Obédience : NC | Loge : NC | 17/03/2015 |
Les Racines Culturelles de l’Europe Nous allons parler aujourd’hui des racines culturelles de l’Europe. Le sujet est devenu hautement polémique et il existe un débat, entre deux thèses : La thèses des scientifiques, historiens et philosophes qui pensent que la transmission du savoir grec, enrichi par les apports de la civilisation arabo-musulmane, s’est faite par Translation-studiorum ; c'est-à-dire grâce au déplacement de la connaissance des textes grecs de l'Antiquité (particulièrement la philosophie) du monde grec vers le Proche-Orient perse et syriaque, puis arabe oriental (Bagdad), puis arabe occidental (Cordoue, Tolède). Et cela a pris près de six siècles (de 529 à 1100). L’autre thèse plus idéologique et plus politique affirme de son côté que l’Europe Chrétienne médiévale se serait approprié directement l’héritage grec et qu’elle ne doit rien au monde Arabe. Maintenant, pourquoi la culture Grecque antique en particulier, est au centre des revendications ? Parce qu’on considère que les grecs sont les fondateurs de la philosophie grâce à Socrate, Platon et Aristote. Inventeurs de la Logique, ils sont considérés comme les précurseurs de l’investigation scientifique à travers les sciences Physiques, Mathématiques et Astronomiques. Or les historiens soutiennent que les Arabes ont traduits et commenté les auteurs Grec, ce qui leur a permis de progresser dans tous les domaines, tant philosophiques que scientifiques. Nous sommes en l’an 1000. Et le soleil brille sur l’immense empire Abbasside… La Librairie Ibn an-Nadim vient de publier à Bagdad son catalogue des Sciences. Cet ouvrage, en 10 volumes relève le titre de tous les livres de Philosophie, d’astronomie, de mathématiques, de physique, de chimie et de médecine parus jusqu’alors en langue arabe. La renommée des Médersas de Cordoue, appelées aussi « Maisons de la Sagesse », telles qu’elles existaient à Bagdad ou au Caire, attirent dans cette ville des étudiants venus de toutes les parties de l’Orient et même de l’occident. Se côtoient musulmans, juifs et Chrétiens. La renommée de sa fameuse bibliothèque également. Ses 500.000 volumes ont été réunis par l’un des plus grands érudits de son temps, le Calife Al-Hakam II Mort en 976 et qui avait chargé des douzaines d’acheteurs de les lui procurer. Une bonne partie de ces œuvres sont d’ailleurs annotées de la main du Souverain. Au Caire, plusieurs centaines de bibliothèques veillent sur un patrimoine de 2.200.000 volumes. En cette même année, Aboulkasis compose un ouvrage de chirurgien qui servira de modèle des siècles durant ; Al-Birouni, l’égal d’Aristote de par l’universalité de son esprit, discute de la rotation de la Terre autour du soleil. Al-Hazen découvre les Lois de la vision, et entreprend des expériences au moyen de la chambre noire, de miroirs et de lentilles sphériques, cylindriques et coniques. C’était en l’an 1000. Et on pourrait ainsi parler encore longtemps des apports considérables de la civilisation Arabo-Musulmane à l’humanité. Mais nous nous contenterons de citer quelques faits significatifs : Tout le monde connait les chiffres arabes, de 1 à 9. Certes, les arabes les ont emprunté aux indiens. Mais la vraie révolution, c’est l’invention du 0 ! Le monde est passé des chiffres romains au système décimal. Et c’est grâce à ce système, qu’Al-Khawarizmi, en 850, inventa l’algorithme. On dit de lui que c’est le père de l’Algèbre, el djabre en arabe. Les travaux de Ptolémée revus et améliorés permirent à El Batani de calculer l’axe terrestre. Mais la plus grande invention, on la doit à Al-Tûsi (1207-1274). Dans son observatoire de Maragha, près de Samarkand, le plus grand centre de recherche de l’époque, il réalisa des tables extrêmement précises du mouvement des planètes, qu’il publia dans son livre « Tables Ilkhaniennes ». Ce livre contient des tables pour calculer les positions des planètes, ainsi que celles des étoiles dont plusieurs portent un nom arabe… Il faut attendre le XVIème siècle et Nicolas Copernic (1473-1534) pour que le monde abandonne le géocentrisme au profit de l’héliocentrisme. (C’est le soleil qui est au centre du système solaire et non pas la terre) Sa théorie, qui s’apparente étrangement et trait pour trait à celle d’Al-Tûsi, est à l’origine de la révolution Copernicienne du XVIIème siècle. Et puis, parlons d’Abû al-Walid Ibn Rushd, plus connu sous le nom D’Averroès (1126-1198). Il s’est fait connaitre par la traduction d’Aristote et par ses nombreux commentaires. On l’appelle « le Commentator ». L’herméneutique scolastique lui doit presque tout (Herméneutique scolastique : L’explication et l’interprétation des textes grecs visant à concilier la Philosophie d’Aristote avec la théologie de l’Islam, étendue plus tard à toutes