La Marche du Maitre

Pour vous livrer mon travail de ce soir, je me suis principalement inspirée de nos rituels du premier et 3eme degré. Et puis, d’un ouvrage qui s’appelle la symbolique de la mort de Jacques Trescasses. Je suis revenue également sur 2 travaux que j’avais fait, l’un lorsque j’étais apprentie : la psychostasie et l’autre, lorsque j’étais compagnon, INRI . Et très sincèrement, je n’imaginais pas qu’un jour ils m’éclaireraient dans mon travail de Maitre… dans la Marche du Maitre !

Et puis, je me suis appuyées sur plusieurs ouvrages en géométrie sacrée, car pour moi, c’est une évidence que cette marche du Maitre parle essentiellement de géométrie. Qu’elle porte en elle les secrets de la création. Et c’est ce que je vais tenter exprimer ce soir.

Comme vous le savez, la marche du Maitre ne peut être complète sans effectuer tout d’abord les 3 pas de l’apprenti suivi de ceux du Compagnon. Ils sont une des composantes de la clé d’entrée en Chambre du Milieu.

Ainsi, ma Marche devient, plus complexe, et en cela, je sais qu’il va m’être demandé d’être véritablement assurée, ferme et stable dans ma démarche maçonnique.

Aussi, ces 3 premiers pas vers la lumière me rappellent que je ne dois en aucun cas délaisser les outils de l’apprentie car l’éternel travail du Maçon est la recherche de la Vérité. Et que cette recherche commence en Soi.

La marche du compagnon me rappellera que je ne suis pas à l’abri d’un « pas de coté », peut-être même m’est-il demandé, afin d’explorer tout ce qui m’est permis d’entrevoir sur mon chemin. Qu’également la connaissance passe inévitablement par l’ouverture et cette ouverture demande un minimum de curiosité. Et je ne parle pas, bien entendu, de cette curiosité évoquée dans le cabinet de réflexion.

Les pas d’Apprentie et la marche de compagnon nous sont transmis telle une leçon à apprendre à la fin de leurs deux cérémonies. Il en est autrement de la marche du Maitre.

Au grade de Maitre, la marche se poursuit par trois autres pas : l’un à droite, l’autre sur la gauche et le dernier me repositionnant plus haut à l’emplacement précis où se trouve habituellement le Naos. Tous les trois décrivent une même courbe enjambant le cadavre du Maitre Hiram.

La marche du Maitre ne nous est pas transmise à la fin de notre Exaltation, elle est notre Exaltation, et nous devons la vivre. J’oserais même dire, nous devons la réaliser dans le sens de création.

De plus, nous ne vivrons cette Marche dans son « entièreté » que lors de notre exaltation.

La prochaine fois que j’aurais à l’effectuer, tous les symboles présents alors dans le temple ce jour là, auront imprégnés mon esprit et opéreront dans l’invisible.

Lors de notre exaltation, nous devons enjamber le cadavre du Maitre Hiram sous l’injonction de notre V.°.M.°. comme dernière preuve de notre innocence dans ce meurtre.

Cependant, autant que la vérification du tablier et des mains parait sensée, cette dernière mesure ressemble fort à une Ordalie.

Pour information, l’ordalie est une procédure judicaire très étrange du moyen âge qui consistait à faire passer une épreuve physique à un suspect pour prouver son innocence.

L’Ordalie est une manoeuvre douteuse, du style : verser de l’huile bouillante sur le corps et si le suspect ne meurt pas c’est qu’il est innocent…et évidemment, l’issue était généralement fatale, c’est pourquoi beaucoup n’hésitaient pas à avouer des fautes qu’ils n’avaient pas commises juste pour échapper au supplice.

A bien y réfléchir, j’ai du mal à croire que l’on puisse utiliser ce genre de moyens en nos Loges. Je n’en vois pas l’intérêt, mais peut-être que je me trompe ; En tout cas, aujourd’hui, et au niveau où j’en suis, il me parait plus juste de penser que, pousser le futur Maitre à donner de cette manière une dernière preuve, est en fait un moyen détourné pour le faire entrer dans une autre dimension : « Espace Temps », sans qu’aucun mystère actif de l’opération ne lui soit révélé. Car il n’y a que ce qui est vécu dans le corps, qui peut modifier l’être intérieur.

