning ? Kilwinning sur un moteur de
recherche
internet c'est 249 000 réponses... et si l'on se tourne vers
les historiens de
la maçonnerie, la réponse est vite
donnée, notamment par David Stevenson : «Toutes
les Loges Originelles d'Ecosses étaient uniques, mais
certaines étaient plus
uniques que d'autres. Le prix de "la plus unique" revient à
Kilwinning, avec sa prétention
déterminée à être "plus
égale" que les
autres loges. Par la suite cette prétention conduisit la
loge à acquérir le
titre étrange de "Mère Kilwinning" et le
privilège ambigu d'être n°0,
sur la liste des loges affiliées à la Grande Loge
d'Ecosse [...] et ainsi
prétendre à la préséance
sur cette liste de numérotation très
particulière :
n°1 (Edimbourg), n°1 bis (Melrose), n°1ter
(Aberdeen). »(1)
Quelles sont donc les origines de Kilwinning, qu'est ce qui vaut donc
à cette
Loge sa primauté et ce fameux n°0 ou "
nothing " ? D'où
vient cette notion d'Antique loge d'Ecosse ? Quel est son lien avec les
Statuts
Schaw et son influence sur des textes non moins
célèbres comme les Manuscrits
Haughfoot et le Dumfries ? Partons un peu à la
découverte du mythe
Kilwinning...
Les premiers moines, quel que soit l'Ordre auxquels ils appartenaient,
furent
toujours d'excellents juges quant au choix des localités
qu'ils sélectionnaient
comme lieu de leur résidence permanente et Kilwinning ne fit
pas exception à la
règle, en effet, située en terre fertile et
s'étalant sur plusieurs kilomètres
dans le North Ayrshire, l'endroit est
entouré d'une chaine de
colline peu élevées, qui induit une chaleur
protectrice à la région. Toutefois
dans le cas des monastères Ecossais, comme celui de
Kilwinning, mais aussi,
Arbroath, Selkirk et Kelso entre autre, il ne furent pas choisi par les
moines
mais confié par la royauté dans des buts bien
précis, comme nous le verrons
plus avant. Ancienne cité, Kilwinning a
prospéré jusqu'à nos jours , et est
une
ville moderne avec un rôle commercial stratégique
dans le district de Cunninghame.
Aujourd'hui, la vieille ville a disparu et a été
absorbée par celle d'Irvine.
Il est surprenant d'ailleurs qu'environ 85% des habitants, ne
connaissent rien
du glorieux passé de leur ville... Il est vrai que dans ce
que les Britanniques
appellent les "Dark Ages", l'histoire de Kilwinning a
été négligée et
s'est ainsi perdue dans les ténèbres ne laissant
que quelques fragments.
Kilwinning tient son nom de St Winning ou
Vinn(en), un
évangéliste plus connu sous le non de St
Finan (ou Finn ou
Finnian). Première des questions non réellement
élucidées, c'est : quel est le
niveau de certitude, de l'existence de ce saint et de quelle
époque est-il ?
Car en effet plusieurs théories se surajoutent.
Classiquement on le dit
Irlandais, mais on lui trouve également dans la
littérature religieuse une
origine galloise. Il est réputé avoir
fondé Moville et Driumfionn en Irlande.
En 715, il débarque sur les rives du Garnock et fonde une
église, ou un
monastère. Que trouve-t-on dans les monastères ?
Des cellules, en anglais
"cell" ou "kell", cell étant aussi le mot pour association,
groupement...et ces "cell of Winnin", ces "Cella Winni"
deviendront assez vite... Kilwinning. Nous l'avons dit St Wynnyn de
Cunninghame
est classiquement confondu avec St Finan de Moville. Deux manuscrits
semblent
en attester : une "Vie des saints", conservé au British
Museum (2) et
un autre du XVème siècle de la Bodleian Library
(3) . Il mourut en 579 et fut
inhumé à Kilwinning, mais alors comment a-t-il
fait pour créer le monastère en
715 ??? Toujours est-il qu'il est fêté le 21
Janvier, jour anniversaire de son
débarquement sur les bords de la Rivière
Garnock... Voilà, dès le départ,
premier anachronisme, en effet, tous les dictionnaires de saints que
j'ai pu
feuilleter donnent 2 saints Finan, déjà... un le
plus célèbre mort en 661, ce
n'est donc pas le bon, puis un autre, du VIème
siècle, ça pourrait, mais
fêté
le 7 avril... Personne en fait ne saura jamais avec certitude lequel
des deux a
donné son nom à Kilwinning, d'autant qu'une
troisième version donne la
paternité du nom, au gaélique "Cill Dingeian". La
seule certitude est
que ce sont les moines Irlandais colombanistes appliquant une forme
Scot-irlandaise
de christianisme et connus sous le nom de Culdéens qui s'y
sont installé
primitivement.
