GLDF | Loge : NC | 16/04/2010 |
Etre ou Paraître Si j'ai choisi ce sujet c'est qu'il me préoccupe depuis fort longtemps avec ce sentiment d'osciller entre l'être et le paraître. De plus, lorsque j'ai cessé mon activité professionnelle il y a quelques mois, je me suis posé cette question : vais-je enfin avoir la possibilité d'être moins dans le paraitre et donc plus dans l'être ? En commençant cette planche, j'ai réalisé que son intitulé se présentait comme une alternative, comme un choix à effectuer à cause de ce « ou » placé entre les 2 verbes. Au fil de ma réflexion, cette alternative a évolué... En loge, nous devrions laisser notre paraître hors du temple et oublier, durant la tenue, de penser à ce que les autres pensent de nous pour se concentrer sur soi et se débarrasser de son pire ennemi, son ego. Dans la démarche initiatique, le franc maçon doit transformer sa personnalité afin de lui donner une certaine « transparence » en vue d'atteindre un degré d'authenticité tel qu'il puisse affirmer : « Mes frères me reconnaissent pour tel ». Ici dans ce lieu propice, nous devrions être nous-mêmes puisque nous ne sommes pas jugés et donc pas obligés d'être dans le paraître. Mais sommes-nous réellement débarrassés de nos métaux quand notre ego ne supporte pas une remarque justifiée ou non d'un de nos frères ? Toutes nos années passées en franc maçonnerie nous permettent-elles d'acquérir davantage de maturité, et surtout d'authenticité ? En loge, nous gagnerions plus à nous laisser voir tels que nous sommes, plutôt que d'essayer de paraître ce que nous ne sommes pas. Dans ce lieu propice, cessons donc de sous-estimer nos succès ou de maquiller nos échecs ! Rappelons que l'intelligence n'est pas faite pour briller mais pour s'adapter et comprendre. Puis-je me permettre de penser que l'ego du franc-maçon est une entrave à l'idéal maçonnique ? Peut-on considérer que notre aspiration profonde est d'être et non de paraître, afin de réaliser l'épanouissement de notre être intérieur ? Si nous n'accédons pas à cette connaissance, nous n'existons qu'à travers le regard des autres, comme ce fut le cas depuis notre enfance ; les parents, la famille, l'école, le milieu professionnel, la société nous ont tous projeté un regard de nous-mêmes que nous avons cru et avons fait nôtre. Alors, il n'est pas étonnant que nous n'agissions que par les autres, pour leur plaire et aussi pour nous plier à leurs désirs pour nous faire aimer. Je suis hanté au quotidien par le syndrome : « cela ne se fait pas ! ». C'est pour moi une véritable privation de liberté que d'être en permanence dans le « je dois faire cela », « il faut que je fasse cela » ! Nous oublions que nous pouvons exister par nous-mêmes, décider de notre vie sans concession, que nos désirs, nos besoins nous appartiennent en propre et non dictés par les autres. Souvent, nous manquons de courage, nous reculons devant la démarche pour apprendre à nous connaître réellement, profondément... Nous avons simplement peur de nous regarder, de nous découvrir, nous préférons rester la tête dans le sable et s'identifier par ce que les autres nous projettent ; cela ne demande pas d'effort et même si nous n'aimons pas ce que nous croyons connaître de nous-mêmes, c'est moins menaçant, plus sécurisant de rester dans le statu quo. De ce fait, nous n'assumons pas la responsabilité de notre vie, de nos actes ; nous suivons les autres, en les regardent vivre, en se contentant de la position de spectateur de leur vie. Notre attitude n'est pas sans conséquences sur notre moi; elle engendre en effet différentes formes de refus de vivre pleinement, des peurs de toutes sortes, des complexes, un manque de confiance en soi, un manque d'assurance, une soif d'être aimé à défaut de s'aimer, une crainte constante du rejet de la part de l'autre... Depuis plusieurs mois, j'ai entrepris une démarche pour apprendre à me connaître, puis à m'accepter et à m'aimer tel que je suis. Je suis convaincu aujourd'hui que pas un être un humain ne peut évoluer sur tous les plans sans apprendre d'abord à se connaître et à s'aimer. Peut-être le carnaval nous rappelle-t-il que les êtres humains cachent ce qu'ils sont réellement derrière une apparence dérisoire ou grotesque ! Cette apparence masque complètement la précieuse dimension de l'individu. Pour se déguiser, certains