Mais alors, qu’est-ce qui doit être vécu ? qu’est-ce qui doit être créé ? Quel mystère réside dans ces 3 pas ?

Pour les Égyptiens, Dieu s’est mis en mouvement en se projetant à l’extérieur de lui-même à partir d’un point central l’oeil d’Horus. Nous retrouvons ce point matérialisé au centre du Delta Lumineux. La fleur de vie que l’on retrouve dans certains temples en Egypte et notamment celui d’Osiris, en est le symbole. Elle ne s’appelle pas fleur de vie, juste parce qu’elle ressemble à une fleur (voir schéma) ; elle s’appelle fleur de vie parce qu’elle représente la métamorphose d’un cycle de vie. De la graine qui tombe au sol et va germer jusqu’à l’arbre et la fleur qui donne le fruit. Elle est le point de départ de la géométrie sacrée à l’origine de l’univers.

Pour enjamber le cadavre du Maitre, je vais devoir m’aider du compas, symbole de la création du monde. Une de ses deux branches marquant le point immobile et l’autre en mouvement autour de ce point délimitant une frontière précise à l’intérieur de laquelle tout se crée.

Pour moi la marche du Maitre représente l’amorce de création par la fleur de vie.

…..

Au départ de ces 3 pas, chaque enjambée marque un point : à droite, puis à gauche puis en haut. Et je ne peux m’empêcher de relier ces points entre eux et d’y voir apparaitre bien sûr, la croix…. Expression du quaternaire, elle exprime à la fois l’unité, le dédoublement et le retour à l’unité.

Rappel d’un autre sacrifice et d’une autre résurrection, ça me poursuit ! Je reviens à INRI.

Je vais donc reprendre un passage de mon travail de compagnon où je disais:

« De toutes les versions que j’ai travaillées, je garderais aujourd’hui celle de la devise Rose+ Croix : « Igne Natura Renovatour Intégra » soit : « c’est par le Feu que la Nature se renouvelle. »

Jésus, en Hébreux se dit: Yéshoua et plus précisément : Yod- Hé – Shin – Vav – Hé.

le Shin, se retrouve alors au centre du nom ineffable : Yod Hé Vav Hé.

Et le Shin, représente le « Feu de l’Esprit » sortant du Nom pour le rendre visible dans le monde de la création.

Dans mon ancien travail, j’avais continué en disant qu’ici, le Feu a pour symbolique la mort mystique de l’homme, suivie de la résurrection de l’initié qui aspire à la Connaissance.

Ce Feu Purificateur, permet d’« éveiller » notre conscience et de faire « ressusciter » notre « Soi Divin » soit, notre Nature Divine.

Je parlais alors, de l’initiation ! et sans le savoir, j’évoquais l’exaltation !

« S’initier, c’est apprendre à mourir » nous est-il dit lors de notre initiation. Pourtant, il semblerait que ce soit à l’exaltation que nous devenons véritablement des initiées. Et que lors de notre initiation nous ne faisons qu’entrevoir ce à quoi nous nous préparons. En Egypte, l’élève devait s’attendre à de longues années de préparation avant d’être initié. En nos loges, dans certains rites, l’initiation s’appelle réception.

Il évident pour moi, qu’au moment où nous commençons à enjamber le cadavre du Maitre Hiram, nous sommes projetées dans un autre espace temps composé de deux plans simultanés où également couchée en terre, nous allons revivre toutes les étapes de l’initiation et entrevoir ce qui nous est réservé pour les temps à venir.

Cette marche va m’extraire du présent, passé, futur et révéler la puissance de la force créatrice hors du temps et de tous les temps, représentée dans le YOD HE VAV HE. Le : « j’étais-je suis-je serai ».

