Vengeance et justice
Du Crayon et de
la plume comme outils de la pensée
Pourquoi
ce poignard dans le temple ? Pourquoi ces
épées dans la
franc-maçonnerie ? Que viennent faire ces armes
blanches dans nos
confréries qui se veulent affranchies des
servitudes du profane ?
Tout est symbole, dit-on. Tout n’est que symbole ?
Ce symbole n’en porte
pas moins sens. Si tout symbole est libre
d’interprétation par chaque frère, il
n’empêche que
l’épée porte en elle son pouvoir, sa
charge de signification que
l’on ne peut nier. Poignards, épées
sont des armes qui blessent et tuent et
font couler le sang. Ce sont les instruments d’une violence,
que celle-ci soit
légitime ou criminelle : à quoi sert une
épée ? à quoi sert le
poignard ?
Et ces têtes coupées, fichées sur leurs
piques, exposées à l’orient converti en
pilori. Exemples de la vengeance accomplie : justice est
faite ! Pour
être crédible, la justice accomplit la
vengeance ! Si elle n’épuise pas
l’énergie de la vengeance, elle ouvre la porte
à tous les ressentiments. Et la
Justice punit. Et châtie bien : prison
peut-être, exécution capitale
parfois. Couper la tête du criminel, l’exposer au
pilori. Justice est faite. Le
sang punit le sang. Le sang couvre la dette.
Et je devrais vivre tranquille. Dormez bonnes gens. Dormez mes
frères. La
Justice inflexible règle les comptes et apure les dettes. Le
rituel du chapitre
"Je Doute" a jeté le poignard aux oubliettes.
Rangé l’épée au
placard. Parce que l’épée et le
poignard ne sont pas des instruments de la
pensée, les outils de la réflexion. Encore moins
les moyens de l’Utopie.
Quelle est cette justice qui rend le sang pour le sang,
l’œil pour l’œil, la
dent pour la dent, au fil des ornières de
l’histoire depuis des milliers
d’années. Par sa violence calculée,
elle justifie la violence criminelle et lui
donne de la crédibilité. Pour punir le crime, la
justice n’aurait pas trouvé
d’autre moyen que de recourir à
l’instrument du crime. Ce faisant elle le
légitime aux yeux du criminel. Si le meurtrier tue, elle le
justifie d’avoir
semé la mort en le condamnant lui-même
à mort.
La justice est-elle accomplie en exposant à
l’orient les têtes coupées des
trois mauvais compagnons ? La justice consiste-t-elle
à éliminer par un
moyen ou un autre, le coupable ? La victime s’en
trouverait-elle
satisfaite ? Les frères trouvent-ils la
sérénité dans cette conception de
ce qui est juste ?
N’y a-t-il pas lieu d’examiner cette conception ?
Est-il possible de la faire
évoluer ? La sanction du crime passe-t-elle
nécessairement par une
répression simpliste qui prend, dans ses moyens,
modèle sur le crime ?
La franc-maçonnerie qui se veut force de proposition et se
prétend prospective,
ne pourrait-elle pas imaginer et proposer des formes plus humaines,
plus
matures, plus civilisées, de prise en compte du
délit et du crime. Le poignard
et sa symbolique sont-ils à jamais la forme du
recours ? Alors même que,
au profane, l’institution judiciaire s’interdit
aujourd’hui l’exécution
capitale et prévoit des peines de substitution pour limiter
l’incarcération
dans des prisons reconnues indignes de la République.
En supprimant le poignard et l’épée de
son paysage symbolique, le Chapitre
"Je Doute" s’est libéré du poids et des
ornières d’un passé qui
orientaient a priori la réflexion et l’ankylosait.
Sur cette table rase, il lui
reste le crayon, la plume pour tout examiner librement. Et faire des
propositions pour l’avenir, dignes de cette Utopie que la
franc-maçonnerie
affectionne.
par
Cyrille publié
dans : Pour
un riruel libéré
|