mettent des masques, d'autres des costumes, ou des uniformes, mais il semble que ceux qui les portent n'assurent leur sécurité qu'à ce prix. Le monde professionnel semble le lieu privilégié pour s'habiller en personnage. Quand vous parlez à votre directeur ou à votre collaborateur, vous adressez-vous à l'individu qui est à ce poste ou à la FONCTION ? Dans un taxi, vous adressez-vous au chauffeur ou au volant ? Essayons de nous rappeler qu'une fonction n'est qu'un poste de pilotage et ne peut en aucun cas être un interlocuteur. Il serait utile de parler au pilote plutôt que d'entretenir un échange illusoire et stérile avec un volant ou un manche à balai. Qu'il s'agisse d'un pilote d'avion ou d'un agent d'entretien, aucun n'aimera être assimilé à un objet. Ce soir j'essaie par ce travail de ne pas devenir un autre, mais plutôt de cesser d'être un autre. Être soi-même nécessite d'avoir une bonne connaissance de soi. Si je ne me connais pas raisonnablement, comment puis-je être moi ? Cette connaissance n'est pas sans efforts, cela demande de l'humilité et une grande honnêteté intellectuelle. A peine nés, on n'arrête pas de nous qualifier, de nous coller des étiquettes, de dire qu'on est ceci et qu'on n'est pas cela... Enfin, on n'arrête pas de nous mettre la pression pour qu'on soit bien dans la norme, bien dans le rang, bien sur les rails. On nous met tellement la pression que, trop souvent, on finit par nous persuader qu'on n'y arrivera pas, qu'on ne sera jamais à la hauteur ni capable de satisfaire toutes les exigences qu'on attend de nous. Et voilà comment on nous apprend à manquer de confiance et à douter de nous. Alors, on joue à paraître quelqu'un qui serait : grand, fort, costaud, beau, intelligent, supérieur, malin, riche... Mais à force de faire semblant de vivre à grands renforts de paraître, on finit par gaspiller son existence. Je me prends en flagrant délit de paraître lorsque je parle au second degré, lorsque je défends des positions bien plus radicales que celles que j'ai réellement. C'est ainsi que je fais semblant d'être celui que je ne suis pas, parce que j'ai peur de ne pas être accepté, peur de ne pas être compris, d'être méprisé, négligé. Par souci de me placer au centre, je me surexpose et me fais mal comprendre et mal juger. Combien de temps perdons-nous dans notre vie pour se montrer tel que les autres désirent nous voir, pour faire ce que les autres attendent de nous ? Quelle futilité que de vivre de cette façon ! Nous n'avons pas à nous sentir « obligés » de faire, de dire, d'être... Nous n'avons que l'obligation d'être soi, d'agir, de parler selon notre cœur. Quand nous suivons nos intuitions profondes, celles de notre intérieur, nous ne pouvons nous tromper. Etre soi, c'est vraiment suivre la voie de notre cœur, en toutes circonstances... C'est aussi la voie du bonheur et de la paix intérieure pour trouver la sérénité tant recherchée. Si nous ne dérogeons pas de cette voie, ceux qui nous entourent pourront finir par reconnaître ce que nous sommes vraiment et seront éventuellement à leur tour eux-mêmes, voyant que nous ne les jugeons pas... C'est le meilleur exemple que l'on puisse donner... Pas de grand discours, être soi, c'est tout ! Je pense que l'on a beaucoup à gagner à être soi-même, bien que ce soit un chemin difficile. Etre soi-même peut susciter un questionnement de la part des autres et l'envie d'être eux-mêmes dans la vie de tous les jours. C'est en étant entouré de personnes vivant dans l'authenticité que l'on peut s'accepter un peu mieux. Celui qui est lui-même peut être considéré comme quelqu'un d'anormal, de gênant, par beaucoup de gens qui s'imposent à rentrer dans le moule. Bien sûr et heureusement, d'autres personnes trouveront cette attitude intéressante et auront envie de faire la même démarche car être soi-même est source d'un profond enrichissement, nous permettant d'évoluer spirituellement. Je me permets d'évoquer une citation de CONFUCIUS qui illustre bien le goût ancestral de l'homme pour le paraître. « Je n'ai pas encore vu un homme qui aimât la vertu autant qu'on aime une belle apparence ». L'ego est souvent à l'origine de cette attirance pour le paraître. L'homme, sous l'emprise de l'ego, ne pense qu'à lui mais veut aussi que tout le monde pense à lui. Il a tendance à faire de lui, le centre