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Les Cinq Points Parfaits de la Maîtrise
Leur Origine

La plupart des mythes maçonniques ne reposent sur rien car souvent ils ne correspondent pas à la réalité. Or, le propre du mythe est qu'il comporte des éléments anciens ayant existé mais ayant pu se trouver altérés ou modifiés à travers les siècles ou les millénaires.

Nous allons donc mes FF\MM\SS\ essayer à travers cette colonne gravée, de découvrir ou redécouvrir l’origine des Cinq points parfaits de la maîtrise, faisant partie du mythe d’Hiram. Pour ce faire, je vais évoquer les interprétations historiques les plus souvent citées, puis ce que l'on peut en dire d'autre (tout du moins en partie). Vous comprendrez au cours de sa lecture que l'objet de cette planche n'a aucune prétention, peut-être celui, je le souhaite, de revivre quelques souvenirs historico-maçonniques.

Quant à la symbolique de ces Cinq points résurrecteurs, j’éviterai de vous en parler ce soir, le sujet ayant été traité de nombreuses fois, tant dans les livres que dans les loges. Je laisserai donc pour le moment cette étude pour être gravée sur d’autres planches.

Au troisième degré du Rite Ecossais Ancien et Accepté, le rituel précise que par les "Cinq points parfaits de la maîtrise" le Très Vénérable Maître parvient à soulever le cadavre d'Hiram, symboliquement représenté par celui du Compagnon candidat à la maîtrise.
Alors que les deux surveillants ont échoué au redressement du corps, respectivement par l'attouchement de l'Apprenti et du Compagnon, le Très Vénérable Maître aidé par eux, y parvient grâce à ce troisième moyen que je vous rappelle :
     1° Se prendre mutuellement le poignet droit, en formant la griffe ;
     2° S'approcher réciproquement du pied droit par le côté intérieur ;
     3° Se toucher réciproquement le genou droit ;
     4° Rapprocher les poitrines du côté droit ;
     5° Poser réciproquement la main gauche sur l'épaule droite vers le dos, pour se tenir plus étroitement et s'attirer l'un à l'autre.
C'est dans cette position seulement qu'on se communique alors le mot sacré dont on épelle alternativement les syllabes à l'une et l'autre oreille.

Voyons donc ensemble les origines de cette symbolique.

Pour ce faire, je me suis appuyé sur trois "résurrections" bibliques des prophètes de l’Ancien Testament puis sur une synthèse des textes historiques de la maçonnerie
Voyons la première "résurrection" et comment le prophète Elisée ressuscita des morts le fils de la Chounamite (II Rois 4,34): "Il monta sur le lit, se coucha sur l'enfant, mit sa bouche sur sa bouche, ses yeux sur ses yeux, ses paumes sur ses paumes. Puis il se courba sur lui, le corps et la chair de l'enfant se réchauffèrent".

Elisée pratiquait-il la respiration artificielle ? Son bouche à bouche le suggère et c'est pourquoi j'ai retenu cette interprétation avec, il est vrai que "quatre points" sur cinq, digne d'un secouriste en pleine action !!!

Voici dans la même optique salvatrice la deuxième légende, celle de Noé. Le récit débute après la mort du patriarche et met en scène ses trois fils Sem, Cham et Japhet.“ Les trois fils de Noé, se rendent à la tombe de leur père pour tenter d’y découvrir quelque chose à son sujet, qui les guiderait jusqu’au puissant secret que détenait ce fameux prédicateur. Ces trois hommes avaient déjà convenus que s’ils ne trouvaient pas le véritable secret, la première chose qu’ils découvriraient leur tiendrait lieu de secret. Arrivés à la tombe, ils ne trouvent rien d’autre que le corps de leur père, corrompu, et dont la main et l’avant-bras se détachent en morceau. Ils le relèvent alors en se plaçant avec lui pied contre pied, genou contre genou, poitrine contre poitrine, joue contre joue et main dans le dos et s’écrièrent : “ A l'aide Ô Père du Ciel, Aide-nous ”. Comme s’ils avaient dit : “ 0 Père du ciel aide-nous à présent, car notre père terrestre ne le peut pas ”. Ils reposèrent ensuite le cadavre, ne sachant que faire. L’un d’eux dit alors : “ Il y a encore de la moelle dans cet os ” et le second dit : “ Mais c’est un os sec ” ; et le troisième dit : “Cela sent mauvais ”  (Lév. 18.7; Ezé.22.0; Hab. 2.155). Sans commentaire immédiat quant à l'analogie mythique.

