La Marche du Maître
La
marche du Franc Maçon
est sa façon d’entrer en Loge lorsque les travaux
sont ouverts. Chaque degré
dispose d’une marche avec des pas particuliers. Mais il y a
une continuité
entre les degrés; on ne peut pas imaginer effectuer la
marche du Maître sans
avoir fait auparavant la marche de l’Apprenti puis celle du
Compagnon.
Chaque
étape nous fait changer de dimension, pour aboutir
à une place à laquelle le
Maître va faire le signe d’horreur.
Traçons
une ligne qui court de l’Occident à
l’Orient:
L’Apprenti
avance
par trois pas en ligne droite; il emprunte ainsi le plus court chemin
pour
aller vers la lumière, qui se trouve à
l’Est. Il observe, il reproduit, c’est
un homme qui apprend. La droite symbolise la
nécessité de ne pas
s’écarter de
son chemin.
Cette
marche s'effectue les pieds en equerre en partant du pied gauche.
Chaque fois
que le pied avance, il est rejoint par l'autre pied en formant une
equerre. La
marche a un rythme régulier et refléte les
efforts constants que l'apprenti
doit observer pour avancer vers la lumière. Elle exprime
aussi les difficultés
d'une progression à la fois régulière,
constante mais aussi les doutes qui
ponctuent le cheminement et qu'il faudra résoudre.
Le
Compagnon va
faire ses pas dans la continuité de ceux de
l’Apprenti, mais il quitte la ligne
par deux pas qui forment une équerre. Dans son parcours, il
suit la lumière des
fenêtres qui éclairent son chemin; sachant que la
lumière se diffuse selon la
course du soleil en trois directions: l’occident, le midi et
l’orient.
En
effet,
le compagnon dispose de 3 fenêtres ouvertes sur son tableau
de loge qui ne sont
plus grillagées. La lumiére se diffuse selon la
course du soleil en 3
directions : l'occident, le midi et l'orient. Il va donc se
déplacer en suivant
la lumiére et réaliser le pas latéral
à 45° vers le midi et un autre toujours à
45° en revenant dans l'axe de départ.
Avec
son
âge de 5 ans et ses 5 pas il s'approche de la
lumiére plus que ne peut le faire
l'apprenti.
Le
compagnon est en constante périgrinations. Le
4ème pas du compagnon marque
l'action exploratrice de celui qui va dans les différentes
direction de
l'espace pour mieux se connaître lui-même ainsi que
le monde qui l'entoure.
Il trace avec ses pas une surface. Par
le
5ème pas, il retourne dans l'axe des 3 1ers pas et souligne
ainsi que le chemin
de la recherche de la Lumiére
passe par le plus court chemin, celui de la voie droite...
Le
Compagnon a
voyagé, il a appris, il est
entré dans les voies qui lui sont ouvertes, mais il
n’est pas Maître. Il veut
se rapprocher de la Lumière, mais les épreuves
l’attendent. BOUCHER nous dit
que: «L’écart à gauche montre
un égarement possible de l’affectivité,
tandis
que, chose plus grave, l’écart à droite
montre une éventuelle aberration de la
raison. Afin de poursuivre la vérité, il est
permis au Compagnon de s’écarter
de la route normalement tracée».
Le
Maître,
en ajoutant deux arcs de cercle, explore les trois dimensions: ligne,
plan,
volume. Il s’élève au dessus de la
Terre par deux pas qui dessinent un compas,
puis se replace à nouveau sur la ligne par un
troisième pas, face à l’Orient.
Il montre ainsi les progrès qu’il a fait pour se
rapprocher de la Lumière, de
la Connaissance. Il réalise ainsi le passage de
l’équerre au compas, du
tangible au monde des idées. En enjambant par trois fois le
cercueil, le Maître
poursuivra l’œuvre, sans souci des
pièges mortels que tendront sous ses pas les
meurtriers d’Hiram
Sur
l’enjambement du cercueil: le rituel et le mémento
du Maître sont
contradictoires. Pour le mémento, il s’agit de
trois arc de cercle.
Je
cite :
''cette marche s'execute tout en restant à l'ordre de M:.
et en décrivant avec
les pieds des arcs de cercle comme si l'on avançait en
enjambant un cercueil''
Dans
le
rituel, seul le second pas, à gauche
«décrit une courbe comme pour enjamber un
cercueil».
Je
cite :
''L'expert fait ensuite executer un pas à droite, en
portant le pied droit
obliquement en avant et à droite, et en ramenant le gauche
contre le droit en
equerre; puis un pas à gauche, en portant obliquement en
avant et à gauche
d'abord le pied gauche, qui décrit une courbe pour
enjamber le cercueil; ensuite
le droit, en le ramenant en équerre contre le pied gauche;
finalement le
récip:. Se place à nouveau sur la ligne
médiane, en portant obliquement en
avant et à droite, d'abord le pied droit, ensuite le pied
gauche qu'il
rapproche en équerre, de manière à se
placer aux pieds du cadavre...