les théologies). C’est à lui d’abord que la modernité doit d’avoir exclu les théologiens de la recherche du vrai… Ce qui reste d’Averroès, outre sa psychologie, c’est cette volonté radicale d’émancipation de la philosophie par rapport aux dogmes théologiens. Cet essor culturel fulgurant des fils du désert, issus en quelque sorte du néant, est l’un des évènements les plus étonnants de l’histoire des civilisations. Cette prodigieuse ascension qui assure aux arabes la suprématie sur des peuples déjà hautement civilisés est un phénomène unique en son genre. Passant par l’Italie, la Sicile, l’Espagne et autres territoires soumis à la domination ou à l’influence des arabes, par les maisons de la sagesse, sortes d’universités avant l’heure, par l’entremise de grands Princes, comme Frédéric II de Hohenstaufen, ou par le canal de nombreux voyageurs (négociants, pèlerins, croisés, étudiants), les réalisations de cette prestigieuse civilisation ont peu à peu gagné l’Europe où elles jouèrent un rôle déterminant pour participer à l’éclosion d’une grande civilisation Européenne et qui atteindra son apogée au siècle des lumières. Est-ce l’aigle à deux têtes, cet emblème seldjoukide (1038-1300) qui unit cette civilisation magnifique, vouée cependant à la décadence, à cette Europe pleine de promesses ? Est-ce le baiser de la mort, qui signe l’aboutissement de tant de siècles de conflits ? Ou est-ce le translatio- studiorum, qui, bravant tous les remparts et 9 croisades, permit à l’Europe de recevoir en héritage toutes les avancées technologiques de la civilisation Arabo-musulmane et de la pensée Aristotélicienne traduite enrichie et commentée par ses savants, et en premier lieu par Averroès ? Après tout ce qu’on vient de voir, peut-on décemment ignorer l’apport de la civilisation Arabo-musulmane à la culture Européenne ? Alain de Libera, historien suisse, et médiéviste mondialement connu, ouvre les 20ème rencontre d’Averroès, à Marseille, en novembre 2013 par un discours, sur le thème : « Athènes, Cordoue, Jérusalem : Héritage partagé ou dénié ? ». Et je reprends ses termes : « Bien des débats, passionnés et trompeurs, autour des identités se jouent à propos des généalogies culturelles. La quête des origines se limite-t-elle à l’héritage gréco-latin, ou peut-elle s’élargir à l’héritage andalou, Judéo-arabe ? ...Cet héritage andalou fait-il pleinement partie de la conscience européenne ? Ou l’idée d’un Occident purifié, héritier unique de la « Grèce blanche » et de la Mare nostrum romaine, peut-elle redevenir prépondérante ? » Tout comme Alain de Libera, j’ai la même inquiétude à l’égard des thèses qui opposeraient des peuples, des cultures ou des civilisations. Sylvain Gouguenheim est un Historien Teutonique brillant, mais non médiéviste. Dans son livre, intitulé : « Aristote au Mont Saint Michel : Les racines grecques de l’Europe Chrétienne » paru en 2008, il va à contre-courant de la recherche contemporaine. Des pans entiers de recherches et des sources bien connues sont effacées, afin de permettre à l’auteur de déboucher sur des thèses islamophobes qui relèvent de la pure idéologie. Le Christianisme serait le moteur de l’appropriation du savoir Grec et l’occident ne doit rien au Monde Arabe. Car les arabes, selon lui, n’étaient pas capables, faute d’outils linguistiques et conceptuels appropriés, d’assimiler ce savoir Grec. Quels sont les véritables enjeux et pourquoi tenter de réécrire l’histoire aujourd’hui ? Pour bien comprendre le sujet, il faut avoir en tête les folies guerrières passées de l’Europe. L’histoire récente de l’Europe nous rappelle en effet, ses heures les plus sombres et qui restent parmi les plus sanglantes et les plus barbares de notre histoire. Souvenons-nous de l’inquisition, de l’esclavage, de la christianisation forcée de l’Amérique du sud, de la colonisation, de la torture, et bien sûr des 2 guerres mondiales, de la Choa, de la guerre froide, de la guerre du Vietnam de celle d’Algérie… Pourtant, Malgré cette gestation douloureuse, l’Europe peut s’enorgueillir d’être aujourd’hui un modèle de démocratie, d’égalité et de liberté. Il faut dire qu’elle revient de loin. Et le virage à droite actuel de certains politiciens Européens en quête d’électeurs, relayés par une certaine presse, est une résurgence de ce lourd passé qu’on a du mal à assumer. Ajoutez à cela la crise économique, la mondialisation, le chômage, les exigences de l’Union Européenne, et vous aurez tous les ingrédients pour une crise majeure, dont il faut trouver le coupable. Et les émigrés arabes, dans le contexte actuel, sont tout désignés pour être l’exutoire à tous ces maux. Et c’est pour cette raison qu’on ne leur doit rien, vous comprenez ? Mais alors rien du tout ! Oualou !