Violence de
la Délinquance Urbaine
Que n’a-t-on lu et entendu sur des personnes
littéralement tétanisées par un
sentiment d’insécurité,
n’osant plus sortir, barricadées chez elles,
perdues dans la jungle urbaine ? Les violences urbaines ont mis
à jour le malaise qui agite les quartiers
défavorisés des grandes métropoles.
Cette vision des choses a servi durant de longues années, de
fond de commerce à l’extrême droite.
Des sondages donnent une image plus mesurée du sentiment
qu’éprouvent nos compatriotes à
l’égard de la délinquance. Le
phénomène les préoccupe mais ne les
panique pas.
Si la réalité de la délinquance
demeure limitée, le sentiment d’angoisse augmente.
Les gens s’inquiètent de plus en plus des risques
encourus par un enfant qui rentre seul de l’école,
craignent de se retrouver seuls la nuit dans un lieu clos ou des
transports en commun. Une angoisse particulière est
exprimée par les femmes.
Par contre, très peu se disent inquiets à la
perspective de croiser une bande de jeunes. Les incivilités
(petites dégradations, insultes) sont cependant plus
nombreuses qu’autrefois.
Il est bon de rappeler les principales causes de cet état de
fait, d’en voir les effets, puis d’en trouver les
remèdes.
Parmi les principales causes, les plus souvent
citées sont le chômage des jeunes et
l’exclusion.
On se plaint des parents irresponsables,
débordés. On évoque la
nécessité de rétablir une
autorité, des repères et des sanctions. On
discourt sur l’école et les maîtres
débordés.
Il est dit également que l’assistance qui
s’installe dans les banlieues
déshéritées, ne donne pas tous les
droits aux jeunes des cités. On parle également
de la prévention, du rôle des
éducateurs de rue, des clubs sportifs et des centres de
réinsertion, du redéploiement des forces de
police.
Mais qu’en est-il du jeune pris dans ce milieu urbain ?
L’adolescent n’est plus motivé, il
doute, il sombre dans l’ennui qui engendre la mollesse du
corps et de l’esprit.
Les parents ont de plus en plus de mal à
exercer l’autorité de la discipline, perte
d’autorité due principalement aux conditions
sociales dans lesquelles ils vivent.
Le contexte social des quartiers populaires, les conditions de vie, le
manque de solidarité entre les gens, la méfiance,
voire le rejet de la représentation politique dans laquelle
ne se reconnaissent pas les habitants, les attentes réelles
qui s’avèrent plus complexes que les demandes
supposées, sont ressenties comme les causes les plus
fréquentes de la dérive des jeunes.
L’effet le plus visible est une
désinsertion sociale qui se traduit par plusieurs stades
bien distincts :
Tout d’abord, le jeune passe par une phase
d’agression : il réagit, tente d’attirer
l’attention, c’est une forme d’appel au
dialogue. Vient ensuite une phase de dépression qui va en
s’accentuant, et enfin l’abandon,
d’où refus de la hiérarchie, de
l’autorité, pas de futur, pas de projection dans
l’avenir, amoralité et égocentrisme
mais faible estime de soi, conduite de défi et
d’arrogance, désœuvrement
doublé d’une idolâtrie pour la violence
gratuite, d’un rapport de l’argent vicié
par les trafics divers et d’une culture qui ignore la
réalité sociale et économique du
travail.
Pour le jeune, l’adulte est celui qui fait peur, qui punit,
et non celui qui protège.
Lorsque la police intervient, elle fait le plus souvent
du rétablissement puis du maintien de l’ordre.
Elle apparaît alors aux jeunes comme une bande rivale
qu’il faut combattre et chasser.
Il ne faudrait pas, par exemple, que la casse de magasins et les
incendies de voitures deviennent pour eux une expression normale et
tolérée.
La banalisation de la violence n’est pas
acceptable car elle porte en elle les germes d’une remise en
cause de l’édifice de la démocratie,
fondée sur les trois principes : LIB\ EGA\ FRA\
Comment enrayer cette vague qui déferle sur notre
société ? Comment polir toutes ces Pierres Brutes
pour qu’elles tiennent leur place dans
l’édifice social ?