Et comme ce qui est en haut est comme ce qui est en bas, les deux cérémonies vont s’entrechoquer, se superposer et être vécues, l’une de façon visible et l’autre dans l’invisible, en notre Corps en notre Ame et en notre esprit. Les trois phases de la transmutation.

Ces trois pas au-dessus du cadavre vont me mener au cabinet de réflexion.

Et c’est le V\M\ qui va m’ y plonger d’un coup de maillet porté au niveau du front, juste au niveau du chakra pinéale, associé au niveau le plus profond de l’être, appelé également Esprit.

Je suis couchée dans la terre là où gisait le Maitre Hiram quelques secondes auparavant. J’ai rejoint le royaume des Morts.

A ma tête un compas, à mes pieds une équerre. Ces deux outils, symboles de rigueur et de création indissociables et complémentaires, vont m’accompagner dans cette résurrection.

A l’image du pendu, la jambe droite replié sur la gauche formant une croix (ou est-ce un quatre ?) mon corps se décompose…… pour se recomposer…

J’aimerais m’arrêter juste un instant sur cette carte du tarot.

En effet, le Pendu, est tout d’abord la 12eme carte. En additionnant le 1 et le 2 cela donne 3. Et notre exaltation au 3eme degré va se produire dans la position de celui qui s’est écarté du monde des humains. Celui-ci n’est pas « pendu » d’ailleurs ! mais relié par le pied par une corde symbolisant le lien de la chair. Curieusement, à notre initiation, c’est avec une même corde autour du cou que nous entrons dans le temple.

Dans les tarots, cette carte indique que la conscience s’est éveillée. Dans cette position, le pendu fait le bilan et regarde les choses à l’envers, selon une "autre réalité …… au-delà des apparences…

Il est temps de mourir à une ancienne manière de voir le monde et passer à une nouvelle perception des choses.... Mais avant d’être relevée, je dépose en terre mon testament philosophique.

Mes Soeurs, je vais vous demander maintenant, un effort particulier et d’utiliser uniquement votre hémisphère droit, créatif et sans limite, capable de compresser le temps, et ainsi, pouvoir me suivre en mille lieux en même temps : enjambant le cadavre du Maitre mais également sous le drap mortuaire, en terre, en train de me décomposer, dans le cabinet de réflexion mais également effectuant les voyages de purification de l’initiation !

C’est parti ! Alors que mes soeurs partent à ma recherche, je voyage ! le temps n’existe plus.

Le tribunal Divin présidé par Osiris me fait entrer de plein pied dans la psychostasie. Guidée par l’Hermès, La S.°. Expert, qui plus tard me relèvera, je traverse le royaume des morts, J’effectue les 3 voyages de purification.

- 3 soeurs partent à ma recherche, j’intègre mes trois pas d’apprenties, j’apprends à mourir. Mon corps se décompose. « La chair quitte les os », nous abordons l’oeuvre au noir…

Munie du compas j’accomplie avec précision un premier quartier de lune, ce premier pas de Maitre vers la DROITE …. Retraçant le premier voyage de mon initiation, partant de l’Occident en passant par le Midi.

Le corps se désuni, mais l’âme elle, continue son ascension vers le divin …. En enjambant le cadavre c’est l’Esprit du Maitre qui me pénètre. Son énergie monte en moi permettant ainsi de lui redonner vie.

A la rencontre du premier mauvais compagnon …. Rectifiée par la Règle…. Le Maitre Hiram se présente à moi.

- 5 Soeurs partent à ma recherche et c’est au compagnon que je suis de prouver si je mérite la vie. A l’entrée du temple j’ai alors prononcé ma protestation d’innocence : « je suis pure, je suis pure, je suis pure… »

L’OEuvre au blanc opère. En alchimie, l’Etoile apparait au centre du régule, et bientôt pourra laisser passer la Lumière.

Le compas me permet d’accomplir avec précision un second quartier de lune. Un second pas de Maitre sur la Gauche. Je retrace le second voyage de mon initiation en passant par le Nord.

A la rencontre du second mauvais compagnon …. Rectifié par l’équerre…. Le Maitre Hiram s’éveille en moi.

