Obédience : NC | Site : http://solange-sudarskis.over-blog.com | 04/02/2009 |
Les
syndromes(1)
du mâle
ou La place archaïque de la Femme L’'identité
sexuée a toujours été
un objet problématique, aussi bien dans notre environnement
maçonnique
bipolaire que dans la
réalité sociale
ou que dans les discours mythiques ou encore et surtout religieux,
imposant
très vite la prévalence des hommes sur les femmes. J'ai
cherché à illustrer cela en
vous évoquant ce que j'appellerai les syndromes du
mâle, un ensemble de
symptômes alors observons les à mots couverts. Dans
la Bible le marquage sexuel
de la différence va de soi. On naît
garçon ou fille, le destin est scellé et la
position sociale est déterminée. La Bible
reflète la mentalité des hébreux de
l'Antiquité, où la domination
masculine implique qu'une
différenciation stricte entre les sexes
fasse l'objet d'un souci constant et appliqué. C'est sur la base d'une
identité sexuelle que se fondent le statut et la
reconnaissance des êtres dans la communauté dont
ils sont membres. Lorsque
les hébreux voulurent se
compter dans le désert, ils demandèrent que les
hommes apportent un sicle
d'argent (2) pour
chaque homme et
un demi -sicle pour chaque femme et chaque enfant.
Les bases qui supporteront les quatre colonnes
dorées délimitant
le saint des saints du temple portatif, lors de l’exode dans
le désert, furent
fabriquées avec une partie de la masse du métal.
C’était inscrire un rapport de
moitié entre hommes et femmes face à leur dieu. Le
corpus rabbinique élargit et
aggrave la portée des règles concernant la
distinction entre les sexes. Pour
assurer constamment la domination masculine, les normes
différenciatrices
s'institutionnalisent. Ainsi le philosophe juif Flavius
Josèphe, en 37, résume
la conception traditionnelle qui
s'imposait aux époux dans la législation
rabbinique qui remonte à l'Antiquité : La femme, dit la Loi, est
inférieure à
l'homme en toute chose. Aussi doit-elle obéir, non pour
s'humilier, mais pour
être dirigée, car c'est à l'homme que
Dieu a donné la puissance. Le
Talmud va jusqu'à esquisser une
théorie de la présence universelle du masculin et
du féminin en toutes choses,
ce qui tend à les ériger en puissances
cosmogoniques. Cette différence perdure
dans la sexualisation hiérarchique du
ciel et la terre. L'identité
sexuelle détermine
également une série de comportements,
d'inclinations, d'attitudes physiques ou
mentales et d'aptitudes rigoureusement
répertoriées et distribuées
différentiellement entre les sexes. Le destin des femmes
appartient au père,
puis au mari auprès duquel elle est juridiquement
traitée comme sa fille, loco filiae. C'est
un schéma que l'on retrouve
presque partout depuis la plus haute Antiquité
jusqu'à nos jours. Le
fait d'être une femme suppose
un état d'infériorité, de
dépendance, de soumission, qui revêt
même parfois une
signification infâmante. Dans
les fragments retrouvés du
Satyricon de Pétrone, on y lit : les femmes
sont des vautours ou des pots de chambre. L'amour qui dure est
considéré comme
un chancre,
cancer en latin. Bien
avant les quatre évangiles
qui reprennent sa doctrine et ses enseignements, Paul, le
véritable forgeron de
l'église catholique, écrivait dans son
épître aux Corinthiens:
Que
les femmes
se taisent dans les assemblées, il ne leur est pas permis de
prendre la parole. Pas étonnant parce
qu'à cette époque, pour les romains, tout ce qui
est actif, tout ce qui fait lever le fascinus, est hautement noble. Le
mot phallus n'est jamais
employé en latin. Les Romains appelaient fascinus ce que les
Grecs nommaient