Il faut améliorer les relations et la communication entre
les jeunes, les habitants des quartiers, les services publics et les
institutions.
Il y a un besoin d’évolution dans les rapports
entre habitants et élus, besoin de créer des
lieux de dialogue où sera associée la population.
Mais il faut surtout rétablir les liens sociaux, faire
comprendre aux jeunes qu’il n’y a pas de vie
commune, de développement personnel sans respect et sans
règle. Il faut les impliquer dans des
réalisations concrètes, leur donner des
responsabilités et non pas seulement les mettre sous
tutelle.
Il faut responsabiliser les parents à leur
autorité, à leur exemple, à leur
rôle irremplaçable de père et de
mère.
La sécurité est l’affaire de tous,
Etat, collectivités locales, associations, familles. Elle
met en cause le comportement de chacun.
Quel est le rôle social que doivent tenir le
MAC\ et la F\ M\ en général, dans la
prévention de la délinquance urbaine ?
J’avoue être un peu démuni pour
répondre à cela.
Chacun doit tenir son rôle dans
l’éducation des jeunes. Il faudrait
élargir le débat sur le rôle de
l’école, le rôle des parents, le
rôle des fréquentations de l’adolescent,
le rôle des représentants de la loi et la
cohérence de toutes ces influences.
La démission familiale ne renvoie pas
uniquement au problème d’un père absent
qui travaille de nuit et qui dort le jour et d’une
mère laxiste à l’égard de
son fils. Elle concerne les relations entre enfants
eux-mêmes. Les plus grands associent en effet le jeu et
l’illégalisme.
Par exemple voler dans un supermarché, tagger les murs,
détériorer un édifice public (Abribus,
cabine téléphonique par exemple) deviennent de
plus en plus des passe-temps.
Il n’y a pas pour eux de différence majeure entre
jouer au foot et jouer à détériorer.
Les jeunes le reconnaissent eux-mêmes quand ils disent
qu’ils le font « pour
s’éclater ». La notion
d’illégalité, et surtout de risque de
sanction, n’ont pas de sens pour eux.
Ces « occupations » finissent
par se banaliser et ils entrevoient alors la possibilité de
pratiques plus intenses. Ils sont rarement
inquiétés pour les menus forfaits accomplis ici
et là. Ils ne connaissent plus les devoirs
élémentaires comme celui de respecter les codes
de la société.
Lorsque les parents sont appelés, ils viennent de moins en
moins les rechercher. D’ailleurs, de plus en plus
d’enfants n’hésitent plus à
recourir aux travailleurs sociaux. En argumentant du fait que leurs
parents les maltraitent, ils peuvent provoquer leur départ
en foyer.
Je ne m’attarderai pas sur les enseignants de certaines
écoles qui, terrorisés d’avance, se
contente de tenir le coup à défaut de tenir leur
classe.
Victime ou témoin de la
délinquance, ou encore de la rumeur que celle-ci engendre,
les populations des quartiers en difficulté, mais aussi
celle des zones immédiatement
périphériques, acceptent difficilement
l’action des représentants de la loi,
qu’elle soit répressive ou préventive.
Le sentiment d’être traité injustement
envahit souvent le conducteur pris en infraction ; il compare la
rapidité et la certitude de la sanction qui lui est
appliquée avec la lenteur et l’incertitude de
celle qui, selon lui, est infligée aux
délinquants dont il a été ou il
pourrait être la victime.
L’exécution des missions telles que
la prévention du racket à la sortie des
écoles, ou encore leurs modalités sont ressenties
comme des atteintes aux libertés publiques. Faites fouiller
les sacs à la sortie des écoles et vous verrez un
tollé général de certains partis
politiques, des parents d’élèves et des
médias s’élever contre cette action,
même si des violences sont fréquentes dans ou
à proximité de
l’établissement.
L’impunité dont le jeune délinquant
bénéficie fréquemment,
légalement, ou opportunément, lui
confère un sentiment de puissance dont la
conséquence quotidienne est un regain
d’agressivité vis-à-vis des services de
sécurité, qu’ils soient publics ou
privés.
Le problème réside souvent dans une
déresponsabilisation du public et un manque de courage
civique.