Les historiens
ont également
débatu d'un autre nom de Kilwinning, ainsi on a pu lire: "It
is
affirmed that the toune and place quher the Abbey of Kilvinin standes
ves
formly named Segdoune as the foundation of the said monastry beares
record
". Cette déclaration
attribuée à Timothy Pont,
topographe de Cunninghame, en 1608, quand il inspecta les ruines de
l'ancienne
abbaye de Kilwinning, est la raison fondamentale de la
théorie des historiens
et des écrivains, quant au fait que Kilwinning
était connue originellement sous
le nom de Segdoune. Segdoune, Sagdoune ou
Sagtoune est tout
simplement l'ancêtre étymologique de Saint town,
village saint, ce qui laisse
présager d'un culte préexistant voué
à St Wyn ou à un autre d'ailleurs.
La légende qui entoure Kilwinning, et qui est, bien sur,
entretenue par nos
amis écossais, un peu comme à Roslin, serai-je
tenté de dire, veut qu'avant de
quitter le continent, les moines bâtisseurs de Kilwinning,
auraient reçu une
bulle papale, leur donnant les privilèges de s'autoproclamer
"francs
maçons" où qu'ils aillent. Or, nous n'en avons
trace, et surtout pourquoi
ces bénédictins déjà fort
reconnus dans toute l'Europe auraient-ils eu besoin
d'un blanc-seing pontifical pour aller porter la bonne parole et
continuer à
œuvrer de même en terre
étrangère ? Toujours est-il que si l'on reprend
l'histoire "officielle" de Kilwinning de J.A.Ness (5) , que la
congrégation qui édifia le monastère
entre 1140 et 1162, aurait instruit
quelques maçons "autochtones" et notamment les anciens
moines Culdéens
de tradition irlandaise, maçons ordinaires serait on
tenté de dire, en les
formant à leurs mystères, ils les
éclairèrent de leurs lumières, en
faisant
ainsi : des "initiés", à ce qui allait faire
naître la notion de :
"berceau de la franc-maçonnerie en Ecosse".
Hélas, l'auteur ne
s'appuie sur aucun fait avéré, même si
cette notion est considérée comme vraie
par les écossais... De la même manière
un peu fabuleuse, Robert Wylie (6)
, fait se tenir la probable première Tenue
maçonnique dans la Salle
Capitulaire, la "Chapter house"
du monastère.
Toutefois notons la taille de cette salle capitulaire : 11,4m x 5,7m.
En mètres
cela n'a pas grande signification mais en pieds, cela donne 19x38 en
faisant
ainsi pour l'anecdote, un carré long... Ce qui fait dire
aussi que la première Lug
(ou Luge), se tint là, vient en raison des
nombreuses marques de
maçons qui y ont été
retrouvées, cette salle étant
réservée aux réguliers et de
fait interdite aux laïques et aux convers on peut avancer
à l'instar de notre
amie historienne Francine Bernier (7) que
ces loges étaient
aussi les salles d'instructions ou d'examen des moines-apprenti (8) ,
qui
étaient appelés à devenir des ouvriers
qualifiés tels que sculpteurs de pierre,
mais aussi de bois, charpentiers, forgerons, orfèvres,
maçons architectes et
autres horticulteurs... Enfin, la légende dit aussi que ces
moines-artisans
auraient essaimé vers Scoone (Scone)
et Bertha (Perth).
Abandonnons momentanément nos moines bâtisseurs
pour y revenir plus loin...