Je
pense
qu’il ne faut pas trop s’attarder à
cette contradiction et plutôt retenir
l’idée sous le symbole, c’est
à dire la notion d’espace et le rappel de
l’épreuve du cercueil lors de la
cérémonie.
L'apprenti
a 3 ans, il fait troispas
Le
compagnon a 5 ans, il fait 5 pas...
L'usage
parle des 3 pas de l'apprenti et de la marche du compagnon.
Si
l'apprenti, apprend à marcher, le compagnon est
supposé savoir marcher. La
marche du compagnon se situe bien dans la continuité de
celle amorcée par
l'apprenti.
Le
maître
a 7 ans et ...Il fait 8 pas...
Il
s'agit
pe après la marche du compagnon de revenir au principe
ternaire et de revenir
dans l'axe de la ligne médiane, initialement
traçée par l'apprenti.
Pour
les
pythagoriciens, le nombre 8 représente
l'équilibre final, la libération
résultant de l'évolution.
Premier
nombre cubique, le 8 à l'horizontale représente
le symbole de l'infini vers
lequel le M:. doit essayer de tendre.
L’aboutissement
de la
marche du Maître pose
une interrogation:
face
à qui ou à quoi se retrouve le Maître,
selon qu’il effectue sa marche lors de
l’élévation au 3°
Degré, lors de son entrée en tenue au 3°
Degré. Lors de
l’élévation, il s’agit de la
participation à une épreuve initiatique . Dans
l'autre situation, il peut s’agir simplement d’un
rappel de cette épreuve. Et
c’est là que le Maître va faire le signe
d’horreur. La sortie de cette marche
devrait rendre le Maître victorieux, serein et heureux, et
c’est alors qu’il
pousse un cri
incongru:
ah
Seigneur mon Dieu
(certainement
deux appellations
à prendre en référence à
l’époque où les rituels ont
été
écrits; époque à
laquelle la religion était très
présente)
Signe
de surprise et
d’accablement, en découvrant le corps
d’Hiram. Il faut remarquer que c’est un
signe binaire. Le premier temps, bras en l’air, fait appel
aux forces
supérieures, en référence au Roi
Salomon dédiant le Temple au Seigneur; le
deuxième, les bras retombant et venant frapper le tablier,
symbolise le
désespoir, et peut être même la
certitude que rien ne pourra être comme avant
la mort d’Hiram. Il y a dans ce geste la tristesse de la
perte du Maître et la
peur du changement.
Le
premier élément du
signe est à mon sens un appel aux puissances
supérieures (interprétation d’I.
Mainguy) face à la surprise, l’horreur de la
découverte du cadavre de Maître
Hiram.
Si
l’on partage cette
thèse, l’exclamation A S M D
est le complément logique mais verbal du
signe d’appel à cette transcendance, le recours
aux mots
«Seigneur» et «Dieu»
étant à prendre en
référence à
l’époque où ces rituels ont
été
écrits et où la
religion, était très présente.
L'expression
Seigneur
Mon Dieu peut également traduire la
reconnaissance de l'état d'allégeance
d'un vassal à son seigneur, désigné
par le terme Seigneur – qui provient du
latin senior – et par le terme Dieu.
Le
second élément du signe, marque
l’accablement et peut être même la
certitude
qu’Hiram parti, rien ne pourra être comme avant sa
mort. Nous sommes en quelque
sorte à ce moment là, à la
frontière entre un monde connu, mais qui n’est
plus
et une nouvelle période où
l’initié va devoir réparer la perte du
Maître.
Cette
idée est d’ailleurs exprimée dans le
rituel d’ouverture du 3e
degré lorsque le TVM dit: «Mes FF, nous
vous aiderons à réparer la perte subie par la
Franc-Maçonnerie». Cet accablement
est donc à la foi tristesse de la perte du Maître
et peur du changement.
Ce
geste de désespoir se retrouve également chez les
personnes qui souffrent et
qui pleurent dans les lamentations. Ce geste provient de la
réalité comme
d'autres attitudes de souffrance et d'accablement.
Nous
pouvons aussi nous interroger peut-être sur la filiation de
cette gestuelle
avec certaines attitudes des peuples sémitiques lors de
leurs invocations à la
puissance divine?
La
marche du Maître peut
être interprétée
comme une progression vers la découverte d’un
drame qui n’est pas une fin, mais
un mythe fondateur. Avant, on ignore que l’on est Hiram;
après avoir été
relevé, on découvre qu’on l'est devenu
Cette déambulation dans un espace sacré
est une mise en condition.
Mais
bien au-delà des
gestes et des postures, la progression ne pourra s’effectuer
que par un
cheminement intérieur, qui fera que la Lumière
ira resplendir au dehors.
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