phallos. Du sexe masculin dressé, c'est-à-dire du
fascinus, dérive le mot de
fascination, c'est-à-dire la pétrification qui
s'empare des animaux et des
hommes devant une angoisse insoutenable. Les fascia
désignent le bandeau qui
entourait les seins des femmes. Les fascies sont les faisceaux de
soldats qui
précédaient les Triomphes des imperator. De
là découle également le mot
fascisme, qui traduit cette esthétique de la fascination. Tout
ce qui est passif pour un
homme peut être puni de mort. Le renoncement à la
passivité fut la marque qui
imposa sa loi au peuple dont le totem est la louve. A
ce titre, l'homosexualité
masculine, en tant que confusion des identités sexuelles
qu'elle est censée
entraîner, n'était pas condamnée
à condition que le dominus,
le maître, ne tienne pas le rôle de la femme sous
peine de mort. Constantin II
édictera en
342: Lorsqu'un
homme se comporte au lit à la manière d'une
femme, Nous ordonnons que la loi se dresse, une
épée à la main, et frappe
l'infâme qui s'est rendu coupable d'un tel crime, et que cet
homme soit soumis
à un châtiment atroce et raffiné Quant
à laisser apparaître ses
sentiments amoureux, cela peut conduire à la
relégation sur une île, à partir
d'Auguste (vers -18), à la mort sous l'empereur Constantin
le Grand. Pompée,
en tombant amoureux de sa
femme Julia (la fille d César) devint un sujet de moqueries
et cet amour
déclaré fut une des raisons qui lui fit perdre le
pouvoir. En
France, je rappellerai que,
pour être en conformité avec le code civil la
répudiation des femmes juives a
été rejetée par le grand
sanhédrin en 1807 sous Napoléon
Et pourtant le code pénal, de cette
époque,
en 1810 excuse, absout le meurtre par son mari de l'épouse
adultère, surprise
au domicile conjugal. Et
pour sourire, en Brumaire An IX
(1801) il est ordonné : Toute femme, désirant
s'habiller en homme, doit se
présenter à la préfecture de police
pour en obtenir l'autorisation. Que
dire des constitutions
d'Anderson interdisant la présence des femmes en
Franc-maçonnerie ainsi que
celle des infâmes, auxquels elles semblent les
assimilées? Les Personnes
admises comme Membres d'une Loge doivent être des Hommes bons
et honnêtes, nés
libres, d'âge mature et discret, ni Serfs ni Femmes ni Hommes
immoraux ou
scandaleux, mais de bonne réputation. Dans
la plupart des langues, l’homme et la femme sont
désignés par
des racines différentes : ce qui renforce la
représentation des sexes comme
distincts de nature. En
fait l'opinion commune associe,
en les confondant, le fait d'être homme ou femme et les
notions de masculin et
de féminin. Si
l'on en croit Pierre Bourdieu,
la série d'oppositions que ces notions entraînent
dans leur sillage est
universelle et les correspondances admises reprennent et corroborent la
domination masculine. Ainsi on retrouvera du côté
masculin Actif et du côté
féminin Passif, et les opposés Dominant/
Dominé, Dur/Tendre, Puissant/Faible,
Devant/Derrière, Supérieur/Inférieur,
Haut/bas. Cependant
la pensée ésotérique va
nuancer ces couples d'oppositions et l'on trouvera des
appréciations qui
fonctionnent plutôt comme des articulations fondamentales de
la pensée avec au
masculin Miséricorde et en opposé au
féminin Jugement, Quiétude/ Activité,
Epanchement/ Réceptivité,
Intériorité/ Extériorité,
Cause/ Effet, Déploiement/
Limitation, Forme/ Matière, Richesse/ Pauvreté,
Lumière/ Obscurité, Droite/
Gauche. D'autres
paires d'opposés dans la
pensée grecque, comme celles qu'Aristote attribue
à un philosophe
pythagoricien, mettent en parallèle certaines ressemblances
avec cette liste.
