Frère Couvreur remplissez votre office

Il y a quelques années je passais la porte basse après avoir subi l’épreuve de la terre. Le jour de mon initiation, entre les colonnes J et B, le premier surveillant a demandé que la lumière me soit donnée. Au commencement j’étais dans la pénombre sur la colonne B des apprentis, puis je suis passé en pleine lumière sur la colonne J au midi. Par la suite en tant que Maître j’ai voyagé sur l’une et l’autre colonne, en tant qu’officier j’ai pu appréhender la loge sous différents angles en fonction des plateaux occupés. Le jour de mon installation en tant que Vénérable Maître, j’ai gravi les trois marches et pris ma place au plateau du premier maillet, aujourd’hui je boucle dextrosum mon voyage et prends place entre les colonnes J et B, retour à l’endroit de mes premiers pas dans ce temple. Cycle inexorable.

De l’Orient, de la pleine lumière, du haut des trois marches symboliques, je reviens à l’occident, au crépuscule du jour et de plain pied. Je descends de charge.

Le frère couvreur est un officier du collège. Son engagement sur les trois grandes lumières confirme les paroles du Vénérable Maître. « Mon très cher frère, l’office de couvreur est ingrat puisqu’il exige une attention continue pour garder intérieurement la porte du temple, il arrive que cet office soit confié à un frère qui passe es fonctions les plus élevées aux plus humbles, donnant à tous les frères l’exemple de la modestie et du dévouement ».

Au lendemain de sa dernière tenue, le Vénérable qui descend de charge doit, selon la Tradition, assurer la garde du Temple et passer de l’Orient à l’Occident. Cette rétrogradation apparente dans la hiérarchie peut être perçue comme une épreuve pour le profane, mais ne doit pas l’être pour un Franc-maçon emprunt d’humilité. Mais qu’est ce que l’humilité ? C’est l’état d’esprit d’une personne consciente de ses faiblesses, de ses insuffisances, qui se considère sans indulgence, un être plein de modestie. C’est notre démarche qui nous invite à être et non paraître, éternelle lutte intérieure entre orgueil et humilité.

Le frère couvreur est sollicité par le frère second surveillant lors de l’ouverture des travaux. Epée en main droite, il couvre le Temple et s’assure que les frères sont à couvert. Il le témoigne au frère second surveillant.

Gardien vigilant de la Porte du Temple, le Couvreur assure pendant les travaux, la sécurité de cette fragile porte mobile envahie par l’agitation et la matérialisation de l’existence quotidienne. Le Couvreur est le gardien du seuil d'un lieu de révélations.

Le couvreur, pour garder l’entrée du Temple, est armé d'une épée droite et sur son sautoir est brodée une petite épée flamboyante.

L’épée du couvreur peut être considérée comme un rayon solaire détaché de l’épée flamboyante du Vénérable Maître, une reliance entre le ciel et la terre, c’est une luminosité à l’occident. Elle doit donc rester verticale du début à la fin des travaux. Cycle où tout ce qui est en haut est comme ce qui est en bas.

L’épée que porte le frère couvreur, participe à une « réalisation descendante » qui se met au service de notre ego enténébré, à l’image d’une flamme qui s’enfonce dans un puits pour l’éclairer.

Elle est également un axe vertical de transfiguration de l'homme, analogue au Fil à Plomb. Mais cet axe de Lumière Initiatique, n'agit que si celui qui la porte peut la « forger mentalement » établissant un lien entre Zénith et Nadir, entre ciel et terre, entre le spirituel et le matériel.

Portée en main gauche par le Vénérable Maître, l’épée lui permet de créer, constituer et recevoir l’impétrant. Nous sommes dans l’ésotérisme, l’épée est le fil conducteur de notre progression initiatique.

Portée en main droite par le couvreur, l’épée défend l’entrée du Temple. Elle permet d’écarter les profanes du lieu sacralisé. Cela démontre la rigueur et le respect du Rituel.

Une épée est « à double tranchant », elle génère le blanc et le noir de notre pavé mosaïque. Ces deux tranchants sont complémentaires, l’un est destructeur, il combat le vice et l’ignorance, l’autre constructeur, il maintient la paix et rend la justice.

De nombreuses sculptures de nos cathédrales représentent des visages ayant pour langue une épée droite qui symbolise à mon sens la droiture que nous devons avoir dans nos paroles.

Epée droite en main droite, c’est l’ordre du Couvreur.

Le Frère couvreur contrôle le passage entre deux mondes, celui du profane avec ses métaux et celui d’un lieu sacré. Tout Franc-maçon qui passe la porte doit se libérer de ses soucis matériels et se préparer à prendre place.

De retour du parvis, après s’être assuré que la loge est dûment couverte, le Frère Couvreur reprends place entre les colonnes face à l’Orient. Il est dans l’axe du Vénérable Maître.

On voit une translation du plateau de Vénérable à l’office du Couvreur qui établit une sorte d’effet miroir. La première Lumière de la loge voit son reflet dans un frère qui vient d’exercer la même charge que lui.

Le frère couvreur a le privilège de demander la parole directement au Vénérable Maître, sans passer par les surveillants. Elle lui est accordée en raison de la confiance qu’on lui attribue et de la Sagesse qu’il témoigne aux frères de la loge en tant que Passé Vénérable.

Lors de nos travaux sur la St Jean, nous avons approché le symbolisme des deux st Jean. Jean le Baptiste prépare l’aspirant à l’initiation « je vous baptise d’eau, un autre viendra et vous baptisera du saint esprit et du feu ». Figuré par le coq dans le cabinet de réflexion, il ouvre le chemin vers la connaissance du Principe d’où tout provient et où tout revient. « Il faut qu’il croisse et que je diminue » dit St Jean le Baptiste après avoir accomplie sa mission de purification par l’eau puis il va laisser la place à celui qui symbolise le feu.

Entre la porte des Hommes et la porte des Dieux, Le frère Couvreur ne serait il pas Jean le Baptiste qui ouvre la porte vers le chemin initiatique et Le Vénérable Maître ne représenterait il pas Jean l’Evangéliste qui transmet la Lumière ?

J’ai dit, Vénérable Maître.

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