Que faire devant ces gosses de 8/10 ans, jouant
tranquillement au foot au coin d’une rue et
s’élancer dans une cage d’escalier
dès qu’un représentant de la loi
arrive. Ce n’est pas de la crainte, bien au contraire. A cet
âge là, pour 50 francs de la demi-heure, on sait
déjà faire le guet.
Il n’est pas rare de voir aussitôt
après, plusieurs grands adolescents sortir du lieu
où s’est engouffré l’enfant.
Toute activité délictueuse a disparu.
Il faut développer une police de proximité et
cette présence policière doit être
quantitative et qualitative pour être dissuasive.
Avec ce développement, il faut également mener
une action en profondeur auprès des populations pour une
meilleure image des forces de police. A quoi sert
l’éducation d’un jeune si son entourage
est contre l’application de la loi et le travail de ses
représentants ?
Il pourrait apparaître un certain nombre de
réflexions sur l’exercice du métier de
représentant de l’ordre public.
Comment rester soi-même en faisant son
métier ? Comment être efficace tout en
étant humain ? si la loi doit être
égale pour tous, comment faire respecter les
différences, comment concilier le respect de la loi et de sa
conscience.
Il faut prendre en compte également la situation du
policier, confronté à la violence. Le
représentant de l’ordre est aussi au centre du
traitement de cette violence, celle des autres, mais aussi la sienne.
Plusieurs facteurs peuvent motiver la violence policière :
la nécessité de faire appliquer la loi, le
stress, l’esprit de vengeance qui est un dérapage
exceptionnel, mais aussi la peur.
Pour le policier, s’il s’agit de garder le
contrôle de soi-même, ou de maîtriser
l’esprit de vengeance, il est plus difficile
d’apprendre à maîtriser sa peur. Le
contrôle de ses émotions devient difficile quand
les policiers sont peu nombreux face à une foule agressive.
Les jeunes ne fréquentent plus les
« maisons de quartier ». La
politique de ces centres a été
d’imposer des normes de conduite, d’inciter les
adolescents à se responsabiliser par la conception et la
réalisation de projets.
Résultats : les responsables sont souvent
agressés, les jeunes boycottent le local et cherchent
à y dérober le matériel, mais aussi
à détruire les fiches d’inscriptions,
le règlement intérieur, les dossiers
administratifs.
Astreindre le jeune délinquant à
une activité qu’il ne souhaite pas, lui donner des
leçons de morale, n’est peut-être pas la
meilleure solution pour sortir un jeune de la marginalité.
Il est très difficile de faire comprendre à un
jeune de 17 ans qui peut empocher 1 500 F en une heure dans quelques
transactions de drogue, qu’il lui faut, pour être
un citoyen à part entière, travailler 40 heures
par semaine pour à peine 6 000 F par mois.
Est-ce que ces jeunes délinquants sont susceptibles
d’amendement ? Est-ce que certains de ces « sauvageons
» sont irrécupérables ?
La justice a de tous temps cherché la solution de la
réintégration de ce type d’individus,
en effectuant des enquêtes sur la personnalité, la
famille, le milieu de chaque mineur faisant l’objet
d’une procédure judiciaire, et en modulant la
sanction en fonction de la gravité des faits et de la
récidive possible.
Il faudrait peut-être envisager la création de
maisons où chacun pourrait facilement avoir connaissance de
la justice et du droit. Il ne faut pas donner l’impression
d’être inaccessible. Le dialogue doit rester une
voie privilégiée dans tout conflit et permet bien
souvent, de désamorcer les situations avant que
l’irréparable ne se produise.
Il est à l’étude un
projet d’éloignement des mineurs à
problèmes. Mais faut-il « dépayser
» les jeunes délinquants.
S’agissant souvent de jeunes parfois illettrés,
pourquoi ne pas créer des écoles
préparatoires professionnelles
spécialisées où l’internat
serait impérativement la règle.
Encadrés par des éducateurs et moniteurs
socioprofessionnels, les jeunes délinquants pourraient ainsi
bénéficier d’un soutien scolaire et
d’une formation professionnelle afin de les sortir du ghetto
des banlieues dans lequel ils sont englués.