On trouve ainsi Limité/ Illimité, Impair/ Pair,
Un/ Multiple, Droite/ Gauche,
Mâle/ Femelle, Repos/ Mouvement, Rectiligne/ Courbe,
Lumière/ Obscurité, Bon/
Mauvais, Carré/ Oblong. A
l'extrême horizon de l'Histoire,
apparaît une île des commencements de la
pensée, la Mésopotamie avec Sumer,
Babylone et Ninive. C'est à cette source que
l'Israël de la Bible et la Grèce
antique se sont alimentées pour tenter, chacune à
leur manière, d'explorer la
civilisation et la conscience humaine. De là va surgir un
personnage incarnant
une opprobre jetée sur la femme par ces civilisations et
dont l'histoire
mythique va recouvrir les aspects énoncés du
féminin : Lilith. (לִּילִית)
S’intéresser
à l’existence oubliée de Lilith c'est tenter de comprendre le
schème de la
reproduction et de la distinction des sexes dans les
différents récits du péché
originel. Quant à ses dérivés
mythologiques, dont l’origine supposée serait
suméro-babylonienne , ils ne sont pas sans rapport, aussi,
avec le thème de la
consommation du sang ; consommation à l’origine
des nombreuses prohibitions
alimentaires et interdits sexuels que la
chrétienté occidentale édictera durant
de nombreux siècles. Lilith : il s’agit
peut-être du plus ancien mythe féminin, il a au
moins quatre mille ans. Probablement
à
l’origine ce fut un démon femelle
sumérien(Lilitû) qui signifie "démon
femelle" ou "esprit du
vent". C’est
une vierge inassouvie, ravisseuse nocturne, qui attaque les
hommes mariés et leur foyer. Lilith
apparaît sous
la forme de "Lilake" dans des
tablettes sumériennes d'Ur de 2000 ans avant notre
ère, dont la fameuse
tablette de l'épopée de Gilgamesh. Lilith
est présente, bien sûr,
dans les écrits rabbiniques, dans le Talmud de
Babylone(commentaires du
Texte,6è s.), dans le Zohar (exégèse
cabalistique d de la Bible).. Dans
différentes versions de la
Bible (Bible TOB, Bible de Jérusalem, Bible Darby et celle
d'André Chouraqui)
elle est apparaît sous le terme utilisé pour
désigner un "être
nocturne". L'étymologie hébraïque
populaire fait dériver Lilith du mot
"layil", la nuit. C'est
pourquoi elle apparaît souvent sous les traits d'un monstre
de la nuit. Le nom
même de Lilith représenterait les
ténèbres, l’obscurité :
Leila ou Lavlah c’est
la nuit, en conséquence le noir, pareillement à
ces nombreuses Vierges Noires,
parentes de Lilith, telles Isis, Kali, Sarah la noire, Marie
l’Egytienne, dont
les lieux de cultes étaient souvent établis sur
l’emplacement d’anciens sites
initiatiques. Nous retrouvons là, le lien qui unit les
anciennes déesses de
vie, de mort, de fécondité aux forces
telluriques, bien antérieures au
christianisme. Ce
personnage
est pétri de
contradictions : elle est à la fois aérienne et
chtonienne, voire aquatique,
dévoratrice à la sexualité et
à la
fécondité illimitées, mais aussi
symbole de
frigidité et de stérilité,
épouse, fille et
double du diable. Elle rassemble
les côtés négatifs de la
féminité
archaïque, la femme qui ne peut être
l’épouse
de l’homme dans la culture
judéo-chrétienne.
Lilith n’est mentionnée
qu’une seule fois dans l’Ancien Testament, en
Isaïe 34, 14. Les bêtes du
désert s’y
rencontreront avec les chacals, et le bouc sauvage y criera
à son compagnon. Là
aussi la lilith se reposera et trouvera sa tranquille habitation. Les
traducteurs de la bible de Jérusalem
rajouteront une référence à son nom au
texte original dans Job 18, 15 : On
arrache le méchant à l’abri de sa tente
pour le traîner vers le Roi des
Frayeurs, la Lilith s’y installe à demeure et
l’on répand du soufre sur son
bercail Selon
les diverses sources
disponibles, Lilith serait la première femme d'Adam,
précédant Eve et créée
à
partir de la même terre qu'Adam au Sixième jour de
la Création. Dans
l’esprit du judaïsme, c’est Lilith qui
fut d’abord donnée à Adam pour combler
sa solitude. Différents recueils de
Midrashim la présentent comme fabriquée
d’immondices et de boue, d’autres la
proposent comme tirée du limon de la terre. Ces deux visions
de la création
présentent invariablement la Femme comme
créée indépendamment d’Adam
et donc
comme nullement tirée de la chair de cet homme primordial.