Nous venons d'évoquer Perth, en effet c'est le contrat de
Perth de 1658, qui
atteste des liens entre Kilwinning et la Loge de Scone-Perth, et
surtout qui
manifeste un lien entre Kilwinning et le "Temple des Temples", c'est
à dire celui de Salomon. Il met en avant
l'Universalité de l'union des maçons,
dans "une seule et unanime voix afin de maintenir l'union et
l'harmonie", communion mise en pratique et fort importante
notamment
à l'occasion de la succession du maître
maçon décédé... Ce que ce
contrat de
Perth met aussi en avant, c'est la notion préexistante, du "Mot
de
Maçon" dont on peut attribuer l'origine
à l'Ecosse, et je
rappelle, mot en deux parties, cette "tradition rabbinique,
autour du
nom des deux colonnes du Temple de Salomon", que Kilwinning
avait
transmise à la Loge de Scone-Perth. Notons aussi, que ce "Mason
Word" considéré classiquement
comme mot de passe, peut aussi être
interprété comme : "parole de maçon"
comme symbole de serment de
garder le secret. Souvenons-nous dans tous les cas du poème
d'Henry
Adamson "Muses Threnodie"
(circa 1638) qui
en atteste l'existence :
«
For we be brethren of the Rosie Crosse ;
VVehave the on Word, and second sight,
Things for to come we can foretell aright »
« Pour ce que nous sommes Frères
de la Rose Croix
Nous avons le mot de maçon et la seconde vue
Nous pouvons prédire les choses à
venir »
Kilwinning
donc, est très attachée à ce mot de
maçon, de nombreux procès-verbaux
induiront la notion de Cowan et les
actions contre ceux-ci. Le
procès-verbal de 1705 définit
précisément le "cowan", comme quelqu'un
sans le mot... Ce mot de maçon on va le retrouver dans les
rituels éponymes qui
forment le groupe Haughfoot : le MS
des Archives
d'Edimbourg (1696), le Chetwode Crawley
(1700) et le Kevan
(circa 1717-1720).
Mais revenons une nouvelle fois en arrière, sur les
légendes constantes qui ont
fait l'histoire de Kilwinning, et je ne saurait top insister sur le mot
légende. Tout d'abord, c'est le poème "La
Maçonnerie"
publié en 1820 à Paris, qui cautionne, et que
nous dit-il ? "Jacques
Lord Stewart, reçut dans sa Loge à Kilwin en
Ecosse, en 1226, les comtes de
Glocester et Ulster, l'un Anglais et l'autre Irlandais".
A défaut
d'archives comme nous l'avons vu, ce poème que l'on pense
découler d'un
discours du Duc D'antin en 1740, fait
référence... Toutefois souvenons-nous de
sa date de publication tardive 1820. C'est ainsi que l'on vu fleurir la
théorie
Templière, qui veut que les chevaliers Templiers, suite
à leur persécution
trouvèrent refuge en Ecosse, aux côtés
de Robert The Bruce,
devenant ainsi sources pour certains de la Maçonnerie
Ecossaise. Robert Bruce
aurait fondé l'Ordre Maçonnique d'Hérédom
de Kilwinning en
1314 après la Bataille de Banockburn,
se "réservant"
la place de Grand Maître pour lui et ses descendants et
successeurs sur le
Trône d'Ecosse. C'est aussi de ce légendaire que
découle le grade de Rose
Croix d'Heredom fondé lui par David
Ier. Alors pour
continuer le survol historico-légendaire, on trouve par
exemple chez Robert
Wylie encore et son histoire de Kilwinning, que James Ier prit
Kilwinning sous
sa protection. Il institua que chaque Grand Maître soit
choisi par les frères
et ce parmi les Lords, (les nobles) et les membres du clergé
"de haut
renom" si possible et devant bien sur être
approuvés par la couronne... Ce
même Grand Maître devait recevoir 4 pounds
écossais par an et par Maître Maçon,
tout comme de la même manière pour tout nouvel
initié. Il avait le pouvoir de
régler les différents qui pouvaient voir le jour
entre les Maçons, et qui bien
sur, n'étaient pas du ressort de la justice civile. Le Grand
Maître devait
aussi désigner des députés ou Wardens
responsables des différents districts
d'Ecosse, et intermédiaires entre lui et la
communauté locale.