- 7 Soeurs partent à ma recherche. J’effectue en mon âme ce troisième voyage vers l’Orient ….

J’ai prononcé la double confession négative devant les 42 juges, mon coeur pesé est plus léger que la plume de Mâat, mon âme est enfin justifiée, juste de voie »…. la voie du Milieu.

Le compas accomplit un troisième pas de Maitre pour me retrouver face à L’Orient et y recevoir la Lumière. Le Maitre Hiram se révèle à travers moi.

Fin du voyage dans les entrailles de la terre relevée par la Soeur Expert qui m’a accompagnée tout au long des épreuves.

… Mes soeurs, vous pouvez récupérer votre hémisphère gauche !

Selon Jodorowsky, les dix boutons de l’habit du Pendu, représentent les dix séphirot de l’Arbre de Vie.

Et bien entendu, on peut faire un parallèle entre la Marche du Maitre et l’arbre des Séphirot.

En effet, l’initiation consiste à « recevoir » la Lumière. Or, par leur étymologie, les séphirot représentent 10 aspects du divin et évoquent l’éclat de la lumière.

Ces dix étapes successives se résument en 3. On retrouve dans les écritures un texte qui dit : « c’est par la Sagesse, Hokmah que l’éternel a fondé la terre, c’est par l’intelligence Binah qu’il a affermi les cieux, c’est par son savoir Daath que les abîmes se sont ouverts. ».

Encore une fois, tout ce qui est en haut est comme ce qui est en bas : Pour élever un temple il faut les vertus nécessaires à la création du monde.

Hiram fils d’Our autrement dit « fils de lumière » possédait ces trois vertus. Dans un autre texte biblique, on peut lire (Dans 1Rois 7 14) « Hiram était rempli de sagesse (Hokmah), d’intelligence (Binah) et de connaissance (Daath).

Bien entendu, il y a une similitude entre le temple et le corps de l’homme. Le christ lui-même avait déclaré : « détruisez ce temple (en parlant de son corps) et en 3 jours je le relèverai. » Jean 2 :19

Chaque maçon devenu Hiram lors de son exaltation, reçoit ces 3 vertus lors sa marche vers la Lumière.

Pour moi, la marche du Maitre évoque la quête de spiritualité de chaque maçon par la remontée de l’arbre des séphirot, l’arbre de la connaissance, le principe fondamental de la création, dans l’unique objectif de réaliser à nouveau l’équilibre entre le ciel et la terre, la lune et le soleil, les principes féminin et masculin. Entre soi et le divin !

Pour finalement réaliser le pilier invisible, l’axe à partir duquel toutes les choses furent créées et auquel toutes les choses retournent.

Elle permet de franchir une porte vers un chemin qui s’ouvre à moi, que je vais parcourir et qui me permettra de devenir. Et si je m’y perds, mes Soeurs, vous me retrouverez entre l’Equerre et le Compas.

Je pourrai vous parler des heures encore sur la Marche du Maitre. Evoquer encore cet acte de création et les liens avec la géométrie Sacrée. Notamment la place de l’Arbre de la Connaissance à l’intérieur de la Fleur de Vie. Chaque jour m’apporte de nouvelles découvertes ! et je sais que le travail que je vous livre ce soir est loin d’être terminé. Il représente seulement pour moi le départ d’une réflexion infinie.

Alors, pour conclure, j’aimerais reprendre une dernière phrase de mon travail sur INRI, où je disais qu’« En acceptant l’initiation, j’ai accepté de mourir dans ce Feu qui transforme le profane en sacré. J’ai choisi librement ce chemin et à l’heure où j’écris, je n’ai plus l’impression mais la certitude que mon travail Maçonnique est un perpétuel aller-retour, du cabinet de réflexion, à recevoir la lumière, prendre ma place dans le temple ; y méditer un moment, découvrir de nouveaux symboles pour retourner au cabinet de réflexion….. Et me représenter, consentante, entre les deux colonnes pour recevoir un peu plus de Lumière….. »

Qu’il en soit ainsi.

J’ai dit

C\ D\