Adam n’aurait,
ainsi, nullement « enfanté » la
première Ève. Mais
Lilith et Adam ne
s’entendirent sur les manières de faire
l’amour ni même sur le partage des
plaisirs liés aux pratiques sexuelles. Lilith
refusa de servir Adam comme Dieu l'avait destinée
à le faire. Les textes nous
disent qu'Adam voulait que Lilith soit placée sous lui
durant l'acte d'amour
mais un jour celle-ci refusa : "Pourquoi devrai-je être sous
toi ?"
demanda-t-elle, "J'ai été
créée de la même poussière,
et suis par
conséquent ton égale." Adam essaya de la
soumettre avec violence et
Lilith, en rage, prononça le Nom magique de Dieu et
s'échappa. Aussi
Lilith s’offusquait-elle de
toujours devoir être « sous » et soumise
à Adam lors de leurs rapports
érotiques. Le fait que, suivant certaines versions, Lilith
ait été tirée
d’immondices et non de terre frappait
d’illégitimité sa querelle concernant
la
préséance des sexes. Son combat était
perdu ! Lilith fut expulsée du paradis
vers la Géhenne, et trouva échange
équitable avec Sammaël, figure de Satan.
Pourtant, Dieu envoya trois anges
à sa
recherche, pour lui proposer un marché : si elle refusait de
revenir au jardin
d’Eden et de se soumettre à Adam, chaque jour que
Dieu ferait, un des «enfants-démons»
né de sa liaison avec Sammaël mourrait. Lilith
resta dans la Mer Rouge (réputée
être le lieu des démons) et sacrifia ses nouveaux-
nés. Mais par vengeance elle
se voua au meurtre des enfants sitôt après leur
mise au monde, si ce n’est dans
le ventre de leur mère. Lilith
est venue des temps où la
place de la femme était bien différente,
où la femme était
vénérée pour sa
capacité à donner la vie. Mais aussi d'un temps
où le pouvoir de l'homme
n'avait pas encore opprimé la liberté de son
égale, la femme. C'est
Lilith qui se
présenterait déguisée devant le
trône
de Salomon au cours du fameux jugement ou encore, selon la
légende, Salomon a
même suspecté la Reine de Sabbah d'être
Lilith sur le fait qu'elle avait des jambes
poilues. Comme on peut le comprendre, la Genèse n'est pas claire quant à la création de la première femme. C'est cette ambiguité qui a donné corps à la présomption de création d'une première femme antérieure à Eve. On peut supposer que l'origine provient d'une influence du culte de la déesse cananéenne Anat, culte féminin qui autorisait les femmes à avoir des rapports sexuels avant le mariage.Elle est souvent représentée sous la forme d'une dévoreuse d'hommes.
Au
travers de l'image misogyne
habituelle, on découvre en fait une femme libre,
indépendante, refusant l'ordre
établi par les hommes et par Dieu, une
révélatrice de nos pulsions les plus
enfouies. Elle est celle qui ose renverser l'ordre des choses
illustré par
l'épisode de la dispute conjugale quant à la
place à prendre durant
l'amour et le fait
qu'elle prononce le
nom de Dieu imprononçable, et cela est bien plus
significatif qu'il n'y paraît.
Elle
refuse toute morale imposée
en choisissant une liberté alimentée par son
caractère de femme non mère, sans
responsabilité familiale. Ainsi,
elle n'hésite pas à
encourir le courroux de Dieu dans son refus de la soumission. Dans
ce rôle de femme
anti-maternelle, elle fait peur aux hommes qui la désirent
toutefois
secrètement. Lilith a été
rejetée, niée, démonisée
afin d'exorciser cette
attraction-répulsion qu'éprouve l'homme
à son encontre. On l'a associée à la
Lune Noire, l'anti-Lune afin de lui faire remplir le rôle de
la femme à exiler,
à détruire et on retrouve cette
négation de la féminité libre jusque
dans les
bûchers consumants les sorcières en Europe et aux
Amériques aux XVIe & XVIIe siècle. Le
refus de Lilith de revenir
aurait ainsi causé sa destitution au profit d'une Eve plus
soumise et servile. Ainsi
Ève, tirée
de la côte d’Adam, deviendra aussi un
archétype de la domination du mâle. La
version de l’épisode de la côte
s’avère la plus ancienne, et
cela bien qu’elle apparaisse dans beaucoup
d’interprétations rabbiniques en
troisième phase des récits de la
création d’Ève. En
effet, pour Adam de nouveau seul, Dieu façonna sous ses yeux
une femme faite d’os, de tissus et de
sécrétions animales. Comble ! La
créature
suscita chez Adam du dégoût. La seconde tentative