Une troisième légende, dont le récit est identique en tout point à celui d'Elisée concerne le prophète Elie un autre "résurrecteur" d'enfant, celui de la veuve de Sarepta. Il y est dit que le prophète s'étendit trois fois sur l'enfant, invoqua l'Éternel, et dit : "Éternel, mon Dieu, je t'en prie, que l'âme de cet enfant revienne au dedans de lui !" (1Rois 17, 17-24).

Je vous laisse donc mes frères le plaisir de redécouvrir dans ces textes des similitudes avec la légende hiramique de notre REAA Que ce soit dans le Cooke, 1400-1410, le Sloane environ 1700, le Dumfries 1711, le Wilkinson 1724-1730, le Graham 1726, tous les rituels fondateurs font référence à des corps à corps, âme dans âme, pour la cérémonie d’acceptation du maçon à sa maîtrise. Juste une remarque : Ce n'est qu'avec la deuxième édition des "Constitutions d’Anderson", publiées en 1738, que la maîtrise sera formellement intégrée comme troisième degré hiérarchique.

Il existe aussi un dessin de Villard de Honnecourt, architecte de la cathédrale de Strasbourg (XIIIe siècle), qui a pour titre "les lutteurs" et dont la position des deux personnages rappelle étrangement l'accolade liée aux cinq points de perfection et pourquoi pas la communication du mot sacré permettant au maître de ressusciter.

A la même époque, les Compagnons opératifs, fixaient sur le sol un piquet à chacun des quatre angles de la construction future, puis un cinquième au centre, point de rencontre des diagonales du Temple à construire. L’on retrouve ces “ cinq landmarks ” essentiels dans la symbolique du troisième degré où le Compagnon, futur Maître doit devenir un Temple vivant à construire par sa revivification.

Voici pour quelques textes fondateurs. Quant à leur interprétation, les courants maçonniques sont vous vous en doutez, aussi nombreux et divergents que les récits en traitant. J’en ai retenu deux, l'un très ancien, l'autre contemporain, afin de bien nous imprégner de l'évolution de la symbolique ; ceci sans prétention exhaustive.

La première interprétation est issue d'un catéchisme de 1760 de la loge “ Les Trois coups distincts ”à un rite non déterminé. Je cite : “ Premièrement, main contre main, signifie que je tendrai toujours la main à un frère pour l’aider, tant que cela sera en mon pouvoir.

Deuxièmement, pied contre-pied, signifie que je n’aurai jamais peur de m’écarter de mon chemin pour rendre service à un frère. Troisièmement, genou contre genou, signifie que lorsque je m’agenouille pour faire ma prière, je ne dois jamais oublier de prier aussi bien pour mon frère que pour moi-même. Quatrièmement, poitrine contre poitrine sert à montrer que je garderai les secrets de mon frère comme les miens propres. Cinquièmement la main gauche qui soutient le dos signifie que je serai toujours prêt à soutenir un frère tant que cela sera en mon pouvoir ”.

La seconde interprétation est extraite d'un texte du Cahier du Maître, d'Avril 1985 de la Grande Loge de France : “ Puis, le Frère Expert confère au nouveau Maître les secrets du grade, en définissant les "cinq points parfaits de la maîtrise", c'est à dire un ensemble de gestes spontanés de redressement fraternel garantissant, tel un monument, la stabilité au nouveau maître, lui permettant ainsi de passer de l'horizontalité à la verticalité (sur les cinq points quatre sont sur l'axe de la Chambre du Milieu et le cinquième se répartissant en deux points symétriques assurant l'équilibre de la position). Le nouvel élu devant ainsi éprouver une sensation de force, de stabilité, de fermeté tels un arc boutant, un arc double de l'art gothique. C'est dans cette position qu'on se communique secrètement le "mot sacré", dont on épellera alternativement les syllabes à l'une et à l'autre oreille ”.

