Obédience : NC Loge : NC Date : NC


La circumambulation des neufs Maîtres au REAA


Le plus grand désordre règne dans la Chambre du Milieu. Ce lieu de paix et d'harmonie a été profané; un meurtre a été commis. L'orient désert est caché par une tenture noire. Seuls sont allumés, le delta, l'étoile du plateau du VM et la colonnette sagesse qui a été déplacée. Le hékal  est  plongé dans l'obscurité. Seule une lumière diffuse venant de l'orient à travers le rideau noir permet le déplacement. Même très faible, la lumière luit dans les ténèbres.  Le tableau de loge a été retiré de sous le fil à plomb, un cadavre gît à sa place sur le pavé mosaïque. La loge n'a plus de centre, les déplacements sont désordonnés; C'est le chaos. Pour ce qui va suivre, il est important de considérer la loge au 3° degré comme le lieu privilégié de la connaissance sur le chemin de la quête de la parole perdue. Cette voie ésotérique qui conduit l'initié vers le retour à l'unité perdue à notre naissance, a été communiquée symboliquement à chaque Maître par le mot sacré.

La pénombre ambiante conduit au symbolisme du noir,  des ténèbres, de la mort. L'obscurité des ténèbres liée à celle de la terre, qui malgré sa froideur, est la matrice universelle. Elle porte en elle cette force génératrice de vie. Tout ceci nous invite à penser que cette situation n'est que le prélude à une renaissance, à une nouvelle vie.

Le nombre neuf, composé de trois triades, conduit la pensée hermétiste à la réception du sublime, de l'ordre dans l'ordre, de l'unité dans l'unité. On le retrouve dans toutes les traditions. Plotin, considère les ennéades, c'est-à-dire la combinaison de tous les nombres multiples de trois menant au neuf, comme le lien conduisant à la vision totale, cosmique, et théologique depuis l'origine à la fin. De part sa position de dernier de la série des nombres, n'annonce t'il pas une fin et un recommencement, le passage d'une involution à une évolution, une transposition sur un nouveau plan?

La circumambulation, néologisme latin, formé de circum; autour, et de ambulare; marcher, se déplacer, s'avère être le rite universel présent dans tous les rituels de toutes les traditions .La plus connue est la marche des pèlerins musulmans à la Mecque, qui font sept fois le tour de la Ka' haba, édifice carré, contenant la pierre noire donné par dieu à Abraham. Il est intéressant de noter les éléments  symboliques communs à la cérémonie d'élévation. Cette circulation autour d'une aire définie, engendre par la répétition, la création d'une figure géométrique  évoluant autour d'un centre par lequel il est possible à chacun d'accéder à son origine, de rejoindre ce souffle de vie donné par le GADLU au moment de notre création, cet amour universel qui est l'origine du un et du tout Avec la perception de ce centre apparaît la notion d'un axe, remontant le long de la colonne vertébrale et permettant l'élévation  vers d'autre niveau de perception. Les philosophies orientales placent le long de cet axe les centres d'énergie appelés shakkras. Chaque individu abandonne son individualité pour se fondre dans l'entité spirituelle ainsi créée et dans la communion, s'élever vers des plans supérieurs de manifestations grâce à la force des énergies conjuguées. 

René Guénon, dans la grande triade, souligne le fait que dans les différentes traditions, le sens de rotation  retenu est lié à la modalité d'orientation choisie par rapport au soleil et aux étoiles. Le REAA utilise la circumambulation à droite, circumterrestre, ou solaire. Elle est dextrocentrique puisque l'officiant garde toujours le centre à sa droite. Elle est semblable à la course du soleil vue de l'hémisphère boréal. Elle se veut conforme à la marche de l'univers ou tout vit, se déplace et meurt par rapport au soleil. Le déplacement s'effectue en partant du pied gauche, coté passif, mais commandé par le cerveau droit actif. D'autres traditions utilisent le déplacement lunaire, sénestrogyre. Pendant longtemps l'homme a cru que l'axe du monde passait par l'étoile polaire en raison de son immobilité et de sa position la plus élevée dans le ciel. Ce mode de déplacement peut s'avérer négatif surtout lorsque l'on considère le symbolisme de la spirale. Le sens dextrogyre conduit vers le centre au fur et à mesure de la progression dans les boucles alors que le sens opposé conduit vers l'extérieur, toujours plus loin, un sans fin qui échappe à notre regard et à notre esprit et qui nous met mal à l'aise. L'homme a besoin d'une ligne d'horizon, d'une limite pour échapper à la peur du néant, de l'infini. Considérons, cependant les chemins de croix dans les églises catholiques qui sont parcourus sinistrorsum. Ils invitent le croyant à une involution génératrice d'une introspection objective à l'intérieur de lui-même; arriver à mettre dans la lumière les zones d'ombre qui échappent à notre vision.   

La circumambulation rejoint le symbolisme de la croix et du centre, du carré et du cercle. La mandala qui se retrouve dans toutes les traditions orientales, hindouistes, bouddhiste conduit l'initié vers la perception du centre de lui-même d’où il pourra réaliser un mouvement ascensionnel ayant pour but de le rapprocher de l'unité primordiale parfaite. Le Labyrinthe conduit celui qui cherche vers le centre, l'endroit caché à l'intérieur. La roue avec les rayons allant de la circonférence au centre, introduisant la notion de rotation, nous éclaire sur le sens de la circumambulation.