fut donc un échec. C’est
alors que selon la tradition hébraïque
l’Ève tirée de la côte
d’Adam vit le
jour dans un état de parfait achèvement La
préséance d’une telle version fut, semble t-il,
favorisée par la présentation d’un Adam
possédant
originellement deux faces (homme et femme à la fois), un
argument sur lequel
les Rabbins insistèrent, particulièrement
soucieux de résoudre la contradiction
entre le livre I au verset 27 et le livre II au verset 22 de la
Genèse.(3) Cette difficulté
exégétique fut, ainsi, résolue
par l’interprétation philosophique d’un
Adam à deux faces, à la fois mâle et
femelle puis séparé en homme et femme. Beaucoup
de sources font état d’un premier humain
créé androgyne
qui fut par la suite séparé selon des variantes
d’interprétations. -
Par exemple en Grèce, dans le Banquet,
Platon au 4ème siècle av. J.C., par le discours
d'Aristophane, décrit l'homme
primitif comme un être fantastique réparti en
trois genres, masculin, féminin
et androgyne, mais
tous à forme
sphérique. La forme de chacun de ces êtres
était un dos tout rond et des flancs
circulaires. Ils avaient quatre mains
et des jambes en nombre égal aux mains ; puis deux visages
au-dessus d'un cou
d'une rondeur parfaite et tout à l'avenant, d'une force et
d'une vigueur
prodigieuse, se déplaçant à grande
vitesse. Mais ces êtres voulurent, dans leur
orgueil, s'en prendre aux dieux. Zeus, pour les affaiblir, les coupa en
deux,
« comme on coupe les cormes »,
selon l'expression de Platon, pour
qu'ils ne marchent que sur deux jambes, menaçant de les
couper encore en deux,
pour qu'ils marchassent à
cloche-pied.
Ce fut Appolon qui servit de chirurgien esthétique pour
donner forme humaine à
ces corps mutilés. Il leur laissa le nombril comme trace de
leur état
antérieur. -
Autre exemple, plusieurs midrashim
(compilation de documents, entre autres, légendaires)
pressentaient Adam comme
ayant été androgyne. Selon le Bereshit rabba du V ème siècle, " Adam et
Ève étaient faits dos à dos,
attachés par les épaules : alors Dieu les
sépara
d'un coup de hache en les coupant en deux. D'autres sont d'un autre avis : le
premier
homme (Adam) était homme du côté droit
et femme du côté gauche ; mais Dieu l'a
fendu en deux moitiés". - Nous trouvons, aussi,
dans la Genèse Rabba l’image d’une
Ève qui serait non pas tirée de la côte
d’Adam mais issue d’une prétendue queue
terminée par un dard qui avait à
l’origine fait partie d’Adam. Dieu coupa cette
« excroissance » dont nous avons
encore aujourd’hui la trace (le coccyx) et en tira
Ève. -
Le Traité du Talmud de Babylone, vers le
VI ème siècle, quant à
lui, laisse
supposer qu’à l’origine,
Dieu pensa créer deux êtres humains,
l’un mâle et l’autre femelle, mais
qu’il
préféra en composer un seul avec deux visages,
l’un mâle, regardant en avant et
l’autre femelle regardant en arrière.
Après cette nouvelle tentative il
changea de nouveau d’idée et supprima le visage
femelle en faisant de lui un
corps de femme. - Le Coran propose une
version similaire : Dieu créa ensuite
Ève à
l'image d'Adam, en prenant à celui-ci pour la former une de
ses côtes du côté
gauche. Lorsque Adam ouvrit les yeux, il vit Ève sur le lit
qu'il occupait;
comme il est dit dans le Coran : « Nous avons dit:
Ô Adam, habite le
paradis, toi et ton épouse. » (Sur. II, vers. 35.)
Lorsque Adam regarda Ève, il
fut étonné, et il lui dit : Qui es-tu? Elle lui
répondit Je suis ton épouse;
Dieu m'a créée de toi et pour toi, afin que ton
cœur trouve le repos. Les anges
dirent à Adam : Quelle chose est cela, quel nom a-t-elle, et
pourquoi Dieu
l'a-t-il créée? Adam répondit : C'est
Ève. Jetons
un rapide coup d’œil sur
les implications symboliques et conceptuelles de ces choix de
l’histoire de la
scène primitive.
Il
découle de ce schéma que la
femme, parce qu’elle apparaît en second, est un
être de la secondarité. A
travers l'histoire, on a pu déduire de cette
secondarité l'idée de son
infériorité : seconde et donc
"supplémentaire", la femme serait d’une
moindre valeur. Et
tout ça parce qu'une des
influences qui a le plus fait de mal est celui du judaïsme
helléniste, dont
Philon d’Alexandrie (début de
l’ère chrétienne) fut la figure la plus
éminente.