La société actuelle est un pavé
mosaïque, faite de cases noires et blanches, de contrastes,
d’opposition. Ténèbres et LUM\ sont
liés dans le pavé mosaïque. A vouloir
s’en tenir au Blanc, on est assailli de tous
côtés par les forces obscures. A faire du Noir sa
règle de vie on se retrouve enserré par des
formes blanches qui obligent à abandonner sa position.
Toute action appelle une réaction. Mais dans le pire, il y a
toujours le meilleur. Chacun possède sa LUM\
Le damier noir et blanc ne représente plus
l’opposition du noir et du blanc, mais le tissage qui
réalise l’étoffe de
l’être humain.
Chaque être est sacré, avec ses
ombres et ses lumières. Nous possédons tous cette
LUM\ La LUM\ n’est pas visible, elle donne à voir,
elle brille dans le noir de notre corps, de nos pensées et
de nos jugements. Le noir et le blanc son indissociables l’un
de l’autre. Nos ténèbres ne pourront
jamais détruire la LUM\ dont nous sommes issus.
Le représentant de la loi doit savoir accueillir,
écouter, se montrer courtois et patient, sans sombrer dans
la démagogie. Il doit s’adapter aux besoins de la
société.
Il ne doit pas apparaître comme un éducateur, mais
agir en complément de la famille et de
l’école. Il faut persuader les jeunes que le
respect des règles collectives, entraîne une plus
grande liberté individuelle. Il ne faut pas que tout le
monde fasse tout. Chacun a sa mission. Il s’agit de savoir
qui a failli si la délinquance continue.
La jeunesse doit se responsabiliser, mais elle
n’est pas seule en cause. Le système scolaire a
sans doute un rôle essentiel à jouer. Il peut
être lieu d’intégration et
d’épanouissement, comme lieu
d’échec et de marginalisation.
L’industrie audiovisuelle a sa part de
responsabilité également. Lorsqu’un
jeune arrive à l’âge 16-17 ans, il a
déjà vu au cinéma ou à la
télévision 15 à 20 000 meurtres, sans
parler des jeux vidéo où le héros doit
abattre le plus d’ennemis possibles dans des situations au
réalisme saisissant.
Il y a trop d’enfants vulnérables
élevés dans cette culture de violences, qui sont
progressivement désensibilisés aux
conséquences de cette violence. Cela risque de les pousser
à commettre à leur tour des actes violents.
Prévention, communication,
civilité, proximité et convivialité
sont les maîtres mots pour lutter contre la
délinquance urbaine.
Si la prévention est indispensable, il peut arriver
qu’elle ne suffise pas et la sanction est alors
nécessaire. Tout délinquant est un être
épris d’une certaine liberté. Selon son
éducation, son mode de vie, chacun a sa propre conception de
la liberté.
Elle est perçue souvent différemment
d’une communauté à l’autre,
d’une religion à l’autre.
La sanction est éducative, elle doit rappeler à
tout citoyen qu’il y a une règle, une norme, et de
ce point de vue, la sanction est nécessaire.
De tous temps, la jeunesse a posé des
problèmes de société.
Hésiode, philosophe grec disait en 720 avant J.C. :
« je n’ai plus aucun espoir pour
l’avenir de notre pays si la jeunesse
d’aujourd’hui prend le commandement demain, parce
que cette jeunesse est insupportable et sans retenue ».
Quelques trois cent ans plus tard, Socrate écrivait :
« notre jeunesse est mal
élevée, elle se moque de
l’autorité et n’a aucune
espèce de respect pour les anciens. Les enfants
répondent à leurs parents et bavardent au lieu de
travailler ».
Le problème n’est donc pas nouveau. Il
n’a fait que s’amplifier. Les jeunes
d’hier sont les adultes d’aujourd’hui, la
société se renouvelle à chaque
génération en se heurtant à la
suivante. Le problème de la délinquance urbaine
ne doit pas être minimisé pour autant.
Il faut agir ensemble. Il faut, même si cela est douloureux,
s’ouvrir à la LUM\ de l’autre.
C’est le seul chemin qui puisse exister pour effacer les
mensonges et les illusions que nous nous faisons. Cette acceptation de
l’autre dans sa totalité, ce travail de
perfectibilité que nous offre le pavé
mosaïque génère l’harmonie.
J’ai dit V\ M\
A\ L\
|