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La Paresse
 
Pour nous qui glorifions le travail, les outils, la construction et à nouveau le travail que nous acclamons, il m’a semblé amusant et provocateur de me pencher sur l’attitude qui semble antinomique représentée par la paresse.
 
L’élaboration de cette planche m’a permis de découvrir, en pleine lumière, des faits du quotidien qui semblent totalement opposés à la paresse, et pourtant….on nous a si souvent dit de nous méfier des apparences !
Un Midrash commentant la morsure du serpent qu’Adam et Eve ont reçue en cédant à la tentation nous parle de ses deux crocs : l’un s’appelle tristesse et l’autre paresse.
La Genèse nous dit qu’à partir de ce moment le travail est devenu pénible à l’homme, ce qui tendrait à signifier que le travail existait avant la chute.
Pour le comprendre, il nous faut considérer le sens du mot travail en hébreu Avoda.
Son sens premier est celui de SERVICE : service de la terre en la cultivant, service de l’autre en lui procurant à manger mais également service divin.
Culte et culture se donnent ainsi la main dans une unité qui fait de l’activité de l’homme une liturgie, une harmonie entre le ciel et la terre, entre les animaux, les végétaux et les minéraux, entre les hommes.
Cette harmonie se situe dans la mission de l’homme de gouverner la terre et ainsi de continuer et d’épanouir l’œuvre de la création.
Le travail n’est pas optionnel car, comme le dit le PIRQUE AVOTH :
« Le monde tient sur trois choses : la Thora, l’Avoda et la charité fraternelle ».

Nous pourrions même dire que le travail (opus en latin) guérit l’homme des effets de la chute, de la langueur, de la tristesse et du découragement.
Le monachisme l’a bien compris et nous pourrions citer Saint Benoît qui disait qu’il est permis de travailler le dimanche car l’oisiveté est la mère de tous les vices.
 
C’est un écho de la parole de Jésus qui dit que le shabbat est fait pour l’homme et non l’homme pour le shabbat , autrement dit , si un moine risque de perdre son âme , il vaut mieux qu’il travaille en mettant le repos dominical au second plan.
Toujours selon le Midrash, la joie et le travail, le culte, le service sont des notions connexes.
C’est peut-être le grand malheur de l’homme d’aujourd’hui de ne pas avoir le choix de son travail qui l’épanouisse, dans lequel il se sente responsable et créateur de biens ou de beauté, un travail qui lui procure de la joie.
 
Mais c’est également un péché contemporain de considérer le travail comme une corvée à accomplir en attendant le moment de loisir.
 
Je profite de l’occasion pour préciser que les exégètes modernes traduisent le concept de « péché » dans le sens de « rater son but » ou « rater sa cible » , c’est à dire d’agir à contrario du projet dont chacun est porteur , plutôt que dans l’acception moralisatrice et culpabilisante trop couramment répandue.
 
La dignité de l’homme est dans le travail qui le rend co-créateur.
Mais la vie nous met parfois devant des situations qui semblent nous dépasser, qui paraissent au-dessus de nos forces, alors nous baissons les bras, nous sommes en proie au découragement que la théologie appelle l’Acédie où se mêlent tristesse et paresse.
 
Comme le dit Saint Thomas d’Aquin :
« L’acédie est une certaine tristesse qui rend l’homme paresseux dans les activités spirituelles, en raison d’une certaine langueur physique ».
Cette paresse se manifeste dans nos comportements en face de petites choses du quotidien, comme dans les prises de positions importantes.
 
 
On se demande parfois, comment tout un peuple a pu suivre un leader fanatique et malfaisant
Comme ce fut le cas dans l’Allemagne au temps du nazisme ; la plupart des bourreaux diront lors de leur procès qu’ils n’ont fait qu’exécuter les ordres.
Il ne s’agit pas là de vertu d’obéissance qui demande du courage et un travail sur soi, mais d’une démission de la volonté, d’une déchéance de sa responsabilité.
Ce genre de paresse à penser par soi-même, à réagir et à agir vient lentement, s’insinue comme le serpent dans les herbes pour finalement nous vaincre.
Comme le dit La Rochefoucault dans ses Maximes :
«C’est se tromper que de croire qu’il n’y ait que les violentes passions comme l’ambition et l’amour qui puissent triompher des autres ; la paresse , toute languissante qu’elle est , ne laisse pas d’être souvent la maîtresse».
C’est donc dans le germe que cette passion doit être vaincue, c’est dans les petites choses qu’il est nécessaire de la combattre.
 
« La paresse, ou indolence, est une forme de crainte .Or elle empêche d’agir » dit encore Saint Thomas d’Aquin dans sa Somme Théologique.
Nous pourrions continuer le raisonnement en disant que comme l’amour parfait bannit la crainte, la paresse s’oppose à l’amour.
De poser un acte, c’est s’exposer à l’incompréhension ou à la contradiction, au jugement d’autrui.
Devant la marginalisation ou la possible persécution, la paresse consiste alors à se taire, à ne rien faire qui puisse susciter la colère des puissants de ce monde ou de notre hiérarchie.
Nous demeurons alors dans un infantilisme, dans une soumission par crainte des coups.
On peut comprendre cette attitude sur le plan individuel, car elle pourrait passer pour de la prudence, mais la vraie fraternité nous pousse à un engagement pour les autres où nous aurons à souffrir.
 
Paradoxalement la paresse à réfléchir, à prendre position, à s’occuper de devoirs exigeants nous pousse à nous lancer dans un travail dont nous allons devenir dépendants.
Celui qui passe son temps à surfer sur Internet , dès qu’il rentre à la maison , fuit en fait ses responsabilités familiales , d’autres se trouveront un surcroît de travail professionnel en se justifiant auprès des siens :«C’est pour vous que je fais tout cela>.
Une activité peut cacher une paresse.
Il est des personnes qui vont totalement s’investir dans l’informatique afin de ne pas penser à ce qu’ils ont à faire dans le quotidien et à s’engager sur le long terme.
Le paresseux est toujours honteux de sa paresse, aussi cherchera-t-il consciemment ou non à la déguiser.
Pour conclure je citerai Lanza del. Vasto :
« Le but du travail n’est pas tant de faire des objets que de faire des hommes. L’homme se fait en faisant quelque chose >.
 
Gageons que la maçonnerie nous maintienne bien sur cette voie, en prenant garde de nous laisser séduire par l’apparente simplicité des choses et des attitudes.
 
J’ai dit
 
G\ D\
 
Résumé pour le F\ Secrétaire  
Dès la Genèse, Adam et Eve, succombant au serpent se font mordre par ses crocs qui s’appellent : tristesse et paresse.
Alors le travail devint pénible à l’homme.
Mais un engagement excessif dans le travail peut cacher une paresse à s’occuper de ses problèmes familiaux, avec pour prétexte qu’on fait tout cela pour eux !
C’est également un péché contemporain (au sens exégétique de rater sa cible en non de condamnation morale) de considérer le travail comme une corvée à accomplir en attendant les temps de loisirs.
C’est aussi une souffrance pour qui effectue un travail qui ne l’épanouit pas.
Paresse n’est pas que fainéantise, c’est aussi une démission de ses responsabilités et il est plus aisé de suivre les ordres de sa hiérarchie que de se rebeller.
Selon Lanza d’el Vasto :
« le but du travail n’est pas tant de faire des objets que de faire des hommes »
 
G\ D\

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