Il avait développé une véritable peur
et aversion de la femme et de la
sexualité dont probablement le christianisme
héritera en partie. Et
pourtant, tentons de comprendre ce qu’implique le mot
« côté ». «
Côté » enseigne qu’il faut
prendre l’extirpation de cette côte
comme une limitation et délimitation du champ
d’investigation humain en corps
et en esprit. La femme serait ainsi frontière, limite,
horizon et « aide en
face de l’homme »comme il est écrit en Genèse
(2,18)(4) : « l’ezer
kenegdo », traduit aussi par
« aide face à l'homme» qui est en fait le premier
nom accordé à Ève.
Cette créature tirée de l'homme est
l’élément
qui se présente « à lui devant comme
identique
» ; telle l’advenue d’un
possible monde réflexif du sujet. La femme devient reflet de
ce
que réfléchit
l’adâm mâle, elle devient son «
ob-jet »
: ce qui donne consistance à sa forme.
Avant de procéder à la création
d’Ève, Dieu présente à
l’homme des
animaux qui
s’accouplent. Au « il n’est pas bon que
l’homme
soit seul » succède donc ce
défilé animal qui se finira par
l’advenue de
l’alter ego féminin. C’est
la nomination des animaux
qui fournit l’occasion de la séparation des
genres. L'expérience
de la nomination des êtres vivants équivaut
à une
sorte de structuration de la spécificité de
l'humanité par rapport à
l'animalité... Un processus d’hominisation de
l'homme y est à l’œuvre. C’est
dans le cadre de cette nomination du monde, du langage donc, que
l’adam
entreprend de se séparer de lui même pour faire
place à deux êtres. C’est dans
le langage qu’Eve, la femme, se manifeste alors. En effet, au
bout de la
nomination, par laquelle il s'approprie le monde naturel, l'adam ne
trouve pas
sa femme car il ne recherche en elle que sa "femelle" (la tradition
midrashique nous dit en effet qu’il avait nourri un lien
sexuel avec toutes les
femelles animales sans trouver son vis à vis) et il ne la
trouvera pas ainsi
puisqu'il est, dès lors, à jamais sorti de
l'animalité... Incomplet,
"seul", au bout du langage. Il manque de mots et ne peut nommer le
féminin qui est autre que la
fémellité. La femelle n’est pas un
partenaire
dialogal pour lui. En effet, la femme est en relation
asymétrique par rapport à
lui, un être au bout de la puissance du langage, de la
nomination-appropriation, hors la référence au
même. Il est intéressant de
noter à ce propos que si Eve jouit d’un nom
propre, Adam reprend sous la forme
d’un nom propre et non plus générique
le vocable qui désigne l’adam au double
visage. C’est justement parce qu’il ne trouve pas
la femme dans la femelle que
l’adam va devenir Adam, nom propre, tandis que sa femme va se
lever. En
conclusion, pour trop de
religieux incapables d’aller au-delà de la lettre,
seul l’homme est
à l’image de Dieu tandis que la femme
est à la gloire de l’homme. L’homme qui
donna un nom aux animaux et qui prêta
alors aux choses les vertus de l’agir et du penser voudra
désormais y inclure
la femme. Cette faculté propre à Adam de donner
un nom aux choses sera un
des fondements sur lequel se
développeront le Droit, la Morale et les relations des
hommes et des
femmes tout au long
de l’Histoire. Ce
sera la loi des hommes qui s'imposera aux femmes, pourtant ni Lilith,
ni Eve,
ni putes, ni soumises. Sœur Emmanuelle disait qu'elle n'aimait pas les hommes parce qu'ils se sont mal conduits avec les femmes et avec les enfants durant toutes les époques. Solange SUDARSKIS (1) Ensemble de
symptômes.
(2) Monnaie mésopotamienne, un sicle d’argent (16,82 g) vaut le prix d’un porc ou de deux moutons. (3) Et Dieu créa l'homme à son image. Il l'a créé à l'image de Dieu. Il les a créés mâle et femelle et de la côte qu'il avait prise de l'homme, l'Éternel Dieu forma une femme, et il l'amena vers l'homme. (4) Il n’est pas bon que Adam soit seul, je lui ferais une aide en face de lui. |
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