Toujours au chapitre des évènements majeurs
survenus avant la fin du XVIIème
siècle, limite que nous nous sommes fixées
aujourd'hui, on trouve que sous le
règne de James II roi des
Scots en 1446, ce poste de Patron et
Protecteur fut donné par la couronne, à, nous y
revoilà... William St
Clair de Roslin ... et lui attribuant de plus, la
transmission
héréditaire de la charge. Ainsi les St Clair en
furent dépositaires jusqu'à la
création de la Grande Loge d'Ecosse. Notons, que les barons
de Roslin, en tant
que Grands Maîtres héréditaires,
tenaient leurs réunions à Kilwinning et que la
fraternité de Kilwinning avait le pouvoir de donner patente,
ce qui fut le cas
jusqu'en 1808. A ce stade je souhaiterai revenir sur
l'épisode St Clair déjà
amplement présenté par Philippe
Rivayrand (www.williampreston.org),
et simplement pour ajouter que c'est aux St Clair que l'on doit la
légende
Templière et surtout aux Sinclair de Roslin des
dernières générations (depuis
les années 1970 environ) manipulant l'information et
l'opinion publique et ce
sachant que la noblesse écossaise n'a plus les moyens
financiers d'antan pour
entretenir leurs vastes domaines, d'où le besoin d'organiser
des attractions
touristiques et des visites payantes. En fait au cours des
dernières années,
les Sinclair ont constamment (et
délibérément) confondu les titres de
"patron et protecteur" et de "Grand Maître" comme si les
deux étaient synonymes et ce, probablement parce que
l'héritier du titre de
"patron et protecteur" devint "Grand Maître" de la Grande
Loge d'Écosse en 1736... Et les Templiers, dans tout cela ?
Vraie en partie,
mais surtout une "exagération"
déformée provenant de la famille de
Roslin. Depuis plusieurs années, les Sinclair soutiennent
que William St.
Clair, le premier "patron et protecteur" des maçons
d'Écosse, était
aussi Chevalier Templier et, de ce fait, que ce titre de chevalerie
devait
pouvoir être accessible aux descendant, comme celui de
"patron des
maçons". Pour appuyer leur revendication et taire les
incrédules, les
Sinclair de Roslin sont même allés
jusqu'à ajouter une inscription sous la
pierre tombale originale de William (de) St. Clair,
décédé vers 1480. Cette
inscription dit : “William de St. Clair, Knight
Templar”. Alors que
les représentations anciennes montrent un Dessin du motif
apparaissant sur la
pierre tombale originale (vers 1480), allure de chevalier, oui, mais
aucun
symbole spécifiquement templier.
Des Sinclair à William Schaw,
il n'y a qu'un pas que je vais
franchir allégrement... Envisageons donc Kilwinning par
rapport aux Statuts
Schaw, brièvement bien sur, car désormais vous
êtes tous incollables, grâce aux
travaux de Gilbert Cédot (www.williampreston.org).
Tout d'abord ce qu'ils nous apportent c'est qu'en rendant la lettre
obligatoire, ils fortifient cette notion de l'Art de la
mémoire pratiquée par
les compagnons et les apprentis, qui induit une considérable
absence de documents.
On le sait en rédigeant ses seconds statuts, Schaw
complète les premiers, «
en incluant non pas des références à
Dieu mais aux autorités religieuses »
. On a souvent dit que bien qu'ayant participé à
la réunion d'Holyrood House,
Kilwinning marqua son autorité en rejetant les statuts, la
haute autorité de
leur auteur et surtout la classification en 1.Edimbourg, 2. Kilwinning
et 3.
Stirling qui allait considérablement alimenter la
controverse. Les second
statuts Schaw donc, ceux de 1599, vont donner une existence historique
écrite à
Kilwinning, pourtant ce décret du haut fonctionnaire de
Jacques VI Stuart,
situe nous venons de le dire Kilwinning comme la principale et je
dirais mais,
seconde Loge d'Ecosse, tout en lui reconnaissant le pouvoir de
délivrer des
Chartes constitutives, des patentes, à des Loges filles
restant sous son
autorité. Ce texte est fait de controverses donc, en effet
Schaw lui reconnaît
plus de 200 ans d'existence, ...mais il la place numéro
deux. Alors il nuance,
par la notion de "chef","heid" (head) afin de donner
autorité à Kilwinning sur son district, sur 1000
miles2, expression symbolique,
car on sait que Kilwinning établit des Loges bien
au-delà. Si Kilwinning refusa
l'intégralité du texte, à l'inverse on
peut considérer que quelques
recommandations furent elles appliquées : tout d'abord, la
date de réunion
annuelle du 20 décembre, puisque les premières
minutes écrites de Kilwinning
sont datées du 20 décembre 1646, date qui ne
changera pas jusqu'en 1779 ; ou
bien encore quelques règles concernant l'instruction ou le
choix d'un notaire
comme clerc. On le sait l'histoire future de Kilwinning verra des
oppositions
diverses, qui iront jusqu'à la restitution en 1807de la
primauté originelle à
Kilwinning, sur Edimbourg, lui attribuant le numéro 0,
puisqu'il vient avant
1... Des historiens célèbres comme W.J
Hughan, Robert-Freke
Gould ou David Murray Lyon,
s'appuieront sur Schaw
pour argumenter contre l'ancienneté de Kilwinning par
rapport à Edimbourg en
l'absence de trace manuscrite, à l'inverse de St Mary's
Chapel.
