La maçonnerie en 3 ou 33
degrés ?
J'aimerais tout d'abord faire une
remarque liminaire : 3 ou 33, nombres hautement symboliques
mais limitatifs car liés non seulement à un seul
rite mais encore à une époque dudit rite - en
effet, la maçonnerie comptait initialement 2
degrés seulement et les différents rites,
à des moments différents en comptent ou
comptaient un nombre varié allant de 2 à 99. Ceci
dit, la question posée fait référence
aux degrés du Rite Ecossais Ancien et Accepté
d'après 1801, soit les trois degrés des loges
symboliques ou les trente-trois degrés du suprême
conseil. La question posée pourrait l'être de
manière plus provocatrice : pour ou contre les « hauts
grades » ?
Car, oui, je mets ce terme « hauts grades
» entre guillemets car s'il est utilisé
couramment, il me heurte profondément car il implique une
hiérarchisation là où il n'y a pour
moi qu'une progression. « Degrés
latéraux » traduits des « side
degrees » anglo-saxons, « grades
de perfection » ou « maçonnerie
philosophique », j'y vois personnellement la
poursuite et l'approfondissement de ma quête car j'ai en
effet choisi de faire ce chemin en complément de la
poursuite de mon chemin en loge symbolique et d'autres recherches
d'ailleurs.
Une dernière remarque avant d'entrer dans le sujet, me
souvenant d'un commentaire d'un F sur la FIF il y a quelques
mois ou quelques années. Le chemin du REAA est
emprunté par des FF et des SS qui n'en demeurent pas moins
des êtres humains, qu'ils soient AApp, MM ou Souverain Grand
Inspecteur Général ; nous avons toutes appris
à nos bénéfices ou nos
dépens que l'on rencontre en Loge, comme ailleurs, un
pourcentage non négligeable de FF/SS curieux, arrivistes,
chercheurs sincères, ras-des-paquerettes ou
tête-dans-les-nuages, rabiques voire dogmatiques. J'ose
cependant toujours espérer que l'ouverture d'esprit et
l'intelligence du cœur sont un peu mieux
représentées en maçonnerie qu'ailleurs.
J'aime utiliser la comparaison suivante lorsqu'on me pose la question :
3 ou 33 ? Certains grands textes philosophiques peuvent être
lus et médités pendant des années,
voire des siècles, des commentaires peuvent en
être faits qui apportent des éclairages
différents et peuvent aider un cherchant à s'en
approcher ; d'autres cherchants estimeront ces commentaires inutiles ou
malvenus car les éloignant du fondement même de la
dite philosophie ; d'autres enfin ayant accompli un long chemin de
recherche avouent pouvoir le condenser en un seul concept.
Ainsi, pour prendre deux exemples que j'ai approchés
successivement : le Dao De Qing de la tradition taoïste est un
texte de 81 petits chapitres, bien moins de mille caractères
chinois, qui a engendré des bibliothèques
entières de commentaires mais les mystiques
taoïstes estiment que le simple fait de nommer le Dao, la Voie
la trahit et corrompt l'initiation ; pour eux, tout est dans le
non-exprimé. Démarche similaire pour les
kabbalistes qui déchiffrent et commentent la Torah depuis
des siècles mais pour lesquels tout le contenu de
connaissance est dans le seul Beréshît, voire dans
le seul Bêt, voire même le seul daguesh au centre
du Bêt. Vous ne voyez pas où je veux en venir, je
vais donc être plus claire.
Pour moi, la totalité du contenu de l'initiation
maçonnique est dans la cérémonie
d'initiation au premier degré. Il est communément
admis que nous avons besoin d'éclairages additionnels pour
nous permettre d'appréhender la richesse de ce
degré, c'est ainsi que nous sont proposés les
outils spécifiques des deuxième et
troisième degrés, mais je mets au défi
mes SS et mes FF de trouver un concept initiatique non
déjà présent au premier
degré. Bien entendu de nombreux concepts ne sont pas encore
dévoilés, en ce sens que l'accent n'a pas encore
été mis dessus, mais tout est là.
La maçonnerie symbolique propose donc actuellement une
progression en trois degrés et certain(e)s estiment disposer
avec ces trois degrés de tous les outils qui leur sont
nécessaires pour leur travail intérieur et de
rayonnement, à moins qu'ils/elles ne trouvent dans des
recherches ou démarches annexes, parallèles ou
convergentes le complément de leur réflexion.
D'autres ont le désir ou le besoin d'éclairages
additionnels, d'outils supplémentaires pour aborder leur
démarche initiatique. Les rituels des trente
degrés qui peuvent encore leur être offerts leur
permettront de considérer l'un ou l'autre point de vue,
l'une ou l'autre mise en exergue, leur permettront ainsi de progresser
vers un peu plus de compréhension de ce qu'ils/elles ont
vécu et continuent de vivre depuis leur réception
en maçonnerie (et j'emploie ici à dessein la
notion anglo-saxonne d'entrée, de réception).
Ainsi, pour revenir à ma comparaison initiale, comme le
cherchant taoïste va méditer sur les approches
possibles d'une Voie dénaturée par tout essai de
définition, comme le kabbaliste va chercher dans
l'approfondissement des textes la fulgurance de la totalité
du dagesh initial, je poursuis une démarche gnostique, de
recherche initiatique, de conscience-flèche, de
progression-dilution dans la multiplicité pour tenter
d'appréhender ce qui est de toute
éternité, accessible mais voilé.
C'est vous dire comme toute notion de
supériorité ou de rubanite me hérisse,
car je ne vois dans mon chemin de perfectionnement que la preuve de mon
incapacité à appréhender simplement et
sans détours le message initial.
Tout ce que je peux vous souhaiter, mes SS, est de vivre
intensément votre chemin, quel qu'il soit, tout en
respectant le chemin choisi par vos FF et SS, ainsi d'ailleurs que
celui choisi par nos frères et sœurs en
humanité.
C\
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