de l'univers, les autres n'existant que pour servir ses intérêts. Pour surpasser notre ego, il est important d'écarter toute velléité de prétention et de vanité. Il faut alors vaincre le superficiel et le paraître en se penchant plus à fond sur ce que nous sommes réellement et assimiler le « connais-toi toi-même ». Nous considérons qu'un ego surdimensionné est une entrave au développement de la personnalité et à l'idéal maçonnique. Les fausses perceptions que nous avons de nous-mêmes, l'image disproportionnée de nous-mêmes, de nos capacités, la représentation surdimensionnée de notre personne sont autant de facteurs de dévoiement. C'est de cela dont il faut se débarrasser. La Franc-maçonnerie peut nous y aider par les différents moyens qu'elle offre : le rituel, l'appui des frères avec qui nous faisons un travail important pour laisser les métaux hors du temple. Le paraître peut aussi se manifester par le besoin de posséder des biens matériels; pourquoi acheter des voitures plus grosses, plus rapides, plus luxueuses que nécessaire ? Une fois que nous les possédons, pourquoi cet irrésistible désir de les montrer ou de rouler plus vite qu'il n'est permis ? Comment expliquer cette soumission à la mode, qui nous fait trouver soudain ringard un vêtement encore quasiment neuf et qui nous persuade qu'il faut en acheter tous les ans de nouveaux ? Comment expliquer ce besoin de posséder une foule d'objets inutiles ? Sinon par la conséquence de toutes ces flatteries de l'estime de soi des consommateurs que nous sommes : « parce que vous le valez bien », « où vous voulez quand vous voulez »... Si l'on en croit les philosophes, les sociologues et autres politologues, nous étouffons peu à peu sous notre ego. L'individualisme toujours croissant de l'individu moderne nous conduirait à toujours plus d'incivisme, de laxisme, de complaisance envers nous-mêmes. L'estime de soi ne serait-elle finalement que de l'égotisme et du nombrilisme ? Du narcissisme ? Un sous-produit de l'irresponsabilité de sociétés qui, par leurs violences ou leurs mensonges, fabriquent à la chaîne des individus persuadés qu'ils ne survivront que si leur valeur est supérieure à celle des autres ? La valorisation de l'estime de soi déboucherait alors sur le culte du moi, au détriment des valeurs altruistes nécessaires à toute vie en société. Alors, faut-il renoncer à son ego ? Faut-il considérer comme toxique toute forme de réflexion sur l'estime de soi, toute tentative pour la cultiver, l'améliorer, la développer ? Ou bien doit-on considérer que notre ego a un rôle positif à jouer ? Estime de soi ou obsession de soi ? « Si vous pensez trop à vous, c'est que vous y pensez mal ». Dans le monde profane, nous mettons des costumes ou des uniformes, c'est une façon de jouer la vie sans être vu... ou plutôt d'être vu sans être reconnu. Il est évident qu'il est difficile en société d'être sans paraître. Il faut être pour paraître. Le paraître ne doit pas se distinguer de l'être. Je voudrai illustrer un peu plus mon malaise. En effet, je me suis surpris à être gêné par l'attitude d'une personne sensée faire la Pâque juive mais qui ne la respectait pas à la lettre tandis que l'autre personne respectait la totalité des interdits alimentaires. La première personne était dans le paraître, la seconde dans l'être. Je crois que ma réaction vient du fait que je pratique le rituel de la Franc- Maçonnerie depuis plusieurs années. Ce rituel a bouleversé en profondeur ma vision du monde et m'a permis aussi d'être plus tolérant envers les traditions, les rituels dans la mesure où ils sont effectués avec conviction. En loge, nous mettons gants, tabliers et sautoirs. Ce n'est pas pour paraître, mais bien pour être présents. Ce sont des outils qui nous permettent d'être dans la réflexion. En conclusion, je peux dire que ce travail de réflexion m'a permis de réaliser qu'il ne peut pas y avoir de choix entre être et paraître puisqu'il me semble que tout être humain a besoin des deux pour exister et pour trouver sa place en société. L'idéal serait d'atteindre un équilibre de dosage de ces deux aspects. En fait, j'aurai dû intituler ma planche (comme cela était mentionné dans la convocation) :
J'ai dit V\ M\ Je me suis inspiré de deux livres : Et aussi Percy John Harvey |
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