En fait, pourquoi ne sait-on pas grand choses des origines ? Eh bien,
car les
documents constitutifs de l'Abbaye de Kilwinning, le cartulaire, a
été perdu,
quand et comment on ne sait pas bien. On trouve dans les
"Mémoires du Ayrshire"
de Fraser, un passage expliquant qu'en
Février 1591, William
Melville, abbé commendataire de Kilwinning
intenta une action en
justice (7) , afin de récupérer ces documents
fondamentaux. Il fut débouté et
l'action se retourna même contre lui (8) . Il semble donc
qu'en 1591 ces
documents eurent été entre les mains de la maison
des Blair,
ou détruits, ou comme Melville l'affirmera plus tard
devinrent la propriété de
la maison d'Eglinton et l'on peut penser
que l'incendie qui
dévasta le château en 1544 fut fatal à
certains documents de l'antique
Kilwinning. Pourtant Thomas Innes
déclare dans son "Early
Scottish History" que ces documents étaient
encore entre les mains
des Eglinton au XVIIIème siècle, propos qui
seront confirmés (9) . Mais, bon,
concrètement en dehors du commandeur Melville, ils ne sont
donc que 3 connus
(10) : à avoir vu le cartulaire de l'Abbaye de Kilwinning.
Nous l'avons dit
donc, les archives de Kilwinning se sont perdues dans les
méandres de
l'histoire, donc impossible de prouver l'ancienneté de la
Loge... On suppose
qu'à l'époque de la destruction de l'abbaye, sous
la Réforme, les moines qui
furent chassés de l'Abbaye en 1560, envoyèrent
leurs documents à Rome, c'est
même ce qui est dit dans les ouvrages "officiels" de la
Mère Loge de
Kilwinning, afin d'y être sauvegardés. Mais
hélas encore, les recherches, même
pour ceux qui ce sont rapprochés du Vatican, n'ont rien
donné. Et si simplement
comme l'écrit l'historienne Québécoise
Francine Bernier (à qui je doit tnt!) : «
il n'est en fait pas surprenant que l'on ait aucune trace
écrite, car en 1140,
la tradition écossaise était orale, il est peu
probable que l'on ai trouvé des
traces écrites car on ne tenait pas de minutes de ces
assemblées, et ce
jusqu'en 1599 avec les Statuts Shaw qui rendaient la "lettre
obligatoire" »... Sans trace écrite, la
Légende pouvait vivre...
On peut se poser ici, la question de savoir si au Moyen-âge,
l'Ecosse fut
enclin au développement architectural. Il a d'ailleurs
été dit que les écossais
n'ont jamais donné de bâtisseurs audacieux, sans
limites ou simplement
inspirés, pas plus qu'ils n'ont excellés dans le
monde artistique en général.
Pourtant il y a quelques années la Commission Royale des
Monuments Historiques
d'Ecosse mena à terme une étude
détaillée des constructions
écossaises. Ainsi
même si les bâtisseurs écossais ne
furent jamais sur le devant de la scène au
niveau architectural, ils eurent l'occasion d'élever
quelques belles églises
gothiques, et en particulier quatre qui méritent le
détour, ce sont les
cathédrales d'Elgin et de Glasgow, l'abbaye de Melrose et la
non moins célèbre
Collégiale saint Mathieu de Roslin chère
à nôtre Vénérable
Maître.
Traditionnellement, il est écrit que la date de fondation de
l'Abbaye de
Kilwinning dédiée à St Winning est
1140, tout du moins entre 1140 et 1162 et
"Les Chroniques de Melville" disent que c'est un certain Hugues de
Morville, français en provenance de Normandie qui fut fait
chevalier en 1100 et
proche du Roi David 1er qui fut le financier des travaux de notre
Abbaye. Mais
à ce point il nous faut revenir plus tôt dans
l'histoire...