… Mitterrand a dit : « C’est blesser un peuple au plus profond de lui-même que de l’atteindre dans sa culture et sa langue ». Il y a un mot, lourd de sens et qui circule chez les musulmans de France : « Laisse tomber le neige, c’est encore une Hogra ! » …Hogra est un mot typiquement algérien qui date de la colonisation et qui désigne tous les cas d’abus de pouvoir, ou, plus largement d’injustice sociale. Comment vivraient-ils cette réécriture de l’histoire ? Comme une Hogra supplémentaire, qui les marginaliseraient et qui les éloigneraient un peu plus de la république ? Dans cette affaire, les enjeux politiques ne sont pas neutres. Bien sûr, il y a ces horribles attentats fomentés par des terroristes au nom d’un certain Islam dans lequel une écrasante majorité de musulmans ne se reconnaissent pas. Ce jour-là, nous étions des millions à être « Charlie » et nous avons tous manifesté notre indignation ce dimanche 11 janvier, contre la barbarie et contre ceux qui voulaient museler notre liberté d’expression. Pourtant, malgré l’horreur soulevée, on a constaté que cet évènement allait être petit à petit récupéré à des fins politiques, car les élections cantonales sont proches. Alors, au plus haut niveau de l’Etat on parle désormais d’Islamo-fachisme, on officialise le mot « Français de souche »... Français de souche…Français de souche…Parlons-en...Mes enfants sont demi-souche, puisque ma femme est française de souche. Et si mes enfants épousaient des françaises de souche… Leurs enfants seraient alors ¾ de souche ? Mais s’ils épousaient une américaine de souche…une indienne…ils seraient alors quoi ? On remettrait les compteurs à 0, parce qu’ils auront fait alliance avec l’oncle Sam ?… En fait, tout ça n’est pas loin de la vérité, parce que mon frère a épousé une américaine, de souche, noire, avec laquelle il a eu 2 enfants, et moi j’ai épousé une bretonne. Et mon fils est amoureux d’une française. Blonde… Plus souche que ça, tu meurs… Enfin...son père est anglais… Mais ça, ce n’est pas souche négative çà…alors, vous voyez, on n’est pas sorti de l’auberge… Enfin on va tous finir avec un carnet à souches, moi je vous le je dis !... Ecoutons plutôt Xavier Couture (Journaliste de RTL) qui nous dit : Est Français de souche, celui qui respecte les Lois de la République… Quelles sont les racines culturelles de l’Europe ? Avons-nous répondu à cette question ? Il faut avouer qu’étant donné le débat actuel, cette question-là n’est pas tranchée. En fait, Cela dépend de qui l’emportera : Le camp des historiens, des savants, des philosophes, ou bien celui des politiciens et autres manipulateurs qui veulent réécrire l’histoire à des fins inavouables ? Il est trop tôt pour le dire. Mais peut être… Peut-être après tout, que c’est à nous de le dire. A vous de le dire. Nous sommes libres, nous Citoyens, nous Francs-maçons, de donner notre avis, de descendre dans l’arène, de défendre nos idéaux humanistes car aujourd’hui, comme l’a dit le Président KELLER, tout de suite après les attentats terroristes de janvier, « ça ne suffit plus de dire juste qu’on est pour la laïcité ! Il faut défendre nos valeurs maçonniques ». Et pour paraphraser Danton, moi je dirais : « Mes sœur, mes Frères, de l’audace, de l’audace, toujours de l’audace ! »… Nous allons conclure par le discours de Casablanca du Très Sage et Parfait Grand Vénérable Maitre, Jean-Pierre Catala, lors de la remise du diplôme de la Laïcité, le 29 septembre 2011, à un frère Marocain : « Le monde Arabo-Musulman a connu plusieurs penseurs dont les prises de position peuvent être apparentées au progrès de la Laïcité. Aussi, comme l’a étudié notamment Alain de Libera, il y eut, au cœur du Moyen Age, c'est-à-dire avant l’essor de ce qu’on appellera le « premier humaniste », à partir de Dante, une résistance laïcisante en Islam ». Et de citer quelques prestigieux érudits arabes en insistant tout particulièrement sur Averroès. Fermer. Si le monde Arabe avait suivi les analyses et les conclusions d’Averroès, il aurait fait un bond considérable dans la modernité, et la face du Monde aurait probablement changé. C’est le père de la Laïcité en Europe. Sa connaissance de la philosophie grecque l’y avait naturellement mené. Mais il fut banni par les intégristes, et ses livres furent brûlés. Et jamais l’Islam ne s’en remettra… Quant à l’Europe, elle est au carrefour des civilisations. Son génie, c’est d’avoir toujours su emprunter ce qu’il y a de meilleurs dans tous les peuples qui l’ont traversée. Et tant mieux si elle a cumulé, entre autre, le génie des Romains, la philosophie et les sciences grecques, la technologie et les avancées scientifiques des arabes ! Les voilà les vraies racines culturelles de l’Europe ! Et c’est ça qui fait sa force ! Et c’est ça qui fait sa grandeur ! M\ C\ |
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