Lors de la cérémonie d'initiation, le 1er voyage, l'épreuve de l'air, se fait sinistrorsum. Le brouhaha qui l'accompagne représentant l'agitation du monde profane conduit à évoquer un retour toujours possible à la caverne, une éventuelle rétrogradation. Les deux autres voyages se font dextrorsum. Le dernier voyage conduit le postulant au centre de la loge, sous le fil à plomb, afin qu'il soit purifié par le feu. Cette dernière épreuve de part la position du postulant donne la notion de centre et d'élévation le long de l'axe de la loge. L'initié a ce moment devient un maître en devenir.

Les 5 voyages du passage au grade de compagnon sont tous dextrogyres. Ils attestent une continuité dans la progression sur le chemin d'une évolution naturelle de l'apprenti vers le grade de compagnon. Le cinquième voyage du postulant compagnon se fait sans outil, les mains libres, et seul, en suivant l'expert. Il découvre la sphère terrestre et la sphère céleste. Elles sont respectivement placées à l'orient, sur le pupitre du secrétaire et de l'orateur, le VM étant au milieu. La compréhension de ce voyage apporte la notion de lien entre le ciel et la terre et ainsi la présence d'un axe reliant les deux. Ces 2 phrases de la table d'émeraude évoque de façon certaine l'avenir du compagnon qui sera maître: Ce qui est en bas est comme ce qui est en haut, ce qui est en haut est comme ce qui est en bas mais à l'inverse: comme l'image renvoyée par le miroir; il monte de la terre vers le ciel, et redescend  aussitôt sur la terre, et il recueille la force des choses supérieures et inférieures. Le levier remis au compagnon pour le 3° voyage introduit la notion d'élévation. Les 5 voyages vont conduire le compagnon au cœur de la pierre cubique à pointe où se cache l'étoile flamboyante. Il va progressivement l"extraire comme le diamant de sa gangue. Elle symbolise la plénitude de l'homme réalisé. Par la maîtrise parfaite des outils et du métier, il se rapproche par son évolution à l'accession de la dimension métaphysique de son art. La pierre cubique à pointe de part sa forme, un cube surmonté d'une pyramide,avec une base commune, mais surtout un centre commun élevé par un axe qui finit à la pointe de la pyramide invite le compagnon à envisager cette ascension.

Lors des tenues, dans les 3 degrés, les déplacements en loge de l'expert et du M de C sont dextrocentriques et quadrangulaires; ce qui est propre à la franc-maçonnerie. L'épée et la canne sont des antennes destinées à capter les énergies divines. La circumambulation dans ce cas précis appelle à la superposition du 3 au 4. Elle demande l'élévation du dôme de la spiritualité sur l'édifice de base carrée représentant le domaine de l'humain physique et mental. C'est une invitation à la superposition de l'équerre par le compas.

La cérémonie d'élévation  marque une césure dans la continuité. Le compagnon, ouvrier accompli, dominant parfaitement la matière par la maîtrise des outils va accéder  par la mort à une dimension plus élevée, celle de la conception et de la réalisation: il passe du domaine de la matière à celui de l'esprit. La circumambulation  des neufs maîtres partis à la recherche du corps évoque l'inversion, dirige la loge vers le retour à l'ordre né du désordre. Guidés par l'expert, les trois tours se font dextrorsum jusqu'à la découverte du corps, qui manifeste le retour au centre. Du point de vue alchimique, l'œuvre au noir est achevée, l'oeuvre au blanc se réalise, l'œuvre au rouge est effective au moment ou à partir du centre retrouvé, il est relevé et élevé par les cinq points parfaits de la maîtrise. Bien au centre de lui-même, l'élévation manifeste cet axe le long duquel il peut accéder à des niveaux supérieurs de perception, superposer l'équerre au compas. 

Né de la putréfaction, fils du père et désormais enfant de la lumière comme le précise Irène MINGUY, le nouveau maître élevé se trouve entre le ciel et la terre, il cerne la manifestation et le manifesté. Par la transmission du mot sacré, Il devient un des maillons de la chaîne de la tradition à mi-chemin entre ce qui n'est plus et ce qui sera.

De part sa richesse symbolique, l'élévation, sans quitter le terrain des églises occidentales, rejoint celui des philosophies orientales; elle universalise le rituel maçonnique du REAA. La légende d'Hiram invite le Maître Maçon à une compréhension anagogique de la psyché humaine. En effectuant le rapprochement avec les sacrifices existant dans la mythologie des autres traditions, elle nous pose des questions essentielles, chacune se situant sur un plan différent. Il s'agit de cerner le mécanisme qui conduit l'homme divisé, en exil de lui-même, comme le dit Annick de Souzenelle, à supprimer son prochain, son frère ou son père. N'est-il pas important d'arriver à cerner l'origine de l'intolérance, de la jalousie, de la haine chez l'homme afin dans un premier temps de les éradiquer en nous même? Le postulant boiteux qui entre en loge les yeux bandés pour son initiation, claudiquant à cause de son ego surdimensionné  par le profane, au détriment du soi, qui, passif et contemplatif, permet seul la rencontre de la créature avec le créateur, va petit à petit rééquilibrer tout son être. Par ce parcours, sans cesse en progression, le Maître maçon en cours de réalisation devient un milieu, un centre en action capable d'accéder à partir de la matière à toute dimension spirituelle. Il rejoint ce point qui est le plus au centre de lui-même: le point de "l'être", origine ontologique de chacun de nous. Il devient le  "Je suis" de la parole du christ. Annick de Souzenelle  dit: "Je suis" est la semence de l'homme, l'image divine qui le fonde, son principe. A l'inverse de Descartes, j'affirme que "je suis"donc je pense, j'aime, je marche. 

J'ai dit.

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