Bref rappel donc, que je qualifierai de
Historico-géographique et que je dois
aux années de recherches que Francine Bernier a bien voulu
mettre à nôtre
disposition : Thiron, en Eure-et-Loir,
dans le Perche... près
de Nogent-le- Rotrou, tout le monde connaît... C'est
là qu'au tout début du
XIIème siècle un ermite nommé Bernard
(1050-1118) va se retirer. Cet élan de
piété va alors attirer d'autres moines. L'ordre
monastique de Stricte
Observance de Tiron (on trouve aussi Tyron ou Thiron), se
développa tant et si
bien que l'on retrouve en 1145, un peu partout : 86 prieurés
et 14 abbayes dont
18 en Grande-Bretagne ou en Ecosse. On sait que les Frères
Tironiens (ou
parfois appelés Tyronisiens) ont bâti les abbayes
de Selkirk
(1113), Kelso (1128), et Arbroath
(1178).
C'est David 1er qui lors de ses nombreux voyages en France et sans
doute
accompagné des de Morville (11) , ramena avec lui ces
bâtisseurs français
travaillant dans le silence, l'anonymat à la glorification
de Dieu. David 1er
en fait, né en Ecosse en 1084, avait
été à la cour d'Henri 1er en Normandie
pour y étudier durant sa jeunesse (de 1093 à
1113). C'est durant cette période
là, qu'il fit la connaissance des Tironiens et fit
même de l'un d'eux: Eochaid,
son chapelain privé. Lorsqu'il rentre en Ecosse en 1113,
pour se marier, il
demande à Bernard de Tiron
(encore Bernard d'Abbeville ou
Bernard de Ponthieu) de lui envoyer une colonie de moines pour
s'établir en
terre écossaise. Ces moines viennent pour bâtir,
et j'aurai eu tendance à dire,
eux aussi, la truelle dans une main et l'épée
dans l'autre afin de garder et
surveiller les frontières anglo-écossaises, mais
n'ayant jamais porté l'épée et
n'ayant jamais participé aux combats, leur rôle
fut uniquement de surveiller
les frontières. Par rapport à l'ancienne Eglise
Culdéene Ecossaise préexistant
localement, ils vont, plutôt que de la combattre, l'absorber
en initiant à
leurs connaissances les autochtones. On peut même penser
qu'un échange eu lieu
dans les deux sens car les "cousins" de cultures qu'étaient
les
Irlandais, Ecossais, Bretons et Gaëliques avaient de nombreux
points communs en
ce qui concerne les organisations sociales et religieuses des arts et
métiers,
formant un groupe homogène centré sur un rite
Celtique (12) . Notons enfin que
les monastères Tironiens, dont Kilwinning, montrent une
maîtrise de la taille
de la pierre franche, cette freestone présente, par exemple,
dans les comtés
écossais Ayrshire et Selkirkshire.
On l'a vu, dans mes premiers pas d'historien en herbe vers le Graal
"Kilwinnien", peu de documents écrits, peu de traces, mais
c'était
compter sans la perspicacité des historiens de la
maçonnerie, car cette chère
Francine dont je doit, avec mille merci le contact aux secrets de notre
Vénérable Maître, eh bien, Francine
Bernier me permet un véritable scoop ! En
effet, elle a retrouvé ce que l'on a longtemps cru disparu,
à savoir: que
plusieurs chartes de Kilwinning de type : dons, actes de
propriétés, faveurs...
existent... Ces documents ne sont pas à Rome, sont
peut-être en possession des
Hamilton dans leur collection privée, mais le scoop j'y
viens, c'est que ces
«éléments sont reproduit en bonne
partie, et il se trouvent à moins de 100 km
d'ici, ces documents constitutifs sont en latin dans le "Cartulaire
de l'Abbaye de la Saint-Trinité de Tiron"
(Abbatia
Sanctae Trinitatis de Tirone), aux archives
départementales de Chartres,
document publié par Lucien Merlet
, et dont la copie des
quelques 900 pages pour ceux que ça intéresse se
trouve sur
le site : William Preston .