Deux siècles et plus séparent ces deux textes. Leurs interprétations ont été transformées de manière significative : le premier texte flirte avec le religieux, le spirituel. L'on y parle d'agenouillement, de prière, alors que le second a été épuré de toute religiosité.

Mais pourquoi donc un tel changement, une telle évolution en deux cent vingt cinq années ?
Par des travaux sur le décodage des symboles maçonniques traditionnels notre S\ Solange SUDARSKIS a ainsi établi en analysant les textes fondateurs de la maçonnerie, son origine presbytérienne et en particulier la référence du rite des cinq points du compagnonnage, à la doctrine synodale des “cinq points du calvinisme”. Cette doctrine constituait les clefs de la Rédemption en vue du salut éternel et représentaient des instruments de la résurrection des corps. Les rédacteurs du Graham en 1726, ont été influencés semble-t-il par les cinq points résurrecteur du calvinisme en ayant l’idée de relever un cadavre dans leur rituel.

Précisons que cette doctrine synodale exprimait les fondements de la foi presbytérienne sur cinq points, résumés par l’acrostiche anglais T.U.L.I.P. (Total depravity, Unconditonal election, Limited atonement, Irresistible grace, Perseverance of the saints).

Ce n’est qu’en 1730, sur fond d’opposition religieuse, que la Grande Loge d’Angleterre, en majorité anglicane, s’inspira de la tradition juive, en remplaçant Noé par le cadavre d’Hiram. L’interprétation calviniste disparu. Les calvinistes furent même accusés d’être les assassins du bâtisseur.

Hiram devenait alors une figure allégorique remplaçant celle de Jésus. La Grande loge de Londres pu ainsi entamer une herméneutique biblique à l’abri des clergés de l'époque.

La légende maçonnique d’Hiram n’avait rien d’irréel ou d’irrationnel, elle n’avait rien d’arbitraire ou d’artificiel car elle exprimait une interprétation spirituelle et non charnelle de la résurrection des morts.

S’inspirant de la théologie chrétienne, le candidat à l’élévation devait être en mesure de découvrir que le maître se donnait à celui qui serait son fils, en lui transmettant ainsi le don de la vie éternelle, afin de ressusciter en lui.

De nos jours, la simplicité est de mise. Chacun interprète, avec ses croyances et sa façon de dominer, les paradoxes de nos rituels, seuls, nos tabliers conservant les “ stigmates de la passion ” ayant fait de nous des MM\F\M\

Pour conclure sur cette essence biblique: mes frères, lors de notre élévation, nous avons donc vécu avec une inquiétude théâtrale, l’accomplissement de la typologie biblique à travers le drame d’Hiram,. Malheureusement, ce dernier est resté et restera bel et bien et définitivement au royaume des morts. Ainsi, à chaque fois qu’une nouvelle cérémonie se déroule, un nouveau récipiendaire se substitue au tombeau vide et ce, afin que le “ mourir pour re-naître ” résume bien le message initiatique de la légende hiramique.

Attention au message du REAA dans cette mise en scène, notre rituel nous indique que le sens profond de la maîtrise bien qu’elle soit réelle n’est pas effective, malgré les Cinq points résurrecteurs et que découvrir ou entrevoir le mythe, loin d’être une fin, est tout au contraire un commencement.

Et puis, ne sommes nous pas comme Sisphe, ce roi légendaire de Corinthe, roulant éternellement sa pierre sur les flancs de la montagne ?

Mais cela … est un autre sujet ! ! !

J’ai tracé

J\ F\M\

 “ Mourir pour renaître
tel est le sens de la démarche initiatique,
le sens de la Vie ”
(Régis Grandmaison)

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