Alors bien sur ceci est très
intéressant à parcourir, avec des anecdotes
où Merlet parle du Monastère de
"Selecherche" (Selkirk). Mais hélas on n'y parle pas,
contrairement à
ce que j'ai cru de prime abord, des documents de la « Luge
», mais ce qui est
sur c'est que l'état d'avancement des recherches
récentes semble y retrouver
tous les actes de propriété de toutes les
fondations de nos moines, en France,
Angleterre, Pays de Galles Irlande et bien sur Ecosse (Carte des prieurés
Tironniens) . Ce sont
ces documents que les Tironiens auraient rapporté en France
lorsqu'ils furent
chassés d'Ecosse sous la Réforme, ou qui tout
simplement étaient envoyés dès
leur signature, à "la maison-mère" pour archives.
Je croyais donc bien pouvoir le toucher ce Graal, et vous
présenter des
documents inconnus, mais fallait il y croire ? Tout ce que contient ce
cartulaire était il véridique ? Hélas
non, en effet de nombreuses archives de
l'Ordre Tironien ont été
brûlées (encore... !) en 1793, mais plus grave
encore
il faut noter que dans l'histoire des Tironiens, il est un
épisode qui ne sera
pas sans rappeler celui des Templiers...En 1291 et plus tard
à l'aube du XVIème
siècle, les Tironiens, alors
considérés comme corrompus, furent
accusés, puis
condamnés après un long procès,
d'avoir contrefait un ensemble de documents et
notamment certains des premiers documents de l'Ordre. Mais par chance,
oui le
cartulaire était d'origine, citons donc Merlet (13) : «
A mesure qu'ils
falsifiaient une charte, les religieux détruisaient le titre
original : aussi
ne retrouve-t-on presque plus que des faux dans le chartrier de
l'Abbaye. Heureusement,
ils ne songèrent pas au Cartulaire original du XIIe
siècle, veterum studia
litterarum aberant, et c'est avec ce secours
inespéré que nous avons pu
reconstituer les véritables annales du monastère
».
Et donc voilà, comment, de l'histoire de la Loge Kilwinning
N°0, on se retrouve
à l'histoire de l'Ecosse, de France et, à cheval
entre les deux : à l'histoire
de cet Ordre monastique fort intéressant... Bien sur
l'histoire maçonnique de
Kilwinning à partir de ses premières minutes en
1652, est à étudier, bien sur
j'aurais aimé vous parler plus avant de la fameuse affaire
du numéro 0, de
l'histoire du 20 décembre, d'Hérédom
et du Rose Croix de Kilwinning, du
Dumfries Kilwinning, de Cannongate Kilwinning, et qui sait
peut-être même de la
"galéjade" de la Mère Loge Ecossaise de
Marseille... mais cela aussi
est une autre histoire et nous avons bien le temps de
l'étudier...
Dominique SAPPIA
Remerciements :
A Francine Bernier... sans qui je n'aurait pas écrit que le
titre...et encore !
A Philippe Rivayrand pour m'avoir lancé dans le grand
bain... ou plutôt poussé
à l'eau...sauvagement !
A Robert Guinot et Patrick Feri mes bouées de sauvetage...
A Irène Mainguy
Notes:
1. David Stevenson : "Les premiers Francs Maçons". Ed Ivoire
Clair. p
91. Références :
2. Publié dans "Nova Légende Anglic".
Londres 1516
3. Oxford
4. J.A.Ness. "The History of the Mother Lodge Kilwinning".
1878
5. Francine bernier. "Les Moines Artisans de Tiron"
2005.The
Steps of Zion/Life Exploration Institute (ULT) Arizona, USA. Version
française
de "The Great Architects of Tiron"
6. Ce que signifie justement "tirones".
7. A l'encontre de Jean Blair, Lady Montgreenan veuve d'Alexande
Cunninghame,
son fils et d'autres encore
8. Notons ici que dans tous ses écrits, Melville ne
mentionnera jamais
Segdoune...
9. par Sir James Dalrymple
10. Pont, Innes et Dalrymple
11. Nous disons, les de Morville, car Richard, le
fils, est aussi cité
comme potentiellement important dans ce rôle de superviseur
de la construction
de Kilwinning, cela selon les théories ne modifie la date
d'édification que
d'une trentaine d'années supplémentaire.
12. Quant au mélange des deux entités, notons ce
tableau de la chapelle
Tironienne de Notre-Dame d'Yron (à Cloyes-sur-le-Loir
près de Chartres)
représentant Bernardus Abbas (Bernard d'Abbeville), portant
la tonsure
Celtique. Encore une découvert de Francine Bernier.
13. Lucien Merlet. Op cité Tome 1. p XX. Note de bas de page
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